Dossier d’œuvre architecture IA62005377 | Réalisé par
Hoin Karl-Michael (Rédacteur)
Hoin Karl-Michael

Responsable-adjoint (2018-2023) puis responsable (depuis 2024) de l'Inventaire Général Hauts-de-France.

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  • opération ponctuelle
Château de Ferfay (détruit)
Œuvre étudiée
Auteur (reproduction)
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
  • (c) Archives privées

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté d'agglomération de Béthune-Bruay, Artois-Lys Romane - Lillers
  • Commune Ferfay
  • Adresse chaussée Brunehaut
  • Cadastre 2024 AC 275
  • Dénominations
    château
  • Genre
    seigneurial
  • Appellations
    château de la famille d'Hinnisdal
  • Parties constituantes étudiées

Pour la constitution de ce dossier, le Service Régional de l'Inventaire remercie mademoiselle Charlotte d'Andigné et sa famille de lui avoir permis la consultation des archives du château de Tilloloy (Somme) et monsieur Raymond de Nicolaÿ pour la consultation de celles du château de Régnière-Écluse (Somme). Ses remerciements s'adressent enfin à madame Christiane Nansot, représentant mademoiselle Charlotte d'Andigné, et à monsieur Hervé Lambelin, gérant du château de Tilloloy ; à monsieur Aurélien Marty, directeur de l'association du domaine de Régnière-Écluse.

Le territoire de Ferfay hier et aujourd'hui (site, situation, population)

Sis sur le plateau artésien, à huit kilomètres au sud de Lillers, Ferfay est originellement un village-rue situé sur une ancienne voie romaine traversant une grande étendue de bois, comme le rappelle son étymologie : Fracfagium (IXe siècle), Fresfay (1219), de frait/brisé et de faï/bois de hêtres (NÈGRE, 1987). Cette voie romaine est la chaussée Brunehaut reliant Arras à Thérouanne. Structuré en longues bandes étroites perpendiculairement à la chaussée, le parcellaire du village est ainsi connecté à cette voie rapide primitive.

Sous l’Ancien Régime, Ferfay compte autour de 300 habitants et sa population demeure très stable jusqu’au Second Empire. Dès les années 1870, son essor démographique est puissant, lié à l’exploitation du charbon dans la commune, atteignant son apogée au début des années 1920 avec 1400 habitants. Les fosses ferment dans la première moitié du siècle suivant (1929, 1936, 1950) et la population décline alors régulièrement pour se stabiliser aujourd’hui autour de 900 habitants.

L'activité minière a clairement anémié le village-rue et a fait de la cité 3, au nord, le véritable centre de Ferfay. Pour autant, l'identité rurale demeure, les terres agricoles représentant toujours aujourd'hui l'essentiel de son occupation des sols (92%).

Une terre dans la famille d'Olhain puis dans la famille d'Ostrel (XIIIe-XVIIe siècles)

La terre de Ferfay est au XIIIe siècle dans la famille d'Olhain, vénérable maison artésienne qui assure descendre des puissants comtes de Boulogne dont elle porte les armes (d’argent à trois tourteaux de gueules). Elle passe ensuite par mariage au XVIe siècle dans la famille d’Ostrel, installée dans le village voisin de Lières. Au début du XVIIe siècle, Antoine d’Ostrel dispose d'une importante maison seigneuriale flanquée de deux hautes tourelles à l’angle d’une cour entourée d’une enceinte basse. Sur la planche consacrée au village dans les Albums de Charles de Croÿ (1560-1612), l’artiste accompagne sa représentation d’une scène de chasse naïve - l'environnement boisé est en effet propice à l'activité cynégétique - semblant indiquer que le château est régulièrement habité, d’autant que les étendards seigneuriaux claquent au vent à la pointe des tours (DUVOSQUEL, 1998).

Une terre dont hérite la famille d'Hinnisdal en 1698

Gilles d’Ostrel meurt en 1667 sans postérité laissant ses biens à son frère Jacques, doyen du chapitre de Saint-Omer. Ce dernier lègue Ferfay en 1698 à son neveu Jean-Herman d’Hinnisdal (1674-1728) dont la descendance va entretenir un lien fort avec le village de Ferfay pendant près de trois siècles.

Les Hinnisdal sont une famille originaire du pays de Liège, aux alliances flatteuses et frottée de près à la cour de France au XVIIIe siècle. Ses chefs versent systématiquement dans la carrière militaire et se distinguent ponctuellement à l’occasion de missions diplomatiques. Ils sont comtes d’Hinnisdal et du Saint-Empire, baron de Fumal et seigneurs de Ferfay entre autres terres (LAINÉ, 1848). Citée par Proust dans À la recherche du temps perdu*, cette famille de la haute aristocratie du faubourg Saint-Germain jette ses derniers feux à la Belle Époque et s'éteint à la mort de la comtesse Thérèse d'Hinnisdal en 1959.

Brigadier d'infanterie (1721) dans le régiment du comte de Lamarck, membre des États d'Artois (1750), Jean-Herman d’Hinnisdal est l’époux de Marie-Claire de Carnin, la fille du marquis de Lillers et de Nédonchel. La terre de Ferfay se transmet ensuite de père en fils. D'abord à Adrien-Eugène-Herman (1718-1759), époux de Marie-Philippine de Bournel, fille du marquis de Monchy (aujourd'hui Monchy-Cayeux, près de Saint-Pol-sur-Ternoise), lieutenant-général des armées, commandeur de l’ordre de Saint-Louis. Ensuite à Marie-François-Eugène-Herman (1748-1786), colonel-commandant du régiment d'Alsace à sa mort, époux de Catherine-Louise-Sylvine de Seiglière de Belleforière. Marie-François-Eugène-Herman d'Hinnisdal ne vient qu'épisodiquement à Ferfay qui est alors mis à la disposition des Tramecourt puis des Genevières pour l'agrément de la chasse. Le comte de Genevières indique d'ailleurs dans une lettre du 14 août 1781 : "Aujourd'huy il y a une grande chasse à Ferfay, demain à Calonne et après-demain à Labeuvrière ; je suis vraiment fâché, mon cher frère, que la grande distance qui nous sépare nous empêche de partager les mêmes amusements. [...] Monsieur le comte d'Hinnisdal, qui est icy depuis plusieurs jours, est à la veille de partir pour Brest où il est obligé d'aller faire un mois de service, trop heureux encore s'il n'est point obligé de s'embarquer." (Archives de la famille de Beaulaincourt, tome II, 1914).

Son fils unique Joachim (1779-1814), après une solide éducation confiée jusqu'en 1799 au juvénat de l'abbé Émery - il est en effet très tôt orphelin de père (1786) et de mère (guillotinée en 1794) -, reprend à son compte à sa majorité, en 1800, les biens de son père (dont les domaines de Ferfay, Monchy-Cayeux, Marest dans le Pas-de-Calais et ses propriétés situées dans l'actuelle Belgique) et sa part d'héritage - la principale - de l'immense patrimoine de son grand-père du côté maternel, Joachim-Charles de Seiglière. Cette année 1800 est aussi celle de son mariage avec Mélanie de Villeneuve-Tourrettes (1778-1848).

Le rêve italien de Joachim d'Hinnisdal (1779-1814)

Joachim d'Hinnisdal réside ordinairement dans son hôtel particulier de la rue Cassette à Paris mais il vient très régulièrement à Ferfay. Disposant de moyens considérables - sa succession représente une valeur globale de 4,6 millions de francs, soit 140 000 francs de revenu annuel -, il s'intéresse à son domaine (300 ha) que la Révolution a laissé en très mauvais état. Une réponse faite à Charles de La Tour d'Auvergne, évêque d'Arras, qui doit se rendre le 28 octobre 1806 à Amettes pour bénir l'école ecclésiastique fondée par Jean-François Paternelle et qui demande à coucher au château atteste du vieil état de celui-ci au lendemain de la Révolution : "Le plaisir que j'aurai d'avoir l'honneur de vous recevoir ne sera troublé que par la crainte où je serai que vous ne soyez très mal logé. C'est pourquoi, je vous demande d'avance votre indulgence pour une maison dévastée et condamnée à la démolition." (AP Château de Tilloloy, Somme)

Joachim d'Hinnisdal songe à cette époque à faire reconstruire le château de Ferfay sur des plans grandioses très inspirés de ce qu’il a pu admirer dans la péninsule italienne. Il a visité en effet l'Italie en 1804, notamment Rome où il est reçu par le cardinal Fesch et, surtout, en audience par le pape Pie VII en personne en tant que messager de mère Camille de Soyécourt, sa tante carmélite dont le couvent de la rue de Vaugirard était alors une officine de résistance à l' "usurpateur" et à sa politique de concordat (TAVERNIER, 1956).

À son retour d'Italie, il confie son projet à l’architecte parisien Louis-Ambroise Dubut (1769-1846) qu'il rencontre peut-être à Aix-la-Chapelle où il prend régulièrement les eaux. Ancien élève de Claude-Nicolas Ledoux et membre de l’École française de Rome, ce dernier lui propose un grand corps de logis sur quatre niveaux dans le goût de la Renaissance, double en profondeur, flanqué d’ailes de même élévation en saillie sur chacune des façades. Le tout puise largement dans le répertoire architectural italien du Quattrocento, florentin côté cour d’honneur, vénitien côté jardins. L'architecte propose également de construire un souterrain reliant le château au caveau qui serait aménagé sous la chapelle castrale préexistante (AP Château de Régnière-Écluse, Somme). De son côté, le commanditaire entretient des relations épistolaires avec commissionnaires et artistes italiens dont le sculpteur Antonio Canova, leur passant sûrement des commandes de matériaux et d’œuvres d’art. Il achète également des lots de vieux marbres qu'il fait venir d'Arras et de Versailles (SEYDOUX, 2006).

À peine commencé, le double chantier de démolition de l'existant d'abord - des bâtiments représentés sur le plan-terrier de 1809 (AD Pas-de-Calais, 4E97/315 (4)) ne le sont plus en effet sur le cadastre de 1831 - et ensuite de construction d'un nouvel édifice est cependant à la peine. Joachim d'Hinnisdal est sûrement en manque d'argent frais, sa priorité étant donnée à la remise en état de son capital foncier qui a souffert de sous-investissement pendant la Révolution. Mais, atteint comme son père de la poitrine, il doit bientôt garder la chambre et meurt prématurément en 1814, à l’âge de seulement trente-cinq ans. Sa succession étant gelée jusqu'à la majorité de ses enfants (1831), le projet de château neuf est abandonné. Sa veuve se contente de faire redessiner les jardins de Ferfay par l'architecte Jean-Antoine Alavoine (1778-1834) et les entretenir par le célèbre paysagiste écossais Thomas Blaikie (1751-1838) qui y vient chaque année entre 1819 et 1829. Désormais sans utilité, les lots de vieux marbres achetés par Joachim d'Hinnisdal vont probablement servir à la décoration intérieure du château de Bryas, près de Saint-Pol-sur-Ternoise (SEYDOUX, 2006).

La propriété de Roseline d'Hinnisdal (entre 1831 et 1878)

Le partage de 1831 (Étude Charles Gondouin, notaire à Paris, 26 avril 1831) attribue Ferfay et Monchy-Cayeux à Roseline d’Hinnisdal (1810-1878), la sœur aînée de cette dernière recevant le château de Tilloloy et le frère aîné celui de Régnière-Écluse, tous deux en Picardie. Le "petit château en mauvais état" de Ferfay (lit-on sur l'inventaire après décès de Joachim d'Hinnisdal commencé par le notaire parisien Alexandre Rousseau le 28 avril 1814) est estimé en 1831 à 38 000 francs, son domaine de 300 ha l'étant à hauteur de 576 000 francs. Roseline d'Hinnisdal partage donc son existence entre son hôtel particulier parisien de la rue Cassette, son château de Ferfay et, une quinzaine de kilomètres plus loin, celui de Monchy-Cayeux qu'elle fait reconstruire sous le Second Empire.

Sur le cadastre de Ferfay de 1831, le château est composé de deux corps de bâtiment. Le principal est posé perpendiculairement à la chaussée Brunehaut. Le second, vers l'est, est en léger décroché à la suite du principal. Il était l'un des quatre cotés de la ferme à cour rectangulaire visible sur le plan de terrier de 1809. En 1831, la ferme est désormais décalée vers le sud. Le corps de logis principal donne à l'avant (vers le sud) sur une partie boisée et, au-delà, sur un immense verger (dit La Glacière, peut-être en raison de la présence d'un bâtiment destiné à conserver la glace).  Le château donne à l'arrière (vers le nord) sur une partie du parc fermée par la rue du Moulin au nord, par la rue d'Ames à l'est, par la chaussée Brunehaut à l'ouest. Le corps de logis principal comprend à l'arrière une aile courte en retour d'équerre. Une tour semi-circulaire, possible vestige du château du temps de la famille d'Ostrel, est engagée dans la partie centrale du corps de logis.

Si le château est accessible depuis la chaussée Brunehaut, l'entrée principale se fait par une longue avenue particulière commençant au saut-de-loup de la rue d'Ames et traversant le parc, avec à main droite la première partie de parc donnant vers le nord et la rue du moulin, à main gauche la seconde partie de parc donnant vers le sud et le sentier de Burbure.

Les Notes et souvenirs sur M. Pierre-Joseph Dollé (1889) indiquent que Roseline d'Hinnisdal fait reconstruire le château de Ferfay et que ses fondations sont achevées en 1864. Le Guide du Voyageur en France (1873) mentionne un "beau château moderne avec parc ; chapelle funéraire richement ornée". En revanche, l'Épigraphie du département du Pas-de-Calais (1898) date toujours le château du XVIIe siècle. L'observation attentive de dessins de Gaston de Lévis-Mirepoix (1844-1924) - époux de Marie-Thérèse d’Hinnisdal (1844-1934) -, de cartes postales anciennes et de rares photographies fait davantage pencher en faveur d'un château des XVIIe et XVIIIe siècles réaménagé au XIXe siècle, plutôt qu'à une reconstruction pure et simple.

Un château délaissé à la Belle Époque puis dégradé entre 1914 et 1918

À la Belle Époque, le château de Ferfay est la propriété du comte Henri d'Hinnisdal (1841-1922) vivant ordinairement dans son hôtel particulier parisien au n°60 de la rue de Varenne ainsi qu'au château de Tilloloy dans le département de la Somme et à celui de Souverain-Moulin dans le Boulonnais. Peu modernisé, Ferfay est alors délaissé par la famille et n'est occupé que l'équivalent de quelques semaines par an seulement : "Il était garni de tout le mobilier nécessaire à l'habitation d'une grande famille qu'accompagnait un nombreux personnel [...] En l'absence [du] propriétaire, le château était fermé, aucun gardien ne l'habitait et un homme venait de temps à autre s'assurer que tout était en état." (AP Château de Régnière-Écluse, Somme) Au recensement de 1911, le château et sa ferme ne sont pas occupés (en revanche, huit domestiques y sont recensés en 1876, du vivant de Roseline d'Hinnisdal). Le régisseur du domaine, Armand Flament (1862-1945), qui a pris la suite de son père et de son grand-père, a quitté Ferfay et s'est installé dans la petite ville voisine de Lillers. Le château, désormais une incongruité dans un paysage très abîmé par l'industrie minière, perd progressivement de son attrait pour la famille d'Hinnisdal qui constate en même temps l'étiolement de sa relation séculaire avec une société villageoise en plein renouvellement.

Un état du mobilier de 1916 nous renseigne sommairement sur l'organisation du château. Côté chaussée Brunehaut, le petit bâtiment accolé au corps de logis est réservé aux domestiques. Y sont installés une laverie avec sa pompe à eau, une cuisine, un garde-manger et un office. Des chambres de service occupent également son étage ainsi que possiblement la lingerie et la chambre dite "au linge sale". Le petit bâtiment accolé à l'autre extrémité du corps de logis (côté avenue) accueille principalement au rez-de-chaussée une orangerie (comme le laissent entrevoir les anciennes portes charretières désormais vitrées sur les cartes postales du début du XXe siècle) mais aussi une fruiterie (le château possède en effet un grand verger) et une "menuiserie" avec sa pompe à eau. Son étage est occupé par des chambres au confort sommaire. Le rez-de-chaussée du corps de logis principal s'organise autour d'un vestibule, de pièces de réception (salon, salle-à-manger, salle de billard, bibliothèque), d'une chambre et de son boudoir, d'une autre chambre (dite "de mademoiselle" : probablement celle qu'occupait feue Roseline d'Hinnisdal) contiguë à celle de sa femme de chambre. De nombreuses chambres à coucher occupent l'étage et des chambres de service occupent l'étage de combles (AP Château de Régnière-Écluse, Somme).

Pendant la Première Guerre mondiale, "à l'exclusion même des propriétaires qui n'ont pu venir y faire leur séjour habituel", un état-major anglais accompagnant les troupes indiennes loge au château entre fin décembre 1914 et fin janvier 1915. Il est ensuite remplacé par une section d'artillerie logée précédemment dans le village. Du 4 au 18 février 1915, la 43rd brigade RFA (Royal Field Artillery, captain Beckley) s'y installe puis, entre fin février et début mars, c'est au tour du 51st Battery (major West) de s'y installer. Des dégâts (deux débuts d'incendie, mobilier mis à mal) sont constatés suite à ces deux dernières occupations. Le 29 décembre 1915, le bail du château est consenti à l'armée anglaise avec jouissance à compter du 1er octobre 1915. Les dégâts s'accentuent alors : "Le mobilier, constamment déplacé suivant les convenances de chacun, passait d'une chambre à l'autre, du rez-de-chaussée à l'étage, de l'étage au rez-de-chaussée. Plusieurs portes étaient fracturées, des meubles étaient brisés et brulés, la cave visitée. Un récolement était nécessaire. Seul le propriétaire possédait les éléments indispensables pour faire un inventaire complet et il ne pouvait gagner Ferfay. Ce n'est qu'au commencement de mars 1916 qu'il fut autorisé à venir à Ferfay. Il était accompagné de madame la comtesse d'Hinnisdal. Avec le concours de monsieur Henry, commissaire-priseur à Béthune, il fit dresser un état détaillé du mobilier et des dégâts." (AP Château de Régnière-Écluse, Somme)

Un château délaissé dans l'entre-deux-guerres, occupé dès 1939 puis détruit par un raid aérien (1944)

Au cours de la "drôle de guerre", le château est occupé par le n°2 Air Stores Park, dépôt n°2 de pièces détachées aéronautiques - un aérodrome se trouve en effet non loin de Ferfay, à Rely. Cette unité est dirigée par le Squadron Leader Bader. Enfant du pays, Jean Ratel constate en 1939 le délaissement depuis vingt-cinq ans par la famille d'Hinnisdal de son château de Ferfay : "Nous fûmes le témoin de l'ébahissement du colonel anglais qui avait réquisitionné cette demeure [en 1939] lorsque nous pénétrâmes à l'intérieur : retrouver là, quasiment intacts, les vestiges des anciens occupants de 1914 : râtelier d'armes dans le hall, vaisselle et bouteilles vides de whisky à la cuisine, pages de revues et de journaux tapissant les chambres du deuxième et les mansardes [...] C'était à ne pas en croire ses yeux. Pendant plus de vingt-cinq ans, ce domaine n'avait pas bougé." (RATEL, 2000) La rente devenant moins généreuse qu'avant-guerre, il est probable que la famille d'Hinnisdal préfère concentrer son effort après-guerre dans la reconstruction du grandiloquent château de Tilloloy. Pour autant, la fille d'Henri d'Hinnisdal s'émeut des dégradations qui lui sont rapportées ou qu'elle a constatées elle-même. Hugues Chevalier cite le journal de madame de Valence : "Madame de Lubersac est exaspérée des régiments qu'elle a dans sa propriété de Ferfay. Ils ont enlevé des parquets pour en faire des tables posées sur des tréteaux, sans parler d'autres dégâts. C'est un lieu de réparation d'avions cassés. Beaucoup sont irréparables et elle a été effarée des monceaux d'avions hors d'usage qui entourent le château. Cela prouve qu'il y a beaucoup plus de dégâts qu'on ne le dit." (CHEVALIER, 2015).

Le château est ensuite occupé par les Allemands, par intermittence, entre 1940 et 1942. En 1943, la réquisition du château est levée pour accueillir une colonie de vacances de la JOC de Noyelles-sous-Lens. En février 1944, le maire signale que le château est libre d'occupation et peut accueillir d'éventuels réfugiés agricoles venus de la côte. Toutefois l'arrivée imminente d'ouvriers dans le bois (environ 500) pour des travaux dont il ignore la nature ne permet plus cet accueil. En effet, le château sert entre février et juin 1944 de logement, de cantine et de dépôt pour une société qui vient construire des tunnels pour stockage V1 et, en moins de deux mois, un site de réserve V1 dans le bois attenant au château. La destruction du site V1 d'Erny le 20 juin 1944 décide l'état-major allemand à activer le site de secours de Ferfay - dénommé Anton - et à déplacer la catapulte intacte d'Erny à Ferfay. Le site V1 étant désormais actif, le personnel ouvrier du chantier des tunnels quitte alors le château.

Le château est détruit en partie ainsi que le logement du garde, Cyr Boulet, au cours d'un quatrième raid aérien anglais sur Ferfay le 11 août 1944. Le 31 août 1944 à 14h30, un sixième raid l'anéantit complètement et blesse grièvement le garde qui meurt de ses blessures à l'hôpital de Béthune quelques jours plus tard. Le 8 octobre 1944, trois jeunes garçons de Cauchy-à-la-Tour entrés dans l'espoir de trouver des métaux à revendre, y trouvent la mort après avoir sans doute manipulé des explosifs (obus de 105 ou détonateurs de V1) . Un quatrième décède le lendemain.

Le château des comtes d'Hinnisdal n'a pas été reconstruit après la guerre.

Note :

*Extrait : "Je traversai avec lui le grand salon verdâtre. Je lui dis, tout à fait au hasard, combien je le trouvais beau. - N'est-ce pas ? me répondit-il. Il faut bien aimer quelque chose. Les boiseries sont de Bagard. Ce qui est assez gentil, voyez-vous, c'est qu'elles ont été faites pour les sièges de Beauvais et pour les consoles. Vous remarquez, elles répètent le même motif décoratif qu'eux. Il n'existait plus que deux demeures où cela soit ainsi  : le Louvre et la maison de M. d'Hinnisdal." (Marcel PROUST, Le côté de Guermantes, 1920-1921)

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune

Château détruit au cours d'un raid aérien anglais le 31 août 1944.

Documents d'archives

  • AP Château de Tilloloy. [non coté]. Répertoire du village et terroir de Ferfay levé et mesuré en 1809.

    Ce répertoire est en lien avec un plan de grand format daté de 1809 levé par Florent-Joseph Leleu, géomètre-arpenteur à Arras, conservé aux Archives départementales du Pas-de-Calais (4E97/315 (4)) et un plan géométrique du village et terroir de Marest datant de 1810.

  • AP Château de Tilloloy. [non coté]. Lettre de Charles de La Tour d'Auvergne (1768-1851), évêque d'Arras (1802-1851), à Joachim d'Hinnisdal (1778-1814) (Arleux (Nord), 16 octobre 1806) et copie de la réponse donnée par Joachim d'Hinnisdal (1779-1814), [s.d.].

  • AP Château de Régnière-Écluse. [non coté]. Codicille du testament de Mélanie de Villeneuve-Tourettes (1778-1848), veuve de Joachim d'Hinnisdal (1779-1814). Original "dont copie a été demandée par Me Ducloux, notaire de la famille", [1848 ?].

  • AP Château de Régnière-Écluse. [non coté]. Dégradations constatées au château de Ferfay. Enquête faite par le lieutenant André Dezarrois, officier, officier observateur à l'escadrille HF33. Dépositions du sieur et de la dame Flament, gardes du château (Ferfay, 18 mars 1915).

  • AP Château de Régnière-Écluse. [non coté]. Vins transportés par sécurité du château de Ferfay chez monsieur le chapelain de Sainte-Mélanie les 21 et 22 mars 1916 suite à des visites des deux caves du château (en 1915 puis les 20-21 mars 1916).

  • AP Château de Régnière-Écluse. [non coté]. État détaillé du mobilier présent dans chaque pièce du château de Ferfay et des dégradations constatées. Document établi par le comte Henri d'Hinnisdal (1841-1922) avec le concours de Me Henry, commissaire-priseur à Béthune, [ca mars 1916].

  • AP Château de Régnière-Écluse. [non coté].Copie d'une lettre d'Armand Flament (1862-1945), clerc de notaire à Lillers, représentant les intérêts du comte Henri d'Hinnisdal (1841-1922), au président de la British Claims Commission relative aux dégradations constatées au château de Ferfay et causées par l'armée britannique. Lillers, [ca 1916].

Bibliographie

  • [Anonyme]. Abrégé de la vie de notre Révérende Mère Thérèse-Françoise-Camille de l'Enfant-Jésus, carmélite professe de l'ancienne communauté de la rue de Grenelle, décédée, le 9 mai 1849, dans notre monastère de Sainte-Thérèse, sous la protection de notre Père Saint Joseph des Carmélites, rue de Vaugirard à Paris. Paris : veuve Bouchard-Huzard (impr.), 1849.

    p. 74.
  • [Anonyme]. Notes et souvenirs sur M. Pierre-Joseph Dollé, curé-doyen de Bapaume, chanoine de la cathédrale d’Arras, vicaire général honoraire et chanoine de Luçon [en ligne]. Arras : Imprimerie de la Société du Pas-de-Calais, 1889. 

    p. 19.
  • CHEVALIER, Hugues. Châteaux en guerre. Pas-de-Calais 1939-1945. Occupation, ouvrages allemands, raids, destructions. Lillers : Les Échos du Pas-de-Calais, 2015.

    pp. 125-129.
  • COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES MONUMENTS HISTORIQUES. Dictionnaire historique et archéologique du département du Pas-de-Calais. Arrondissement de Béthune, tome III. Arras : Sueur-Charruey, 1879.

    pp. 241-250.
  • LAINÉ, P.-Louis. Généalogie de la maison de Hinnisdal extraite du tome onzième des archives généalogiques et historiques de la noblesse de France publiées par M. Lainé, successeur de M. de Courcelles, généalogiste des rois Louis XVIII et Charles X. Paris : Bautruche (impr.), 1848.

  • LAPORTE-VESINS, Marie-Thérèse de. Vie de la révérende mère Thérèse-Camille de Soyécourt carmélite... [en ligne]. Paris : Vic (libraire), 1878 (deuxième édition).

    Réd. LAPORTE-VESINS, Marie-Thérèse de (1711 ?-1784) ; contrib. Marie-Éléonore du Saint-Sacrement (1790-1856 ; carmélite de Paris) et Saint-Jérôme (1810-1868 ; chanoinesse de la Congrégation Notre-Dame).

  • MARTY, Aurélien. Régnière-Écluse. Un domaine, une famille. Régnière-Écluse : Association pour la sauvegarde et la valorisation du Domaine millénaire de Régnière-Écluse, 2017.

    pp. 183-197.
  • RATEL, Jean. Monographie de la commune de Ferfay. [Le Touquet] : [Jean Ratel], 2000.

    p. 14.
  • RICHARD. Guide du Voyageur en France. Paris : Hachette, , 1873. (collection des Guides-Joanne).

    Route 526 (de Paris à Calais), p. 910.
  • RODIÈRE, Roger, BRUNET DE LA CHARIE, Charles. Archives de la famille de Beaulaincourt [en ligne]. Seclin : Hue-Thuet (impr.) / Lille : Librairie H. Pique, 1914. Tome II.

    pièce 1069, p. 631.
  • SEYDOUX, Philippe. Gentilhommières d'Artois et du Boulonnais. Tome 1 : Arrageois, Béthunois, Ternois. Paris : La Morande, 2006.

    pp. 105-108.

Périodiques

  • NÈGRE, Ernest. Toponymie du hêtre en France. Nouvelle revue d’onomastique, n° 9-10, 1987.

    pp. 19-25.
  • TAVERNIER, Cl. Mère Camille de Soyecourt et les « cardinaux noirs » [en ligne]. Revue d'histoire de l'Église de France, tome 42, n°139, 1956.

    pp. 237-242.

Documents figurés

  • Plan terrier du village et terroir de Ferfay avec une partie des terroirs qui l'environnent levé et mesuré en 1809 à la réquisition de monsieur Joachim d'Hinnisdal par Florent-Joseph Leleu, géomètre-arpenteur domicilié à Arras, 1809 (AD Pas-de-Calais. Série E ; sous-série 4E : 97/315 (4)).

    AD Pas-de-Calais : 4E97/315(4)
  • Projet de Louis-Ambroise Dubut (1769-1845) (?) pour le château de Ferfay. Planches diverses, début du XIXe siècle (coll. Château de Régnière-Écluse (Somme)).

  • Projet de jardin pour le château de Ferfay fait par l'ordre de madame la comtesse d'Hinnisdal en 1815 par Alavoine architecte. Légende sous le titre : 82 peupliers d'Italie avec le n°1er ; n°2 épicéa ; n°3 pin ; n°4 mélèze ; n°5 tilleul ; n°6 platane. Planche, encre et rehauts d'aquarelle, 1815 (coll. Château de Régnière-Écluse (Somme)).

  • Plan cadastral de Ferfay, section A, deuxième feuille, 1831 [en ligne] (AD Pas-de-Calais. Série P ; sous-série 3P : 328/11).

  • Château de Ferfay. Façade sur cour, dessin de Gaston de Lévis-Mirepoix (1844-1924), époux de Marie-Thérèse d'Hinnisdal (1844-1934), [ca 1900] (coll. Château de Régnière-Écluse (Somme)).

  • Château de Ferfay. Façade sur jardin, dessin de Gaston de Lévis-Mirepoix (1844-1924), époux de Marie-Thérèse d'Hinnisdal (1844-1934), [ca 1900] (coll. Château de Régnière-Écluse (Somme)).

  • Ferfay (P.-de-C.). Le château, carte postale, [ca 1900] (AP Château de Régnière-Écluse (Somme)).

    Vue générale depuis la cour avec, à droite, l'entrée de la cour de ferme.

  • Ferfay. Château Comte d'Inisdal, carte postale, [ca 1900] (coll. Château de Régnière-Écluse (Somme)).

  • Ferfay - Château de M. d'Innisdal, carte postale, Leleu-Baron (éditeur à Rimbert-lez-Auchel), [ca 1900] (coll. Château de Régnière-Écluse (Somme)).

  • Ferfay au début du XVIIe siècle par Adrien de Montigny, [ca 1605-1611]. In : DUVOSQUEL, Jean-Marie [éd.]. Album de Croÿ : Comté d'Artois VII. Région Nord-Pas-de-Calais / Crédit communal de Belgique, 1998.

    planche 68 du tome XXIII, p. 184.
  • Château de Ferfay. Vue partielle de l'élévation sur cour, 1908 (AP Château de Régnière-Écluse (Somme)).

    Lucie de Voguë née Sommier (1874-1946) et Thérèse d'Hinnisdal (1878-1959) à la porte du château derrière la voiture Mors, première voiture de la comtesse Jean de Lubersac née Élie-Anne d'Hinnisdal (1876-1961).

  • Portrait de Joachim d'Hinnisdal (1779-1814), dessin au fusain et rehauts de blanc attribué à Louis-Léopold Boilly (1761-1845), début du XIXe siècle (coll. Château de Régnière-Écluse (Somme)).

    Avec pour légende en partie inférieure : "JOACHIM Comte d'Hinnisdal mort à sa terre de FERFAY en Artois le 21 mars 1814 à l'âge de 35 ans."

Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Hoin Karl-Michael
Hoin Karl-Michael

Responsable-adjoint (2018-2023) puis responsable (depuis 2024) de l'Inventaire Général Hauts-de-France.

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