Dossier d’œuvre architecture IA62002950 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, jardins remarquables
Jardin de Robert Lemaire
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté d'agglomération de Lens-Liévin - Sains-en-Gohelle
  • Commune Sains-en-Gohelle
  • Adresse 8 route Nationale
  • Dénominations
    jardin
  • Parties constituantes non étudiées
    maison

Robert Lemaire, né le 19 novembre 1924 à Hersin-Coupigny, est issu d'une famille de « bricoleurs ». Sa mère tenait un commerce de quincaillerie et son père maréchal-ferrant, ferronnier, réparateur de poêles en fonte, de cuisinières à bois, travaillait le cuivre rouge et jaune pendant ses heures de loisirs et réalisait de petits objets raffinés en étain ainsi que des miniatures qu’il soudait. Son frère né en 1916 était plombier et a réalisé une table avec des roues de vélos. On lui doit la « main qui sort du mur » de l'atelier qu'on peut voir encore aujourd'hui.

Pendant son enfance, R. Lemaire étudie à l’école de Hersin-Coupigny. Vers l'âge de 20 ans, il entre, grâce à son frère qui y travaille déjà, au centre de formation des Houillères du Bassin du Nord Pas de Calais à Noeux-les-Mines comme apprenti riveteur. Il y apprend à manier le tour et se passionne pour ce métier qu'il adorait, en partie à cause du bruit que produisent ces activités, peut-être retrouve-t-il dans bruit des girouettes qui tournent au vent un souvenir de son métier. Après son apprentissage, il est embauché comme riveteur, aleseur et fraiseur aux Houillères où il fera toute sa carrière. Il y travaille pour effectuer des travaux très précis sur les trains, les wagonnets en réparation et tous les objets demandant précision au centième ou au millième près d'après des plans complexes. Il aime beaucoup riveter car c'est un travail de minutie et de précision. A la fermeture des Houillères, il refuse de quitter le Pas de Calais pour s'installer en Alsace et rejoint les effectifs de l'usine d'engrais de Mazingarbe (filiale des Houillères du bassin du Nord Pas de Calais) où il occupe les mêmes fonctions. Il est licencié à l'âge de 55 ans et mis en pré-retraite. C'est alors qu'il commence à réaliser des moulins, des girouettes et des mobiles qu’il installe dans son jardin. Il y met la même passion que lorsqu'il était ouvrier des mines et réalise ses pièces comme un orfèvre (travail à l'aide d'un palmer, micromètre).

Il a acheté cette maison en 1954, et il y effectue des travaux d'aménagements qu'il réalise après son travail avant d’y emménager en 1955-1956. Ce n’est que 20 ans plus tard, une fois à la retraite, qu’il se consacre au décor du jardin.

La première réalisation est la reproduction à l'échelle d'une coccinelle rouge à points blancs et noirs. Aujourd’hui, des girouettes sur le toit du garage sont visibles de la rue, le muret et la façade du garage sont peints en jaune et les tuiles du toit sont de différentes couleurs (rouge, vert, gris).

Les plus vieux mobiles sont ceux posés sur poteaux métalliques comme le premier réalisé avec une mitre (extracteur de fumée mécanique) que ses collègues lui ont offert à sa retraite, c’est ainsi que tout a commencé. Puis R. Lemaire s’est mis à décorer tout ce qui pouvait l’être (pieux, clôture située devant la maison, portail, porte d’entrée).

Le garage servait d’atelier et de lieu d’exposition d'objets de collections dont des casques de soldats de différentes époques trouvés chez des brocanteurs et d’objets comme des horloges ou des meubles décorés.

D’après son fils, décorer son jardin était l’unique passion de son père qui est resté littéralement obsédé par ce travail jusqu’à la fin de sa vie. La plupart de ses projets étaient conçus la nuit. Il était aussi capable de copier, c'est-à-dire d’observer un objet, d’en comprendre la complexité et de le réaliser après avoir pris quelques mesures ou dessiné à main levée sur un carnet. C’est d’ailleurs ainsi qu’il s’est révélé en réalisant une coccinelle à l’échelle.

Un peu surréaliste, musicien, R. Lemaire aimait se faire remarquer et de nombreux visiteurs sont venus admirer ses œuvres. Des journalistes du journal la Voix du Nord sont venus à deux reprises pour l’interviewer. R. Lemaire est décédé le 10 octobre 2010.

Aujourd’hui (octobre 2014) un certain nombre des objets du garage-atelier n'existent plus. La petite fille de monsieur Lemaire occupe la maison et tente de conserver un maximum de girouettes in situ mais le temps qui passe et les intempéries détériorent les objets réalisés pendant près de trente ans. Elle se charge de repeindre et d’entretenir au mieux les objets toujours en place mais certains ont été déplacés ou tout simplement supprimés car trop détériorés. Certaines girouettes réalisées avec des pales ou des rames en plastique risquent de casser à cause des intempéries.

A l'extérieur, des girouettes posées sur le toit du garage et accrochées sur le mur latéral de la maison sont visibles de la rue. Le mur de clôture et la façade du garage sont peints en jaune et les tuiles et tôles du toit sont de différentes couleurs (rouge, vert, gris). Sur le trottoir face à la sortie de garage, monsieur Lemaire a dessiné le personnage de bande-dessinée "Subito".

Dans le jardin, une vingtaine de mobiles sont posés sur des poteaux métalliques ; trois sont installés sur le portique d'une balançoire ; d'autres sont posés sur le rebord d'un mur. Les matériaux utilisés pour la confection des moulins sont toutes sortes d'objets de récupération en plastique ou en métal qui fonctionnent grâce à des roulements à billes réalisés par ses soins.

Toutes les réalisations présentes sur le site sont confectionnées, assemblées ou soudées à partir d’objets de la vie quotidienne, récupérés ou achetés. Par exemple les louches en inox des girouettes doivent être inoxydables et ont donc été achetées en lots au moment des soldes. Parmi les objets récupérés, on trouve aussi des boules de pétanques, coupées en deux, des bouteilles en plastique peinte, des filtres à café…Des ballons de rugby, de basket…Ventilateur, ustensiles de cuisine (écumoires, cuillères, filtres à café), roues de vélo, casques de protection, couvercle de poubelles, paniers en plastique. De nombreuses jantes de voitures sont apposées de manière soignée sur un mur donnant sur le jardin où l’on retrouve le profil peint de « Subito ».

Mis à part les girouettes qui sont des créations en volume, R. Lemaire met en scène des héros des bande-dessinée qu’il peint sur différents supports comme « Subito » (personnage de BD créé en 1936 par le dessinateur Robert Velter dit Rob-Vel sous le pseudonyme de Bozz, qui est aussi le créateur du personnage de Spirou ; les avatars de Subito paraissent dans la presse jusqu’en 1969) qu'il a peint sur le trottoir devant le garage et qui commence à s'effacer. On retrouve la tête du héros sur le mur gouttereau du hangar donnant sur le jardin. Lucky-Luke quant à lui gardait la porte d’entrée de la maison… on le retrouve sur le mur de la véranda.

Le point commun à toutes ses réalisations est l’utilisation des couleurs vives (couleurs primaires et secondaires, jaune, bleu, rouge et vert qu'il a choisies et achetées au magasin de bricolage). Des faux coqs en métal soudés (l’un avec des chaînes, l’autre constitué de disques) se découvrent dans les recoins du jardin.

L’aspect artistique est indéniable dans les réalisations de Robert Lemaire. Il crée des objets complexes qu’il veut rendre beaux. Cependant s’ils n’étaient pas l’occasion d’exercer ses compétences techniques, les moulins, girouettes ou mobiles qui ont tous besoin d’être soudés, n’auraient pas grand intérêt à ses yeux. Car ces œuvres supposent d’abord un travail d’évaluation méthodique, lié au poids des matériaux utilisés qui doivent tourner sans « coincer ». Ensuite vient la valeur esthétique liée aux effets d’optique créés par les mouvements de rotation provoqués par le vent. R. Lemaire avait l’obsession des moulins. Il n’a pratiquement réalisé que cela. Pour le reste, la plupart des sculptures exposées dans le jardin, devant ou derrière la maison, ont été achetées (lions, rongeurs) ; seuls les têtes de chien visibles sur les façades de la maison (côté rue et cour), une tête de lion placée sur l’espace devant de la maison et des caricatures de François Mitterrand et Jacques Chirac (aujourd’hui disparues) sont réalisées de ses propres mains. On retrouve quelques réalisations de R. Lemaire (moulin de 3-4m de diamètre et têtes de chien) sur le balcon d’un appartement acquis à Berck.

R. Lemaire donne à toutes ses girouettes un style humoristique : un mobile représente un bonhomme dont les mouvements de déplacement, très réalistes, sont rendus par le souffle du vent. Il lui arrive aussi de détourner des objets de la vie courante avec un humour certain (association d’un chat en céramique noir et blanc et d’un ventilateur aux mêmes tonalités) dans l’objectif de décorer et d’agrémenter. On retrouve ce même sens de l’humour et de la « rigolade » dans les peintures murales en trompe-l’œil qui se trouvent près de l'atelier : un mur palissadé sur lequel se détache une porte fermée et une fenêtre à barreau qui laisse apercevoir une tête de prisonnier. Le ciel est maculé de soucoupes volantes qui se mêlent à des oiseux en vol. Une statue posée sur un socle fixé au mur envoie un éclair qui semble provoquer un certain dérèglement évoqué par des rayons de couleurs bleue, vert et jaune qui s’abattent au sol à côté d’une boussole multicolore. Une porte est surmontée d’une horloge marquant 17h10 et de 3 casques de sécurité de chantier, le soleil est bas dans le ciel délimité par un trait de cadre rouge. Une soucoupe est prête à atterrir.

D’autres objets montrent cette même nature malicieuse comme ce thermomètre mural en fer forgé surmonté d’un stetson (le chapeau de Subito) comme pour le protéger du soleil. Une balise de signalisation de travaux utilisée sur les chantiers routiers et si connue (où l’on distingue un ouvrier en train de donner un coup de pelle dans un tas de sable) sur laquelle R. Lemaire a redessiné un bonhomme beaucoup réaliste et non plus schématique. Cet homme est en train de fumer une pipe et il a ajouté un second tas au sommet duquel est planté un marteau-piqueur comme une seringue plantée dans la peau.

Bibliographie

  • MONNERY, Daniel. Le jardin secret du bricoleur comique. La Voix du Nord. 12 août 2005.

Date(s) d'enquête : 2011; Date(s) de rédaction : 2014
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général