Dossier d’œuvre objet IM02005333 | Réalisé par
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Plouvier Martine
Plouvier Martine

Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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  • mobilier et objets religieux, la cathédrale de Soissons
Verrière figurée (verrière légendaire) : le Jugement dernier (baie 101)
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Grand Soissons Agglomération - Soissons-Sud
  • Commune Soissons
  • Adresse Cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais , place Cardinal-Binet
  • Dénominations
    verrière
  • Titres
    • Jugement dernier (le)
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

La verrière du Jugement dernier a été réalisée dans le premier quart du 13e siècle, probablement vers 1212, date de prise de possession du chœur par le chapitre. On ignore qui finança sa réalisation, même si les écrivains d'Ancien Régime attribuent à l'évêque Haymar de Provins, le don de deux vitres du chœur, et à la comtesse Aliénor de Valois, celui d'une autre verrière.

Par la suite, rien de précis n'est connu sur l'histoire de cette verrière jusqu'au début du 19e siècle.

L'ensemble des verrières de la cathédrale souffre d'un manque d'entretien pendant la Révolution et profite d'une restauration vers 1807, à l'aide de panneaux de vitraux provenant de l'église abbatiale Saint-Jean-des-Vignes qu'on commence à détruire. Gravement endommagées par l'explosion de la poudrière du bastion Saint-Remy, le 13 octobre 1815, puis par un ouragan en décembre 1815, les verrières sont réparées en 1816 ou 1817, intégrant au besoin des panneaux ou des verres provenant cette fois de l'église abbatiale de Braine, en cours de démolition partielle. Le devis de l'architecte-expert Louis Duroché (Archives diocésaines), daté du 8 février 1816, souligne les graves dommages subis par les verrières de l'abside, dans lesquelles de nombreux panneaux sont à refaire à neuf. Ces verrières sont alors complètement remaniées, les manques étant comblés par des scènes ou des personnages empruntés à d'autres verrières de la cathédrale, ou aux édifices précédemment cités. Le baron Ferdinand de Guilhermy, qui visite la cathédrale de Soissons vers le milieu du 19e siècle, décrit l'aspect de cette verrière avant que soit entreprise la restauration méthodique du vitrage de l'édifice. Le vitrail, très confus, occupe alors la baie 102. F. de Guilhermy y distingue deux anges à la porte du Paradis, d'autres anges sonnant de la trompette, une cuve contenant les damnés, enfin des démons. Ces panneaux sont mélangés à d'autres provenant de l'Arbre de Jessé voisin. En revanche, un mort qui ressuscite est incrusté dans la verrière 101.

La restauration des verrières de l'abside commence vers 1865 par la verrière 104, consacrée à la mort de la Vierge. Puis le projet de rétablir les quatre verrières voisines émerge progressivement. Ces verrières et les verrières absidales sont déposées en 1882, puis mises en caisses, tandis que les baies sont bouchées par une maçonnerie de brique. Il faut attendre quelques années pour que la fabrique accepte de participer financièrement à cette restauration. En 1889-1890, le vitrail central (baie 100) est restauré par le peintre-verrier parisien Édouard Didron. Puis, au milieu de l'année 1890, plusieurs peintres-verriers soumissionnent pour restaurer les trois autr es verrières figurées de l'abside. Cette fois, le marché est emporté par Félix Gaudin, qui a consenti le rabais le plus important. Les verrières sont recomposées, les éléments subsistants sont restaurés, puis les panneaux et personnages manquants sont créés dans le style du 13e siècle. Enfin, cette verrière est posée dans la baie 101 pour les fêtes de Pâques 1891 (d'après la documentation de l'administration des Cultes).

Pendant la Première Guerre mondiale, la verrière est déposée en deux campagnes, en 1915 pour le tiers inférieur, puis en 1917 pour les deux tiers supérieurs. Comme le montrent les photographies réalisées au moment de la restauration, la verrière, orientée au nord-est, a été gravement atteinte par les tirs de l'artillerie allemande, installée au nord de Soissons. Certains panneaux, provenant de la partie supérieure, ont presque entièrement perdu leurs verres, et le tracé de leurs plombs, arrachés ou déformés, est difficile à imaginer.

À l'issue du conflit, le chœur, moins atteint que la nef, est rapidement restauré. Le vitrail est remis en état en 1923-1924 par le peintre-verrier parisien Jean Gaudin (fils de Félix Gaudin) qui, dans les archives de son atelier, dispose de la documentation nécessaire à ce travail délicat. Si la verrière reprend alors son aspect d'avant-guerre, la surface de verres anciens conservés est désormais infime. Déposé une nouvelle fois en 1939, et conservé pendant toute la Seconde Guerre mondiale au musée des Monuments français, le vitrail a été restauré par le peintre-verrier parisien Georges Bourgeot (3 rue des Gobelins) et reposé en 1946 (d'après les archives du service des Monuments historiques).

La verrière prend place dans une baie libre en forme de grande lancette, qui s'achève en arc brisé à sa partie supérieure. Elle est composée de treize registres superposés de trois panneaux (bordure inférieure comprise), accueillant une composition de quatre quadrilobes superposés, reliés par six demi-cercles. Ces compartiments renferment, soit des scènes, soit des personnages isolés. Elle est formée d'un assemblage de pièces de "verre antique" rehaussées de grisaille. Comme souvent, le verre rouge, qui est un verre doublé, présente par endroits un aspect hétérogène.

  • Catégories
    vitrail
  • Structures
    • baie libre, rectangulaire vertical, en arc brisé
  • Matériaux
    • verre transparent, soufflé, taillé, peint, grisaille sur verre
    • plomb, réseau
  • Précision dimensions

    Mesures approximatives : h = 1000 ; la = 250.

  • Précision représentations

    Le vitrail se déchiffre de bas en haut.

    - Deux quarts de cercle sont occupés par des arbres et des tombeaux ouverts.

    - Le premier quatrefeuilles est consacré à la résurrection des morts et au pèsement des âmes. Au centre, un grand ange debout et de trois-quarts pèse des âmes symbolisées par des têtes. Un démon de profil tire sur un des plateaux de la balance. La composition est incomplète, puisqu'on ne voit pas les jambes de l'ange, ni la moitié inférieure du corps du démon. Autour d'eux, quatre hommes nus, drapés dans leur linceul, sortent de leur tombe dont le couvercle est repoussé.

    - Dans les demi-cercles supérieurs, deux anges debout, de profil ou de trois-quarts, soufflent dans une trompe.

    - Le deuxième quatrefeuilles est réservé à l'enfer. Au centre, un démon nu, au visage monstrueux et surmonté de cornes, est représenté de profil, appuyé sur un trident. Il observe un damné apeuré qui brûle dans les flammes. En dessous d'eux, une cuve d'où émergent les têtes de damnés, dont celle d'un prélat, est posée sur des flammes. Dans les trois autres feuilles, des démons cornus, debout et de profil ou de trois-quarts, apportent, jetés sur leurs épaules, les corps nus de damnés qu'ils s'apprêtent à jeter dans la fournaise.

    - Le demi-cercle supérieur droit est occupé par un démon cornu, aux chevilles ailées (comme ceux de l'enfer), représenté debout et de trois-quarts. Il entraîne avec une corde un groupe de damnés à l'attitude désolée. Dans le demi-cercle gauche, un ange, debout et de trois-quarts, conduit un élu en prière et lui désigne le Christ.

    - Le centre du troisième quatrefeuilles est réservé aux trois personnes de la Trinité, portant chacune une auréole crucifère. Dieu, debout et de face, fait un geste de bénédiction. Il présente le Christ en croix, au-dessus duquel vole la colombe du Saint-Esprit. La Trinité est encadrée par deux anges déférents, représentés de profil.

    - Dans les deux demi-cercles supérieurs, un ange de face et l'un de trois-quarts, armés d'une lance, paraissent désigner de l'autre main la porte du Paradis.

    - Le quatrefeuilles supérieur est consacré au Paradis. Un ange et saint Pierre à mi-corps, en encadrent la porte. Au centre, un ange accompagne un groupe de nouveaux arrivés, vus de face, qui lèvent les yeux vers la représentation sommitale du "sein d'Abraham", allusion au séjour des bienheureux. Abraham, de face et à mi-corps, tient des feuillages ou des palmes dans ses mains. Il porte dans un linge blanc les âmes des élus. A droite et à gauche, des saints et des élus, assis, semblent plaider en faveur des nouveaux arrivés.

    La verrière est entourée d'une frise de feuillage.

    Cette verrière, par sa composition et son iconographie, rappelle une verrière contemporaine et de même sujet du déambulatoire de la cathédrale de Bourges, qui a pu servir de source d'inspiration, lors de la reconstitution du vitrail à la fin du 19e siècle. Par exemple, la représentation du sein d'Abraham est identique, avec la présence des palmes dans les mains d'Abraham. La comparaison témoigne également de la transformation de certains sujets. À Soissons, les deux anges armés de lances, thème fort surprenant, sont à Bourges des anges portant les instruments de la Passion, dont la lance qui a percé le côté et le cœur du Christ. Cette dernière représentation est évidemment plus appropriée à une verrière du Jugement dernier puisqu'elle évoque le sacrifice du Christ et le rachat du péché originel.

  • État de conservation
    • oeuvre restaurée
    • oeuvre recomposée
    • partie remplacée
    • plombs de casse
  • Précision état de conservation

    S'il est probable que la verrière a été restaurée sous l'Ancien Régime, la mention précise ne nous en est pas parvenue. Quoi qu'il en soit, elle profite de réparations après la période révolutionnaire, puis surtout en 1916 ou 1917, après l'explosion de la poudrière du bastion Saint-Remy. La verrière souffre terriblement du souffle de la déflagration. Le devis, dressé par Louis Duroché le 8 février 1816, signale en effet qu'elle devrait être refaite à neuf et remise en plomb. La réparation des verrières de la cathédrale est alors effectuée sans méthode, et les panneaux sont remontés dans le plus grand désordre. Une description datée du milieu du 19e siècle témoigne que cette verrière occupe alors la baie 102, où elle intègre, au mépris de la logique, plusieurs panneaux provenant de l'arbre de Jessé voisin. Il est possible en revanche qu'un élément ait été placé dans la verrière 101, puisqu'on y voit en particulier "un mort qui ressuscite".

    Dans le cadre d'une restauration raisonnée du vitrage de la cathédrale, la verrière est confiée en 1890 au peintre-verrier Félix Gaudin. Les éléments étrangers à la composition d'origine sont retirés, les personnages subsistants sont recomposés et restaurés, et plusieurs panneaux et personnages manquants sont créés dans le style du début du 13e siècle. Dès cette époque, la surface de verres originaux conservés dans la verrière est certainement peu étendue.

    Pendant la Première Guerre mondiale, cette verrière est déposée en deux campagnes, en 1915 pour le tiers inférieur, puis en 1917 pour les panneaux supérieurs. Comme le montrent les photographies réalisées au moment de la restauration, la verrière, orientée au nord-est, a été gravement atteinte par les tirs de l'artillerie allemande. Certains panneaux ont presque entièrement perdu leurs verres, et il est difficile de se représenter le tracé de leurs plombs, arrachés ou déformés. Le vitrail est restauré en 1923-1924 par le peintre-verrier parisien Jean Gaudin (fils de Félix Gaudin) qui, dans les archives de son atelier, dispose de la documentation nécessaire à ce travail délicat. Si la verrière reprend alors son aspect d'avant-guerre, la surface de verres anciens conservés est désormais infime.

    À nouveau déposée en 1939, elle a été restaurée et remise en place en 1946, par Georges Bourgeot.

  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler
  • Protections
    classé au titre immeuble, 1862
  • Référence MH

La cathédrale ayant été classée par liste de 1862, les objets qui, comme les verrières médiévales, étaient incorporés à l'édifice à cette date, profitent de la même protection.

Documents d'archives

  • AN. Série F ; Sous-série F 19 (Cultes) : F 19, carton 7890 (Travaux exécutés dans la cathédrale de Soissons au cours de la période concordataire ; 1887-1893).

    Rapport de l'architecte Paul Gout (1er août 1889), lettre de Paul Gout au ministre (3 février 1890), mémoire de Félix Gaudin (5 mars 1891).
  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 195. Réparations diverses (1923).

    Dossier Travaux 1923 (rapport de l'architecte E. Brunet, présenté le 22 août 1923 ; note d'E. Brunet, du 15 septembre 1923).
  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 205. Soissons, cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais, dommages de guerre (1945-1950) ; travaux (1953-1979).

    Dossier 17 : travaux de 1945 à 1950 (Mémoire des travaux de pose de vitraux anciens exécutés par Monsieur Bourgeot).
  • A. Evêché Soissons. Série L (temporel) ; Sous-série 6 L : 6 L Soissons 1815-1818 (travaux de la cathédrale, à la suite de l'explosion).

    2e dossier, devis de l'architecte Duroché, daté du 8 février 1816.
  • BnF (Cabinet des Manuscrits) : naf 6109 (collection Guilhermy, 16). Description des localités de la France (Soissons).

    folios 255 v°-256 r°.

Bibliographie

  • ANCIEN, Jean. Vitraux de la cathédrale de Soissons. Réédition du livre du 24 juillet 1980. Neuilly-Saint-Front : imprimerie Lévêque, 2006.

    p. 100-103.
  • DORMAY, chanoine Claude. Histoire de la ville de Soissons, et de ses rois, ducs, comtes et gouverneurs. Avec une suitte des Evesques, & un Abbregé de leurs actions : diverses remarques sur le clergé, & particulierement sur l'Eglise Cathedrale ; et plusieurs recherches sur les vicomtez & les Maisons Illustres du Soissonnois. Soissons : Nicolas Asseline, 1663-1664, 2 vol.

    t. 2, p. 194.
  • FRANCE. Corpus Vitrearum Medii Aevi. Les vitraux de Paris, de la Région parisienne, de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais. Recensement des vitraux anciens de la France, vol. 1. Paris : éditions du CNRS, 1978.

    p. 171.
  • Soissons. - La Station de Carême - Restauration de la Cathédrale. La Semaine religieuse du Diocèse de Soissons et Laon, 1891, n° 15, samedi 11 avril 1891.

    p. 239.
  • GRODECKI, Louis, BRISAC, Catherine. Le vitrail gothique au XIIIe siècle. Fribourg : Office du Livre, 1984.

    p. 38.
Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2012
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Plouvier Martine
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Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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