Dossier d’œuvre objet IM02005396 | Réalisé par
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Plouvier Martine
Plouvier Martine

Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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  • mobilier et objets religieux, la cathédrale de Soissons
Ancien tableau d'autel : l'Adoration des bergers
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Ministère de la culture - Inventaire général
  • (c) Département de l'Aisne
  • (c) AGIR-Pic

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Grand Soissons Agglomération - Soissons-Sud
  • Commune Soissons
  • Adresse Cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais , place Cardinal-Binet
  • Emplacement dans l'édifice bras nord du transept : mur nord
  • Dénominations
    tableau d'autel
  • Titres
    • Adoration des bergers (l')
  • Parties constituantes étudiées

Les circonstances de la création (date de réalisation, commanditaire, etc.) et de l'arrivée en France de L'Adoration des Bergers, exécutée vers 1620 par Pierre-Paul Rubens avec la participation de son atelier, sont encore inconnues. Une date de réalisation vers 1618-1620 est généralement admise par les historiens de l'Art, pour des raisons stylistiques et par comparaison avec d'autres œuvres de l'artiste déclinant le même sujet (tableau du musée des Beaux-Arts de Rouen). En outre, Rubens abandonne ce thème après 1620. Une esquisse de ce tableau est conservée dans les collections de l'abbaye Saint-Paul du Lavanttal, en Autriche.

La tradition persistante d'une exécution locale par Rubens en 1625, en remerciement des soins que lui auraient dispensés les Cordeliers de Soissons au cours d'une maladie, semble donc une légende véhiculée par les historiens soissonnais du 19e siècle. Néanmoins, le tableau arrive à Soissons peu d'années après sa réalisation, sous l'épiscopat de Simon Le Gras (1624-1656), comme en témoignent la présence des armoiries de la ville et de celles de ce prélat, remises au jour lors de la dernière restauration en 1992. Par la suite, aucune information n'est connue sur l'œuvre jusqu'au 18e siècle, période où sa présence est attestée au-dessus du maître-autel de l'église des Franciscains. C'est sans doute pour s'adapter à cette destination que la toile a changé légèrement de forme et reçu le cadre somptueux qu'elle a conservé depuis.

Le tableau est encore en place le 15 février 1791, quand deux experts viennent procéder à l'estimation du couvent des Franciscains. Une note jointe à leur rapport indique que la toile et son cadre ne doivent pas être compris dans l'estimation de l'église, mais doivent être mis en dépôt. La commune fait alors restaurer le cadre qui nécessitait des réparations, puis fait placer l'œuvre temporairement dans la cathédrale en 1793. À la fin de l'année 1794, le tableau, que sa qualité destine au Museum national à Paris, est placé dans une caisse de taille peu ordinaire. Mais faute de voiture assez grande disponible, et pour ne pas prendre le risque de transporter le tableau par bateau, L'Adoration des bergers reste finalement à Soissons où elle gagne les locaux de l'ancienne Intendance. Ce bâtiment accueille en 1796 une École centrale d'Instruction supérieure, dans laquelle plusieurs tableaux constituent un embryon de musée. Mais l'École centrale est supprimée au tout début du 19e siècle.

Le Consulat ramène l'apaisement après la période révolutionnaire. Un évêque est nommé à la tête de l'évêché de Soissons en avril 1802, et un conseil de fabrique administre le temporel de la cathédrale. L'édifice manque à cette époque d'objets indispensables au culte et, bien évidemment, d'ornementation. Il apparaît alors que plusieurs beaux tableaux à sujet religieux sont conservés dans les bâtiments de l'École centrale, et qu'ils contribueraient parfaitement au décor de la cathédrale. Des demandes adressées en juillet et septembre 1803 à l'administration locale aboutissent à l'envoi très rapide de plusieurs tableaux, parmi lesquels figure L'Adoration des bergers. L'œuvre est d'abord placée dans la grande sacristie, où elle reste jusqu'en 1810, protégée par un rideau. Puis, de 1810 à 1833, elle est accrochée au-dessus de l'autel d'une nouvelle chapelle qui vient d'être aménagée dans le bras nord du transept.

Le 17 mai 1828, le conseil de fabrique, qui avait reconnu la nécessité d'une restauration, prie l'évêque de faire les démarches nécessaires auprès du ministre des Affaires ecclésiastiques. Le tableau est restauré en 1833 par le peintre Nicolas-Sébastien Maillot, attaché comme restaurateur au musée du Louvre. Après avoir bénéficié d'un rentoilage et d'un nouveau châssis, l'œuvre est installée à la fin du mois de septembre 1833 au-dessus du maître-autel. Le revers visible de la toile est alors masqué par un nouveau tableau en grisaille, représentant Jésus au milieu des Docteurs, et peint par Maillot en 1833-1834. L'Adoration des bergers reste dans le sanctuaire jusqu'à la fin de l'année 1865, où décision est prise de retirer le tableau comme rompant l'harmonie du style ogival de la cathédrale et nuisant à la perspective. Il est placé provisoirement dans la grande sacristie, avant d'être transféré à l'évêché pendant les travaux de réaménagement du chœur. Après l'achèvement du chantier en 1869, le tableau est accroché dans le croisillon nord du transept, à gauche de l'autel du Rosaire. Par la suite, le conseil de fabrique et les membres de la Société historique constatent unanimement le mauvais état de la peinture et font part de la nécessité de la protéger du soleil, de la poussière et de l'humidité. Mais aucune intervention importante n'est menée jusqu'à la Première Guerre mondiale.

Après un bombardement de plusieurs jours, le tableau de Rubens est descendu en septembre 1914, puis, le 14 février 1915, la toile est détachée de son cadre par des ouvriers du Louvre. Déposée au Louvre en mars 1915, la toile est restaurée par Brisson et Denisard, puis présentée sans son cadre à une exposition au Petit-Palais en 1916-1917. Elle gagne ensuite la province, avant de regagner Soissons en 1926, "en parfait état". Une fois le cadre réparé, le tableau peut reprendre sa place vers 1928, dans le bras nord du transept restauré.

L'Adoration des bergers est une nouvelle fois évacuée pendant la Seconde Guerre mondiale. Déposée en 1939, elle réintègre Soissons en 1949 où elle est restaurée en août de la même année par Raoul Mettling, conservateur du musée municipal, intervention attestée par l'inscription peinte au dos de la toile. Après avoir repris sa place en septembre 1949, ce tableau a profité vers 1993 d'une dernière restauration, qui a permis de redécouvrir la composition originale.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 17e siècle
  • Dates
  • Stade de création
    • pièce originale de peinture
  • Lieu d'exécution
    Édifice ou site : Hollande, Anvers
  • Lieu de provenance
    Commune : Soissons
    Édifice ou site : couvent des Cordeliers, église
  • Auteur(s)

Le tableau est rectangulaire et vertical, et cintré à sa partie supérieure. La toile de l'œuvre originale était en un seul lé. C'est une toile de lin, au tissage serré. Elle a été agrandie de quatre pièces de toile de tailles différentes : une bande rectangulaire en bas, une pièce en haut, au niveau du cintre, enfin, deux petits éléments (un à chaque extrémité du bord supérieur). Ces adjonctions sont également réalisées en toile de lin, mais d'un tissage moins serré que la toile originale.

Le sujet est peint à l'huile sur une préparation à deux couches, la couche d'impression étant de couleur grise. Les parties de toile rajoutées ont reçu une préparation de couleur orangée.

Le châssis actuel est en sapin du nord.

  • Catégories
    peinture
  • Structures
    • élévation, rectangulaire vertical, cintré
  • Matériaux
    • lin, chaîne, trame, en plusieurs lés, support toile, peinture à l'huile
    • sapin, en plusieurs éléments, châssis taillé
  • Précision dimensions

    Mesures de la toile : h = 322 ; la = 237. Ces mesures correspondent au tableau, dans son état actuel. À l'origine, avant les divers agrandissements et diminutions, la toile mesurait approximativement 272 cm de hauteur et 238 cm de largeur.

  • Précision représentations

    Comme la plupart des tableaux illustrant ce thème, cette Adoration des bergers associe les personnages et éléments qui participent habituellement à cette composition iconographique. Le passage des Écritures se déroule la nuit. Dans l'étable, presque au centre, se trouve le groupe de la Vierge et de l'Enfant, vivement éclairé. La Vierge, vêtue de couleurs éclatantes, assise et accoudée sur des épis de blé, allaite l'Enfant emmailloté et tourne le visage vers les bergers qui regardent la scène avec intensité et vénération. Le couple de bergers âgés, placé le plus près de la Sainte Famille, manifeste la plus grande dévotion. L'homme, à demi-nu et vêtu comme un berger de l'Antiquité, est agenouillé de trois-quarts aux pieds de la Vierge et lève une main, soit en signe d'émerveillement, soit pour toucher l'Enfant. La vieille femme, de profil, joint les mains. Derrière eux est représenté le couple dans la force de l'âge, qui apporte des présents. La femme, vêtue à l'antique d'une tunique, porte un récipient de métal sur la tête et en tient un autre dans les mains. À ses côtés, un homme barbu et puissant se penche, apportant un agneau. Au premier plan, deux coqs posés près d'un tambour de colonne antique, complètent sans doute les présents des bergers. À l'arrière plan et dans l'ombre, au sommet d'une composition triangulaire, saint Joseph se penche sur la Vierge et l'Enfant, les protégeant et les désignant à la fois. Enfin à gauche, le bœuf avance paisiblement le mufle vers l'Enfant, tandis que derrière lui, peu visible, l'âne se tourne vers sa mangeoire.

    La composition se détache des autres œuvres du peintre sur le même thème, par l'absence totale de figures angéliques et par l'iconographie rare de la Vierge qui allaite l'Enfant, au lieu de le présenter aux bergers en écartant le tissu qui l'enveloppe. Toutefois, il ne s'agit ni d'une scène de genre, ni d'une simple illustration des Écritures, mais d'un tableau de dévotion, ancré dans la spiritualité du 17e siècle centrée sur le mystère de l'Incarnation et le culte de Jésus enfant. Chacun des détails vivement éclairés est chargé de sens religieux et peut former le support d'une méditation sur l'humanité et l'humilité du Christ. La naissance du Sauveur, qui constitue la dernière et éternelle alliance passée par Dieu avec les Hommes, est offerte à l'humanité dans le regard aimable que Marie échange avec les bergers. Dans ce contexte, l'agneau apporté en présent est une allusion à la mission rédemptrice et au futur sacrifice de l'Agneau de Dieu.

    Deux écus armoriés, cantonnés de palmes, ont été rajoutés au bas de l'œuvre.

  • Inscriptions & marques
    • inscription concernant une restauration, peint, sur l'oeuvre, illisible, connu par document
    • inscription concernant une restauration, manuscrit, sur partie rapportée, illisible, connu par document
    • armoiries, peint, sur l'oeuvre
  • Précision inscriptions

    Deux écus armoriés ont été rajoutés dans la partie inférieure du tableau. À gauche, l'écu se lit : d'azur à trois roseaux d'or tigés et feuillés du même, posés en pal, issants d'une champagne ondée d'argent, chacun surmonté d'un besant aussi d'or, au chef vairé d'or et d'azur. L'écu est entouré de deux palmes d'or et surmonté d'une crosse et d'une mitre d'or. Il s'agit des armes de Simon Le Gras de Vaubercey, évêque de Soissons de 1623 à 1656. L'écu de droite se lit : de gueules à la fleur de lys d'argent. Il est également entouré de deux palmes d'or. Il s'agit des armoiries (anciennes) de la ville de Soissons.

    Le châssis actuel porte sur une traverse l'inscription manuscrite : Réparé par Pierre Dufour, 17 novembre 1926, maison P. Waendendries. Cette inscription habituellement invisible a pu être relevée lors de la dernière restauration.

    Une inscription est également peinte au revers de la toile : Restauré par R. Mettling / aout 1949. Cette inscription, elle-aussi invisible, a été transcrite dans les mêmes conditions que précédemment.

  • État de conservation
    • oeuvre restaurée
    • agrandissement
    • réduction
  • Précision état de conservation

    Les historiens de l'Art qui ont étudié cette œuvre à l'occasion de la dernière restauration estiment que le tableau a été agrandi en haut et en bas quand il a été installé dans son cadre actuel au 18e siècle. Une comparaison avec l'esquisse de Lavanttal, et le positionnement de l'écu armorié de gauche qui est amputé, permettent de constater qu'il a été également un peu coupé à gauche, au niveau du bœuf.

    Le tableau a subi plusieurs restaurations successives, en particulier en 1833 où il a été rentoilé (et non transposé), après les deux guerres mondiales, puis pour la dernière fois en 1993. L’œuvre a alors profité d'une restauration très attentive, au cours de laquelle ont été réalisés un rentoilage, un dévernissage permettant l'enlèvement de repeints récents et la découverte des armoiries, enfin la restauration illusionniste de la couche picturale puis la pose d'un nouveau vernis.

  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler
  • Protections
    classé au titre objet, 1901/06/17
  • Référence MH

Documents d'archives

  • A Évêché Soissons. Série P (paroisses) : P Soissons-Cathédrale, 2 D. Inventaires.

    Inventaire de l'église cathédrale en 1836, n° 37.
  • A Évêché Soissons. Série P (paroisses) : P Soissons-Cathédrale, 3 D. Travaux, aménagements liturgiques, mobilier de la cathédrale de Soissons.

    Sous-dossier : Les tableaux de la cathédrale.
  • A Évêché Soissons. Série P (paroisses) : P Soissons-Cathédrale. 1 E 3. Délibérations de la Fabrique (1802-1804).

    Séances des 9 juin 1803, 1er septembre 1803, 13 octobre 1803.
  • A Évêché Soissons. Série P (paroisses) : P Soissons-Cathédrale, 1 E 6. Délibérations de la Fabrique (1846-1876).

    Séances des 28 novembre 1865, 1er juin 1866, 14 décembre 1866, 8 octobre 1869, 3 juillet 1876.

Bibliographie

  • BORNERT, René. L'Adoration des Bergers. Tableau au-dessus du maître-autel à l'église abbatiale d'Ebersmunster. Les Amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat, Annuaire 2006.

    p. 97-105.
  • BRUNET, Émile. La restauration de la cathédrale de Soissons. Bulletin monumental, 87e volume, 1928.

    p. 90.
  • DEFENTE, Denis. L'Adoration des bergers de Pierre-Paul Rubens à Soissons en 1784. Le témoignage de Jean-Baptiste Marie Pierre, premier peintre du roi. Mémoires de la Fédération des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie de l'Aisne, tome XLIV, 1999, p. 187-192.

  • DELORME. Notes sur le mobilier artistique de la cathédrale de Soissons. Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons, 3e série, t. 12, 1903-1904, 8e séance, lundi 1er août 1904, p. 265-292.

    p. 266, 271-278.
  • [Exposition. Amiens, Direction régionale des Affaires culturelles de Picardie. 1993]. Histoire d'un tableau de Rubens 1577-1640. L'Adoration des bergers de la cathédrale de Soissons. Réd. Jacques Foucart, Bruno Pons, Michel Popoff, Christian Gissinger, Caroline Piel. Amiens : DRAC de Picardie, 1993.

  • FOUCART, Jacques. Le Rubens de la Cathédrale de Soissons est-il authentique ? Bulletin de la Société historique et scientifique de Soissons, 4e série, t. 11, 1957-1960, p. 110-120.

  • GUEUGNON, Yves. "L'adoration des bergers", tableau de Rubens, à la cathédrale de Soissons. Mémoires de la Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie de l'Aisne, t. XXXVII, 1992, p. 125-130.

  • LAURENDEAU, Maxime. Notice biographique sur le peintre Hoyer. Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons, 2e série, t. 3, 1869-1871, 7e séance, lundi 4 juillet 1870, p. 217-231.

    p. 221-225.
  • LUGUET, Henry. L'Odyssée du Rubens de la Cathédrale pendant la Révolution. Mémoires de la Fédération des sociétés savantes du département de l'Aisne, t. 7, 1960-1961, p. 153-159.

  • MERLE DU BOURG, Alexis. Peter Paul Rubens et la France, 1600-1640. Villeneuve d'Ascq : Presses Universitaires du septentrion, 2004.

    p. 70-71.
  • PÉCHENARD, Monseigneur Pierre-Louis. La grande guerre. Le Martyre de Soissons (Août 1914-Juillet 1918). Paris : Gabriel Beauchesne, 1918.

    p. 190-191.
  • POQUET, abbé Alexandre, DARAS, abbé Louis-Nicolas. Notice historique et archéologique de la cathédrale de Soissons, avec la biographie de ses évêques. Soissons : Voyeux-Solin, 1848.

    p. 71-73.

Documents figurés

  • Soissons. - Cathédrale. L'Adoration des Bergers, par Rubens, impr. photoméc., par Étienne Moreau-Nélaton, photographe, vers 1914. In : MOREAU-NÉLATON, Étienne. Les Églises de chez nous. Arrondissement de Soissons. Paris : H. Laurens, 1914, fig. 774.

Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2012
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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