Dossier d’œuvre architecture IA62005165 | Réalisé par
Girard Karine (Rédacteur)
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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  • enquête thématique régionale, La première Reconstruction
  • patrimoine mémoriel
Monument aux morts de la Première Guerre mondiale de Bapaume
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes du Sud-Artois - Bapaume
  • Commune Bapaume
  • Adresse avenue Abel-Guidet , anciennes Promenades
  • Cadastre 2017 000 AE 01 60
  • Dénominations
    monument aux morts
  • Parties constituantes non étudiées
    clôture

Le monument aux morts de Bapaume, construit en 1924 et 1925 sur un dessin de l'artiste local Daniel Langlet, fait partie des quatre monuments communaux commémorant les guerres où la France a été l'un des belligérants : un monument pour la guerre de 1870 (érigé dans le cimetière communal) auquel on peut également rattacher la statue du général Faidherbe, et trois pour les deux guerres mondiales du 20e siècle (monument Briquet-Tailliandier sur le mur de la mairie et monument aux morts pour la première guerre - qui comporte aussi le nom des morts de la seconde - et monument à Abel Guidet pour la seconde).

La date de décision de la construction du monument aux morts par la ville est un peu plus tardive que la moyenne : 1922 au lieu de 1920. Contrairement à beaucoup de communes, Bapaume ne commande pas un monument tout fait et moins onéreux sur catalogue, mais fait appel à un artiste local pour proposer un projet de monument et à un sculpteur de la région pour assurer sa réalisation. L'artiste choisi, Daniel Langlet, est également l'auteur du Chemin de croix de l'église Saint-Nicolas de Bapaume et du Tableau commémoratif des morts de la première guerre mondiale peint en juillet 1920 également conservé dans cette église.

L'installation du monument dans une zone où il est visible de tous et qui permet d'accueillir la population lors des journées de commémoration, la création autour du monument d'un espace singulier clos et paysager qui établit un enclos sacré, l'utilisation d'obus pour délimiter cet espace, sont couramment utilisés dans l'érection des monuments aux morts. Il en va de même pour la référence architecturale à l'antiquité que constituent les pilastres et l'arc de couvrement et l'entablement du mur gravé, ou de l'association du nom de la commune à la Patrie.

Les figures de femme et d'enfant présentes sur de nombreux monuments aux morts se prêtent à plusieurs interprétations. Selon Dégardin (1945), la femme représente la ville de Bapaume et le jeune enfant, un écolier en culottes courtes, symbolise la jeunesse et la renaissance. Mais on peut également y lire les figures de la veuve (le personnage féminin porte un voile qui pourrait être un voile de deuil) et de l'orphelin, si fréquentes dans les représentations des monuments aux morts, tout comme le message selon lequel il appartient au fils de se souvenir du sacrifice de son père et d’imiter son courage. La présentation des noms des morts par liste alphabétique par année de décès, sans précision de grades, est également typique de ces monuments qui rendent hommage au "citoyen - soldat" (Patrick Roques, L'art de la guerre - les monuments aux morts remarquables d'Occitanie) : la Première Guerre mondiale est en effet la première où il n'existe plus ni tirage au sort des conscrits, ni possibilités de remplacement. C'est également l'illustration du mot "égalité" de la devise de la France.

La maquette en plâtre proposée par Langlet, conservée au musée local, montre un projet plus original que le monument final : l'angle supérieur droit, volontairement ruiné, rappelait sans doute les destructions architecturales dont la ville avait souffert, ce qui en faisait également une victime de guerre. Mais peut-être ce moment ruiné, appelé à demeurer un rappel de l'état de désolation de Bapaume à la fin de la guerre, n'était-il pas en accord avec l'état d'esprit d'une communauté engagée dans la reconstruction de sa ville. De même, le soldat armé, image trop parlante du conflit et de la mort donnée ou reçue, a-t-il été supprimé du projet final. Si l'on compare avec le premier projet, on voit aussi qu'il ne comprenait aucun jeune garçon, gommant ainsi l'idée de transmission du souvenir et de justification des morts, et que la jeune femme solitaire est à gauche du monument. Elle ne porte pas de voile de deuil et la forme du vêtement et son drapé sont plus franchement antiquisants.

Si les personnages de femme et d'enfant sont communément présents sur les monuments aux morts, l'agencement de la composition du groupe sculpté (femme drapée à l'antique et voilée, posant une de ses mains sur l'épaule d'un jeune garçon tandis que l'autre indique à l'aide d'une palme le texte à lire sur le monument) n'est pas si fréquente. Elle est d'autre part très similaire à celle visible sur le monument de Bohain en Vermandois. Or "Ce monument magnifique dû au ciseau du grand sculpteur Dubois et au talent du distingué architecte Saint-Quentinois M. Malgras [qui] représente une femme dont le long deuil symbolise toutes les douleurs, montrant à son jeune fils les noms des morts glorieux de la cité" (extrait du journal Le Grand écho de l'Aisne du 24 octobre 1923), est inauguré en octobre 1923, soit presqu'une année avant que le projet définitif du monument bapalmois ne soit remis à la commission. On peut supposer que, au-delà de l'attachement à une même culture très classique partagée par la majorité des créateurs de monuments aux morts, Langlet se soit inspiré du groupe sculpté du monument de Bohain. Cela expliquerait aussi les différences importantes qui existent entre le projet initial de Langlet et celui finalement exécuté.

En l'état des connaissances actuelles, il ne semble pas que Langlet ait réalisé d'autres monuments aux morts.

Le contexte

Dès 1922, la ville décide de la construction d'un monument pour commémorer le sacrifice des citoyens de la commune, militaires ou civils, morts pendant le conflit. Le conseil municipal, lors de sa séance du 5 octobre 1922 (AD Pas de Calais, 2O 617.3), constitue une commission pour suivre le projet puis les travaux. Présidée par le maire, elle comprend des conseillers municipaux, des anciens combattants, les architectes de la ville (Bidard et Maurin), Daniel Langlet, au titre d'artiste local reconnu. Cette commission a également comme objectif de "faire appel à la générosité publique pour l'érection du monument". Le Conseil municipal confie à Daniel Langlet la responsabilité d’imaginer le monument.

Ce dernier propose deux projets dessinés, conservés aux AD du Pas de Calais (20 617.3) faisant varier le nombre et l'emplacement des personnages (une femme portant une palme, un enfant, un soldat agenouillé...), la forme du fronton, la présence au sol d'un bouquet de fleurs autour du livre ouvert... Une maquette en plâtre conservée au musée de Bapaume, traduction en volume du projet refusé, montre un angle supérieur droit volontairement ruiné et un soldat armé.

Éléments de chronologie du projet

Début 1924, la commune, qui a ajouté aux 25 419 francs recueillis par la commission le produit de la vente de terrains, dispose d'une somme de 54 500 francs pour réaliser le projet. A titre de comparaison, c'est le coût de reconstruction d'une petite maison.Le conseil municipal du mois d'avril de la même année valide le second projet proposé par Daniel Langlet, ainsi que le budget afférent. Le lieu d'implantation du monument est choisi à proximité de l'église, à l'emplacement de l'ancienne école supérieure.

Après validation du projet municipal par la préfecture, un marché de gré à gré est passé avec M. Langlet en juillet 1924 (AD Pas de Calais, 2O 617/3). Le texte précise que : "le monument et les sujets seront en pierre de Savonnières et les marches en Soignies [...]. Les inscriptions seront gravées dans la pierre et teintées [...]. La largeur totale du monument est de 6 m, l'épaisseur du mur de 0,45 m et la largeur du panneau de fond de 3,60 m. La largeur prise en bas des marches est de 6 m. Le cube approximatif de pierre est de 16 m et le poids approximatif de 35 000 kg". Les travaux sont placés sous la responsabilité d'Eugène Bidard.

En août 1925, les fondations sont achevées.

La sculpture est réalisée par M. Hoew, professeur de sculpture à l’école des Beaux-Arts de Lille.

Le monument est inauguré en octobre 1925, en présence de M. Bénazet, haut commissaire à l’instruction publique, représentant M. Painlevé, président du Conseil. Les fêtes données pour l'inauguration ont coûté 15 000 francs.

Les modifications ultérieures

En 1933, le monument est entouré d'une grille en fer forgé percée d'une porte à deux vantaux sur l'avant du monument, ainsi que par des chaînes sur les trois autres côtés. "La ville disposant de trois obus de gros et très gros calibre", ils seront utilisés pour fermer le passage entre l'espace du monument et le bâtiment qui le jouxte. L'ensemble est réalisé en un mois par M. Copin, pour un coût de 5 000 francs (AD du Pas de Calais, 2O 616.18). Le devis descriptif précise les mesures : 1,20 m de haut pour la grille, avec des barreaux et ornements en fer plat de 20 mm de section ; panneaux d'environ 1,20 m de largeur comprenant trois barreaux réunis par une traverse droite et encadrés de contreforts ; la traverse qui achève les vantaux de la porte doit être cintrée pour atteindre une hauteur de 1 m au milieu de la porte... un dessin accompagne le devis (AD du Pas de Calais, 20 616.18).

Le livre en marbre initialement posé au pied du mur et portant la liste des victimes civiles de la première guerre est déplacé après la seconde guerre le long de la balustrade. L'emplacement ainsi libéré au bas du monument est utilisé pour inscrire le nom des victimes du second conflit.

Vers l'année 2000, les statues du monument sont vandalisées (la femme n'avait plus le bras tenant la palme, tandis que l'enfant avait été décapité et n'avait plus de jambes). La commune prend la décision de faire restaurer les statues pour le centenaire du début de la guerre. Le travail est réalisé par Daniel Di Vita, sculpteur. A cette occasion, le monument est nettoyé et les lettrages repeints (site Internet Mémoires de pierre).

Grâce à la restauration effectuée à l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, le monument visible aujourd'hui est identique à celui érigé en 1925, y compris en ce qui concerne la grille, les chaines clôturant l'espace ou les espaces végétalisés qui l'entourent. La disposition générale actuelle respecte le dessin prévu sur le plan d'ensemble de 1925.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1925, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Langlet Daniel
      Langlet Daniel

      Né et mort à Bapaume. Après des études à l’École des Beaux-Arts de Lille puis de Bruxelles, il s'installe dans sa ville natale comme artiste peintre (recensement de 1931) et marchand de couleurs au décès de son père en 1940 (magasin rue des récollets). Il enseigne également le dessin au collège Saint Jean Baptiste.

      En 1920, il peint le tableau commémoratif des morts installé dans l'église St Nicolas, pour laquelle il réalise également entre 1933 et 1937 les tableaux du chemin de croix et le décor en fausses mosaïques de la chapelle Notre Dame de Pitié.

      On lui doit le modèle du monument aux morts de la première guerre mondiale en 1925.

      Il a également peint le chemin de croix de la chapelle du collège Saint Jean Baptiste en 1930.

      Lucien Langlet est son fils.

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      architecte attribution par source
    • Auteur :
      Haeuw D.
      Haeuw D.

      Sculpteur. Professeur à l'école des Beaux Arts de Lille.

      On lui doit également le monument aux morts de Beaucamps-Ligny dans le Nord.

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      sculpteur attribution par source

Le monument en forme de stèle monumentale accompagnée d'une représentation figurée est installé au milieu d'une parcelle paysagée bordée d'une chaine basse fixée sur de petits poteaux sur le côté droit et l'arrière, et portée par trois obus sur sa droite. Une grille sur mur-bahut, interrompue par un portail bas à deux vantaux, ferme l'espace sur le devant. Le portail ouvre sur une longue allée pavée qui donne accès à la petite esplanade gravillonnée qui précède le monument proprement dit.

Placée au centre d'un exèdre à balustres en poire, la stèle monumentale en pierre de Savonnières porte les noms des morts de la commune. Elle est encadrée de pilastres cannelés et surmontée d'un fronton en arc surbaissé achevé par une corniche. Devant le pilastre de droite, une jeune femme vêtue d'une tunique drapée à l'antique et la tête partiellement voilée indique, avec la palme qu'elle porte dans sa main droite, les trois tables saillantes sur lesquelles les noms des morts sont gravés. De son bras gauche, elle entoure les épaules d'un jeune garçon debout à son côté portant sur son bras une couronne mortuaire. Tous les deux ont la tête relevée indiquant qu'ils sont en train de lire le nom des morts portés sur le monument. En dessous du fronton, qui porte un blason avec les armes de la ville (trois mains ouvertes, doigts vers le haut, disposées aux angles d'un triangle) entouré d'une guirlande de fleurs en chute, est gravée la phrase "Pro Patria, la ville de Bapaume à ses enfants". La table au bas du monument porte le nom des victimes de la seconde guerre mondiale. Enfin, contre la balustrade, un livre ouvert en marbre porte le nom des victimes civiles de la première guerre mondiale.

Les statues, les guirlandes de fleur et la balustrade sont dans un ton jaune, tandis que la stèle est de couleur beige.

Les grilles et le portail ont, comme seules décorations, des motifs circulaires inclus dans la trame et des cercles inscrits dans un carré, ces derniers dépassant à intervalles réguliers de la hauteur de la grille.

  • Murs
    • calcaire
  • Typologies
    stèle (1er quart 20e siècle) ; représentation figurée (haut-relief) (1er quart 20e siècle) ; aménagement végétal
  • Techniques
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune

Documents d'archives

  • AD Pas-de-Calais. Série 2O ; 2O 617/3. Dossier d'administration communale. Commune de Bapaume. 2O 617/3 : Dossier de construction du monument aux morts : délibération, devis, dessin des projets intermédiaires et du projet final.

    Liste des documents figurés utilisés dans la notice :

    - Projet non retenu. Dessin à l'encre et aquarelle. Signé par Daniel Langlet (artiste) et Gaston Stenne (maire). Daté de 7 mars 1924. Le dessin porte la mention manuscrite "ancien projet".

    - Projet validé. Dessin à la mine de plomb, ni signé ni daté.

    - Ville de Bapaume - Emplacement pour l'érection du Monument aux Morts. Dessin à l'encre de chine aquarellé. Ni signé, ni daté.

    Délibération, devis, dessin des projets intermédiaires et du projet final.
  • AD Pas-de-Calais. Série 2O ; 2O 616/18. Dossier d'administration communale. Commune de Bapaume. 2O 616/18 : Dossier de construction du monument aux morts : clôture du monument : dessins, PV réception travaux, devis.

    Liste des documents figurés utilisés dans la notice :

    - Dessin d'implantation de la clôture et de la grille du monument aux morts. Ni signé, ni daté.

    Dessins, PV réception travaux, devis.

Bibliographie

  • DÉGARDIN, Gaston. Rues et monuments de Bapaume. Arras : Presses de l'imprimerie centrale de l'Artois, 1945.

    p. 173-174
  • OCCITANIE / PYRÉNÉES - MÉDITERRANÉE. Inventaire général du patrimoine culturel. L'art de la guerre, les monuments aux morts remarquables d'Occitanie. Toulouse : imprimerie Delort, 2018 (Images du Patrimoine ; 307).

  • Archéo - bulletin de la société archéologique et historique de Bapaume et sa région. n° 78, octobre 2005

    n°72, novembre 2001

Documents figurés

  • Bapaume, monument élévé à la mémoire des enfants de Bapaume morts au champs d'honneur (inauguré le 4 octonbre 1923). Carte postale (coll. part.), 1923.

  • Bapaume (P.-de-C.). Le monument érigé à la mémoire des enfants de Bapaume morts pour la France (1914 - 1918). The war memorial. Carte postale, après 1926.

Documents multimédia

  • https://memoiresdepierre.pagesperso-orange.fr/alphabetnew/b/bapaumebriquet.html

    (consulté le 15 janvier 2020)

Date(s) d'enquête : 2018; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Girard Karine
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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