Dossier d’aire d’étude IA80010351 | Réalisé par
  • enquête thématique départementale, Reconstruction de la Haute-Somme
  • patrimoine de la Reconstruction, enquête externe
La Reconstruction dans l'Est de la Somme - dossier de présentation
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  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Communauté de communes Terre de Picardie, Communauté de communes de la Haute-Somme, Communauté de communes de l'Est de la Somme
  • Adresse
    • Commune : Assevillers
    • Commune : Athies
    • Commune : Bernes
    • Commune : Brie
    • Commune : Cartigny
    • Commune : Chaulnes
    • Commune : Cléry-sur-Somme
    • Commune : Devise
    • Commune : Doingt
    • Commune : Driencourt
    • Commune : Eppeville
    • Commune : Falvy
    • Commune : Fresnes-Mazancourt
    • Commune : Ham
    • Commune : Hombleux
    • Commune : Longavesnes
    • Commune : Misery
    • Commune : Moislains
    • Commune : Estrées-Mons
    • Commune : Morchain
    • Commune : Nesle
    • Commune : Nurlu
    • Commune : Omiécourt
    • Commune : Péronne
    • Commune : Proyart
    • Commune : Roisel
    • Commune : Villers-Faucon

Le "pays rouge" dans l'est du département de la Somme représente 105 communes réparties sur les anciens cantons de Chaulnes, Nesle, Ham, Péronne et Roisel. Cette partie du département tire son nom du matériau utilisé massivement lors de la Reconstruction. En effet, les villages du secteur ayant été pratiquement rasés lors de la Grande Guerre, on a utilisé une brique rouge vif pour édifier le nouveau bâti.

Après avoir été le théâtre de la sanglante bataille de la Somme, le pays dévasté a été dans les années 1920-1930 une région test pour expérimenter un nouvel urbanisme et une nouvelle architecture fortement influencés par les grands courants architecturaux de l'époque.

L'objectif de l'étude a été de dresser un répertoire le plus représentatif possible du patrimoine architectural de la reconstruction privé et public, civil ou religieux de cette zone géographique en vue de sa préservation et de sa mise en valeur.

Les oeuvres étudiées dans 27 communes du pays rouge, illustrent les principaux thèmes retenus : le patrimoine religieux, le patrimoine mémoriel, les équipements publics (hôtels de ville, mairies, écoles et salles des fêtes), ou encore les nouvelles résidences urbains et rurales.

D'inégales découvertes

Il a été plus aisé de documenter les édifices publics et ensembles communaux, pour lesquels l'addition des renseignements d'archives "10 R" et "99 O" donnent, en général, toute l'information souhaitée (les cas sont rares où les renseignements ont manqué dans les deux sources). Un regard a été porté sur l'édifice antérieur à la guerre (travaux de reconstruction ou de réparation sur les églises, construction de groupes scolaires ou de mairies dans la tranche chronologique généralement couverte par la série O (1870-1914).

Malgré leur qualité architecturale, beaucoup de maisons, fermes, logis, pigeonniers, cités ouvrières n'ont pu être documentés pour ce qui concerne leur reconstruction ; les documents, s'il y en a, se trouvent dans les archives privées, non accessibles dans le temps de la présente étude.

On peut être tenté d'attribuer certains édifices, sur affinité stylistique, aux architectes travaillant beaucoup sur la commune durant cette période, toutefois il faut se garder de nommer systématiquement, comme auteur de la reconstruction, la même personnalité que le signataire du dossier des dommages de guerre.

La variété des projets architecturaux

Ce qui découle immédiatement des recherches archivistiques et renforce l'impression première des enquêtes de terrain, est l'étendue du nombre des cas de figure différents de reconstruction dont témoigne la variété architecturale des œuvres réalisées, malgré un petit nombre de "familles stylistiques" au sein desquelles s'exerce une relative homogénéité.

Plusieurs raisons à cela :

  • les "marques de fabrique" des agences d'architecture, malgré des projets aux partis architecturaux très divers,
  • l'évolution de la demande architecturale de la clientèle comme des partis proposés par les maîtres d'œuvre,
  • les aléas de la procédure de la Reconstruction, des règles et financement des "dommages de guerre", des personnalités locales.

La marque de fabrique des artistes

Les manières de faire des grands cabinets d'architectes se remarquent aisément soit à travers la grammaire stylistique, structurelle ou décorative – c'est le cas des œuvres néo-régionalistes de Duthoit – soit à travers le dessin des plans et leur graphisme lorsque les partis architecturaux diffèrent, comme par exemple l'église de Cléry réalisée par Debat-Ponsan en style moderne par rapport à l'Hôtel de Ville de Péronne reconstruit en style néo-Renaissance. Malgré cela, le modernisme caractérise les recherches de Debat-Ponsan, alors que c'est l'historicisme qui domine chez Faille.

La liste des architectes oeuvrant à la Reconstruction n'est pas très longue : certains étant agréés par l'Administration pour établir les premières expertises, d'autres intervenant pour une commune, réalisent plusieurs reconstructions pour celle-ci, voire pour les communes voisines ou le même organisme coopératif de reconstruction. On peut dessiner une sorte de secteur géographique pour chacun d'entre eux.Parmi ces maîtres d'œuvre, les architectes parisiens sont en bonne place. Ces architectes ouvrent souvent une agence ou un bureau local, à Amiens ou à Péronne, de même que les grosses entreprises de maçonnerie et travaux publics, issues de toutes les régions de France. D'autres architectes sont introduits dans la région par de grands propriétaires privés, qui font naturellement appel aux architectes travaillant habituellement pour eux comme par exemple : Régnier à Chaulnes, Lisch à Eppeville…

Les artistes (peintres, céramistes, vitraillistes, décorateurs et ébénistes…) apportent également leurs marques, qui s'ajoutent à celles du maître d'œuvre dans la mesure où ils interviennent souvent aussi pour le compte des mêmes architectes : les sculpteurs Guiraud-Rivière et Binquet sont plusieurs fois associés à des projets de l'architecte Debat-Ponsan. Quant aux créateurs de vitraux, Gaudin, Gruber, Barillet, Damon et Rembouret, ils semblent se partager assez équitablement cette importante commande. On retrouve nombre d'italiens parmi ces artistes et artisans, dans la peinture murale, notamment.

La beauté des documents graphiques (dessin en sépia et à lavis roses, tirage des plans sur bleus et graphisme des écritures portées sur les plans, des encadrements et cartouches) contribuent à la qualité de l'œuvre architecturale elle-même. Les exemples les plus remarquables sont celui du dessin de l'église de Devise par Rischmann dont la présentation est tout à fait originale et ceux de Duthoit pour les églises d'Assevillers et de Fresnes-Mazancourt.

Les techniques de construction et les matériaux employés concourent eux-mêmes, tant à l'émergence d'une certaine homogénéité architecturale régionale, qu'à la diversité par leur originalité, par l'innovation dont ils font preuve :

  • le goût pour les appareillages de moellons rustiqués et les vimberges à couteaux picards…,
  • la polychromie née de la présence de matériaux différents : pierre et brique, béton et brique, incrustations de céramique…

Des procédés nouveaux sont exploités sur ces chantiers :

  • le procédé de voûtes Fabre (brevet de l'entreprise) permettant la réalisation de voûtes "à l'ancienne", voûtes d'arêtes romanes, cul-de-four, etc… en terre cuite enduites au plâtre avec dessin de faux joints de pierre,
  • les procédés attachés à la nouvelle technique du béton armé mis au point par les Frères Perret et par Hennebique,
  • la sculpture sur béton armé, réalisée sur place par les sculpteurs,
  • les produits Mattone employés par Dominique Aldighieri pour la réalisation des graphites…
  • la technique de vitraux en mosaïque de verre et béton,
  • les voûtes en chaînette ou en carène qui sont une des marques de l'époque.

Les conditions de l'offre et de la demande architecturale

L'examen des archives permet de prendre conscience de la forte évolution dans l'élaboration des projets entre les premières esquisses d'avant-projet encore attachées à la restitution de l'édifice disparu, jusqu'au projet arrêté en définitif. Un changement de terrain d'accueil survient quelquefois, modifiant radicalement le parti architectural.

Plusieurs causes sont souvent à l'origine de l'évolution des projets pour un même édifice, entre les données de l'édifice détruit, la 1ère proposition de l'architecte et le projet final visible aujourd'hui :

  • la première et la plus courante est d'ordre réglementaire : reconstruction signifiant a priori "reconstruction à l'identique imposée", le premier projet se limite souvent à la restitution de l'état originel d'avant 1914 ;
  • la deuxième qui milite dans le même sens est d'ordre psychologique et sentimental : il importe de gommer les effets de la guerre, étouffer le souvenir de l'épisode douloureux en retrouvant le passé ; c'est ce qui aboutit souvent aux partis néo-régionalistes ou néo-romans, néo-gothiques, néo-Renaissance suivant le style originel de l'édifice ;
  • la troisième est due à la personnalité de l'architecte qui lui permet de convaincre son client et les instances administratives du parti architectural préférable. On peut s'interroger sur la raison qui a motivé le choix d'un projet avant-gardiste par le conseil municipal de Brie pour la reconstruction de l'église : force de persuasion de l'architecte Debat-Ponsan souhaitant proposer une architecture résolument moderne à l'image de l'église du Raincy d'Auguste Perret ? ou réelle volonté des élus locaux de s'afficher dans la ligne du progrès ?

Car c'est aussi, parfois, à l'inverse, la demande du client qui fait évoluer le projet. A la mairie-école et à l'église de Devise, les projets, très traditionnels au départ, sont devenu très "Arts Déco" au final. Cela tient sans doute autant à la personnalité du maire Roger Tattegrain qu'au grand laps de temps qui s'est écoulé avant la réalisation. C'est aussi la demande du conseil municipal de Morchain qui fait réaliser un campanile au-dessus de l'école en attendant la reconstruction de l'église plus tardive.

Mis à part le changement de style ou de parti architectural, l'urbanisme et l'aménagement urbain sont également une cause d'évolution du projet entre l'avant et l'après-guerre : changement de site, réorientation, adaptation au terrain, plan d'alignement… C'est par exemple : le retournement du porche de l'église pour qu'il donne sur la place de la mairie à Assevillers et à Dompierre rompant avec le principe traditionnel d'orientation des églises, l'adaptation urbanistique de l'hôpital de Péronne…

Une autre cause, la plus importante, sans doute, est celle des moyens économiques accordés à la reconstruction. La restitution de certains édifices n'a bénéficié que de faibles subsides. Devant le manque de capacité financière, il a fallu tirer parti au mieux des moyens réduits, ce qui a induit une certaine simplicité de conception. A l'inverse, des moyens accrus, notamment par le cumul possible des indemnités de dommages de guerre ont autorisé des projets d'importance : par exemple : les ressources de l'usine à gaz non reconstruite parce qu'elle n'avait plus d'utilité permet à la Ville de Péronne d'employer les fonds à la reconstruction de la mairie-école et surtout à la reconstruction d'une nouvelle école, il en est de même pour Roisel.

Les aléas de la procédure

La reconstruction a été tributaire également des aléas de la procédure administrativo-financière.

Certains projets, comme à Devise, pour la reconstruction de l'église et de la mairie-école, ont connu plusieurs années de gestation, entre l'expertise des destructions, l'attribution des indemnités de dommages de guerre, l'acceptation des projets et l'obtention des autorisations administratives de reconstruire… ; certaines réalisations ont connu des déboires, des retards successifs et des malfaçons dus parfois à des faillites d'entreprises qui expliquent des désordres constatés aujourd'hui.

A l'inverse, d'autres projets (à Cléry et Morchain, notamment) ont pris un caractère plus expéditif.

Cela tient souvent à la personnalité des maires de l'époque qui se sont battus pour obtenir gain de cause – c'est le cas du Dr Charles Boulanger, maire de Péronne pour la reconstruction de sa ville – ou qui sont passé outre les blocages administratifs (conseil municipal de Morchain).

C'est parfois dû au parrainage de personnalités extérieures, comme à Cléry, le succès de l'action de Maurice Fenaille, mécène de la reconstruction, ou de la puissance financière et des enjeux économiques de la Compagnie Nouvelle des Sucreries Réunies, avec leur architecte Lisch.

Et c'est aussi quelquefois l'influence et le rôle que certains architectes ont tenu, en particulier, Henry Moreau, architecte en chef des Monuments Historiques, à qui nous devons, entre autres, la résurrection de Saint-Jean de Péronne.

Bibliographie

  • INVENTAIRE GENERAL DU PATRIMOINE CULTUREL. Région PICARDIE. Architectures de la Reconstruction dans l'Est de la Somme. Réd. Carmen Popescu, collab. Aline Magnien ; photogr. jean-Claude Rime, Thierry Lefébure. Lyon : Lieux Dits, 2006 (Itinéraires du patrimoine, 297).

  • INVENTAIRE GENERAL DU PATRIMOINE CULTUREL. Région PICARDIE. La Reconstruction dans l'Est de la Somme : l'architecture religieuse et son décor. Réd. Céline Frémaux ; photogr. jean-Claude Rime, Thierry Lefébure. Trouville-sur-Mer : Illustria, 2007 (Parcours du patrimoine, 330).

Date d'enquête 2003 ; Date(s) de rédaction 2003
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général