Les numéros et lettres indiqués entre parenthèse renvoient au plan schématique figurant dans les illustrations. Quand l'édifice mentionné n’a pas été localisé, aucun numéro ou lettre ne lui a été associé.
L’implantation d’une scierie, 1876-1899
C'est en 1876 que l’architecte Delaplace implante une scierie, composée d'un atelier et d'un hangar, à proximité de l’Oise et de la nouvelle voie ferrée. En 1873-1876, la parcelle est constituée de deux terres, d'une maison pour 5 ouvriers (1) et d'une scierie.
En 1882, l'exploitation comprend une maison (1) et une scierie, le tout sur une vaste parcelle dont seule la moitié est bâtie. Des ateliers et des magasins et un hangar s'y ajoutent en 1883. En 1888, une partie des ateliers et magasins est supprimée mais un autre hangar est construit.
En 1895 et 1896, la scierie Delaplace s’agrandit avec l’adjonction d'un séchoir et d'un hangar, en plus de la maison, de la scierie, d’un atelier et d’un magasin.
Une fabrique de chapeaux anglais, de 1896 au lendemain de la Première Guerre mondiale
En 1896, des chapeliers travaillant pour l’entreprise Moores sont enregistrés à l’adresse de la scierie Delaplace. En 1899-1900, la propriété foncière passe à Thomas Moores. Originaire de Denton (Angleterre) et associé à ses deux fils, il transforme le site en fabrique de chapeaux. La propriété comporte alors une maison (1), une scierie, un séchoir, une nouvelle remise, une nouvelle écurie et un nouveau hangar. Thomas et son fils Édouard démolissent un séchoir en 1901, suppriment l’activité de scierie en 1902 et se font imposer pour une fabrique de chapeaux sur la même parcelle.
En 1901, la fabrique emploie au moins neuf chapeliers anglais, résidant sur le site avec leur famille, et au moins neuf chapeliers français, résidant ailleurs dans la commune. En 1906, Thomas Moores est le seul résident anglais de la fabrique de chapeaux, ses concitoyens ayant quitté le site. Mais il emploie encore douze habitants de Margny-lès-Compiègne, dont Fred Bardsley (le premier chapelier britannique identifié à Compiègne et un ancien résident de la fabrique qui a fondé une famille avec une Française).
Les Moores ont une industrie florissante et internationale de chapeaux, à la fois en Angleterre et en France. Leur atelier de Margny-lès-Compiègne leur permet probablement d’irriguer à la fois le marché de Compiègne, Chantilly et Paris. François Callais (1966) estime qu’à son pic d’activité la chapellerie représente une cinquantaine d'emplois. En 1908, Thomas Moores cède la fabrique à ses fils James-Henri et Thomas-Édouard.
Un plan de 1911 montre l’organisation de la manufacture avec ses différents ateliers. Cependant, ce plan ne représente qu'un projet partiellement réalisé.
En 1914, le déclenchement de la Première Guerre mondiale et la proximité du front font partir la communauté anglaise de Compiègne et alentours. Le 11 septembre 1915, l’usine est frappée par un bombardement allemand. La Grande Guerre semble signer la fin de la fabrique de chapeaux sur ce site. En effet, en 1921, on ne trouve plus trace des chapeliers de l’entreprise Moores, même s'il y avait encore probablement une boutique de vente à Compiègne, rue de Clermont.
Des logements de cheminots, 1906-1955
Dès 1906, la Compagnie des chemins de fer du nord acquiert des terrains dans la zone où se situe la fabrique, à proximité immédiate de la gare. Elle y loge plusieurs de ses employés avec leur famille dans différentes maisons. À partir de 1921, seuls les cheminots de la Compagnie habitent ce quartier industriel. Une photographie aérienne de 1928 (IGN) permet de comprendre comment une partie de ces logements s'est insérée dans le bâti de l'ancienne manufacture.
En 1931 et 1936, la Compagnie des Chemins de fer du Nord a repris l'ensemble des logements (1, 2, 7, 8) situés à l’adresse de l’ancienne scierie et fabrique de chapeaux et les a probablement étendus en créant une pseudo-rue bordée de jardins au nord-est. En 1937, la nationalisation de la compagnie transfère la propriété à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF).
Des logements enserrés dans un site industriel (charbonnier André Lerouge, producteur de levure Lesaffre, pétrolier Fina), des années 1930 aux années 1950
Au sud-ouest des logements des cheminots, se trouve le charbonnier André Lerouge, installé au moins depuis 1897 au 8 rue de la Gare (11). Son activité évolue vers le stockage et le chargement fluvial, qui est cédée à Lesaffre puis Fina. À partir des années 1950, l'histoire du site est difficilement traçable par les sources consultées.
Une photographie aérienne de 1947 donne une vision des logements cheminots restants alors que l’industrie se développe tout autour. Déjà on identifie une cuve à mélasse (9), en lieu et place des maisons situées au nord-est du site figurant sur le cadastre de 1933.
En 1955, André Lerouge tient cette activité de stocks et transformation. En 1957, elle est remplacée par l’entreprise Lesaffre qui obtient l’autorisation de construire une seconde cuve à mélasse de même dimension que celle déjà existante (9). Des photographies aériennes de 1957 et 1969 (IGN) montrent l’implantation des stocks (11) autour des bâtiments de logements (1 à 5), avec deux cuves à mélasse (9).
À une date indéterminée, en 1960 et 2000, sont unifiés en un seul espace l’ensemble des combles du bâtiment de logements (2) situé au sud-ouest de la parcelle où se trouvent les logements.
La société Fina s’implante autour des logements des cheminots (années 1960 - fin des années 1990)
De source orale, le site industriel (9, 10 et 11) aurait été cédé dans les années 1960 à la société Fina (groupe industriel chimique et pétrolier) dont l’enseigne en partie effacée est encore visible sur le pignon nord-est du bâtiment de logement des cheminots le long du chemin de halage.
Entre 1969 et 1970, une troisième cuve de mélasse (9) est construite dans l'alignement des deux autres (9).
Une photographie aérienne de 1985 (IGN) permet de comprendre l’organisation du site industriel. À l’ouest, des entrepôts et des stocks à ciel ouvert de charbon (11), desservis par une grue sur rail permettant de charger une péniche qui serait accostée à la rive de l’Oise. Au nord, un vaste hangar et un portail d’entrée donnant accès une voie bordé de trois bâtiments couverts en tuile. Au sud, l’ensemble de logements (1 à 5, A et B) hérités de la fin du XIXe siècle. A l’est (C et 11), d’autre espaces de stockage à ciel ouvert et cinq petits silos, l’ancienne pseudo-rue toujours utilisée en voierie. Au nord de cette dernière, s’élève une maison (7) dont le jardin (8) longe presque toute la voie (C). Encore plus à l’est, les trois cuves de mélasse (9) et leur bâtiments techniques (10 et X).
L'exploitation industrielle s'arrête à la fin des années 1990. Parallèlement, les familles de cheminots sont relogées et la SNCF sécurise le site, mitoyen des installations de Total qui a racheté Fina en 1999.
Reconversion du site des logements de cheminots (à partir de 2000)
En 1995 l’ensemble des ouvertures sur le chemin de halage sont murées à l'exception du porche d'entrée. Les anciens logements (1 et 2), dépendances (3, 4, 5, A et B) et cours sont cédés à la Communauté de communes de la région de Compiègne.
Au cours de travaux antérieurs à 2000, des fenêtres de toit ont été ajoutées à chaque logement du bâtiment de logements du chemin de halage (1) et des toilettes été aménagés sous les escaliers de deux des six logements.
En 2000, la Communauté de communes de la région de Compiègne réalise des travaux d’assainissement, de mise aux normes et d’adaptation des bâtiments (1 et 2) pour y accueillir les activités de la compagnie de théâtre Acte Théâtral : démolitions d’appentis, du bâtiment des cabinets d’aisance (A), construction d'un plateau de répétitions à l’étage du bâtiment de logements sur cour dit « La Grange » (2), création de bureaux dans le bâtiment du côté du chemin de halage (1), installations de magasins de décors, d’accessoires et de costumes dans l’ensemble des bâtiments conservés (1, 2, 3, 4, 5). Ces travaux sont achevés au printemps 2002.
Entre 2001 et 2006 (photographies IGN), l'ensemble des bâtiments industriels est rasé (11 et X), à l'exception de trois cuves de stockage de mélasse (9).
En 2020 la compagnie Acte Théâtral a rebaptisé le site Le Bord de l'Eau et le gère via une association du même nom regroupant plusieurs structures culturelles (une association de production musicale, de trois compagnies théâtrales, d’une radio (Radio Graf'hit), une société de sécurité spécialisée dans l’évènementiel). L'association Le Bord de l'Eau doit mener en 2021 une collecte de la mémoire des habitants en lien avec l'histoire de ce site industriel.
A la fin du XIXe siècle, Delaplace est architecte à Compiègne, fondateur d'une scierie à Margny-lès-Compiègne, près de la gare de Compiègne.