Si le premier film en couleurs apparaît timidement au lendemain de la Première Guerre mondiale, c'est en 1932 que l'américain Herbert Thomas Kalmus met au point la caméra qui permet de filmer en couleurs : la caméra Technicolor trichrome. Ce procédé, et le vaste débouché qu’il promet notamment auprès de l'industrie cinématographique, concourent au développement rapide d'usines de produits photographiques. C’est dans ce contexte qu'en 1935, la SA Union Bancaire du Nord au capital de 60 millions de francs représentée par MM. Pierre Bourlet, banquier, et Pierre Thiriez, industriel de Lille, sollicite auprès de la préfecture l'établissement d'une usine de produits photographiques à Pont-à-Marcq, sous la raison sociale "Société anonyme l'industrie photographique" qui est une filiale de la Société Gevaert de Mortsel, située dans la banlieue d'Anvers et fondée en 1894.
L'usine de Pont-à-Marcq s'installe en 1936 sur un vaste terrain dégagé qui présente l'intérêt d'être situé à la verticale d’une nappe phréatique dont l'eau, d'une grande pureté, est primordiale pour ce type d'activité. Les plans de l’usine sont établis par René Doutrelong (1891-1972), prolifique architecte lillois à qui l’on doit de nombreuses constructions Art-déco dans la région.
Deux vantaux ornés de verrières en grisaille, éléments probables d'une des baies des bureaux avant leur agrandissement, sont entreposés dans la menuiserie. Ils sont signés "E. Lesage Dec." désignant peut-être l'atelier des maîtres-verriers David et Lesage qui exerçaient dans les années 1930, rue des Poissonceaux à Lille.
Les constructions s'échelonnent sur plusieurs années. En 1936 sont érigés les bureaux, habitations, réfectoires, chaufferie et cheminée. Cette dernière, construite selon le système Léon Monnoyer par l'assemblage d'éléments circulaires préfabriqués, haute de 50 m, intégrait un réservoir de 200 m3 situé à 30 m du sol.
Les deux ateliers de fabrication sont construits en 1937, date à laquelle l'usine est opérationnelle. Elle fabrique alors des acétates de cellulose et du celluloïd. Ce dernier est réalisé par dissolution dans un mélange d'alcool et d'éther de nitrocellulose fournie par les Poudreries de l'Etat.
En 1964, la société Gevaert fusionne avec la société allemande Agfa, acronyme d’«Actiengesellschaft für Anilin-Fabrication» (Société par actions pour la fabrication de l'aniline, raison sociale depuis 1897 de la fabrique de colorants créée Paul Mendelssohn Bartholdy et Carl Alexander von Martius en 1867 à Berlin-Rummelsburg). Elle prend alors le nom d'Agfa-Gevaert.
Les bureaux et logements sont agrandis et la chaufferie modifiée en 1951. Entre 1964 et 1984, la société, en forte expansion, double sa surface bâtie, essentiellement par l'édification de magasins industriels.
La concurrence avec la société américaine Kodak conduit l’entreprise à diversifier sa production : en 1991, la SA Agfa-Gevaert élabore des produits chimiques pour l'industrie du papier, les arts graphiques, la photographie, la photogravure et des produits chimiques pour des procédés d'impression directe sans négatif. Mais déjà l’entreprise est en déclin.
La cheminée est abattue en 2012.
La baisse du marché de l'impression offset contraint Agfa-Gevaert à fermer le site de Pont-à-Marcq en novembre 2020. En 2022, l'ensemble du site est la propriété de la Communauté de communes du Pévèle-Carembault. Les bâtiments d'origine sont en attente de reconversion et devraient être conservés.
# L'entreprise employait 165 personnes à ses débuts, 530 vers 1950, 1000 en 1980 et 175 à sa fermeture en 2020.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France (2023).