Dossier d’œuvre architecture IA62005183 | Réalisé par
Girard Karine (Rédacteur)
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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  • enquête thématique régionale, La première Reconstruction
  • patrimoine de la Reconstruction
Ancienne maison à boutique (boucherie) de M. Eugène Duquesne, actuellement maison d'habitation
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes du Sud-Artois - Bapaume
  • Commune Bapaume
  • Adresse 19 place Faidherbe , ancienne Grand'Place
  • Dénominations
    maison, boutique
  • Parties constituantes non étudiées
    écurie, remise, boutique

Le bâtiment avant la Première Guerre mondiale

Les recensements de population de 1901 et 1911 signalent Eugène Duquesne, boucher, établi au 6 place Faidherbe. En 1901 il loge deux employés et deux domestiques, mais un seul employé et un seul domestique en 1911.

La chronologie du projet de reconstruction

La boucherie-habitation est construite pour Eugène-Léopold-Joseph Duquesne, boucher, au 43 place Faidherbe. Elle est bâtie sur un emplacement totalement ruiné, occupé avant-guerre par une maison d'habitation.

Avant-guerre, M.Duquesne était établi de l'autre côté de la place mais il fait partie des propriétaires expropriés pour pouvoir agrandir la surface au sol de l'hôtel de ville et élargir la place. Dans un courrier rédigé en octobre 1920 conjointement avec M. Théry, propriétaire des maisons mitoyennes, et adressé à la mairie dans le cadre de la consultation de la population menée avant l'adoption du plan d'alignement (AD Pas-de-Calais, 2O631/2), ils demandent "que leurs maisons ne soient pas expropriées, étant bien situées en plein centre ville pour faire n'importe quel commerce [...]" : "Nous désirons réemployer sur l'emplacement de nos immeubles. Nous tenons à l'emplacement de nos maisons car il nous serait impossible de trouver ailleurs pour être aussi bien placés". Bien que l'adoption du plan d'alignement ne lui ait pas permis de conserver son ancien emplacement, il reste cependant installé place Faidherbe.

La construction a lieu en deux étapes en faisant appel à deux architectes différents. Le dossier de remploi des dommages de guerre (AD Pas-de-Calais (10R9/43) ne donne pas d'explication sur le changement d'architecte.

La première phase du chantier concerne l’habitation-commerce. Elle commence en 1922 (clôture du dossier en avril 1930) sur les plans d'Eugène Bidard dans le cadre de son mandat pour la coopérative n°1. Le coût de cette première partie est de 135 000 francs. La seconde phase débute en 1923 (clôture du dossier en mai 1931) et comprend la construction d'une écurie-étable, d'une remise et d'une arrière cuisine. Le projet est pris en charge par le cabinet d'architectes Barrot-Clermont qui travaille pour la coopérative n°2 Groupement d'isolés pour un prix de 42 000 francs.

Le projet de l’architecte : les plans

Chaque phase de travaux a fait l'objet d'un devis descriptif. Celui de la maison précise qu'elle est élevée partie sur caves et partie sur terre-plein. Au rez-de-chaussée, se trouvent une boutique à usage de boucherie donnant sur la rue, un dépôt, un dégagement avec escalier d'accès aux étages, une salle à manger communiquant avec la cuisine et un bureau et à gauche du couloir. Cet ensemble est bordé sur sa gauche par un passage couvert qui mène à l'arrière-cour. L'étage accueille cinq chambres, une salle de bain et un WC. Enfin, "le vaste grenier [est] destiné à établir des chambres par la suite".

Pour les bâtiments annexes, les plans montrent un bâtiment en rez-de-chaussée et combles, couvert par un toiture à longs pans et pignons. L'arrière-cuisine qui vient s'appuyer à l'extrémité de l'ensemble est couverte en appentis. L'écurie, la grange et la remise sont séparées par un mur de refend et bénéficient toutes deux d'un accès individuel. La partie grange-écurie est construite symétriquement par rapport à une lucarne meunière qui surplombe une baie géminée en plein cintre située entre les deux portes rectangulaires surmontées d'une imposte en plein cintre. Cet ensemble est séparé de la partie remise par un pilastre engagé en brique. La porte de ce dernier est une porte coulissante sur rail semblable à celles utilisée dans les granges de ferme.

Les matériaux préconisés dans le devis descriptif

Les sols sont en béton dans le passage couvert, dans la cave et pour le rez-de-chaussée. Les murs et les marches de la cave sont en briques de récupération, les murs extérieurs et les cheminées sont en brique de pays "provenance briqueterie Laude" (entreprise bapalmoise). Les motifs décoratifs des cordons et des corniches sont réalisés en brique sur chant. "Les appuis, clefs, seuils, soubassement, couronnement des cheminées sont enduits au ciment, ces enduits moulurés et lissées avec soin pour imiter la pierre". Les sols ont des revêtements différents : carrelés en carreaux rouges de Beauvais pour le couloir, la cuisine et le dépôt ; carrelage céramique pour la boutique ; briques posées de chant pour le passage ; parquet en chêne posé à bâtons rompus pour la salle à manger et en sapin posé à l'anglaise pour les étages. Les escaliers tournant rampe sur rampe sont en sapin une main-courant en orme reposant sur des balustres carrés, celui du départ étant orné de volutes. Les portes et huisseries extérieures sont en chêne et celles intérieures en sapin. Tous les murs intérieurs et les plafonds sont enduits au plâtre. Les plafonds sont peints. Les murs sont soit peints (magasin, couloir, cuisine...) soit recouverts de papier de tenture pour les chambres et la salle à manger qui reçoit également un lambris en sapin "à petits cadres". La salle à manger et les chambres ont une cheminée en marbre : "marbre rouge des Flandres et modillons" pour la première, "capucines ordinaires en marbre blanc veiné ou noir français" pour les autres. La charpente est en sapin, couverte de d'ardoises d'Angers pour le brisis et les lucarnes et de zinc pour le terrasson.

Comme pour la maison à boutique, les fondations du second bâtiment, qui comprend l'arrière-cuisine, la grange-écurie et de la remise sont en béton. Les murs sont en briques ordinaires de pays ainsi que les arcs au dessus des baies. "La décoration de la façade comporte des briques posées de diverses façons [suivant] le détail donné par les architectes. Les décorations de briques plus foncées seront obtenues par des briques qui ressortiront de 1,5cm sur le nu du mur". Les sommiers sont en ciment Portland blanc. Les seuils de porte sont en pierre dure. Les planchers intermédiaires sont en fer, les huisseries intérieures et extérieures sont en sapin tout comme les charpentes. La couverture est en tuiles mécaniques. Les sols sont dallés en briques posées sur chant, sauf l'arrière cuisine qui bénéficie d'un carrelage avec des carreaux genre Beauvais rouges. Les murs intérieurs sont enduits au ciment puis peints.

Le projet de l’architecte : les élévations

La façade présente une élévation ordonnancée à trois travées. Toutes les baies sont superposées, y compris la partie occupée par la vitrine. Cette dernière est en effet séparée en deux par la prote d'entrée de la boutique qui occupe le même espace que les trumeaux séparant les baies du second niveau de façade. Toutes les baies de la maison, hormis la vitrine et les lucarnes, ont une forme légèrement cintrée et sont inscrites dans un encadrement en béton enduit, que l'on retrouve également sur le soubassement. Sauf la porte du passage couvert, tous les linteaux des baies sont en briques interrompus par une agrafe et sont soulignés par une corniche en béton moulé. Enfin, un bandeau de briques posées de coin traverse tout le haut la façade. Le coyau de la toiture débordante s'appuie sur une corniche moulurée en pierre reposant sur de petits corbeaux à volute. Le dessin de l’architecte montre une façade enjolivée au niveau de la porte d'entrée du magasin et aux angles de la vitrine par un décor rapporté en fer forgé de style "rocaille" au répertoire sobre. Le nom de la boucherie est "Boucherie Moderne".

Eugène Duquesne apparaît dans le recensement de 1921 comme marchand boucher et loge deux domestiques, puis comme herbager dans les recensements de 1931 et 1936. Il fait également reconstruire habitation, logement ouvrier, commerce, dépendances et bâtiments agricoles à Warlencourt-Eaucourt, sur les plans de Becquet.

Les modifications ultérieures

L'habitation-boucherie est aujourd'hui une maison d'habitation. La façade a été légèrement modifiée, mais les bâtiments annexes sont toujours présents.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 20e siècle
  • Dates
    • 1922, daté par source
    • 1923, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Bidard Eugène
      Bidard Eugène

      Architecte diplômé en 1895 de l’École supérieure des Beaux-Arts de Paris.

      Membre de la société civile d’architectes La cité nouvelle fondée en 1919 par Charles Duval et Emmanuel Gonse.

      (Pour plus d'informations sur la carrière d'Eugène Bidard, se reporter à l'annexe "Eugène Bidard, l'architecte de la reconstruction de Bapaume").

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      architecte attribution par source
    • Auteur :
      Barrot - Clermont
      Barrot - Clermont

      Agence d'architecture travaillant pour la coopérative n°2 de Bapaume, appelée "Groupement d'isolés", au moment de la première reconstruction.

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L'édifice, situé sur la place principale de la ville, comprend un bâtiment principal à usage d'habitation aligné sur la rue et des dépendances à l'arrière, accessibles par un passage latéral fermé par un portail.

Le bâtiment principal, à étage carré et étage de comble sur sous-sol, est construit en briques. Il présente une façade sur rue à trois travées et un décor en ciment incluant la porte d'entrée et une baie plus large correspondant à l'ancienne vitrine du commerce. La toiture débordante à longs pans brisés est couverte d'ardoise (côté rue) et de zinc (à l'arrière). Trois lucarnes à toiture débordante sont situées dans l'axe des baies.

La façade est ordonnancée à travées. Elle compte deux niveaux. Le rez de chaussée a été modifié lors du changement d'affectation : la vitrine avec sa porte centrale est remplacée par une porte latérale et une fenêtre dont la partie sous-appui est créée.

S’agissant d’une propriété privée, l’intérieur actuel de la maison n’a pas été étudié. Il n’est donc pas possible de savoir si la construction s’est faite conformément aux plans de l’architecte, ni si cette dernière a été modifiée par la suite.

  • Murs
    • brique
    • béton pan de béton armé
  • Toits
    ardoise, zinc en couverture
  • Étages
    sous-sol, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans brisés
  • Statut de la propriété
    propriété privée

La maison de M. Duquesne est intéressante à plusieurs titres : elle est représentative des maisons-commerce cossues construites après-guerre sur les côtés de la place Faidherbe. L'élévation, l'ordonnancement de la façade, le choix des matériaux en font une construction classique qui inspire confiance. Elle est également représentative du style sage et traditionnel qu'Eugène Bidard imprime aux constructions qu'il réalise pour des particuliers.

D'autre part, le commanditaire fait partie des rares personnes expropriées lors de la mise en œuvre du plan d'alignement.

Enfin, le commanditaire a fait appel à deux architectes, travaillant pour des coopératives de reconstruction différentes, pour des bâtiments faisant partie d'un même ensemble immobilier. Ceci est très rare à Bapaume (moins de 4% des propriétaires), d'autant plus que ces deux architectes ont travaillé presqu'en même temps. Le dossier de remploi des dommages de guerre ne donne pas d'explication sur le changement d'architecte. Monsieur Duquesne est à l'origine de la création du "Groupemenent d'isolés" la seconde coopérative de reconstruction de Bapaume (AD Pas-de-Calais, 10R20/45).

Documents d'archives

  • AD Pas-de-Calais. Série R ; 10R9/43 : Dommages de guerre, secteur de Bapaume.

    Dossier 639. Eugène-Léopold-Joseph Duquesne-Cottel : habitation, commerce et bâtiments agricoles à Bapaume : Devis, marché, cahier des charges, convention d'acompte, liquidations du compte de coopérateur, plans.

    Liste des documents figurés utilisés dans la notice :

    - Propriété de M. Duquesne-Cottel, n°45 place faidherbe à Bapaume : coupes ; façade principale ; plan du rez-de-chaussée, du premier étage et du grenier. Signé et daté Eugène Bidard, 29 septembre 1921.

    - Propriété de M. Duquesne à Bapaume : plan des écuries et de la remise, coupe et façade. Signé par les architectes Barrot - Clermont, le propriétaire et l'entrepreneur. Sans date.

    Devis, marché, cahier des charges, convention d'acompte, liquidations du compte de coopérateur, plans.
  • AD Pas-de-Calais. Série O ; 2O631/2 ; Dossiers d'administration communale. Bapaume : Projet du plan d'alignement et d'aménagement de la ville, 1919-1925 : Courrier de Messieurs Duquesne et Théry.

    Enquête publique liminaire à l'adoption du plan d'alignement. Courrier de Messieurs Duquesne et Théry.
  • Bapaume. Recensement de population, 1901.

    AD Pas-de-Calais : M4267
    p. 34.
  • Bapaume. Recensement de population, 1911.

    AD Pas-de-Calais : M3595
    p. 10.
  • AD Pas-de-Calais. Série M. Recensement de population. M 4285. Bapaume (1921).

    p. 7.
  • Bapaume. Recensement de population, 1931.

    AD Pas-de-Calais : M4346
    p. 12.
  • Bapaume. Recensement de population, 1936.

    AD Pas-de-Calais : M4371
    p. 19.
  • AD Pas-de-Calais. Série R ; 10R 9/105. Dommages de guerre. Secteur de Bapaume. Dossier 1669. Eugène Duquesne-Cottel, habitation et commerce à Bapaume.

    Dossier 1669. Eugène Duquesne-Cottel, habitation et commerce à Bapaume.

Annexes

  • Les matériaux de la reconstruction à Bapaume
Date(s) d'enquête : 2018; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Girard Karine
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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Articulation des dossiers