Dossier d’œuvre objet IM02005316 | Réalisé par
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Plouvier Martine
Plouvier Martine

Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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  • mobilier et objets religieux, la cathédrale de Soissons
Verrière légendaire (vitrail archéologique, verrière hagiographique) : scènes de l'histoire de saint Crépin et saint Crépinien (baie 6)
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Ministère de la culture - Inventaire général
  • (c) Département de l'Aisne
  • (c) AGIR-Pic

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Grand Soissons Agglomération - Soissons-Sud
  • Vol
  • Commune Soissons
  • Adresse Cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais , place Cardinal-Binet
  • Emplacement dans l'édifice deuxième chapelle sud du déambulatoire, dite chapelle Saint-Paul (baie 6)
  • Commune : Washington
  • Dénominations
    verrière
  • Titres
    • Scènes de l'histoire de saint Crépin et saint Crépinien
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Sacré en 1890, Monseigneur Jean-Baptiste Duval forme le dessein de restituer les verrières des deux chapelles qui encadrent la chapelle axiale du déambulatoire. La chapelle Saint-Paul devient alors la destinataire d'un ensemble de trois verrières consacré aux saints évangélisateurs soissonnais Crépin et Crépinien.

Un article, publié en 1858 dans le bulletin de la Société historique locale, signale qu'il subsistait encore à cette époque dans la cathédrale (au moins) trois médaillons du 13e siècle se rapportant à ce récit hagiographique. Malheureusement, l'auteur ne précise pas dans quelle baie étaient présentées ces scènes. Si l'on en croit le baron de Guilhermy, qui décrit avec une grande précision la cathédrale vers le milieu du 19e siècle, plusieurs médaillons à petits sujets servaient de bouche-trou dans les fenêtres hautes du chœur, depuis la restauration qui avait suivi l'explosion d'une poudrière en octobre 1815. En revanche, la chapelle Saint-Paul n'était alors ornée que de fragments et de grands personnages, disproportionnés pour les fenêtres où ils avaient pris place. Aucun médaillon se rapportant à la vie d'un martyr ne participait encore à son vitrage.

Dans le cadre de la restauration de la cathédrale qui occupe la seconde moitié du 19e siècle, trois verrières légendaires sont donc réalisées sur ce thème par le peintre-verrier Félix Gaudin, installé 6 rue de la Grande-Chaumière à Paris, et qui vient de restaurer trois des grandes verrières de l'abside (d'après la documentation concernant les travaux effectués au 19e siècle, et partagée entre les Archives nationales et les Archives diocésaines).

L'artiste, qui doit intégrer dans ses créations les éléments médiévaux préservés, soumissionne le 11 mai 1891. L'ensemble est installé en 1892, comme en témoignent l'inscription portée au bas de la verrière de la baie 4 et des documents d'archives. La composition de la verrière de la baie 6 semble intégrer quatre médaillons anciens, fort restaurés. D'après l'ouvrage consacré à Félix Gaudin par Jean-François Luneau, et d'après les archives de l'atelier, on peut attribuer le dessin des médaillons "modernes" au cartonnier Émile Delalande. En effet, à une exception près, cet artiste est le cartonnier exclusif du peintre-verrier après l'installation de ce dernier à Paris en 1890. Il est en outre spécialisé dans un dessin s'inspirant de l'art médiéval.

La verrière est endommagée, surtout en partie inférieure, au cours de la Première Guerre mondiale. Elle profite d'une restauration en 1924 ou 1925, soit par l'atelier de Jean Gaudin (fils de Félix Gaudin), soit par celui d'Emmanuel Daumont-Tournel, qui se partageaient la restauration du vitrage du monument (d'après les archives du service des Monuments historiques). Toutefois, la moitié au moins des quadrilobes sont remontés dans le désordre, ce qui complique aujourd'hui la lecture chronologique du récit.

Un médaillon original de cette légende, représentant un ange annonçant aux deux saints endormis leur mort imminente, est conservé à la Corcoran Art Gallery de Washington.

La verrière prend place dans une baie en forme de lancette, qui s'achève en arc brisé à sa partie supérieure. Elle est composée de dix registres superposés de panneaux, les deux niveaux inférieurs (bordure et premier couple de quadrilobes) étant presque entièrement masqués par un retable. Elle est formée d'un assemblage de pièces de "verre antique" rehaussées de grisaille, parmi lesquelles se remarquent des pièces de verre rouge hétérogène.

  • Catégories
    vitrail
  • Structures
    • baie libre, rectangulaire vertical, en arc brisé
  • Matériaux
    • verre transparent, soufflé, taillé, peint, grisaille sur verre
    • plomb, réseau
  • Précision dimensions

    Mesures approximatives : h = 780 ; la = 150.

  • Iconographies
  • Précision représentations

    Ce vitrail est consacré à la mort des deux martyrs et à l'histoire de leurs reliques, telles qu'elles ont été racontées au 16e siècle par le chartreux allemand Laurent Surius qui a fait la synthèse de récits plus anciens. La verrière comporte seize médaillons quadrilobés assemblés deux à deux. Ces quadrilobes se détachent sur un fond ornemental de croix tréflées et de motifs feuillagés, disposés parfois en rosaces. À l'origine, l'histoire se déroulait de bas en haut et de gauche à droite, et à trois occasions, la scène occupait les deux médaillons juxtaposés.

    Déroulement de la légende, illustrée par la verrière avant 1914 :

    Les deux martyrs ont la tête tranchée. Tandis que leurs âmes sont conduites au Ciel par les anges, leurs corps sont jetés pour être la proie des animaux. Mais le Christ les préserve. La nuit suivante, un ange apparaît à un homme âgé nommé Roger et à sa sœur Pavie, et leur ordonne d'enlever les corps. Roger et Pavie chargent sans peine les corps sur leurs épaules et les placent dans une barque qui remonte miraculeusement le courant de l'Aisne. Puis ils inhument les corps dans leur maison. La période des persécutions étant passée, la maison de Roger et Pavie est transformée en oratoire sous le nom de Saint-Crépin-le-Petit. Les deux martyrs apparaissent en songe au pape Marcel et lui demandent d'envoyer de nouveaux évangélisateurs. Le pape envoie alors saint Sixte et saint Sinice, premiers évêques de Reims et Soissons. Ils effectuent par eau la première translation des reliques. Au moment où la barque atteint le rivage, un enfant aveugle et muet touche les cercueils et est guéri. Les corps sont placés dans une crypte, au-dessus de laquelle est ensuite bâtie l'église Saint-Crépin-le-Grand. Vers 649, saint Ansery, 20e évêque de Soissons, effectue une nouvelle translation. En présence des évêques saint Ouen de Rouen et saint Faron de Meaux, les restes de saint Crépin et saint Crépinien sont placés dans un reliquaire fabriqué ou embelli par saint Eloi. En 1466, les reliques des deux saints, qui se trouvent alors dans un reliquaire encore plus riche que les précédents, sont portées à Paris, à la demande des Parisiens victimes d'une peste, et le fléau cesse alors ses ravages. Saint Crépin et saint Crépinien sont les saints patrons de la Communauté des Frères Cordonniers, fondée à Paris en 1645 par Henri-Michel Buch, pieux cordonnier d'origine luxembourgeoise. La verrière originale ayant été composée au début du 13e siècle, les deux derniers registres qui se rapportent à la peste de Paris au 15e siècle et à la fondation de la Communauté des Frères Cordonniers au 17e siècle, sont évidemment des anachronismes dus au peintre-verrier Félix Gaudin.

    Description de la verrière, telle qu'elle se présente actuellement :

    - Premier registre. Le premier médaillon représente la décollation des deux saints. On ne peut en distinguer que la partie supérieure, occupée par le bras de deux bourreaux brandissant une épée. Le quadrilobe voisin, surmonté par la main de Dieu, semble laisser deviner deux anges encadrant l'âme des deux martyrs et la portant vraisemblablement au Ciel. L'observation de la verrière depuis l'extérieur permet de distinguer le corps des deux saints sur le sol.

    - Deuxième registre. À gauche, se trouve actuellement représenté le songe du pape saint Marcel, qui devrait probablement se trouver en septième position. Saint Marcel 1er, couché et endormi dans son lit, porte la tiare sur la tête. Les deux martyrs sont représentés debout à côté du pape endormi et l'un d'eux, penché, lui touche l'épaule, allusion à leur apparition surnaturelle en songe. À droite, prend place le médaillon qui devrait occuper la sixième position : Roger, Pavie et plusieurs chrétiens tous debout, traduisent par les gestes de leurs mains, leur émerveillement devant l'arrivée prodigieuse du bateau où se trouvent les corps des martyrs, et qui vient de remonter l'Aisne à contre-courant.

    - Troisième registre. Le cinquième quadrilobe, bien placé, était suivi du quadrilobe qui occupe aujourd'hui la 4e place. Ces deux quadrilobes ne formaient qu'une scène. À gauche, le bateau dans lequel se trouvent les deux corps allongés des martyrs, vogue seul à contre-courant sur l'Aisne. Vient ensuite un médaillon qui devrait occuper la quatrième place : Pavie, vue de trois-quarts, se penche pour saisir le corps d'un des deux martyrs. Roger, debout et de profil, porte l'autre corps sur son dos. Il se retourne vers sa sœur. Devant lui, coule l'Aisne, sur laquelle flotte un bateau.

    - Quatrième registre. À gauche, le septième quadrilobe devrait occuper la neuvième place. Un homme aux yeux fermés, agenouillé et de profil, touche le reliquaire déposé sur un autel. Il lâche sa canne, indication qu'il vient de recouvrer la vue. Derrière lui, une femme debout et de profil, avec un jeune enfant dans les bras, fait un geste d'émerveillement devant le miracle. À droite, est situé le médaillon qui venait en 14e position et qui ne formait qu'une seule scène avec le 13e médaillon, bien situé. Il fait allusion à l'épidémie de peste qui a sévi à Paris en 1466. Un religieux, de profil, porte un brancard de procession. Une femme, agenouillée de profil devant la porte d'un bâtiment ou d'une ville, tend son nourrisson malade. Un homme au torse nu est couché sur le sol. Un diable, portant une faux (allégorie de l'épidémie mortelle), domine la scène,

    - Cinquième registre. À gauche, se voit le médaillon qui venait en troisième position. Il représente l'apparition d'un ange à Roger et à sa sœur Pavie. Un ange debout et de profil s'adresse aux deux personnages endormis ou somnolents. qui se trouvent à l'extérieur de chez eux, comme en témoigne la végétation représentée. À droite, la dixième scène est à sa juste place. Dans son atelier, saint Eloi, vu de profil, les manches retroussées et le marteau à la main, est en train de fabriquer un reliquaire en métal. Il a posé sa mitre sur une enclume et sa crosse est appuyée contre le mur.

    - Sixième registre. Les deux épisodes de la légende sont à leur juste place. À gauche, saint Ansery, évêque de Soissons, debout et de profil, la crosse à la main, transfère les ossements des martyrs dans le nouveau reliquaire fabriqué par saint Eloi, et posé sur un autel. Saint Ansery est accompagné par un religieux, debout derrière lui. À droite, saint Ouen, évêque de Rouen, et saint Faron, évêque de Meaux, portent en procession la nouvelle châsse, sur un brancard. On distingue derrière eux un autre évêque, vu de trois-quarts : sans doute saint Eloi.

    - Septième registre. À ce niveau, s'étendait une scène qui occupait les deux quadrilobes juxtaposés (l'épidémie de peste à Paris en 1466) et dont seule la moitié gauche reste en place. La moitié droite est aujourd'hui en huitième position. Un religieux de profil porte en procession un brancard sur lequel est posée une grande châsse. Un abbé ou un évêque, portant mitre et crosse, suit la procession. Un homme malade, couché sur le sol, lève un bras vers le reliquaire des deux saints. Cette scène est accompagnée du quadrilobe qui devrait venir en 8e position. Un reliquaire contenant les restes des martyrs trône dans une barque, mue par un rameur sur l'Aisne. À l'arrière sont assis deux évêques, représentés de trois-quarts : saint Sixte et saint Sinice.

    - Huitième registre. Les deux derniers médaillons sont en place et ne forment qu'une scène. Dans un atelier éclairé par une lampe, plusieurs cordonniers assis fabriquent des chaussures. Un homme debout et de trois-quarts, tend un parchemin. Un jeune homme, agenouillé, semble prendre un engagement. Bien que l'auteur de la verrière ait donné aux personnages des costumes médiévaux, il s'agit de la présentation des statuts de la Communauté des Frères Cordonniers par Henri-Michel Buch, en 1645.

  • Inscriptions & marques
    • inscription donnant l'identité du modèle, peint, sur l'oeuvre, latin
  • Précision inscriptions

    Toutes les inscriptions se détachent en réserve sur un fond noir.

    Le nom des saints est inscrit dans un bandeau, situé le plus souvent à la partie supérieure ou à la partie inférieure des médaillons. : CRISPINVS : CRISPINIANVS. Ces noms figurent sur les cinq médaillons inférieurs de gauche et sur le troisième médaillon inférieur de droite. D'autres noms se lisent également. En partant du bas, sur le deuxième médaillon de gauche : MARCELLVS PAPAS, et sur le deuxième médaillon de droite : ROGERI[..]. Sur le troisième médaillon de droite : RO[..]RIVS. Sur le cinquième médaillon de droite : S ELIGIVS. Sur le sixième médaillon de gauche : S ANSERICVS EPI, et sur le sixième médaillon de droite : AVDOENVS / S. FARO. Enfin, dans les deux médaillons supérieurs : HENRICVS MIC[..] BVCH.

  • État de conservation
    • oeuvre complétée
    • oeuvre restaurée
    • grillage de protection
    • mauvais état
  • Précision état de conservation

    La verrière, qui conserve quelques éléments médiévaux, a été complétée en 1892. Elle a été restaurée après la Première Guerre mondiale, comme en témoignent les photographies conservées à la Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine. Certains panneaux ont été peu atteints par les projectiles. En revanche, les trois registres inférieurs ont été fortement affectés, le réseau de plomb étant partiellement déformé, voire détruit. Au moment de la reconstitution de la verrière restaurée, la moitié environ des médaillons ont été remontés dans le désordre. Actuellement, la partie droite de la bordure inférieure est détachée de la barlotière, et sur le point de tomber.

  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat

Documents d'archives

  • AN. Série F ; Sous-série F 19 (Cultes) : F 19, carton 7890 (Travaux exécutés dans la cathédrale de Soissons au cours de la période concordataire ; 1887-1893).

    Lettre de l'architecte Gout (9 mai 1891), soumission de Félix Gaudin (11 mai 1891).
  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 196. Soissons, cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais, restaurations diverses, restauration de la nef et du déambulatoire (1924-1925).

    Travaux de 1924 : rapport de l'architecte Brunet du 11 juin 1924 et devis.
  • A. Évêché Soissons. Série L (temporel) ; Sous-série 6 L : 6 L Soissons 1823-1903 (Entretien de la cathédrale de Soissons).

    Sous-dossier 1874-1892.
  • AP atelier Gaudin : Registre des petits cartons.

    M 01616-M 01619, M 01718-M 01726.
  • BnF (Cabinet des Manuscrits) : naf 6109 (collection Guilhermy, 16). Description des localités de la France (Soissons).

    folios 256 r°, 257 v°-258 r°.

Bibliographie

  • ANCIEN, Jean. Vitraux de la cathédrale de Soissons. Réédition du livre du 24 juillet 1980. Neuilly-Saint-Front : imprimerie Lévêque, 2006.

    p. 154-162.
  • C. L. Soissons. - Carême de 1892. - Travaux à la Cathédrale. La Semaine religieuse du Diocèse de Soissons et Laon, 1892, n° 14, samedi 2 avril 1892.

    p. 219.
  • FRANCE. Corpus Vitrearum Medii Aevi. Les vitraux de Paris, de la Région parisienne, de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais. Recensement des vitraux anciens de la France, vol. 1. Paris : éditions du CNRS, 1978.

    p. 170.
  • LECLERCQ DE LAPRAIRIE, Jules-Henri. Note sur un vitrail représentant la légende de St Crépin et St Crépinien à la cathédrale de Soissons. Bulletin de la société archéologique, historique et scientifique de Soissons, 1858, t. 12, 8e séance, lundi 4 octobre 1858.

    p. 144-146.
  • LECLERCQ DE LAPRAIRIE, Jules-Henri. Suite à la note sur un vitrail de la cathédrale. Bulletin de la société archéologique, historique et scientifique de Soissons, 1858, t. 12, 9e séance, lundi 4 novembre 1858.

    p. 168-169.
  • LUNEAU, Jean-François. Félix Gaudin, peintre-verrier et mosaïste (1851-1930). Collection Histoires croisées. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2006.

Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2004
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Riboulleau Christiane
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Plouvier Martine
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Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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