Le lycée Corot : l’héritier du collège des bénédictins anglais
Le collège des origines (1593-1770)
Les premiers Bénédictins anglais s’établissent à Douai en 1593 grâce à l’appui de Dom Philippe de Caverel, abbé du monastère Saint-Vaast d’Arras. Ils logent d'abord dans le collège des Jésuites (collège d'Anchin). Les Bénédictins possèdant à Douai une annexe du monastère arrageois, appelée collège Saint-Vaast, Dom Caverel leur donne, en 1603, une petite maison et un terrain contigus au terrain occupé par le collège. Cette maison apparait sur le plan dressé en 1649 par Joan Blaeuw et colorisé en 1657 par Johannes Jansonnius : couverte par une toiture de tuile rouge, elle prolonge une aile du collège Saint-Vaast qui est, lui, couvert en ardoises. Un grand jardin occupe le reste de la parcelle, totalement enclose par un mur et par des habitations. C’est à partir de ce noyau que se développent la communauté puis le collège des Bénédictins anglais.
L’installation des Bénédictins anglais est l’occasion d’édifier une chapelle commune au collège Saint-Vaast et à la communauté. Dédiée à Saint-Grégoire, elle s’élève le long de l’actuelle rue Saint-Benoit et est consacrée le 15 octobre 1611.
Aucun nouveau bâtiment correspondant à ce changement de statut n’est visible sur le plan de Douai établi en 1648 par Joan de Blaeuw. En revanche, le plan-relief établi entre 1690 et 1710 (https://fr.calameo.com/read/0032328926d8d7bae1b57, p. 27) montre, dans une parcelle enclose de murs et de maisons, un bâtiment rectangulaire qui s’appuie sur le collège Saint-Vaast et se développe jusqu’à la rue Saint-Albin. Une extension, perpendiculaire au corps principal, donne à l’arrière du bâtiment sur un jardin. Aucun document ne permet à ce jour de préciser davantage les limites chronologiques encadrant la construction de ce bâtiment.
Le XVIIIe siècle et la période révolutionnaire (1710-1816)
Au cours du XVIIIe siècle, l’établissement compte de plus en plus d’élèves. C’est pourquoi, en 1770, grâce au soutien financier des familles anglaises, la communauté bénédictine fait construire un grand bâtiment perpendiculaire à la rue Saint-Albin (AD Nord, 23D1). Ce bâtiment de style classique, appelé "aile de l’Horloge", reprend l’emplacement de celui édifié à la fin du XVIIe siècle. Il est complété dix ans plus tard par un préau avec colonnade le long de la rue Saint-Albin, perpendiculaire à l'aile de l'Horloge (AD Nord, 23D1).
Jusqu’en 1793, la communauté est épargnée par la tourmente révolutionnaire mais le soutien que l’Angleterre apporte aux nations coalisées contre la République entraine son expulsion.
Entre 1798 et 1816 les bâtiments du collège accueillent successivement une filature, un dépôt de cloches et la fonderie destinée à les transformer en munitions, une fabrique de sucre de betterave et des logements. Seule la chapelle est, depuis 1811 et en dépit des protestations de l’ordre des Bénédictins, devenue propriété de la commune qui envisage d’en faire l’église de la paroisse Saint-Jacques (décret impérial du 22 juillet 1811, AD Nord, 2O176/255).
La renaissance du collège des Bénédictins anglais (1816-1904)
Bien qu’en mauvais état, ce sont donc des bâtiments identiques à ceux qu’elle a laissés en 1794 dont la communauté bénédictine recouvre la propriété en 1816.
L’ancienne communauté douaisienne désormais bien implantée à Downside, où elle a fait rebâtir une abbaye et un collège, ne souhaite pas revenir à Douai. En 1816, elle transfère donc la propriété de ses biens douaisiens à la communauté bénédictine parisienne Saint-Edmund, dont le collège prend aussitôt le nom.
Si les bâtiments du collège des Bénédictins n’ont pas subi de grands dommages, il n’en va pas de même pour le reste de l’ensemble monastique : le collège Saint-Vaast a été détruit et remplacé en 1796 par une caserne de gendarmerie (AD Nord, 66J1016) dont les écuries jouxtent le flanc est de la chapelle, et son jardin est désormais occupé par la maison de sûreté construite en 1817. Ces deux bâtiments figurent sur le plan cadastral de 1850 (AC Douai, 4A2222) et sur un dessin de Robaut (BM Douai, album Robaut, boite 18, pièce 310).
Enfin la chapelle, qui n’a pas été entretenue, est en très mauvais état. Dès 1811, des discussions s’engagent donc entre la ville, le conseil de paroisse et l’évêché d’Arras pour décider de sa restauration ou de sa destruction. En 1831, le conseil municipal vote la destruction.
La communauté de Saint-Edmund décide alors de faire édifier une nouvelle chapelle dans le prolongement de l'aile de l'Horloge. En 1840, elle confie le projet à l’architecte anglais Augustus Pugin, qui achève les travaux en 1843. La communauté engage également d'autres travaux : entre 1832 et 1844 une aile supplémentaire est construite le long de la rue Saint-Albin, perpendiculairement à l’aile de l'Horloge.
En 1853, un étage est construit au-dessus de la colonnade afin d’accueillir les élèves toujours plus nombreux.
En 1896, un cloitre fermé vient doubler l’aile de l’Horloge côté jardin. Enfin, peu après l’achèvement du cloître et avant 1903, date du départ des Bénédictins, une nouvelle aile, appelée "quartier des hôtes", est bâtie en retour d’équerre à l’extrémité est de l’aile de l’Horloge et l'aile de l'internat est prolongée jusqu'à la rue Saint-Vaast pour accueillir l'infirmerie.
En 1901, la loi sur les associations prive les Bénédictins anglais de leur autorisation d’enseigner. En juillet 1903, ils rentrent donc en Angleterre où ils créent, dans la ville de Woolhampton, un monastère et un collège respectivement appelés Douai-Abbey et Douai-School.
Le collège de jeunes filles (1903-1947)
En octobre 1903, la Ville de Douai rachète l’établissement pour la somme de 280 000 francs afin d’y établir un collège de jeunes filles. L’intérieur, les toitures et les façades sont rénovés. Le fronton de la partie centrale de l’aile est décoré de motifs républicains (couronnes et branches de chêne). Quelques espaces changent de fonction, en particulier le cloitre qui sert désormais de hall d’honneur, mais sans que cela ait de conséquences sur l'architecture de l'aile de l'horloge. La première rentrée a lieu le 17 octobre 1904.
Entre 1906 et 1908, le collège est agrandi : le préau couvert le long de la rue Saint Albin est remplacé par un internat qui reprend les élévations identiques à celles de l’aile de l’Horloge. L'extension est due à l'architecte de la ville Henri Sirot.
Le cadastre de 1907 montre également que, entre le départ des Bénédictins et l'établissement du cadastre, l'aile du quartier des hôtes a été poursuivie vers la rue Saint-Vaast.
Les deux guerres mondiales épargnent les bâtiments.
Dernières transformations du lycée (1958-1967)
Dès 1947, afin de faire face à l'augmentation constante du nombre d'élèves, le conseil municipal décide d’agrandir le lycée. Le programme pédagogique et le projet architectural sont établis en 1958. Les bâtiments dessinés par l’architecte Maurice Coasnes sont construits entre 1962 et 1967 le long de l'actuelle rue Fortier. Ils sont complétés en 1965 par la modification de l'extrémité du quartier des hôtes et en 1967 par un nouveau réfectoire. Bâti en rez-de-chaussée, de forme trapézoïdale, il double la façade est du quartier des hôtes.
Depuis cette date, aucune modification architecturale n'a été apportée au lycée, qui prend le nom du peintre Corot, natif de Douai, en février 1974.
En 1975, la chapelle est inscrite au titre des Monuments historiques.
Photographe de l'Inventaire général du patrimoine culturel.