Dossier collectif IA62001504 | Réalisé par
Luchier Sophie
Luchier Sophie

Chercheur de l'Inventaire général du patrimoine culturel.

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  • recensement du patrimoine balnéaire, Berck
Les résidences de villégiature de Berck (maisons, immeubles, chalets et villas)
Copyright
  • (c) Ville de Berck
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    maison, immeuble
  • Aires d'études
    Communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois
  • Adresse
    • Commune : Berck
      Cadastre : CN 3 0

La difficulté de cette étude thématique sur le patrimoine balnéaire fut de circonscrire les limites séparant la « station balnéaire » et la « ville » de Berck en vue du repérage systématique et exhaustif. Nous avons pris en compte les limites embryonnaires ainsi que les développements des différents quartiers de la station, avec la voie de chemin de fer comme limite orientale de la station.

Ainsi, le repérage a pris en compte 640 édifices ; 217 dans le quartier Lhomel et 413 pour les autres quartiers. Tous les édifices repérés du quartier de Lhomel ont fait l´objet d´un dossier individuel architectural Mérimée, soit 144 dossiers, parmi lesquels figurent 70 "chalets", une typologie spécifique à la station de Berck.

Les dossiers individuels étudiés et versés dans la base de données Mérimée en 1996 sont intégrés dans ce dossier de synthèse « collectif maisons ». Des notices supplémentaires ont été rédigées sur des édifices bien documentés.

Le propos de cette synthèse et de proposer des typologies des différents habitats existants encore aujourd´hui en lien avec l´histoire de la station balnéaire.

Le repérage a permis de mettre en évidence un type architectural propre à la ville de Berck. Présentant une morphologie identique, à quelques détails près, les chalets sont attestés dès la naissance de la ville. En bois pour les premières générations - 3e quart du 19e siècle -, ils adoptent la brique dès la fin du 19e siècle. L´habitat de Berck se construit à l´origine dans le provisoire. L´ingénieur et architecte E. Lavezzari formalise en 1862 un mode de construction précaire en bois traditionnel qu´il nomme « le bâtiment en bois à double enveloppe ». Sa première tentative d´application a lieu pour la société humaine des naufragés du littoral de Berck. L´enjeu est de tirer profit du sable et du vent afin de pérenniser, sur la plage, un bâtiment destiné à l´accueil des noyés et blessés. L´ingéniosité de Lavezzari va consister dans l´usage d´éléments dont il s´agit normalement de s´affranchir : le sable et le vent. Le sable est suffisamment dense pour supporter l´édifice et pour accroître la rigidité du papier-carton qu´il pose en revêtement extérieur sous quatre couches de goudron, il se sert du vent pour imprégner ce dernier de grains de sables. Lavezzari réussit ainsi, par le détournement des matériaux, une construction légère et improbable, sans fondations (des piquets enfoncés sur 1m 20 de profondeur assurent la stabilité de l´ensemble) qui va devenir la norme des édifices ultérieurs. La preuve de la solidité de la cabane étant attestée après une année, commande lui est faite du premier hôpital provisoire de la ville, le premier hôpital Maritime. Les premiers chalets en bois, conçus selon les mêmes principes de fondation, se développent à l´embouchure de l´entonnoir et sur le front de mer puis essaiment dans la ville.

La station est née de la vente des lais de mer en 1863 à différents propriétaires qui les ont organisés en lotissements formant le quartier de « La plage » et de « Lhomel », séparés par la rue de Impératrice. Ils sont tous de plan orthogonal où, à l´origine, le bâti est sur des parcelles en lanières étroites, mitoyennes, alignées sur la rue et lotis de nombreux chalets en bois jusque dans les années 1920, comme en témoigne les toiles de Jan Lavezzari (la rue de Lhomel, fig. 1), le cadastre et le plan des chalets de 1912.

L´évolution du nombre d´édifices bâtis, constitués essentiellement de chalets jusqu´à la première guerre mondiale, est mesurable par la comparaison des indications données dans les guides de voyage. L´évolution est exponentielle : en 1875, on dénombre 12 chalets en bois dans le quartier Rothschild, en 1885, 300 « constructions en matériaux légers ». Les chalets «Nouvelle Aurore» (fig. 2), sur pilotis et agrémentés de tourelles, illustrent cette dénomination et sont certainement issus du mode de construction mis au point par Emile Lavezzari (voir la typologie du chalet). En 1898, le Guide Joanne mentionne 1400 chalets pour une ville de 7039 habitants.

« .. De l´Entonnoir partent, à droite et à gauche, des rues parallèles, coupées par d´autres voies perpendiculaires à la mer, formant avec les premières une sorte de damier. Toutes ces rues sont bordées de chalets, le plus grand nombre isolés, n´offrant pas de caractère architectural, mais aménagés convenablement par leur destination, qui est de recevoir des enfants malades, dont un certain nombre y séjournent toute l´année.»

En 1905, la ville compte 2000 chalets parmi lesquels 50 à 60 sont occupés par des maisons de santé et autant de maisons de famille. Le quartier de Lhomel se lotit moins rapidement que les autres comme en témoigne un plan de 1885 publié dans le « Vade Mecum du Baigneur à la plage de Berck », premier guide non officiel de la station, qui dénombre une trentaine d´édifices alors que l´ensemble du quartier de la plage en compte 250. Cinq ans plus tard, on y compte, d´après les guides de voyage 5 « villas » et 48 chalets. En 1897, l´essor de la station est confirmé, en sept ans, les édifices du quartier de Lhomel ont augmenté d´un peu plus de 100 % pour atteindre 96 chalets et 22 « villas ». Le plan d'aménagement de 1928 (AD Pas-de-Calais 2O755/2) mentionne "plus de 3000 villas à Berck-Plage".

  • Période(s)
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle

Essai de typologie

Il est difficile d'établir clairement des distinctions et des typologies des édifices repérés car elles sont parfois brouillées : en effet, des édifices, qui, formellement, s'apparentent à des maisons, ou des chalets, (en bois ou/puis en brique) ont accueilli des maisons de santé, des pensions (la villa Castanon par exemple) ou des hôtels. Au-delà des formes et usages, il est important d´être attentif au vocabulaire utilisé : des maisons sont appelées chalet, des chalets sont appelés villa (fig. 3) ou pas, mais pourraient l'être (le chalet Rothschild appelé Les Oyats s'apparente à une villa, fig. 4).

Maison – villa

Environ la moitié des éléments repérés (315) sont des « maisons », dont près d´1/5 du corpus est constitué de maisons en série (de 2 à 7 maisons) (fig.5), avec une prédominance de la série de 2 et de 4 maisons. Le reste du corpus des maisons est hétéroclite : les maisons dites « de ville », des villas et des maisons appelées « chalets ». Les maisons à l´architecture d´influence urbaine aux styles architecturaux éclectiques et riches, construites en mitoyenneté et sur des parcelles laniérées sont qualifiées de « maisons de ville » (fig. 6, 7). Le volume et le décor différencient les maisons les unes par rapport aux autres, contribuant ainsi à l´impression d´hétérogénéité de la station balnéaire. Pour certaines maisons, l´ajout d´un balcon ou d´un bow-window (fig. 8) est significatif de la villégiature en bord de mer. Certaines portent la signature d´un architecte. Parmi l´autre moitié des maisons repérées figurent les édifices appelés « villa » dans les guides de voyage, les revues d'architecture (fig. 9) et par leurs occupants. Les cartes postales du début du 20e siècle montrent des (alignements de) chalets appelés villas (fig. 10 à 12) ou d´autres édifices, tel une pension (fig. 13) appelés villas.

De manière plus traditionnelle, les maisons appelées villas s´apparent à la typologie fonctionnelle de la maison, qui inclut les variantes de la maison de maître et de la maison bourgeoise, implantées de manière isolées sur leur parcelle. En dehors du quartier de Lhomel où ces « villas » ont donné le nom de quartier-jardin (voir dossier quartier Lhomel) elles sont peu nombreuses, car modifiées ou détruites, mais les articles (fig. 14, 15) et les cartes postales anciennes témoignent de quelques grandes et belles constructions : la Normandy House (fig. 16, 17), la maison du banquier Magnier au sein du parc qui porte son nom en anagramme, le Reingam parc (fig. 18). Quelques maisons qualifiées de villas subsistent dans le quartier « Rothschild » : la villa Castel Mignon (fig. 19) (IA62000459) construite en 1908 par l´architecte Gaston Bellêtre, la petite villa La Linotte (IA62000440) (fig. 20), qui évoque le style des maisons d´Outre-Mer, construite par l´entrepreneur Coquet, la villa Calot, sorte de château néo-médiéval (fig. 21), et, datant de l´Entre-deux-Guerres, une des villas construites par l´architecte Chiossone 12, rue des Ondines (fig. 22) (IA62000437).

Les immeubles

Les immeubles à logements représentent un petit corpus des édifices observés ; ils sont au nombre de 88, soit 13 % du repéré. Dans le quartier de Lhomel, les immeubles sont situés dans le nord du quartier, implantés en majorité sur l´avenue Cazin ou dans les rues adjacentes.

Au centre de la station, la rue Carnot et l´avenue du Général-de-Gaulle (ancienne avenue de la Gare) accueillent les plus beaux exemples de Berck. Le goût pour l´architecture néo-flamande a produit un alignement d´immeubles (fig. 23) qui habille élégamment l´avenue du Général de Gaulle, créée à la fin du 19e siècle (IA62001499) pour desservir la gare et le Kursaal. Situé au centre de la vie active et commerçante de la station balnéaire de Berck, les architectes actifs à Berck s´y installent. Les pignons à redents des immeubles évoquent les maisons des places de la ville d´Arras et sont peut-être à l´instar des maisons à pignon à redent rue du Calvaire (fig. 5) et dans la rue des Bains (disparu).

En 1907, en face, à côté du Kursaal, l´architecte Bourlot construit un immeuble aux bow-windows particulièrement soignés (IA62000445) (fig. 24) qui accueillit l´école des instituteurs. La rue Carnot, rue commerçante par excellence de la station et voisine de l´avenue de la Gare, conserve deux immeubles : la « Villa Garnier » (fig. 25), construit en rouge barres et celui au n° 40 (fig. 26, IA62001505) construit par l´architecte Bourlot. Quelques autres exemples remarquables sont situés à l´angle de rues : celui de la rue Etienne-d´Orves (fig. 27) et celui de la Place de l´Eglise (fig. 28) ou les « parties » d´îlots (fig. 29, 30), reconstruits suite aux destructions de la Seconde guerre mondiale dans le cadre du plan d´aménagement de la ville et de la digue (IA62001507) (fig. 31).

Les immeubles adoptent la hauteur et les volumes des maisons qu´ils remplacent. Seul le béton et les encadrements des baies en font des objets insolites dans le paysage urbain. Quelques immeubles sont d´un genre particulier. Celui situé 4 rue Simon-Dubois pourrait s´apparenter à des « maisons doubles » (fig. 32) mais il ne possède qu´une seule entrée desservant les trois niveaux d´élévation situés de part et d´autre de l´entrée. La succession des pignons de l´immeuble Les Liserons (fig. 33), situé 40 rue Rothschild évoque fortement des chalets en série. L´immeuble de taille plus modeste, du 15, rue Périer (fig. 34), construit par l´architecte Pouthier ou Choppin d´Arnouville, de Berck-plage, rappelle les immeubles urbains. L´ensemble, situé rue Dr Cayre, (fig. 35) est un immeuble à volume unique, une élévation « étirée » sur un niveau de soubassement, avec un volume central à toiture enchevêtrée ne peut expliquer sa fonction. Il est d´usage dans les stations balnéaire d´ajouter un balcon ou un bow-window sur une maison en direction (ou pas) de la mer pour la regarder (ou pas). Parmi les exemples choisis, deux fleurons de la station : les deux maisons sans vue dans la rue de la Mer (fig. 36), construites par les deux architectes les plus actifs sur la commune, Gaston Bellêtre (n°71) et Henri Vallette (n°69). Les deux exemples de balcons de l´architecture de l´après Seconde guerre mondiale présents ici (fig. 37, 38) illustrent la volonté d´avoir un usage réel dudit balcon traduit de manière ludique.

Les architectes

Les architectes actifs à Berck ont été identifiés grâce à leur signature, les articles parus dans les revues anciennes et dans les guides de voyage.

La plus belle réalisation d´Henri Valette est le Clos Fleuri (fig. 39), déjà citée, élevée en 1911. Cette villa, inspirée du style Art nouveau nancéen, présente un jeu de couvertures et des détails décoratifs, notamment ses épis de faîtage en céramique du Beauvaisis, uniques sur la station

L´architecte parisien G. Bourlot a réalisé deux immeubles de qualité (cf. ci-dessus), ainsi qu´une maison de style néo-normand (fig. 40).

Les Bellêtre semblent être une famille d'architectes : les matrices mentionnent Charles Bellêtre, contre-maître puis architecte en 1890. Plus connu est Gaston Bellêtre, architecte très actif et mentionné dans les guides de voyage entre 1904 et 1928. Ses réalisations sont d´un style plus homogène et reconnaissable, parmi lesquelles figurent de nombreux chalets (fig. 41).

Pendant l´Entre-Deux-Guerres, de nombreux architectes produisent des maisons modestes, de belles villas et des commerces. Les architectes associés

J. Chiossone et Michel César ont un style Art-Déco reconnaissable pour les maisons de ville et les commerces (fig. 42) et adoptent un style plus moderniste pour les maisons individuelles (fig. 43).

Dans le quartier de Lhomel, Albert Pouthier construit en collaboration avec Choppin d´Arnouville, le Grand Trianon (fig. 44). L´édifice, d´aspect monumental, combine une ordonnance néoclassique à des éléments rococo. La Sablonnière, située rue des Frères-Mozer (fig. 45), commandée au début des années 1920, par le riche propriétaire M. Vaudry à l´entrepreneur Tourolle, est aussi un édifice phare du quartier Lhomel.

Les entrepreneurs sont également sollicités pour la constrcution de maisons, les plus actifs sont Bai frères, René Cocquet, Veniel et Gailloux et Tourolle tous présents dans le Guide du Baigneur en 1928.

Comme pour les baigneurs fréquentant la station, l´origine géographique des architectes est locale, des départements voisins, la Somme, l´Oise ou de Paris. Deux architectes amiénois ont été actifs ; Antoine, associé à son fils, et Anatole Bienaimé. Les maisons de Berck présentent fort peu d´éléments caractéristiques de l´architecture balnéaire. Les plans et élévations sont des plus simples. Seuls quelques unicum offrent une physionomie de démesure et de fantaisie propre à l´habitat des stations balnéaires classiques.

Les chalets

La majorité des chalets berckois présente une élévation sur un étage carré et un étage de comble à une travée. Parmi eux, 22 % possède un rez-de-chaussée surélevé. Les variantes du type admettent, selon les individus : un plan en L (emprunt à l´architecture pavillonnaire), un corps de bâtiment latéral, un avant-corps au niveau du rez-de-chaussée, un bow- window. Certains chalets, non mitoyens à l´origine, ont été reliés par un corps de bâtiment central dans le but d´optimiser la surface habitable ou de créer une entrée commune, l´accès à l´intérieur des chalets se faisant en général par une porte-fenêtre en façade sur le rez-de-chaussée.

Leur mode d´implantation varie. Ils peuvent être non mitoyens et en retrait par rapport à la voirie (parfois avec jardin) ou au contraire mitoyens et alignés en front de rue. Certains ensembles de chalets, érigés au début du 20e siècle et présents sur le cadastre de 1912, conservent en 2006 leur physionomie générale (excepté quelques remaniements, le plus souvent l´adjonction d´un crépi). Le décor est sommaire, le plus souvent le cartouche contenant le nom de la maison en est l´élément le plus remarquable (carreaux de céramique, plaques émaillées, ...). Le jeu de couleur des murs à assises alternées (briques ocres/briques rouges) constitue souvent la seule animation de la façade, même si l´on constate la disparition de cet effet sous des badigeons fréquents.

Les toits à ferme orné parfois de lambrequins ou à demi-croupe débordante constituent l´un des rares caractères un tant soit peu pittoresque de ces chalets. La présence d´un sous-sol habitable dans de rares cas rappelle un mode de location saisonnier fréquent dans d´autres stations comme à Mers-les-Bains et typique de la villégiature balnéaire.

  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • repérés 640
    • étudiés 0

Documents d'archives

  • Le Tout Berck, guide de voyage, 1904-1905 (BM Berck).

Bibliographie

  • ROUILLARD Dominique, Le site balnéaire. Pierre Mardaga éditeur. Bruxelles, 1984, p. 235-237.

  • CREPIN Guy, CREPIN Michèle. "Avec vue sur mer" à Berck-Plage. Berck-sur-Mer : Amis du Musée du Passé et de la Bibliothèque de Berck-sur-Mer et environs (A.M.P.B.B.E.), 2006.

  • A. Raguenet. Monographie de bâtiments modernes. n°s 197, 218 (A.D. Pas de Calais, D 723).

  • E. Rivoalen. Petites maisons modernes. Planche 35, CXLII (BNF François Mittérand, 4 – V – 5816)

  • La Construction Moderne, 1908-1909, 24e année. 26/12/1908, pp. 150, 151, PL 33

Annexes

  • Note sur l'architecte Henri Vallette
Date(s) d'enquête : 2010; Date(s) de rédaction : 2010
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Luchier Sophie
Luchier Sophie

Chercheur de l'Inventaire général du patrimoine culturel.

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