En 1803, Jacques Arpin (1762-1832) fonde la première filature de coton de l'Aisne (après les premiers essais de Dollfus), à Roupy, commune située à quelques kilomètres au sud-ouest de Saint-Quentin (la première filature saint-quentinoise est fondée en 1804 par Samuel Joly). Jacques Arpin, arrivé à Saint-Quentin vers 1777, s'associe en 1782 à M. Pluvinage pour le commerce des toiles de lins (batistes et linons), puis après la Révolution celui des tissus de coton (mousselines et percales). Une médaille d'or est décernée à Jacques Arpin à l'exposition industrielle de 1806. La filature de Roupy est équipée en 1806 de 5700 broches. Elle fut visitée en avril 1810 par Napoléon Ier, lors d'un voyage en Picardie. Mue jusqu'alors par un manège, la filature de Roupy est dotée en 1812 d'une machine à vapeur de 6 ch. construite par Charles Albert, mécanicien parisien (et collaborateur de Humphrey Edwards, repreneur des ateliers de Chaillot). Elle est dirigée après 1832 par l'un de ses fils, Emile Arpin, avant d'être acquise en 1859 par M. Laurent Charles Emile Dollé-Arpin. En 1861 elle est cédée à M. Touron, filateur à Saint-Quentin, qu'il fait démolir et reconstruire en 1892. Cette seconde filature est détruite en 1917 par l'armée allemande.
De son mariage avec Anne Pluvinage, Jacques Arpin a trois fils et une fille :
- Zélie Arpin (1796-1825) épouse Emile François Louis Dufour (né en1893), fils du célèbre Dufour-Denelle, député, fondateur en 1799 de l'apprêt situé à l'angle des rues Sainte-Catherine et Etienne-Dolet.
- Emile Arpin (né en1792), qui succède à son père après sa mort, en 1832. Il épouse Zoé Lermercier (fille de Benoît Lemercier et Sophie Paillette). Leur fils, Fernand Arpin (1866-1886) épousera Alice Paillette, fille de Gustave Paillette (1815-1882) et Isménie Robert.
- Charles Julien Frédéric Arpin, négociant-fabricant en textile à Saint-Quentin (coton), récompensé à l'exposition industrielle de 1819. Selon certaines sources, cet industriel auraient employé 2500 ouvriers autour de 1820 (Journal de la ville de Saint-Quentin, n°131, 17-02-1822, p.10-11).
- Gérard Auguste Arpin.
Celui-ci est propriétaire au début des années 1820 d'une filature de coton, à Saint-Quentin, à quelques dizaines de mètres au Sud de l'usine d'apprêt de M. Dufour-Denelle, sur les terrains où sont édifiés en 1906 les bâtiments de l'usine de boulangerie de l'Union Mutuelle. L'origine de cette filature est imprécise. Le 7 août 1812, une demande d'enquête préfectorale est déposée en vue de l'installation d'une machine à vapeur par M. Arpin, rue de la Grange (AC Saint-Quentin - Série D : 3 D 17 - courrier n°7442). Selon les indications des matrices cadastrales, cette filature est bien la propriété d'Auguste Arpin en 1821.
Elle est mise en vente par autorité de justice en 1823 et comprend alors un logement patronal et un établissement à usage de filature tenant d'un côté à l'est à la filature du sieur Tavernier, d'autre à l'ouest au jardin de la Grange, appartenant aux Hospices ; petites cours et autres bâtimens en dépendant avec latrines ; le tout estimé, non compris la pompe à feu et les cylindres 30 000 francs (Journal de la ville de Saint-Quentin et des communes environnantes, n°208, 10-08-1823, p. 2). D'après les matrices cadastrales, elle est cèdée à deux propriétaires distincts seulement en 1824 : Laurent Charles Emile Dollé-Arpin d'une part (acquereur de la filature de Roupy en 1859), Constant Tavernier associé à Gabriel Roussel d'autre part. Pourtant la mise en vente précédente, et la faillite de Tavernier & Cie en 1822 (cf. infra - Journal de la ville de Saint-Quentin et des communes environnantes. N°155) indiquerait que la séparation des deux établissements est plus ancienne. M. Dollé met d'ailleurs en vente 7 métiers à filer, rue de la Grange, dès août 1823 (Journal de la ville de Saint-Quentin et des communes environnantes, n°210, 24-08-1823, p. 8).
La partie de la filature de M. Arpin-Dollé, cédée en 1827 à Auguste Andrieux et Marie Eugène Delhumeau, filateurs, est détruite lors d'un incendie le 24 mars 1829 (Journal de la ville de Saint-Quentin et des communes environnantes, supplément au n°501, 25-03-1829, p. 7 ; récit dans le n°502, 29-03-1929, p. 22). Elle emploie alors une centaine d'ouvriers. L'autre partie, cédée dès 1825 par Tavernier et Roussel à Louis Quennesson aîné (puis acquise par Cordier-Nobécourt semble-t-il), est démolie en 1840. Sur le plan de la ville de Saint-Quentin levé par Védié et Pelletier et gravé en 1828 ("plan de la ville de Saint-Quentin avec ses agrandissements sur l'emplacement des fortifications cédées à la ville par décret impérial du 28 avril 1810"), figurent les établissements de Dollé-Arpin (avec indication d'une "pompe à feu") et de Tavernier (avec aussi une pompe à feu).
Charles Picard (Saint-Quentin de son commerce et de ses industries -1789-1866- Jules Moureau, 1867. Tome 2. p.568) signale dans son inventaire des machines à vapeur implantées à Saint-Quentin celle de M. Dollé-Arpin installée en 1819 par le constructeur saint-quentinois Casalis et Cordier, d'une puissance de 3 ch. Mais le Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale de 1821 ("Notes sur les machines à vapeur construites par MM. Casalis et Cordiers, mécaniciens à Saint-Quentin" - p.202-203) traitant des toutes premières machines construites par Casalis et Cordier, à partir de 1819, ne fait pas état de cette machine. Tous ces éléments, auxquels on peut ajouter la lithographie de Edouard Pinguet datée de 1820 (Brayer. Monumens, établissemens et sites les plus remarquables du département de l'Aisne. Paris : Engelmann-Ponthieu, 1821. 34 x 50 cm. Pl. 35), attestent de l'existence de cette filature, fondée par la famille Arpin dans les années 1810, mais de courte existence.
Selon Brayer ("Statistique du département de l´Aisne, publiée sous les hospices de M. Le Comte de Floviac, préfet et de MM. Les membres du Conseil Général". Laon : imp. De Melleville, 1824-1825), Arpin aurait fondé en 1817 la première filature de laine peignée à Saint-Quentin, suivi de Dufour-Denelle. Selon Charles Picard, la première filature de laine aurait été fondée beaucoup plus tard, en 1839, par Cambronne.
Le détail du matériel de la filature Tavernier en 1822 nous est connu, lors de la mise en location de l'établissement après faillite de la société Tavernier & Cie (Louis-Constant Tavernier et François-Emamnuel-Gabriel Roussel) :
Extrait de : Journal de la ville de Saint-Quentin et des communes environnantes, n°155, 04-08-1822, p. 3.
Filature de cotons, à Saint-Quentin, à louer par adjudication,
Le Vendredi 9 aôut 1822, trois heures après-midi, il sera procédé, en l'étude et par-devant Me Desains, notaire au-dit Saint-Quentin, à la location, au plus offrant et dernier enchérisseur, d'une filature de cotons, presqu'en pleine activité, et des bâtiments qui la contiennent, situés en la rue de la Grange.
La filature se compose comme il suit :
Une machine à vapeur de la force de deux chevaux, avec mouvement intérieur ; sept tables à battre et à éplucher ; deux cardes doubles, en brisoir ; neuf cardes simples, en finissoir ; deux étirages doubles, dont un réparé à neuf, et un étirage simple, nouveau système et neuf, avec leurs pots en fer-blanc ; un métier en gros de 112 broches ; un de 108 broches, un autre de [1]96 broches ; six métiers en fin de 224 broches, quatre de 216 broches, quatre de 204 broches, et un autre de 180 broches ; cinq dévidoirs, et un petit à échantillonner ; deux pelotteuses ; une presse, une romaine, bureaux, rayons, papiers, poids, balances, et autres outils et ustensiles à l'usage d'une filature de cotons.
S'adresser audit Me Desains, et à MM. Desquilbert, L.-A. Baligant fils et Villette, syndics provisoires de la faillite des sieurs Tavernier et Cie, ex-filateurs à Saint-Quentin.
Deux ans plus tard le bâtiment de la filature Tavernier est mis en vente :
Extrait de : Journal de la ville de Saint-Quentin et des communes environnantes, n°264, 03-10-1824, pp. 1-3.
Une maison d'habitation, bâtimens et filature, situés à St-Quentin, rue de la grange, arrondissement dudit St-Quentin, département de l'Aisne, tenant d'un bout au jardin du Sr Dollé-Arpin, comme acquéreur des héritiers Auguste Arpin, d'autre bout à la rue de la Grange ; d'un côté à la filature dudit sieur Dollé-Arpin, d'autre côté à la rue des Oiselets [rue de l'Evêché].
Cette maison se compose : d'un corps de bâtiment, dit la fabrique, meusurant intérieurement 35 mètres 80 centimètres de longueur, sur 8 mètres 20 centimèt. de largeur, ayant au rez de chaussée, près de l'entrée, une loge de portier, une salle occupée par les métiers en fin, avec salles au-dessus, ledit bâtiment construit en pierres et briques, et couvert en ardoises etc.
Dans ladite cour, contre la filature, se trouve un puits, avec la pompe à feu, laquelle n'appartenant pas à la faillite, ne sera point comprise dans la vente etc.