Dossier d’œuvre architecture IA62005706 | Réalisé par
Hoin Karl-Michael (Rédacteur)
Hoin Karl-Michael

Responsable-adjoint (2018-2023) puis conservateur régional (depuis 2024) de l'Inventaire général Hauts-de-France.

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  • opération ponctuelle
Manoir de Courcelles
Œuvre recensée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes des 7 Vallées
  • Commune Rollancourt
  • Lieu-dit Courcelle
  • Adresse 5 Hameau de Courcelle
  • Cadastre 2025 0B 143 Feuille 2. ; 1825 B 54 Première feuille.
  • Dénominations
    manoir, ferme
  • Appellations
    Manoir de Courcelles

Le manoir de Courcelles ou Courcelle a été édifié dans le hameau éponyme à l'extrémité du territoire de Rollancourt. Il tire son nom de cors, cortis qui signifie en latin "cour", "espace dépendant d'une maison". Son origine remonte probablement à la fin du XVe siècle. Son histoire se mêle à celle de ses seigneurs successifs et des transformations architecturales qu'ils lui ont apportées.

Si les premiers Courcelle apparaissent au XIIe siècle dans le cartulaire du prieuré Saint-Georges d'Hesdin, il faut attendre 1442 pour voir émerger un début de certitude : cette année-là Rasel Galbart achète la seigneurie de Courcelle à Rasel Boutry. C'est probablement dans la seconde moitié du XVe siècle que le premier manoir est bâti par la famille Galbart.

Le registre des centièmes de l'année 1569 (AD Pas-de-Calais, 2C 1569-43) fait état d'une maison avec granges, étables, divers bâtiments annexes et un jardin. Il indique aussi la présence d'une chapelle attenante, confirmant l'usage résidentiel de la maison par la famille du seigneur de Courcelle. Cette époque, marquée par les affrontements récurrents entre troupes françaises et impériales, a peut-être été celle de de dégâts importants pour le manoir qui n'est pas représenté au XVIIe siècle dans les dessins d'Adrien de Montigny et de son atelier pour la collection des Albums de Croÿ.

Le véritable tournant architectural du manoir se situe à la fin du XVe et au début du XVIIe siècle. En 1599, Artus Galbart obtient une sentence de noblesse, ce qui pourrait avoir motivé l'agrandissement ou le remaniement de Courcelle. Le millésime 1619, inscrit sur une pierre de l'élévation sur rue, témoigne de cette période de reconstruction qui coïncide avec la paix retrouvée en Artois sous l'administration des archiducs Albert et Isabelle. C'est à cette époque que l'étage du manoir est édifié. Son plafond en bois soutenu par des solives posées sur l'arête - et non à plat -, indiquent l'existence d'un ancien plafond à voûtains de brique, caractéristique du début du XVIIe siècle.

En 1667, Anne-Jeanne Galbart, veuve de Jacques-Liévin Vainet, seigneur de Calemberg, capitaine d'infanterie au service du roi d'Espagne, fait dénombrement de sa terre de Courcelle au seigneur de Rollancourt. C'est l'une des filles issues de ce mariage, Anne-Liévine, qui fait entrer, par son mariage avec Christophe de Gargan, le manoir de Courcelle dans cette famille. Le premier de leurs cinq enfants, François-Joseph dit de Beaurepaire (nom d'une terre à Febvin-Palfart), naît à Courcelle en 1680. Grand bailli de la terre de Saint-Martin par commission du prince du Hainaut, gouverneur-capitaine et grand bailli des villages du comté de Fauquembergues pour le prince Lamoral de Ligne, il épouse à Humerœuille en 1730 Madeleine-Henriette de Rune et meurt à Courcelle en 1757, laissant pour héritière une fille unique, Aimable-Henriette, qui meurt célibataire en 1759 au château d'Humerœuille, à l'âge de vingt-six ans. La succession de cette dernière passe alors en grande partie dans la famille de sa mère et est l'objet d'âpres procès qui durent jusqu'en 1792.

Le cadastre napoléonien établi en 1825 montre que le manoir est encadré de deux dépendances agricoles formant un plan en U. En 1873, Albert Ledein, lointain parent des Gargan, rachète le manoir de Courcelle à Antoine Desgrouvillers. C'est son épouse, Firminie Courquin, qui fait édifier en 1895 une chapelle dédiée à la Sainte-Trinité, accolée à la façade nord, côté rue (aujourd'hui disparue). Il est à nouveau vendu, vers 1920, à M. Billot, de Blangy-sur-Ternoise (AD Pas-de-Calais, 1J184).

Acquis en décembre 2016 par ses actuels propriétaires, Courcelle fait aujourd'hui l'objet d'une restauration méticuleuse, respectueuse des matériaux et techniques d'origine. Elle révèle progressivement les traces du passé, confirmant l'intérêt historique et architectural de ce manoir.

  • Période(s)
    • Principale : 2e moitié 15e siècle
    • Principale : 1er quart 17e siècle
  • Dates
    • 1619, porte la date

Évolution structurelle

Situé sur le versant de la vallée de la Ternoise, le manoir de Courcelle présente une construction en deux phases, clairement perceptible sur la façade nord, tournée vers la route. Cette façade témoigne d'une reprise nette, marquée par une légère déviation vers le nord-est. Plusieurs indices architecturaux confirment cette évolution :

- le soubassement en grès se situe à des niveaux différents à partir de la reprise ;

- la corniche varie dans son matériau et son traitement : en pierre moulurée dans la partie orientale, elle devient entièrement en brique après la reprise ;

- le sommet de la façade occidentale est lui aussi en brique, suggérant une extension ou un remaniement postérieur.

Ces éléments indiquent qu'à l'origine, le manoir était de dimensions plus modestes. La partie la plus ancienne, qui s'incline vers le nord, existait déjà en 1619, comme en témoigne un graffiti gravé à hauteur d'homme portant cette date. Dans cette section ancienne, la façade nord ne comporte aucune ouverture, tandis que la partie plus récente intègre une petite fenêtre d'origine, reconnaissable à son encadrement mouluré.

La façade sud et la tourelle

La façade sud, orientée vers le jardin, est plus élaborée sur le plan architectural. Son élément le plus marquant est une haute tourelle en avant-corps de plan carré, qui divise le manoir en deux parties distinctes. Cette tourelle, couverte d’un toit en bâtière et surmontée d’un pignon à pas-de-moineau, confère au manoir son originalité. Un cordon marque la séparation entre le troisième niveau et le pignon, soulignant la composition verticale de l’ensemble.

La tourelle est percée de nombreuses ouvertures, dont une grande baie en rez-de-chaussée. La façade sud est également structurée horizontalement par un cordon qui contourne la tourelle avant de former une archivolte légèrement décalée par rapport à l’axe de la fenêtre qu’elle surmonte, indiquant une reprise ultérieure.

Campagne de restauration

Lorsque les nouveaux propriétaires ont pris possession du manoir en 2016, celui-ci était inoccupé depuis plus de cinq ans et souffrait de l’humidité. La première phase de restauration a consisté à supprimer les modifications inadaptées apportées dans la seconde moitié du XXe siècle et à restaurer les matériaux authentiques.

- Façades et maçonnerie : Les trois pignons et le soubassement ont été remis en état après la suppression d’un enduit au ciment, qui empêchait la pierre de respirer et provoquait des désordres structurels.

- Sol et dallage : Le sol de la grande salle, autrefois recouvert de carreaux de ciment anachroniques, a été décaissé jusqu’à retrouver la terre battue, puis recouvert de tomettes rouges du XVIIIe siècle provenant de l’ancien relais de poste de Maroilles (Nord). Le sol de la cuisine a été refait en grandes pierres bleues de Tournai.

- Cheminée et charpente : La cheminée monumentale du XVIe siècle, dont le foyer avait été maladroitement rhabillé avec des pierres de Baincthun, a été démontée et restaurée avec des briques orangées fabriquées sur mesure en Belgique. Les solives du premier étage, très dégradées, ont été remplacées intégralement.

- Pignons et toiture : Les deux pignons latéraux du manoir et leurs wambergues ont été restaurés. Le pignon oriental a conservé intégralement sa pierre, tandis que le pignon occidental, renforcé d’épis de briques, semble être un ajout du XVIIIe siècle. Le pignon de la tourelle, masqué au XXe siècle par une maçonnerie en brique et ciment, a été restitué dans son état d’origine, grâce à un degré conservé et à un dessin de l’architecte hesdinois Clovis Normand réalisé entre 1858 et 1870 (AD Pas-de-Calais, 24J110).

- Restitution des fenêtres : Une fenêtre montrant des arrachements nets d’anciens meneaux a permis de reconstituer les fenêtres d’origine, réalisées en pierre calcaire de Migné-Auxances.

L’ensemble des travaux de couverture, de maçonnerie et d’huisserie a été confié à des artisans locaux maîtrisant les techniques de restauration du patrimoine ancien. Grâce à cette restauration minutieuse, le manoir de Courcelle a retrouvé son intégrité architecturale et sa cohérence historique, tout en révélant des éléments remarquables de son évolution au fil des siècles.

Découvertes suite à la restauration

La restauration a permis de mettre au jour plusieurs éléments patrimoniaux majeurs :

- Trois niches dans la cave : Trois niches gothiques dans le mur côté rue, ainsi que des traces de réceptacles en pierre probablement destinés à la conservation des aliments.

- Des vestiges d'une fresque à motif floral dans la salle. Au-dessus de la cave, la grande salle conserve des vestiges de fresques florales du XVe siècle, dissimulées derrière une cheminée du XVIIe siècle.

- Évolution de la tour : Ses murs présentent des marques d’empochement correspondant aux marches d’un ancien escalier à vis, remplacé au XVIIIe siècle par un escalier droit en bois dont les balustres "hesdinoises" rappellent celles de demeures voisines.

- Soubassement et oratoire : Le dégagement de l’enduit côté jardin a révélé un superbe appareil en damier de grès et de silex, caractéristique du XIVe siècle dans la région. Côté rue, le dégagement du soubassement a mis en lumière les fondations de l’oratoire de 1895, matérialisées par deux petits murets en brique. Une statue de saint Hubert a été placée sous un dais de bois en souvenir de cette chapelle.

  • Murs
    • calcaire
    • brique
    • silex
  • Toits
    tuile plate
  • Étages
    2 étages carrés, étage de comble
  • Couvrements
  • Couvertures
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre
  • Typologies
    wambergue ou pignon flamand
  • État de conservation
    restauré
  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Documents d'archives

  • AD Pas-de-Calais. Série J ; Sous-série 1 : 1 J 184. Rollancourt. Tableau des seigneurs et propriétaires du manoir de Courcelles-lès-Rollencourt dressé par M. F. Decroix, 1938.

    AD Pas-de-Calais : 1J184
  • AD Pas-de-Calais. Série C ; Sous-série 2 : 2C1569/43. Rollancourt. Rôle du centième de 1569 [en ligne].

    AD Pas-de-Calais : 2C1569/43
    vue 33.
  • AD Pas-de-Calais. Série P ; Sous-série 3 : 3 P 719/5. Rollancourt. Plan du cadastre napoléonien, 1825 [en ligne].

    AD Pas-de-Calais : 3P719/5

Bibliographie

  • LEROY, Albert. Les vieilles fermes du pays de Montreuil. Montreuil : Bibliothèque des éditions locales, 1972-1973. 2 vol.

    pp. 197-199.
  • SEYDOUX, Philippe. Gentilhommières d'Artois et du Boulonnais. Tome 1 : Arrageois, Béthunois, Ternois. Paris : La Morande, 2006.

    p. 280.

Documents figurés

  • Du chemin de fer. Rollancourt. Hameau de Courcelle, [dessin du pignon à pas-de-moineau de la tour], [entre 1858 et 1870] [en ligne]. (AD Pas-de-Calais. Série J ; Sous-série 24 : 24J110. Fonds Clovis Normand).

    AD Pas-de-Calais : 24J110
    vue 25.
Date(s) d'enquête : 2025; Date(s) de rédaction : 2025
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Hoin Karl-Michael
Hoin Karl-Michael

Responsable-adjoint (2018-2023) puis conservateur régional (depuis 2024) de l'Inventaire général Hauts-de-France.

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