Hajdu travaille les bas-reliefs à partir de 1946. Leur place dans sa production artistique décroit à partir 1965, moment où commencent ses recherches sur les hauts-reliefs, pour s'arrêter vers 1977. Les archives de l'artiste ont permis de dénombrer 167 bas-reliefs réalisés entre 1946 et 1970. Hajdu travaille toutes sortes de métaux : cuivre, laiton, aluminium, plomb puis bronze et étain à partir de 1957. Quel que soit le matériau travaillé, y compris le marbre ou le bois pour les rondes-bosses, le papier pour les estampilles ou la céramique pour son travail avec la Manufacture Nationale de Sèvres, et quelle que soit la manière de le travailler (taille directe, martelage, coulage, emboutissage...), le souci est constant chez Hajdu de révéler les qualités plastiques de la matière. Il crée ainsi "des sculptures vibrantes, animées par l'intelligence du toucher et l'amour de la matière" (Ionel Jianou). Chaque œuvre est unique, bien que certaines aient pu faire l'objet d'une réalisation dans des métaux différents.
Les bas-reliefs sont une traduction plastique des réflexions que les cours de biologie qu'il a suivi ont inspirées à Hajdu : "La vie se forme avec des éléments primordiaux simples. La sculpture est faite d'éléments aussi simples. Ici, elle est en aluminium poli et le miroitement des reflets brillants crée le mouvement [qui est l'autre élément qui définit la vie]". Les œuvres d'Hajdu ne sont pas réalistes, mais elles sont figuratives : elles "expriment la nature dans sa totalité, avec le mouvement (...) Grâce au mouvement continu du fond de mes reliefs, je peux arriver à relier les divers éléments [de la sculpture] et à exprimer ainsi, avec des formes inventées, les antagonismes qui sont le fond de la nature humaine". Cependant, et contrairement à ses rondes-bosses, la figure humaine est totalement absente des bas-reliefs.
Hajdu accorde également une très grande importance aux transitions entre le fond et les reliefs. Elles s'inscrivent dans un mouvement plein de fluidité et de souplesse, sans jamais être tranchées, créant ainsi des jeux d'ombres. Pour lui en effet, "la sculpture ce n'est pas la lumière ! Non, c'est l'ombre ! Le sculpteur orchestre les diverses variations de l'ombre qui vont de la première nuance de gris jusqu'au noir. Oui, l'ombre a son poids. (...) Je suis un sculpteur de l'ombre".
Dans une interview accordée à Ionel Jianou, l'artiste résume les réflexions qui ont présidé à la création des bas-reliefs : "Il y a des sculpteurs qui pensent en volume et d'autres en deux dimensions. De par ma nature, j'ai toujours préféré le plan. (...) Lorsque je suis arrivé à Paris en 1927, l'idée d'une sculpture dont le volume serait absent était dans l'air. Pevsner et Gabo l'avaient déjà appliquée dans leurs ouvrages constructivistes. Mais ils opéraient avec la géométrie qui menait à l'abstraction, tandis que moi, je voulais utiliser comme élément la cellule, la vie cellulaire. Les cubistes avaient disloqué les masses. Ils cassaient la forme mais arrivaient toujours au même résultat : une séparation très nette de l'ombre et de la lumière. Je me suis proposé de sortir du cubisme dont les formes s'opposaient sans jamais se confondre. L'essentiel de mes recherches fut de trouver un espace qui lie une forme à l'autre, comme une voie lactée, sans contours. J'ai commencé par placer des éléments très simples sur le fond d'un relief. J'ai voulu lier les formes et le fond pour créer un espace nouveau, un espace-lumière, fluide, mouvant et continu, qui se dirige vers le spectateur et s'en éloigne comme un mouvement respiratoire. Pour l'obtenir, j'ai fait le fond du relief avec des ondulations, des courbes lentes et continues. J'avais les deux éléments pour trouver mon propre langage, composer mes propres phrases : le fond continu et les formes. Il ne me restait plus qu'à les organiser, à les orchestrer, pour leur donner une signification humaine. Mes sculptures, si elles ont une forme presqu'abstraite, ne sont jamais dépourvues de charge humaine. (...) Au lieu de représenter l'homme et la nature en copiant leurs apparences extérieures, je les ai signifiées par mon écriture plastique."
Pour réaliser ses bas-reliefs, Hajdu procède en plusieurs étapes : il réalise, sur un support en bois accroché sur un mur, un modèle en terre qui lui sert de matrice pour réaliser une empreinte en plâtre. Le tirage coulé dans ce moule sert de maquette à l’œuvre finale. Le moule est ensuite installé sur des tréteaux, partie creuse vers le haut. La feuille de métal est déposée à l'intérieur et est martelée afin d'épouser les formes du relief. Cette technique d'emboutissage impose de travailler au maillet afin de ne pas casser la feuille avec un outil trop pointu, et de chauffer le métal en même temps qu'il est travaillé. En effet, le martelage écrouit le métal, qui ne retrouve sa souplesse (et donc sa capacité à être déformé) que grâce à la dilatation provoquée par la chaleur. Une fois les reliefs obtenus, la feuille de métal est polie. Pour les reliefs en aluminium, ce travail est complété par un bain anodique réalisé en usine qui le rend plus résistant.
Tensions discontinues, œuvre en aluminium poli datée de 1959, se situe au cœur de la période de production des bas-reliefs. Elle est un parfait exemple de cette typologie de sculptures. Elle est composée d'un assemblage de 4 panneaux verticaux de dimensions égales maintenus ensemble deux à deux par une rangée de petits clous posés à intervalles réguliers, qui composent 3 lignes traversant toute la hauteur du bas-relief, parallèlement aux bords verticaux. Sur un fond aux amples ondulations, qui se poursuivent jusque sur la tranche de la sculpture, l'artiste a disposé des formes simples en relief : lignes "coup de fouet", fuseaux, motifs ovoïdes et oblongs, bâtons... La partie gauche de l’œuvre montre des formes verticales assez fines et souples, tandis que celle droite regroupe des formes plus épaisses et plus courtes disposées essentiellement horizontalement. Le centre du bas-relief réalise la synthèse de ces deux parties en mélangeant les orientations et les formes des reliefs qui peuvent même se chevaucher. Les vallonnements du support lient entre elles les formes embouties en même temps qu'ils créent les jeux d'ombres : "C'est un échange de forces qui déclenche des permutations à la chaine : la lumière éclate, l'ombre prend des reflets que l'arrondi du volume réfracte" (Dora Vallier). Hajdu parvient ainsi à suggérer la profondeur alors même que les éléments en volume sont peu proéminents. L'art d'Hajdu tient à la fois de l'art baroque par le mouvement lié aux jeux de lumière, de profondeur et de mouvements et de celui classique par la pureté des formes utilisées et la simplicité de leur mise en œuvre. L’aluminium, plus facile à travailler, permet des modelés délicats, des formes plus souples, et de plus doux bossellements du fond. Pour Hajdu, ce matériau "est considéré comme une matière pauvre... Pourtant, si on lui donne une forme qui corresponde à son "esprit", elle devient une matière absolument merveilleuse, translucide. Elle perd sa matérialité pour devenir lumière".
Hajdu a intitulé son œuvre "Tensions discontinues". Pour l'artiste, donner un titre n'est pas anodin : "C'est d'abord un petit guide, une politesse envers le spectateur. Certes le titre ne totalise pas l’œuvre, mais il peut orienter vers elle. C'est ensuite une part poétique de l’œuvre. C'est pourquoi il faut faire attention au choix des mots car le langage verbal ne recouvre pas le langage des formes dans sa totalité".
Hajdu aime concevoir une œuvre pour un lieu déterminé, en collaboration avec l'architecte, ce qui a été le cas pour ses premières participations dans le cadre du dispositif du 1%. Bien que ses bas-reliefs, aient selon son propre avis, la capacité de "briser l'uniformité des plans et de créer un espace dans lequel le mur commence à respirer", ils n'ont pas été systématiquement conçus pour un lieu déterminé. Leur installation dans un lycée, comme au Quesnoy ou à Cambrai répond cependant à une préoccupation importante de l'artiste qui dit "Je ne sculpte pas seulement pour moi. L’œuvre d'art est une communion avec les autres, et l'artiste, lorsqu'il travaille, a la préoccupation constante de s'adresser à un public (...). J'espère qu'un jour, un jeune passera devant une de mes sculptures et qu'en la regardant il s'en sentira enrichi, comme je l'ai été moi-même par les œuvres d'autres artistes."
Tensions discontinues était initialement installée sur le mur du patio dans le hall d'entrée du bâtiment de l'internat de jeunes filles, "fréquenté par tous les élèves car il constitue également l'entrée de la salle audiovisuelle" (rapport de la Commission Nationale). Dans un ajout manuscrit au bas d'une note de présentation du projet devant la Commission Nationale des Travaux de Décoration des Édifices Publics, le rapporteur du projet indique que "L'artiste précise que le mur sur lequel le bas-relief sera fixé aura été peint en bleu pour permettre au projet d'être mis en valeur". Hajdu est en effet "très sensible à la présentation que l'on devait donner à ses œuvres et notamment aux cadres qui les mettrait le plus en valeur" (Alain de la Bourdonnaye, collectionneur, cité par J. Laffon). L'oeuvre a ensuite été accrochée dans la salle du conseil, au rez-de-chaussée du lycée, dans l'ancien internat de filles.
Photographe au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.