Dossier d’œuvre architecture IA62000852 | Réalisé par ;
Girard Karine (Contributeur)
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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  • patrimoine industriel, arrondissement de Saint-Omer
  • opération d'urgence
Ancienne ferme Saint-Bertin, puis sucrerie et râperie de betteraves et ferme Platiau, puis ferme des Berceaux
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer - Longuenesse
  • Commune Longuenesse
  • Adresse 105, 107 avenue Clemenceau , chemin des Berceaux
  • Cadastre 2021 AV 311  ; 1809 B2 192, 194, 195 anciennes références cadastrales
  • Précisions
  • Dénominations
    ferme, sucrerie, râperie
  • Précision dénomination
    sucrerie de betteraves, râperie de betteraves
  • Appellations
    ferme Saint-Bertin, sucrerie Platiau, raperie Platiau, ferme des Berceaux
  • Parties constituantes non étudiées
    logement patronal, cour, atelier de fabrication, ferme, dépendance, étable à vaches, écurie, grange, logement d'ouvriers, pont bascule, laiterie, cheminée d'usine, abreuvoir

La ferme des Berceaux à Longuenesse présente la forme classique des censes artésiennes. Si ces dernières, présentes sur l'ensemble du territoire audomarois, remontent pour une petite partie d'entre elles à l'Ancien Régime, la majorité sont cependant des créations du 19e siècle. La ferme des Berceaux associe des éléments de ces deux grandes époques de construction des censes : en effet, la grange bertinienne date du 18e siècle et le reste des bâtiments agricoles a été construit dans la seconde moitié du 19e siècle.

La ferme des Berceaux est enfin un témoin architectural de la création des premières industries agro-alimentaires lors de la première Révolution industrielle. 

La ferme des Berceaux, dont le nom ne remonte qu'à la fin du 19e siècle, est représentative des fermes artésiennes de l'Audomarois. Elle est aussi l'un des rares témoins des fermes industrielles qui se sont développées autour de Saint-Omer à partir du milieu du 18e siècle.

La ferme est appelée "ferme de Saint-Bertin" au moins jusqu'en 1861. L’explication de la toponymie actuelle reste incertaine : soit parce que le lait produit était de tellement bonne qualité qu’il était destiné en priorité aux nourrissons, soit parce que la ferme était toujours pleine des jeunes enfants des nombreux ouvriers agricoles qui y étaient employés. Il est possible enfin que le nom soit une déformation du mot "eau" car au 18e siècle les fontaines alimentant Saint-Omer en eau sont nées dans ce secteur.

Une exploitation de l'abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer

L’abbaye de Saint-Bertin, dont le siège est à Saint-Omer, possède sept propriétés à Longuenesse dès 877 et une partie de la communauté religieuse y réside. Entre 1163 et 1176, l’abbé de Saint-Bertin fait entourer une de ces fermes d’un mur de clôture, mais rien n’indique qu’il s’agisse déjà de la ferme des Berceaux.

L’existence de cette dernière est attestée avec certitude au milieu du 15e siècle. Un courrier de 1453 (Haigneré, p. 393-394) évoque une rixe dans la cour de la ferme de Jean Levasseur « censier de Saint-Bertin à Longuenesse [demeurant] près du chimeterre de l’église » .

En 1566 la ferme est visible sur le plan de la banlieue de Saint-Omer (A.C. Saint-Omer, plan n°50). Cette représentation figurée, la plus ancienne connue, n’est cependant pas suffisamment précise pour caractériser les différents corps de bâtiments. Aucun bâtiment de cette période n'a subsisté.

D'après les sources, il semble que la ferme ait été reconstruite vers 1735. C'est ce qu'attestent les minutes d’un procès intenté contre l’abbé de Saint-Bertin à cette date où est évoquée la reconstruction de l'ensemble agricole. La grange monastique, encore présente aujourd'hui, a pu être datée grâce aux techniques d'assemblage de la charpente à la charnière des 17e et 18e siècles. Elle pourrait être le témoin de cette campagne de reconstruction.

 

Après la Révolution : l'exploitation agro-industrielle des Platiau

Au cours de la période révolutionnaire la ferme fait partie des possessions de l’abbaye de Saint-Bertin vendues comme biens nationaux. Elle est acquise en 1792 par Alexis Platiau ( ?-1807) cultivateur et « agronome avisé » (AD Pas-de-Calais, 1 Q 1743) qui, avant la Révolution, exploitait déjà des fermes pour l’abbaye autour de Saint-Omer. C’est déjà une exploitation très importante qui compte 27 bœufs, deux vaches, 193 moutons et 11 chevaux.

Le plan cadastral de 1809 montre une ferme avec plusieurs corps de bâtiments organisés autour d’une cour carrée (AD Pas-de-Calais, 3 P 25/29), disposition confirmée par un dessin de 1828 d’Henriette Delahaye, belle-sœur de François-Joseph-Alexis Platiau (1768-1847). Ce dernier, qui a repris la ferme à la mort de son père, la lègue à son tour à son fils Clément (1802-1897), installé comme fabricant de fécule à Saint-Omer.

A partir des années 1840, la diversification des activités agricoles opérée par Clément Platiau modifie la configuration des lieux. Dès 1840, la partie ouest de la cour accueille ainsi un nouveau logis et ses dépendances, complétés en 1843 par une genièvrerie (détruite en 1862), puis trois ans plus tard par une laiterie à l'extrémité de l’aile ouest (date de 1846 portée au sommet du pignon nord) où la production de la ferme est embouteillée.

En 1852, Clément Platiau poursuit la diversification de la production agricole et installe une sucrerie de betteraves. Cette activité importante nécessite la construction de nouveaux bâtiments le long de l’actuelle avenue Clémenceau : un entrepôt de stockage de betteraves, un atelier de fabrication de noir animal (os cuits et broyés servant à filtrer le jus de betteraves), une machine à vapeur avec sa cheminée (encore visible sur les photographies de 2000) et une forge. En 1860, des logements ouvriers sont construits le long de cette rue et une conciergerie est élevée à l’entrée du site (ensemble détruit en 2000). Il semble que l’activité sucrière s’arrête en 1874 (AD Pas-de-Calais, M 2957). En effet, à partir des années 1870, l'industrie sucrière connait en général d’importants progrès techniques réclamant de lourds investissements que tous les fabricants de sucre ne sont pas en mesure d’assurer. Beaucoup préfèrent concentrer leur activité sur l’étape d’extraction du jus sucré qui est ensuite envoyé par canalisation dans une sucrerie voisine. Il parait donc probable qu’entre 1874 et 1884, date de l’arrêt définitif de l’activité sucrière (AD Pas-de-Calais, M 2957) seule la râperie de betteraves ait continué de fonctionner, le jus extrait étant expédié par tuyau à la distillerie Cotillon-Belin à Saint-Martin-au-Laërt, distante d’environ trois kilomètres (information recueillie en 1999 lors du recensement du patrimoine industriel par le Service régional de l’Inventaire).

L’activité agricole, en particulier l'élevage et la production laitière mais également la vente de semences et de fourrages, qui s'est poursuivie parallèlement au développement industriel, devient prééminente à partir de 1883. A cette date, la ferme est reprise par le fils de Clément Félix-Louis-Philippe (1830-1901). L'établissement agricole cultive ainsi plus de 240 ha, compte 60 chevaux et 80 vaches, ce qui constitue pour l’époque une exploitation de taille exceptionnelle, presqu’industrielle. Pour accompagner cette activité, de nouveaux bâtiments agricoles sont érigés autour de la première cour. Une seconde cour ouverte est ajoutée à l’est de la première, autour de laquelle deux vacheries, une bergerie, des hangars agricoles, ainsi qu’un enclos pour les chevaux sont construits. L’aile séparant les deux cours disparait avant 1969 (vues aériennes IGN) et celle prolongeant la grange monastique vers la seconde cour est démolie vers 1999.

La Ferme des Berceaux au 20e siècle

En 1910, Frédéric-Alexis-Joseph (1859-1935), le fils de Félix-Louis-Philippe, hérite de la ferme qu’il revend quatre ans plus tard à son cousin Henry Platiau (1880-1966).

Durant la Première Guerre mondiale la ferme sert de cantonnement au Royal Flying Corps, ce dont témoigne une fresque montrant l’emblème de ce corps découverte en 2018. Entre 1917 et 1929, c’est au tour de l’Imperial War graves Commission (ancêtre du Commonwealth War Graves Commission) d’occuper les lieux. L’ancienne râperie sert de garage à leurs 150 automobiles et 250 vélos et le logis patronal devient le foyer des dactylos.

Après-guerre, l’exploitation agricole recommence mais sans retrouver l’ampleur qu’elle avait connu auparavant. Vers 1960, la fille d'Henry, Simone (1909-1990), hérite de la ferme. Elle poursuit les activités agricoles jusqu’à sa mort. Son fils Henry d’Epinay (1940-2017) ne souhaite en revanche pas poursuivre dans cette voie. Les terrains agricoles sont vendus et les bâtiments désaffectés et dépourvus d’entretien tombent en ruine. Au début des années 2000, les bâtiments les plus anciens de la cour ouest où avait été installés la râperie, l’atelier de fabrication de noir animal et la cheminée sont détruits au profit d’un lotissement de maisons individuelles (AD Pas-de-Calais, 3 P 525/19) tout comme les logements ouvriers et la conciergerie. Il ne reste désormais plus de l’immense ferme des Berceaux que les trois ailes visibles aujourd’hui.

 

En 2017, au décès du comte Henri d’Epinay, les bâtiments subsistants sont achetés par la Communauté d’Agglomération du Pays de Saint-Omer (Capso) afin d’y construire un béguinage. Les travaux engagés en août 2018 pour adapter le site sont arrêtés suite à l'émoi d’associations d’histoire locale. La destruction des bâtiments se limite à celle de la partie supérieure du porche et d’une partie de la toiture de la laiterie. En avril 2019, l'ensemble est protégé au titre des Monuments Historiques (inscription).

Équipements industriels et machines :

En 1852, la sucrerie fonctionne avec une machine à vapeur de 16 chevaux et trois générateurs de 40 chevaux.

La ferme des Berceaux est implantée à proximité immédiate de l’église Saint-Quentin, au cœur du noyau historique du village de Longuenesse. On y accède par un petit chemin perpendiculaire à l’avenue Clémenceau. De l’autre côté de l’avenue, en face de la ferme, se trouve le château de la Tour (actuellement bibliothèque et ludothèque municipale), construit par Charles-Ambroise-Platiau, frère de Clément-Joseph. Les côtés nord et est de la ferme sont occupés par des lotissements.

De l’ensemble initial, il ne subsiste aujourd’hui que trois corps de bâtiments disposés autour d’une cour ouverte. Au nord, un bâtiment en double épaisseur est accolé au porche partiellement détruit. A l’ouest, le bâtiment comprend le logis patronal, une ancienne laiterie et une remise contigüe. Le côté sud est occupé par la grange monastique.

La cour centrale, de forme rectangulaire, conserve également une cheminée de forme tronconique en briques et la trace du flot, abreuvoir de grandes dimensions creusé directement dans le sol où il s’enfonce en pente douce jusqu’à former un bassin. Il permet ainsi aux animaux de s’y désaltérer mais aussi de s’y baigner par exemple après les travaux des champs. Les photographies aériennes (IGN) ou anciennes montrent un grand trou de forme ovoïde dont les bords étaient empierrés. Le flot comme la cheminée sont aujourd'hui envahis par la végétation.

Le corps de bâtiment nord : le dernier témoin de l’activité industrielle

Cette partie comprend d’abord le porche de la ferme. Il est prolongé par les anciens bâtiments de l'activité sucrière. Côté cour, ce premier corps qui abritait l'atelier de noir animal est doublé par une remise et une écurie dont les box sont encore visibles.

Les deux corps de bâtiments sont bâtis en brique rouge, présentent la même élévation de deux niveaux et comptent un nombre identique de sept travées. Ils sont couverts chacun d'une toiture à longs pans et pignons découverts en pannes flamandes. Le soubassement est goudronné tandis que le reste des façades est peint en blanc côté cour et laissé nu côté rue.

La porte cochère

Le porche est composé de deux arcs surbaissés et d'une partie du mur pignon ouest. Il présente un appareil mixte, parfois qualifié de « rouges barres », qui alterne une assise de pierre calcaire et trois assises de brique. Côté rue, l’arc comporte des impostes en calcaire.

L’arrachement de la toiture à longs pans percée d’un lanternon en bois a rendu visible la corniche moulurée qui couronnait les murs gouttereaux. L’absence de protection du mur a permis à la pluie de laver le badigeon rendant visible l'inscription "fabrique de sucre" au dessus de l'arc du porche.

 

L'atelier de noir animal

Du bâtiment qui se prolongeait originellement vers l’Est, il ne reste que sept travées. Les traces d’arrachements sont toujours visibles.

Le premier niveau est percé de baies rectangulaires à arc surbaissé en briques ou à linteau horizontal de bois. Au second niveau, les baies sont en plein cintre, partiellement murées pour certaines d’entre elles. Leurs huisseries sont divisées en deux vantaux rectangulaires surmontés d'un châssis de tympan en éventail.

A l'intérieur, l’espace du rez-de-chaussée est divisé en deux vaisseaux par un système de poteaux-poutres. L’étage est allégé grâce à l’utilisation de tirants métalliques qui se devinent à l’extérieur par des fers d’ancrages en forme de disque.

 

La remise et l'écurie

La séparation des deux niveaux d’élévation de la façade est matérialisée par un cordon de brique.

Côté cour, le premier niveau montre une alternance de portes charretières à linteau droit et de fenêtres. Ces dernières sont rectangulaires légèrement cintrées au premier niveau mais en plein cintre au second niveau où l’imposte est occupée par un tympan en double éventail. Elles ont donc un aspect totalement identique aux baies du second niveau de l’atelier de fabrication de noir animal visibles depuis la rue. Au premier comme au second niveau, les fenêtres ont un châssis en « petits carreaux ».

À l’intérieur, la clôture en bois délimitant les box est toujours en place.

 

Les corps de bâtiment ouest

Le logement patronal occupe la partie de centrale de cet ensemble. Il est flanqué à gauche de la laiterie et à droite d'une remise.

Le logis patronal

Construit en brique jaune de Saint-Omer sur soubassement en grés, le logis patronal présente une élévation de deux niveaux ordonnancée de cinq travées, identique sur cour et sur jardin. Il est le seul bâtiment à présenter des baies rectangulaires. En rez-de-chaussée surélevé, ce qui implique l’accès par un petit degré (le seul de la ferme), il comprend un étage carré et un étage de combles. La toiture à longs pans est en pannes flamandes vernissées noires. Elle est percée de trois lucarnes : une côté cour et deux côté jardin. Les pignons couverts sont décorés de couteaux picards. Chaque niveau de l’élévation est marqué par un cordon de pierre calcaire moulurée, que l'on retrouve également pour la corniche en couronnement. Les extrémités du corps de logis sont marquées par un chainage d'angle harpé en pierre de taille.

La distribution intérieure s'organise autour de la travée centrale de la façade qui abrite un couloir traversant reliant la cour au jardin. Détruit lors des travaux de 2018, son sol était couvert de carreaux de ciment richement ornés. Sur la gauche, séparées par un mur de refend aveugle, se trouvent deux pièces de réception ouvertes par deux baies sur la cour ou le jardin. On y accède par des portes ouvrant directement sur le couloir. Le plafond du salon sur jardin porte encore le décor néoclassique stuqué et peint d’origine (voir rubrique Décors pour les détails). A droite du couloir se trouvent une grande cuisine, communiquant à son extrémité avec la laiterie, ainsi que la cage d’escalier qui donne accès aux étages. Ces derniers abritent des chambres et des greniers répartis le long d’un couloir central.

Alors que de l’extérieur le logis semble être indépendant de ses communs, la distribution interne infirme cette observation. En effet, le logis communique avec les deux autres bâtiments via un système de couloirs longitudinaux.

La laiterie

Implantée à droite du logis patronal, la laiterie est construite en briques rouges recouvertes d'un enduit jaune-ocre en partie haute et de goudron pour le soubassement. Un cordon en pierre calcaire et une corniche en pierre travaillée en doucine achèvent l'élévation. Le bâtiment présente sur cour deux niveaux d’élévation. Il est couvert d'un toit à longs pans et pignons en pannes flamandes.

Cette façade ordonnancée compte huit travées. Aux deux extrémités et au centre, les baies brugeoises en plein cintre réunissent sous une même arcade une porte et une fenêtre. Dans les travées intermédiaires, une baie en plein cintre surmonte une fenêtre rectangulaire couverte par un linteau en brique légèrement cintré. Toutes les fenêtres comportent un appui saillant. Comme pour les bâtiments de l’écurie ou de l’atelier de fabrication de noir animal, les huisseries sont à petits carreaux et l’imposte est occupée par un tympan en double éventail.

A l’extrémité du bâtiment, le mur de clôture porte encore la trace d’un escalier droit encagé hors-œuvre en bois qui menait directement au second étage depuis l’extérieur. Ce dernier était encore présent en 2017.

Côté jardin, la laiterie offre deux élévations différentes : les travées de gauche ont un seul niveau couvert par une toiture à longs pans et les deux travées de droite, qui jouxtent l’habitation, ont deux niveaux d’élévation. Cette partie est construite dans une brique différente. Elle prend appui sur la corniche moulurée qui sur le reste du bâtiment soutient directement la toiture. Elle semble donc être un ajout postérieur.

Contrairement à celles de la façade sur cour, les baies sont encadrées par des chambranles légèrement saillants en briques jaunes de Saint-Omer surmontés par une agrafe en pierre blanche. Ces dernières supportent une corniche moulurée en pierre blanche qui court sur toute la façade. Les fenêtres sont séparées par des trumeaux en brique rouge. Les appuis de fenêtre et le soubassement ont été repris plus tardivement avec un enduit ciment.

La façade sur jardin de la laiterie est remarquable car c’est la seule partie des bâtiments à utiliser des jeux de polychromie et à présenter des animations de la surface du mur qui aille au-delà d’un léger cordon.

Bien que dédié principalement à la laiterie (et particulièrement à l’embouteillage de la production de la ferme), le bâtiment accueillait aussi des fonctions domestiques avec, entre autres, une cuisine et une salle à manger encore visibles aujourd’hui avec leur sol en pierres polies noires et blanches (voir travaux récents de Stéphane Milamon).

 

La remise

Le dernier bâtiment de la partie ouest de la ferme est situé à gauche du logis patronal. Comme la laiterie, il est construit en briques rouges recouvertes d'un enduit jaune-ocre en partie haute et de goudron pour le soubassement. Il en reprend également la hauteur, l’élévation à deux niveaux s'achevant par un bandeau reliant le sommet des baies puis par une corniche travaillée en doucine, ainsi que le toit à longs pans couvert de pannes flamandes rouges. Les trois baies en plein cintre du second niveau de façade côté cour ont également une imposte occupée par un tympan en double éventail.

Côté cour, les deux travées de droite du premier niveau sont couvertes par un arc de décharge surbaissé en briques enduites blanches. Sous le premier, en retrait par rapport au droit du mur, se trouvent une porte et une fenêtre toutes deux surmontées d’un linteau légèrement cintré en briques blanches. La baie sous l’arc de gauche est murée, seulement percée d’une ouverture rectangulaire simple occupée par un châssis en bois, sans similitude avec les baies situées sous l’arc voisin. L’aspect de la baie, ainsi que la présence dans l’axe de cette baie d’une porte charretière ouvrant sur le jardin, corrobore l’hypothèse que la baie côté cour ait été initialement occupée par une porte charretière afin d’accueillir des véhicules hippomobiles. Cette disposition des portes charretières en enfilade est très commune dans les fermes : elle permet en effet de rentrer les voitures en marche avant, de leur faire effectuer un demi-tour dans un espace extérieur dégagé avant de rentrer de nouveau dans la remise dans le sens du départ, manœuvre plus aisée que de faire reculer un attelage.

Côté jardin, la façade est en outre percée au premier niveau de deux petites portes et d’une petite fenêtre. Trois fenêtres et un oculus occupent le second niveau. Toutes les baies sont de forme rectangulaire, couvertes par un linteau légèrement cintré et soulignées par un appui saillant.

On peut remarquer, côté cour comme côté jardin, la présence d’un oculus ovale souligné par un rang de briques peintes en blanc. Ils sont les seuls représentants de cette typologie de baies pour l’ensemble de la ferme.

Le corps de bâtiment sud : la grange monastique

La grange monastique s’adosse perpendiculairement à la remise et occupe tout le côté sud de la cour. Essentiellement construite en briques, c'est une halle couverte par une toiture à longs pans en pannes flamandes percée de lucarnes sur le rampant. Les pignons où se mêlent briques et pierre sont débordants. Celui ouest est percé d’une petite baie rectangulaire, tandis que celui est, aveugle, porte des traces d’arrachement qui correspondent aux restes d’une salle de mélange du lait détruite dans le dernier quart du 20e siècle. Les murs latéraux sont consolidés par des contreforts en brique. La répartition aléatoire dans tous les murs de matériaux de construction variés, briques d’époques différentes repérables à leurs différences de couleurs et craie, illustre les reprises de maçonnerie qui ont eu lieu au cours des siècles.

Deux portes charretières, disposées face à face, occupent la deuxième travée en partant de l’est : cette disposition forme un axe de circulation transversal qui facilite les manœuvres des véhicules agricoles tractés par la force animale. Ce sont les seules ouvertures existantes dans les murs de la grange.

A l’intérieur se déploie une charpente en bois apparente. Les fermes et les pannes sont en bon état de conservation avec quelques reprises. La couverture est soutenue par deux files de jambes-de-force, formants trois vaisseaux de quatre travées. L’assemblage comporte deux jambes-de-force. Celles-ci sont posées sur des plinthes de pierre. La deuxième ferme en partant du pignon est présente un dispositif d’entretoise au niveau du sol. Celle-ci est installée sur un soubassement de briques. Les jambes-de-force sont liées au sommet du mur gouttereau par des blochets et portent des fermettes soulagées par des aisseliers. La fermette assemble deux chevrons-arbalétrier posés sur un entrait de fermette. Un poinçon est placé sur l’entrait de la fermette et traverse un demi-entrait avant de rejoindre le faîte du toit. Le contreventement est assuré par des pannes.

  • Murs
    • brique
    • ciment
    • enduit
    • calcaire pierre de taille
    • moyen appareil
  • Toits
    tuile flamande mécanique
  • Étages
    rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation à travées, élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans pignon couvert
    • toit à longs pans pignon découvert
    • croupe
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant
  • Typologies
    logis entre cour et jardin
  • État de conservation
    envahi par la végétation, désaffecté, menacé, détruit
  • Techniques
    • décor stuqué
  • Représentations
    • putto ailé, rameau, médaillon, rosace, rinceau
    • couronne végétale, olivier, laurier, fleur de lys, faisceau de licteur, corne d'abondance
  • Précision représentations

    Un décor mouluré et peint, composé de quatre médaillons d'angles et d'un motif central en stuc entourés de motifs peints orne le plafond du grand salon du logis patronal.

    Les angles sont tous composés d'un cadre ovale couronné d'un ruban sinueux et reposant entre deux branches de laurier. L'espace ainsi créé accueille un groupe figuré. Tous ces éléments sont en relief. Les médaillons offrent une iconographie similaire : sur un fond nu, deux putti réunis dans un même mouvement par un morceau d'étoffe drapée, semblent vouloir s'attraper. Le caractère mouvementé de la composition est obtenu grâce au mouvement du bras levé d'un putto, qui dans chaque composition porte un accessoire différent (torche, couronne de laurier, fleur). Le médaillon avec la couronne est présent deux fois.

    Au centre du plafond une moulure ovoïde ponctuée par quatre cabochons enserre un anneau de fleurs de lys. L'intérieur de cette zone est laissé nu. Le centre de la composition réunit autour d'une rosace des bouquets de fleurs. Au centre de la composition, habillé par un décor floral, le crochet qui servait à accrocher la suspension est toujours visible. Enfin, au centre de chaque mur, sous la corniche ouvragée qui court dans toute la pièce, se trouve un motif réunissant branches de laurier, corne d'abondance et faisceau de licteur.

    Autour des motifs d'angle et du grand ovale central, le plafond est peint en blanc, rehaussé d'un semis de fleurs stylisées dorées.

  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public (incertitude), propriétaire : Communauté d'Agglomération du Pays de Saint-Omer (CAPSO).
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    grange monastique, remise
  • Protections
    inscrit MH, 2019/04/05
  • Précisions sur la protection

    Inscrit MH par arrêté du 5 avril 2019 : en totalité la grange monastique et les anciennes remises où se trouvent le monogramme peint du Royal Flying Corp ; les façades et toitures des autres bâtiments ; la cheminée ; le sol de la parcelle avec le tracé du "flot" qui servait à abreuver les bêtes.

  • Référence MH

Le service de l'Inventaire du patrimoine culturel de la région Hauts-de-France a engagé l'étude de la ferme des berceaux à Longuenesse dans le cadre d'une mission d'urgence, au moment où l'édifice était menacé de destruction pour laisser place à un béguinage. Elle a permis de compléter et d'enrichir un premier dossier établi en 1999 dans le cadre du repérage du patrimoine industriel de l'ancienne région Nord-Pas de Calais.

Outre le fait qu'elle possède le seul témoin architectural de l'activité agricole de l'abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer, la ferme des berceaux est représentative des censes artésiennes présentes dans l'Audomarois. Elle constitue aussi l'une des quatre fermes industrielles sur les 400 fermes répertoriées en 2021 sur le territoire du Pays d'Art et d'Histoire de Saint-Omer.

Documents d'archives

  • AD Pas-de-Calais. Série P ; sous-série 3 : 3P525/38. Matrice des propriétés bâties et non bâties à Longuenesse. 1866-1914.

  • AD Pas-de-Calais. Série Q ; sous-série 1 : 1Q1743. Vente des biens nationaux : district de Saint-Omer. 1790-1833.

Bibliographie

  • HAUTS–DE-FRANCE. Commission Régionale des Monuments Historiques. Longuenesse (Pas-de-Calais), Ferme des Berceaux, ancienne râperie Frédéric Platiau. LEFEBVRE, Anne, LIARDET, Olivier. Lille : DRAC Hauts-de-France, 2018.

  • WATELLE, Maxence. Ferme des Berceaux (Longuenesse) ; premier état des connaissances. Saint-Omer : Agence d’urbanisme & de développement Pays de Saint-Omer-Flandre intérieure, 5 avril 2018.

  • MILAMON, Stéphane. Histoire de Longuenesse. Steenvoorde : Nord Imprim, 2009.

    p. 62-65
  • HAIGNERÉ, Henri. Les chartes de Saint-Bertin d'aprés le grand cartulaire de Dom Charles-Joseph Dewitte. Saint-Omer : Société des Antiquaires de la Morinie, 1885, Tome 3 (1381-1473).

    p. 393-394

Périodiques

  • GIRARD, Karine. La Ferme des Berceaux, grandeur et déclin d’une architecture agricole. Bulletin de la Société Académique des Antiquaires de la Morinie, 2022, 482e livraison.

  • LEVEL, Bernard. Le développement industriel du Pas-de-Calais. Naissance et chute de l’industrie du sucre de betterave dans la région audomaroise au XIXe siècle. Bulletin de la Société Académique des Antiquaires de la Morinie, juillet 2001, 459e livraison, T. 24

    p. 261-304
  • Longuenesse : Propriété de la famille Platiau depuis 1792, la ferme des Berceaux va disparaître. La Voix du Nord, 28 janvier 2021.

Documents figurés

  • Archives Communales de Saint-Omer ; plan n°50 : Plan de la banlieue de Saint-Omer, 1566.

  • AD Pas-de-Calais ; 3P525/29 : Plan cadastral de Longuenesse (tableau d'assemblage), 1809.

  • Vue de la Ferme des Berceaux, dessin par Henriette Delahaye, [1828] (coll. part.).

  • Plan d’une partie de Saint-Omer et de ses environs où est tracée la conduite d’eau de la fontaine de Longuenesse pour être distribuée dans la ville, établi en 1753. Service Historique de la Défense, A.8, S.1 Saint-Omer, C.1, pièce n°35.

Date(s) d'enquête : 1999; Date(s) de rédaction : 1999, 2021
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Girard Karine
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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Van Bost Nathalie
Van Bost Nathalie

Chercheur de l'Inventaire général.

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