Les origines de cet établissement textile sont incertaines. Une première filature de laine peignée aurait en effet été fondée en 1849 par Jules Péqueriaux (ANMT ; 1995 014 23). Toutefois, la même source date l'établissement de 1865 et attribue cette fondation à MM. Ulysse Bertrand et Michies (ANMT ; 1995 014 23). Quoiqu'il en soit, c'est bien la société Ulysse Bertrand qui est déclarée en faillite en 1882 par le Tribunal civil de première instance d'Avesnes (AD Nord ; 3 U1/812).

Les bâtiments sont alors repris par une autre société : Kerchner-Pecquériaux-Déquesne & Cie, qui apparait en 1893 sous la raison sociale Déquesne-Pecquériaux & Cie (AD Nord ; 2 Z 268). En 1902, Déquesne complète la filature en investissant dans la création d'un nouvel atelier de tissage qui s'appuie sur la filature existante et double quasiment la surface bâtie à l'ouest. Le nouvel espace rassemble alors 245 métiers à tisser en 1907 (ANMT ; 1995 014 23).

D'après les sources écrites (Enquête sur l'état des filatures de laines peignée dans la région de Fourmies, 1921), la filature ne semble pas avoir subi beaucoup de dégâts au cours de la Première Guerre mondiale. L'enquête ne mentionne en effet que la destruction des générateurs et des toitures de l'usine. Pour autant, les cartes postales antérieures à la guerre présentent d'autres dispositions architecturales et attestent d'une reprise importante de l'élévation des bâtiments d'usine après le conflit. La façade principale, à l'est, comportait en effet 22 travées éclairées chacune d'une grande baie verticale qui venait compléter l'éclairage zénithal des ateliers en sheds. Au centre, trois travées formaient un avant-corps couronné par un fronton chantourné qui devait sans doute marquer l'entrée principale aux ateliers. Les sources liées à la reconstruction ne permettent pas de cerner chronologiquement cette phase de reconstruction ni d'en attribuer la responsabilité à un architecte.

En 1918, l'usine est reprise par Gustave Bulteau (Annuaires Camille Rousset), qui rachète à la même époque l'ancienne usine Paul Bachelard de Wignehies (IA59005599). Quelques années plus tard, il semble vouloir se concentrer plutôt sur son usine de Wignehies et cède en 1932 la filature d'Etrœungt à la société roubaisienne Louis Lepoutre & Cie (Bernard, 1948). L'établissement cesse son activité en 1987. Les bâtiments sont rachetés en 1995-1997 par Vincent Justice, garagiste, qui y installe son atelier de mécanique automobile. Cette dernière activité y est maintenue jusqu'en 2011. Depuis, le site est abandonné et tend à se dégrader. La cheminée d'usine en brique, tronquée de quelques mètres, accueille des relais téléphoniques.

Force motrice, équipement industriel et production

En 1885, la filature est équipée de 7560 broches self-acting. En 1902, l'équipement de l'usine, qui s'est enrichi d'un tissage, évolue et passe à 9960 broches self-acting et 238 métiers à tisser. Il est complété en 1907 de 7 métiers supplémentaires. En 1914, la filature déclare fonctionner avec 11 000 broches self-acting.

À la fin de la Première Guerre mondiale, le nouveau propriétaire, M. Gustave Bulteau, a remis en activité, dès le mois d'avril 1920, 5000 broches, et, les faisant travailler à trois équipes, poursuit la reconstitution des 6000 broches enlevées ou endommagées par les Allemands (Le Monde illustré, 15 mars 1921).