Le bâtiment avant la Première Guerre mondiale
Avant guerre, la maison du directeur de la banque est au n°1 de la rue Lequette (recensement de population de 1911, AD Pas-de-Calais, M 3595). Les cartes postales anciennes montrent que l'immeuble ne se démarque pas de ceux qui l'entourent et ressemble à une maison d'habitation.
Éléments de contexte
Le maitre d'ouvrage est la Banque générale du Nord, dont le siège social est 42, rue Royale à Lille. L'intitulé exact du projet tel qu'il est présenté dans le marché avec l'entrepreneur est "construction d'un immeuble à usage de succursale, d'une importance différente de ceux détruits, répondant à de nouveaux besoins". Le marché de travaux précise que la succursale est établie grâce à la "réédification des immeubles dont [la banque] est devenue propriétaire rue Lequette et place Sadi-Carnot" (AD Pas-de-Calais, 10R9/39). Il a donc été procédé au rachat d'une partie des dommages de guerre des propriétaires sur les parcelles desquels la banque s'est établie.
La chronologie du projet de reconstruction
Le chantier est confié à Eugène Bidard, hors du cadre de son mandat auprès de la coopérative n°1. Les plans sont signés en 1921 et la remise des travaux se fait en novembre 1927. La clôture du dossier administratif a lieu en mars 1932. La reconstruction a coûté 399 000 francs. Le maitre d'ouvrage avait en effet précisé dans le marché avec l'entrepreneur que le budget prévisionnel de 415 000 francs fourni par l’architecte devait être revu à la baisse pour tenir dans l'enveloppe des dommages de guerre, "étant entendu que cette réduction ne devra pas modifier l'aspect général du projet et qu'elle sera obtenue en escomptant la baisse de certains prix de matériaux et de travaux au cours de la construction, ainsi que par certaines simplifications des détails qui seront indiqués par l'architecte".
Le projet de l’architecte : les plans
La répartition spatiale des fonctions bancaires et d'habitation apparait dans les plans accompagnant le devis descriptif conservés dans le dossier de dommages de guerre (AD Pas-de-Calais, 10R9/39). La banque proprement dite occupe une grande partie rectangulaire au centre matérialisée par une porte d'entrée monumentale, et les logements du directeur (les deux travées à gauche de la porte monumentale ainsi que trois baies sur la rue Lequette) et du concierge (la travée à droite de la porte monumentale). La maison du directeur, contiguë aux locaux de la banque, bénéficie d'une entrée indépendante sur la rue Lequette, ce qui n'est pas le cas du logement du concierge auquel on accède par le hall de la banque. Le sous-sol abrite la salle des coffres, ainsi que le chauffage central ; le rez-de-chaussée est occupé par les bureaux de la banque (directeur et employés), installés au fond d'un hall "couvert d'un plafond vitré" auquel on accède directement depuis l'entrée, ainsi que le salon et la salle à manger et "un garage d'auto ouvrant directement sur la rue" de la maison du directeur côté rue et la cuisine côté cour, côté qui abrite également la loge du concierge et sa cuisine ainsi qu'un "vestiaire à vélos". Au premier étage, autour de la verrière couvrant le hall se trouvent, côté cour, une salle d'archives, une chambre, la salle de bain et le vestibule desservant les pièces de l'étage de la maison du directeur ; et côté rue cinq chambres (trois pour le directeur et deux pour le concierge). Les combles, qui couvrent la totalité de l'immeuble, sont occupés par un "vaste grenier sans distribution".
Les matériaux préconisés dans le devis descriptif
Le devis apporte de nombreuses indications sur les matériaux utilisés. Sans surprise, l'architecte utilise du béton armé pour la salle des coffres et les planchers entre le sous-sol et le rez-de-chaussée, de même que pour "les arrières - linteaux des soupiraux, portes, croisées" de la façade sur rue, ainsi que pour l'intégralité des linteaux qui donnent sur la cour (recouverts d'un enduit ciment) et "les terrasses autour du châssis cintré du hall et au dessus de la salle des archives". Les murs extérieurs et les souches de cheminées sont en maçonneries de briques, que l'architecte souhaite acheter à l'usine bapalmoise de M. Laude. Sur la façade principale, la partie visible des encadrements de baies ainsi que la corniche, le fronton et les mitres des cheminées sont en pierre de taille "banc royal de Saint Maximin ou analogue" (un banc est une couche géologique homogène de plusieurs mètres d'épaisseur). Le soubassement est en pierre de Soignies de même que les marches des escaliers extérieurs. Les sols sont carrelés dans les espaces publics de la banque et les bureaux (hormis celui du directeur parqueté en chêne "à point de Hongrie" qui est une pose en chevrons) ainsi que dans les cuisines et les sanitaires des appartements. Les autres pièces des appartements et le premier étage de la banque reçoivent un parquet en "sapin rouge posé à l'anglaise" (c'est à dire avec des lattes de même largeur posées bout à bout et parallèles entre elles) fixé directement sur les solives. La charpente est en sapin. Les escaliers sont en orme avec des balustres en chêne. La couverture de la toiture à longs pans est en ardoises d'Angers côté rue et en tuiles mécaniques côté cour, le hall central étant couvert par une verrière posée sur "des fers à vitrage assemblés sur fer I [double T]. Les terrasses bordant cette verrière sont couvertes en ciment volcanique "composé comme suit : une couche de sable tamisé très fin, quatre épaisseurs de papier à joints chevauchés collés au ciment, une couche de sable fin et une couche de gravier de rivière". La porte d'entrée de la maison du directeur est en chêne, celle monumentale de la banque est en fer forgé, mais toutes les huisseries intérieures sont en sapin.
Photographe au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.