Dossier d’œuvre architecture IA62005151 | Réalisé par
Girard Karine (Rédacteur)
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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  • enquête thématique régionale, La première Reconstruction
  • patrimoine de la Reconstruction
Banque Générale du Nord, puis Crédit du Nord
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes du Sud-Artois - Bapaume
  • Commune Bapaume
  • Adresse 11 place Sadi-Carnot
  • Cadastre 2017 000 AB 01 217
  • Dénominations
    banque
  • Appellations
    Banque générale du Nord, Crédit du Nord
  • Parties constituantes non étudiées
    cour jardin, logement

Le bâtiment avant la Première Guerre mondiale

Avant guerre, la maison du directeur de la banque est au n°1 de la rue Lequette (recensement de population de 1911, AD Pas-de-Calais, M 3595). Les cartes postales anciennes montrent que l'immeuble ne se démarque pas de ceux qui l'entourent et ressemble à une maison d'habitation.

Éléments de contexte

Le maitre d'ouvrage est la Banque générale du Nord, dont le siège social est 42, rue Royale à Lille. L'intitulé exact du projet tel qu'il est présenté dans le marché avec l'entrepreneur est "construction d'un immeuble à usage de succursale, d'une importance différente de ceux détruits, répondant à de nouveaux besoins". Le marché de travaux précise que la succursale est établie grâce à la "réédification des immeubles dont [la banque] est devenue propriétaire rue Lequette et place Sadi-Carnot" (AD Pas-de-Calais, 10R9/39). Il a donc été procédé au rachat d'une partie des dommages de guerre des propriétaires sur les parcelles desquels la banque s'est établie.

La chronologie du projet de reconstruction

Le chantier est confié à Eugène Bidard, hors du cadre de son mandat auprès de la coopérative n°1. Les plans sont signés en 1921 et la remise des travaux se fait en novembre 1927. La clôture du dossier administratif a lieu en mars 1932. La reconstruction a coûté 399 000 francs. Le maitre d'ouvrage avait en effet précisé dans le marché avec l'entrepreneur que le budget prévisionnel de 415 000 francs fourni par l’architecte devait être revu à la baisse pour tenir dans l'enveloppe des dommages de guerre, "étant entendu que cette réduction ne devra pas modifier l'aspect général du projet et qu'elle sera obtenue en escomptant la baisse de certains prix de matériaux et de travaux au cours de la construction, ainsi que par certaines simplifications des détails qui seront indiqués par l'architecte".

Le projet de l’architecte : les plans

La répartition spatiale des fonctions bancaires et d'habitation apparait dans les plans accompagnant le devis descriptif conservés dans le dossier de dommages de guerre (AD Pas-de-Calais, 10R9/39). La banque proprement dite occupe une grande partie rectangulaire au centre matérialisée par une porte d'entrée monumentale, et les logements du directeur (les deux travées à gauche de la porte monumentale ainsi que trois baies sur la rue Lequette) et du concierge (la travée à droite de la porte monumentale). La maison du directeur, contiguë aux locaux de la banque, bénéficie d'une entrée indépendante sur la rue Lequette, ce qui n'est pas le cas du logement du concierge auquel on accède par le hall de la banque. Le sous-sol abrite la salle des coffres, ainsi que le chauffage central ; le rez-de-chaussée est occupé par les bureaux de la banque (directeur et employés), installés au fond d'un hall "couvert d'un plafond vitré" auquel on accède directement depuis l'entrée, ainsi que le salon et la salle à manger et "un garage d'auto ouvrant directement sur la rue" de la maison du directeur côté rue et la cuisine côté cour, côté qui abrite également la loge du concierge et sa cuisine ainsi qu'un "vestiaire à vélos". Au premier étage, autour de la verrière couvrant le hall se trouvent, côté cour, une salle d'archives, une chambre, la salle de bain et le vestibule desservant les pièces de l'étage de la maison du directeur ; et côté rue cinq chambres (trois pour le directeur et deux pour le concierge). Les combles, qui couvrent la totalité de l'immeuble, sont occupés par un "vaste grenier sans distribution".

Les matériaux préconisés dans le devis descriptif

Le devis apporte de nombreuses indications sur les matériaux utilisés. Sans surprise, l'architecte utilise du béton armé pour la salle des coffres et les planchers entre le sous-sol et le rez-de-chaussée, de même que pour "les arrières - linteaux des soupiraux, portes, croisées" de la façade sur rue, ainsi que pour l'intégralité des linteaux qui donnent sur la cour (recouverts d'un enduit ciment) et "les terrasses autour du châssis cintré du hall et au dessus de la salle des archives". Les murs extérieurs et les souches de cheminées sont en maçonneries de briques, que l'architecte souhaite acheter à l'usine bapalmoise de M. Laude. Sur la façade principale, la partie visible des encadrements de baies ainsi que la corniche, le fronton et les mitres des cheminées sont en pierre de taille "banc royal de Saint Maximin ou analogue" (un banc est une couche géologique homogène de plusieurs mètres d'épaisseur). Le soubassement est en pierre de Soignies de même que les marches des escaliers extérieurs. Les sols sont carrelés dans les espaces publics de la banque et les bureaux (hormis celui du directeur parqueté en chêne "à point de Hongrie" qui est une pose en chevrons) ainsi que dans les cuisines et les sanitaires des appartements. Les autres pièces des appartements et le premier étage de la banque reçoivent un parquet en "sapin rouge posé à l'anglaise" (c'est à dire avec des lattes de même largeur posées bout à bout et parallèles entre elles) fixé directement sur les solives. La charpente est en sapin. Les escaliers sont en orme avec des balustres en chêne. La couverture de la toiture à longs pans est en ardoises d'Angers côté rue et en tuiles mécaniques côté cour, le hall central étant couvert par une verrière posée sur "des fers à vitrage assemblés sur fer I [double T]. Les terrasses bordant cette verrière sont couvertes en ciment volcanique "composé comme suit : une couche de sable tamisé très fin, quatre épaisseurs de papier à joints chevauchés collés au ciment, une couche de sable fin et une couche de gravier de rivière". La porte d'entrée de la maison du directeur est en chêne, celle monumentale de la banque est en fer forgé, mais toutes les huisseries intérieures sont en sapin.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 20e siècle, 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1921, daté par source
    • 1927, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Bidard Eugène
      Bidard Eugène

      Architecte diplômé en 1895 de l’École supérieure des Beaux-Arts de Paris.

      Membre de la société civile d’architectes La cité nouvelle fondée en 1919 par Charles Duval et Emmanuel Gonse.

      (Pour plus d'informations sur la carrière d'Eugène Bidard, se reporter à l'annexe "Eugène Bidard, l'architecte de la reconstruction de Bapaume").

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      architecte attribution par source

La banque

L'immeuble est situé au n°9 de la place Carnot, à l'angle sud-est de la place dans la partie qui a bénéficié d'un élargissement lors de la mise en œuvre du Plan d'aménagement d'extension et d'embellissement (PAEE). Il occupe une parcelle presque carrée issue de la réunion de plusieurs parcelles rectangulaires. Sur ses deux façades, l'immeuble est aligné à front de rue et seul l'avant-corps accueillant l'entrée de la banque forme une légère saillie. L'arrière de la parcelle est occupé par un jardin.

De plan presque carré, l'immeuble de deux niveaux est couvert par une toiture à longs pans percée de lucarnes rampantes. Elle est couverte d'ardoise sur le pourtour et ceint une partie centrale couverte d'une grande verrière.

La façade, organisée en travées, fait alterner baies avec pieds-droits et linteaux en pierre et importants pans en brique sans décors. Comme toutes les baies, la porte d'entrée monumentale de la banque est de forme rectangulaire. Pieds-droits et linteaux portent des moulures plates et le centre du linteau est décoré d'une agrafe qui fait le lien avec un grand dessus de porte tabulaire où est inscrit le nom de la banque. La travée d'entrée s'achève par un fronton en demi lune reposant sur deux modillons décoré d'un motif végétal en moyen-relief. On retrouve sur le reste de la façade, en version réduite, cette même association agrafe et table saillante pour lier les baies superposées des premier et second niveaux.

La maison du directeur

Située à gauche de la banque, à l'entrée de la rue Jean-Baptiste-Lequette, elle s'inscrit dans le même volume que le bâtiment de la banque et est couverte par la même toiture. Elle en reprend les mêmes matériaux (brique pour les pleins de travée ; pierre pour le soubassement, les linteaux des baies et la corniche), les mêmes formes de fenêtres et les mêmes élévations. La travée centrale est occupée par une porte à linteau droit surmontée d'une petite baie rectangulaire. La travée de droite est composée de deux grandes fenêtres superposées et celle de gauche d'une porte de garage surmontée d'une baie.

La maison du concierge

Elle est située à droite de la banque. Elle s'en démarque radicalement. Ne comptant qu'un étage carré, elle est couverte par une toiture à long pans. La façade de quatre travées est construite en briques. Elle repose sur un soubassement en béton travaillé pour ressembler à de la pierre meulière, matériau que l'on retrouve également dans le bandeau marquant la séparation entre le premier et le second niveau de façade et dans les appuis des baies. Contrairement à la banque, ces dernières sont légèrement cintrées et seules celles du premier niveaux sont entourées de pieds droits.

L'intérieur de la banque a été profondément modifié : le hall central a disparu, remplacé par des espaces de bureaux. Seule la verrière reste partiellement visible. S’agissant des maisons du directeur et du gardien, propriétés privées, l’intérieur actuel des bâtiments n’a pas été étudié. Il n’est donc pas possible de savoir si la construction s’est faite conformément aux plans de l’architecte, ni si cette dernière a été modifiée par la suite.

  • Murs
    • brique
    • calcaire pierre avec brique en remplissage
  • Toits
    ardoise, verre en couverture
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Jardins
    pelouse
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • corne d'abondance
    • laurier
  • Précision représentations

    La sculpture en bas-relief occupe toute la surface du fronton en demi-lune.

    Deux cornes d'abondance affrontées, ouvertures vers le bas, encadrent un écusson à volutes. Les fruits se déversent jusque dans les écoinçons du fronton. Des feuilles de lauriers occupent l'espace entre la corne, le bord de l'écusson et la voussure du fronton.

  • Statut de la propriété
    propriété d'un organisme professionnel

L'architecte a su adapter son projet aux contraintes de coût imposées par le commanditaire : si pour la partie visible de la rue qui doit donner de la banque une image de solidité et d'opulence, il ne lésine pas sur les matériaux de qualité : pierre bleue de Soignies, pierre de taille en calcaire, ardoise d'Angers... il est en revanche beaucoup plus économe pour les parties arrières invisibles des clients (tuiles en couverture, éléments porteurs en béton enduit) ou privées : planchers en sapin, faux décors de chêne sur les murs de l'appartement du directeur, papier de tenture (c'est à dire papier peint) dans les chambres et l'appartement du concierge.

Le choix des matériaux est intéressant. L'architecte a privilégié les produits locaux : pierre de Soignies, briques produites à Bapaume. Il a aussi donné de l'originalité à l'édifice en utilisant des matériaux peu usités à Bapaume, et que lui même n'emploie pas dans ses autres chantiers de reconstruction hormis celui de la Caisse d'Epargne, comme l'ardoise pour la toiture ou encore la pierre calcaire taillée pour l'entourage des baies. La variété et la qualité des matériaux peut aussi s'expliquer par la date plus tardive à laquelle la banque est reconstruite, après les travaux de reconstruction des maisons ou des usines. Davantage de matériaux sont disponibles à la fois car la demande est moins forte et que l'offre est plus abondante puisque les usines de production ont repris leurs activités, mais surtout, la reconstruction des voies de transport rend plus facile l'acheminement de certains matériaux comme l'ardoise d'Angers ou le calcaire de Saint-Maximim.

Au-delà du choix des matériaux, l'élévation de l’immeuble contribue au sentiment de sérieux et de fiabilité qui sied à une banque : formes géométriques simples des baies et du fronton ; élévation un peu plus imposante que les maisons qui entourent la banque et léger ressaut de l’avant-corps accueillant la porte d'entrée par rapport à l'alignement du reste de la façade ; association de baies avec pieds-droits et linteaux en pierre et importants pans en brique rappelant l'architecture Louis XIII.

L'élévation de l'immeuble visible aujourd'hui correspond au projet dessiné par l'architecte. Quelques différences sont cependant à noter : les motifs ornant les pans de brique qui devaient être obtenus par un jeu de calepinage des briques n'ont pas été réalisés, tout comme le fronton un peu plus complexe (un fronton cintré brisé avec en son centre un fronton triangulaire à ressauts latéraux) initialement prévu. Les cartes postales anciennes où figure la banque presqu'achevée montrent que ces différences datent de la construction de l'immeuble et ne sont pas une modification postérieure.

Il est intéressant de comparer cette banque avec la Caisse d'Epargne de la rue de la République, également réalisée par Bidard (voir IA62005163). Bien que leur élévation soit très différente, on ne peut s'empêcher de souligner plusieurs points communs : l'association du bâtiment de la banque avec les logements de fonction du directeur et du concierge ; choix de matériaux identiques (pierre de taille, ardoise) mis en œuvre de manière similaire ; importance du fronton.

Documents d'archives

  • AD Pas-de-Calais. Série R ; 10R9/39. Dommages de guerre. Secteur de Bapaume. Dossier 568. Banque Générale du Nord : habitation et commerce : devis descriptif, marchés, convention d'acompte, décompte général des travaux, plans.

    Liste des documents figurés utilisés dans la notice :

    - Banque Générale du Nord : façade sur la place. Signé et daté, Bidard, 20 septembre 1921.

    - Banque Générale du Nord : plan des sous-sols et caves. Signé et daté, Bidard, 20 septembre 1921.

    - Banque Générale du Nord : plan du rez-de-chaussée. Signé et daté, Bidard, 20 septembre 1921.

    - Banque Générale du Nord : plan du premier étage. Signé et daté, Bidard, 20 septembre 1921.

    - Banque Générale du Nord : coupe longitudinale. Signé et daté, Bidard, 20 septembre 1921.

    Devis descriptif, marchés, convention d'acompte, décompte général des travaux, plans.

Bibliographie

  • DÉGARDIN, Gaston. Rues et monuments de Bapaume. Arras : Presses de l'imprimerie centrale de l'Artois, 1945.

    p. 190.

Documents figurés

  • 7 - bapaume, (P.-de-C.) - Place Sadi Carnot, the Sadi Carnot Place. Edition Hôtel Sheffield, cliché R. Lelong, rue Miraumont, Amiens. Carte postale, vers 1930 (coll. part.). La banque Crédit du Nord est visible au fond à droite

Annexes

  • Les matériaux de la reconstruction à Bapaume
Date(s) d'enquête : 2018; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Girard Karine
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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