Dossier collectif IA80001466 | Réalisé par
Justome Elisabeth
Justome Elisabeth

Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie de 2002 à 2006, en charge du recensement du patrimoine balnéaire de la côte picarde.

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  • patrimoine de la villégiature, La Côte picarde
Les maisons et les immeubles de la station balnéaire de Fort-Mahon-Plage
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
  • (c) Département de la Somme
  • (c) SMACOPI

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    maison, immeuble
  • Aires d'études
    Communauté de communes Ponthieu-Marquenterre
  • Adresse
    • Commune : Fort-Mahon-Plage

1) INTRODUCTION

Le recensement des maisons et des immeubles de la commune de Fort-Mahon-Plage a été effectué entre 2003 et 2005. Les limites géographiques de cet inventaire ont été définies au regard de l´histoire balnéaire de la commune. Ainsi, le lotissement de Fort-Mahon-Plage, devenu station balnéaire, a été le principal terrain d´étude, l´ancien village de Fort-Mahon, où la villégiature ne s´est développée que de façon marginale, n´a pas été pris en compte.

Les dates limites du recensement sont définies par la logique de la thématique : la date ante quem est celle des premières constructions liées à la villégiature, à savoir vers 1880, et la date post quem est motivée par la Seconde Guerre mondiale, critère chronologique pour l'aire d'étude de la Côte picarde. La Reconstruction ayant été une période importante quant à la nouvelle physionomie de la station, elle motive la date post quem de 1960.

Ce recensement a été effectué le plus densément possible, dans les limites chronologiques imparties. Toutefois, les édifices tardifs ou fortement remaniés en façade n'ont pas été pris en compte afin de ne pas fausser les statistiques.

De même, afin de garder la logique historique des constructions, le recensement ne s'est pas appuyé sur les limites parcellaires actuelles du bâti, mais sur la morphologie apparente des maisons, celles-ci regroupant parfois plusieurs logements accolés sous un même toit.

Par ailleurs, certains édifices détruits ont été recensés, en raison de la documentation existante.

Le choix d'agréger les maisons et les immeubles au sein d'une même famille a été motivé par le fait que certaines maisons présentent plusieurs logements au sein d'un même édifice (accolés ou superposés) : le partage de l'habitat dans un but locatif trouve alors deux réponses, la maison à plusieurs logements ou l'immeubles à logements. Le but est donc de différencier ces deux types, au delà de la volumétrie générale (distribution, morphologie).

Les maisons et les immeubles étant visibles depuis la rue, le recensement a été facilité. Les visites intérieures des maisons ont cependant été assez rares, en l´absence d´autorisations, et en présence de multi-propriétés.

Dans le cadre du recensement, 155 maisons et immeubles sont l'objet d'une notice, répartis en 21 immeubles et 134 maisons. Parmi ceux-ci, 28 ont été sélectionnés selon plusieurs critères :

- chaque maître d'oeuvre rencontré est illustré (dans la mesure où l'édifice est bien conservé)

- chaque période est illustrée

- chaque famille d'édifice est illustrée

- édifice de type unicum, avec décor, ou style, ou position sur le site exceptionnel.

2) CHRONOLOGIE ET ATTRIBUTION DU CORPUS

2-a) Chronologie

Un des premiers éléments utile à la datation du corpus reste les dates portées sur l'édifice. Malheureusement, aucune maison ni aucun immeuble ne présente ce type d´information.

La recherche en archives a été assez peu fructueuse pour dater les maisons et les immeubles : aucun plan daté n'a été trouvé pour les périodes anciennes. Par contre, le fonds 1297 W des Archives départementales de la Somme contenant les dossiers de dommages de guerre relatifs à la Reconstruction, présente certains plans d´édifices.

3 maisons et 1 immeuble ont ainsi pu être datés :

- immeuble avec partie commerciale au rez-de-chaussée dit Les Galeries de la Mer : Plage (avenue de la) 1255, 1259, (1991 XB 88), 1950

- maison dite Coule à Pic : Dunes (rue des) 108, (1991 XB 109), 1951

- maison : Molière (rue) 81, (1991 XB 124), 1954

- maison dite Les Farfadets : Plage (avenue de la) 1040, (1991 XD 6), 1955

Les 151 autres maisons et immeubles (soit plus de 97%) ont été datés par travaux historiques, en quart de siècle, grâce au repérage sur le terrain, aux sources bibliographiques et aux dépouillements des matrices cadastrales. Ces dernières ont permis de connaître la date de construction de l´édifice avec une incertitude de trois années, période de latence maximale entre la construction et la première date d'imposition (dans la notice cette information apparaît dans la rubrique des 'données complémentaires' et non dans la champs 'date' qui renvoie à une date certaine). La connaissance de l'histoire urbaine, notamment de la date de création des lotissements, assure une date post quem de base.

Répartition des datations en quart de siècle (y compris les 4 édifices datés par source) :

- 4e quart 19e siècle : 4 (2,6%)

- 1er quart 20e siècle : 32 (20,6%)

- limite 19e siècle 20e siècle : 2 (1,3%)

- 2e quart 20e siècle : 73 (47%), répartis en 15 immeubles et 58 maisons

- 3e quart 20e siècle : 41 (26,4%), répartis en 6 immeubles et 35 maisons

- milieu 20e siècle : 3 (1,9%)

Plus de 75 % (117 édifices) du recensement concerne des édifices construits entre 1925 et 1975, avec une majorité de constructions entre 1925 et 1950. La rareté des édifices antérieurs s´explique par la destruction des nombreuses villas du front de mer, construites depuis les années 1885.

2-b) Attributions

Comme pour la datation, une des premières façons d'attribuer un corpus est de vérifier les signatures portées sur les édifices. L'habitat de villégiature, surtout quand il est visible depuis la rue, est un support très recherché par les maîtres d'oeuvre, l'ensemble des maisons construites faisant office de catalogue in situ.

Au sein du corpus, 28 maisons et immeubles ont ainsi pu être attribués (18%). Ce sont au total 18 auteurs différents qui ont signé leur oeuvre, sur des carreaux de céramique [fig. 3] ou en relief, sur un carreau de ciment [fig. 4]. Cette dernière formule est utilisée par Tognella, Adolphe Leclerc et Goubet-Robidou.

Attribution par signature : classement par nom de maître d'oeuvre puis par ordre alphabétique des rues :

Babled A. et Muller M. entrepreneurs à Berck-Plage

- maison dite Lah-Tuh-Vuh : Plage (avenue de la) 826, (1991 XE 350)

Berthe E. entrepreneur

- maison dite Momo : Dunes (rue des) 143, (1991 XB 93) en collaboration avec Chiossone Michel, architecte

Chiossone Michel, architecte

- maison dite Momo : Dunes (rue des) 143, (1991 XB 93) en collaboration avec Berthe E. entrepreneur

Flaquet Albert, entrepreneur

- maison dite Gaie Dune : Dunes (rue des) 98, (1991 XB 110)

- maison dite Reine Mère : Dunes (rue des) 127, (1991 XB 40)

Goubet-Robidou, entrepreneur

- maison dite Les Lilas : Paix (rue de la) 122, 128, (1991 XB 80, 81) en collaboration avec Adolphe Leclerc architecte

Jolly A. architecte à Abbeville

- immeuble à logements dit Letty : Paris (rue de) 160, (1991 XB 151)

Lecat Alberti, entrepreneur

- maison dite Les Frégates : Blaise-Pascal (rue) 36, 44, (1991 XD 33, 164)

- maison : Blaise-Pascal (rue) 50, (1991 XD 68, 69)

- maison dite La Luciole : Molière (rue) 137, (1991 XB 222, 236, 237)

- maison dite Les Oyats : Molière (rue) 204, (1991 XB 131)

- maison et immeuble à logements dit Les Marconnets : Paix (rue de la) 71, 77, (1991 XD ?)

- maison dite Quo Vadis : Plage (avenue de la) 854, (1991 XD 62)

Leclercq Adolphe, architecte

- maison dite Gaie Lumière : Oyats (rue des) 29, (1991 AX 59)

- maison dite Les Lilas : Paix (rue de la) 122, 128, (1991 XB 80, 81) en collaboration avec Goubet-Robidou, entrepreneur

- immeuble à logements dit Chante Bise : Paris (rue de) 177, (1991 XB 153)

- maison dite Sam Soury : Plage (avenue de la) 816, (1991 XE 350) en collaboration avec l´entreprise de bâtiment Le Foyer Fortmahonnais

- immeuble dit André René et La Mouette : Plage (avenue de la) 1194, (1991 XD 47)

- immeuble dit Michaël : Plage (avenue de la) 1351, (1991 XB 144)

- immeuble dit L'Emeraude : Intérieur (boulevard) 59, (1991 XB 154) en collaboration avec Ringot Frères, entrepreneurs

Le Foyer Fortmahonnais, entreprise de bâtiment

- maison dite Sam Soury : Plage (avenue de la) 816, (1991 XE 350) en collaboration avec Adolphe Leclercq architecte

Léon Alphonse entrepreneur à Abbeville

- maison dite Chalet Benedict : Plage (avenue de la) 925, (1991 XD 84)

Mélias Fils, entrepreneur

- maison dite Mon Rêve : Plage (avenue de la) 386, (1991 AX 317) en collaboration avec Victor Van de Weyer architecte

Pezzi Flaminio, entrepreneur

- maison dite Edgard Antoinette : Hippolyte-Delalin (rue) 88, (1991 XE 77)

- maison dite Le Lys Rouge : Philippo (rue) 61, (1991 XD 77)

Philippe Henri, architecte à Arras et Fort-Mahon

- maison dite Georges et Denise : Clémenceau (rue) 58, (1991 AX 66)

- maison dite Eole : Oyats (rue des) 89, (1991 AX 55)

Ringot Frères, entrepreneurs à Wimereux-Wimille

- immeuble dit L'Emeraude : Intérieur (boulevard) 59, (1991 XB 154) en collaboration avec Adolphe Leclerc architecte

Tognella, entrepreneur

- maison à trois logements dits La Glissade, La Pirogue, Le Plongeon : Paix (rue de la) 214, 218, 220, (1991 XB 293, 294, 295)

- maison dite Bel-Ebat : Paix (rue de la) 232, (1991 XB 73)

Tourolle, entrepreneur à Berck-Plage

- maison : Maritime Nord (boulevard) 91, 100, (1991 XA 19, 20)

- maison dite Le Récif : Maritime Nord (boulevard) 259, (1991 XA 76)

- maison dite Les Farfadets : Plage (avenue de la) 1040, (1991 XD 6)

Van de Weyer Victor architecte à Fort-Mahon

- maison dite Mon Rêve : Plage (avenue de la) 386, (1991 AX 317) en collaboration avec Mélias Fils, entrepreneur

Par ailleurs, 7 édifices (4,5%) ont pu être attribués grâce à des sources d´archives, généralement des plans :

Barlet G. architecte

- maison : Molière (rue) 81, (1991 XB 124) en collaboration avec Genetelli R. architecte

Genetelli R. architecte

- maison : Molière (rue) 81, (1991 XB 124) en collaboration avec Barlet G. architecte

Grimont Robert, architecte

- maison dite Coule à Pic : Dunes (rue des) 108, (1991 XB 109)

- maison dite Les Farfadets : Plage (avenue de la) 1040, (1991 XD 6) en collaboration avec Tourolle, entrepreneur

- immeuble : Plage (avenue de la) 1175, (1991 XB 242)

- immeuble dit Les Galeries de la Mer : Plage (avenue de la) 1255, 1259, (1991 XB 88)

Lambert, entrepreneur

- maison dite La Cigale : Plage (avenue de la) 594, (1991 XE 191)

Marcoin, architecte

- maison non identifiée

3) LES CARACTERES ARCHITECTURAUX

3-a) Situation

Les maisons de villégiature et immeubles de la station de Fort-Mahon-Plage sont implantés sur un terrain plat : pour bon nombre de constructions, la vue sur mer n´est donc pas assurée, et seuls les édifices implantés en front de mer disposent de cet agrément.

94 édifices sont établis à l'aplomb de la rue (60,6%), 41 en retrait de la rue (et en limite de parcelle, mitoyen ou non, soit 27,7%), 15 sont construits au milieu de la parcelle (soit 9,7%), et 3 sont en fond de parcelle (1,9%).

Sur des parcelles assez petites, les constructions isolées en coeur de parcelle sont rares, réparties sur l´ensemble des périodes recensées, et surtout implantées dans les rues perpendiculaires à l´avenue principale. Le retrait de la rue est lui aussi pratiqué dans ces mêmes rues, toutes périodes confondues. Ce retrait isole la construction de la voie publique, mais bien souvent, celle-ci reste proche des maisons voisines (29 cas de mitoyenneté, simple ou double, soit 67,4% du type). L´isolement de la rue reste cependant très relatif : bien souvent, le retrait est de un à deux mètres [fig. 5], parfois encombré d´un escalier d´accès [fig. 6]. Dans certains cas, souvent issus de la Reconstruction, seule la lecture du cadastre nous atteste du retrait de rue [fig. 7].

La majorité des constructions est donc implantée à l´aplomb de la rue, généralement le long de l´avenue de la plage, même si l´on dénombre quelques cas dans les rues perpendiculaires à cette dernière. Dans ces rues secondaires, la maison établie à l´aplomb de la rue est souvent non mitoyenne (24 cas soit 25,5% du type), et dispose d´un ou deux passages latéraux afin d´accéder en fond de parcelle, contrairement aux constructions situées le long de l´avenue, avec une mitoyenneté (30 cas soit 31,9% du type) ou deux (39 cas soit 41,5% du type). Dans ces deux derniers cas, la construction est non seulement à l´aplomb de la rue, mais le plus souvent utilise toute la façade sur rue, la mitoyenneté simple étant généralement due à l´absence de construction sur une des façades latérales, en mitoyenneté de parcelle et laissée aveugle.

Les immeubles à logements sont majoritairement établis à l´aplomb de la rue et en double mitoyenneté, seul un cas d´implantation en retrait de rue a été recensé.

Dans un certain nombre de cas d´édifices établis à l´aplomb de la rue, ces derniers présentent un pan coupé, qui pourrait avoir été imposé dans le cahier des charges du lotissement dont nous n´avons pas connaissance. Malgré tout, cette formule n´est pas systématique et semble avoir été abandonnée après 1945.

3-b) Composition d'ensemble

La parcelle est le plus souvent composée d'une cour (93 cas, soit 60% du corpus), ce qui est compréhensible quand on sait que les constructions sont majoritairement implantées à l´aplomb de la rue. Dans 46 cas, la parcelle est un jardin (29,7%) de petite dimension, accessible par un passage latéral ou devançant la construction, composé de maigres pelouses et de rares arbustes. Les parcelles où la construction est implantée en milieu de propriété sont parfois agrémentées de résineux, très rares toutefois : nous pouvons citer la maison dite La Détente (110 rue Philippo), une maison située 98 rue Dujardin (1991 XE 122). La villa Aimée, située le long de l´avenue de la Plage, dispose d´une parcelle agrémentée de pins dont la taille est exceptionnelle dans la station [fig. 8]. En règle générale, les parcelles plantées sont situées au nord de l´avenue de la Plage, là où elles sont légèrement plus grandes et aménagées après la Seconde Guerre mondiale.

Sur un terrain sablonneux, très ingrat, les propriétaires des maisons, souvent bailleurs, n´ont pas trouvé l´intérêt de planter ces petits terrains où peu de plantes trouvent l´agrément.

Les communs des constructions se composent le plus souvent de garages (50 cas, soit 32,25%). Le dépouillement des matrices cadastrales où sont retranscrites toutes les additions de constructions, nous a permis de déterminer quelques dates indicatives. Ainsi, avant 1914, on construit des écuries et des remises : en 1901 (date d´imposition mentionnée dans la matrice), Philogène Lelièvre, notaire à Conty, fait construire une écurie en annexe de sa villa Jeanne d´Arc construite en front de mer vers 1892 (case 146 de la matrice de Quend, maison aujourd´hui détruite) et en 1914 (date d´imposition mentionnée dans la matrice), Léon Cathelin, médecin à Paris, fait lui aussi construire des écuries pour sa maison construite vers 1908 (case 64 de la matrice de Quend, maison aujourd´hui détruite). Nous notons par ailleurs que les premiers garages sont construits à partir de 1909 (date d´imposition mentionnée dans la matrice) : cette année là, Eugène Monnier-Mercier, demeurant à Amiens et propriétaire de la Villa Saint-Louis construite vers 1892 (aujourd´hui détruite) fait élever un garage (case 148 de la matrice de Quend). Dans les années 1910, les anciennes villas s´équipent donc pour abriter les premières automobiles alors que pour les constructions nouvelles, on semble prévoir son emplacement sans pour autant élever l´annexe en même temps. Ainsi, la maison Berthe et Lydie (voir la notice), construite entre 1908 et 1911 est équipée d´un garage en fond de parcelle entre 1914 et 1917, accessible par un passage latéral, position qui semble avoir été prévue dès la construction de l´édifice.

Ainsi, les garages se trouvent généralement isolés de la maison (21 cas, soit 42%), ou accolés à celle-ci (16 cas, soit 32 %), qu´ils lui soient ou non contemporains. Des cas tardifs montrent la récurrence de cette formule [fig. 9]. Les garages dans-oeuvre (13 cas, 8,4%), compris dans le volume de la construction, apparaissent au cours du 2e quart du 20e siècle, souvent établis au rez-de-chaussée de l´édifice [fig. 10].

Les parcelles où les maisons sont implantées en retrait de rue disposent généralement de clôtures marquant les limites de la propriété. Celles-ci sont composées de murets à claire-voie de faible hauteur. Beaucoup ont été modifiées après guerre, vraisemblablement suite aux sinistres causés par le conflit, mais l´on rencontre encore de beaux exemples de clôtures en ciment datant de l´entre-deux-guerres. Des modèles récurrents ont été recensés : celui des barres de section carrée posées de biais [fig. 11] que l´on retrouve sur certains garde-corps de balcons (L´Escale, 99 rue de la Fontaine) et dans la station voisine de Quend, ou celui des motifs à base de rectangles et de carrés [fig. 12]. Quelques motifs plus élaborés ont pu être inventoriés, où l´influence du style Art déco peut être relevée [fig. 13 et 14].

3-c) Matériaux et mise en oeuvre

Le matériau de prédilection pour la construction des maisons et des immeubles est la brique (101 cas, soit 65,2%). Dans 39 cas (38,6% du type), la brique a été supposée, sous un enduit, un crépi ou un badigeon, au vu de la période de construction. Cependant, dans 58 cas (37,4%), le matériau n'a pas pu être déterminé. Dans 3 cas, les sources d´archives nous ont permis de déterminer que les enduits recouvraient des parpaings de béton pour des édifices de la Reconstruction, ce qui peut nous permettre de généraliser ce matériau pour cette période, à défaut de pouvoir le comptabiliser.

La brique est entièrement apparente dans seulement 7 cas (4,5%), auxquels s´ajoutent quelques exemples d´élévations agrémentées d´un enduit à la base du mur, afin de lutter contre l'humidité. Ce gros-oeuvre est dans 4 cas un élément de décor grâce à l'emploi d'un appareil mixte de briques de couleur rouge et ocre, formant des motifs géométriques et un effet chromatique sur le nu du mur [fig. 15]. Ces appareils mixtes ne concernent que des édifices datant du 1er quart du 20e siècle.

Dans au moins 147 cas (94,8%), le gros-oeuvre est recouvert d'un enduit (81 cas), d'un crépi (51 cas) ou d'un badigeon (15 cas). Pour certains édifices, les cartes postales anciennes montrent que pour les constructions antérieures au 2e quart du 20e siècle, un gros-oeuvre actuellement recouvert pouvait être à l´origine apparent (Doodica et Radica, Moulouck). Mais il est difficile de quantifier ces changements et de les dater. Par contre, les constructions de l´entre-deux-guerres et celles de la Reconstruction sont généralement recouvertes d´un enduit ou d´un crépi, à l´origine peint de couleur blanche. Cette évolution est due à plusieurs facteurs : le style régionaliste tout d´abord, inspiré de la tradition flamande qui veut que les murs soient blancs et le toit brisé couvert en tuile [fig. 16]. La période de l´entre-deux-guerres voit se style se développer dans la station, augmentant naturellement le nombre de murs enduits. Par ailleurs, ce blanc immaculé s´accordait parfaitement avec la vision hygiéniste de la station, préventorium à ciel ouvert où l´on amenait les enfants prendre le bon air et chasser les démons de la tuberculose. Les murs blancs et propres des maisons s´accordaient avec la plage, où le sable blond réfléchissait les rayons bénéfiques du soleil. Après la Seconde Guerre mondiale, la tradition se perpétue, doublée du sens pratique, les enduits et crépis peints cachant les parpaings de béton. A cette époque, la couleur orange des tuiles est remplacée par le gris-bleuté des ardoises, mais l´on ajoute des touches de couleur primaire et secondaire au niveau des huisseries, des volets et ponctuellement sur les élévations, caractéristique de l´influence de Le Corbusier et du mouvement Abstrait, que l´on peut trouver à Royan [fig. 17]. Cette allure immaculée est progressivement effacée depuis le début des années 2000, suite à une politique de coloration des façades (OGAF) [fig.18 et 19].

Un exemple singulier d´enduit a été rencontré, composé d´un mélange de mortier de petits galets de silex [fig. 20].

Certains enduits imitent un appareil de pierre, situé à la base des élévations, fréquemment rencontré dans l'ensemble des stations de la Côte picarde [fig. 20].

Le motif du faux pan de bois en partie supérieure de l'élévation est présent dans 28 cas (18%), surtout au cours du 2e quart du 20e siècle où le style néo-flamand se mélange au style néo-normand. Ces faux pans de bois peuvent être en ciment, et posés en relief, ou plus généralement peints sur le mur [fig. 13].

Afin de lutter contre l'humidité, certaines maisons sont partiellement recouvertes d'un essentage de matériau synthétique sur la façade tournée vers les vents dominants. Nous comptons un total de 28 cas (18%), ce qui est assez peu au regard de certaines stations du sud de la Baie de Somme, fortement exposées et en briques apparentes.

Les essentages de planches sont très rares : deux cas ont été recensés. Celui de l´ancienne poste devenue habitation a été remplacé par un essentage synthétique après le recensement [fig. 22].

3-d) Structure

19,35% des édifices (soit 30 constructions) sont surélevés, par un sous-sol (27 cas, soit 17,41%) ou par un étage de soubassement (3 cas, soit 1,9%), alors que 80,6% (125 édifices) ne sont pas surélevés. Le sous-sol, sablonneux, pourrait expliquer la rareté des sous-sols, surtout visibles sur les constructions antérieures au 2e quart du 20e siècle, beaucoup plus rares après 1945. Par ailleurs, les trois cas de soubassements sont tous associés à un garage dans-oeuvre.

34 maisons sont en rez-de-chaussée (25,4% du type), mais la plupart ont des étages-carrés : 87 maisons présentent 1 étage-carré (64,9%) et 7 possèdent 2 étages-carrés (5,2% du type). Une seule maison présente 3 étages-carrés. L´habitation est donc majoritairement peu élevée, contrairement aux immeubles qui ne sont jamais en rez-de-chaussée : 8 présentent 1 étage carré (38,1% du type), 11 en présentent 2 (52,4% du type) et 2 comprennent 3 étages carrés (9,5% du type). Au total, 74,8% des maisons et immeubles possèdent des étages.

Certains édifices (91 cas, soit 58,7%) sont rehaussés d´un étage de comble (51,6%) ou d´un étage en surcroît (7,1%). Majoritairement, ce sont les constructions d´un étage carré qui possèdent un étage supplémentaire (43 édifices reçoivent un étage de comble et 6 un étage en surcroît), mais aussi les édifices en rez-de-chaussée (28 reçoivent un étage de comble et 4 un étage en surcroît). Seulement 6 constructions de 2 étages carrés reçoivent un étage de comble.

3-e) Élévations

Le comptage des travées s'est effectué de deux façons, qui correspondent à deux types de constructions : soit l´édifice reçoit un seul logement, en apparence (mono-familiale), soit il est composé de plusieurs logements accolés, parfaitement dissociables et visibles depuis la rue (2 ou 3, voire plus).

Les édifices dont les façades sont percées de façon régulière comportent majoritairement 2 travées (47 cas, soit 30,3%) ou 3 travées (36 cas, 23,2%). Les juxtapositions de logements accolés sont minoritaires mais bien présents, toutes périodes confondues. Généralement, deux logements de deux travées chacun sont juxtaposés. Les édifices de 4 travées ou plus sont des immeubles ou des constructions tardives, situées sur l´avenue de la Plage.

Les façades sur rue sont parfois animées par des décrochements du plan, formant une travée en avancée latérale à pignon découvert, ferme débordante ou demi-croupe (17 cas, soit 11% du corpus total) [fig. 23]. Mais en règle générale, la rectitude est de règle.

De même, les excroissances caractéristiques des sites de villégiature ne sont pas privilégiés : 29% des constructions n´en présentent aucune.

Les balcons sont les appendices privilégiés de la station, toutes périodes confondues : ils agrémentent 70 édifices (45,2%), même ceux qui n´ont pas de vue sur mer, sur toute l´étendue de la station. Dans la grande majorité des cas, ce balcon est placé devant une porte-fenêtre de l´étage-carré, ponctuellement, ou sur toute la façade. Seulement 3 balconnets ont été recensés, positionnés sur des constructions du 1er quart du 20e siècle.

Le bow-window, souvent associé aux constructions de plaisance du bord de mer, est très rare, avec 15 cas (9,7%), dont 9 sont surmontés d´un balcon. Avec de rares exemples subsistant du 1er quart du 20e siècle, ils datent surtout du 2e quart du 20e siècle, construits en maçonnerie, et placés en surplomb, sur des maisons ou des immeubles [fig. 24]. Aucun édifice de la Reconstruction n´en présente, ce qui fait bien évidemment baisser les statistiques d´ensemble.

Les oriels (def. : ouvrage à claire-voie formant avant corps sur la hauteur de plusieurs étages) sont très rares, avec 4 cas.

Le jeu des pleins et des vides est assez peu exploité : nous recensons seulement 3 loggias (def. : pièce à l'étage, ouverte sur l'extérieur : ses baies n'ont pas de menuiserie) de peu d´ampleur, dont une de la Reconstruction [fig. 25]. Les porches, qu´ils soient hors-oeuvre ou dans-oeuvre, ainsi que les auvents (48 cas soit 31%), jouent le même rôle d´animation de la façade et sont assez bien représentés à toutes périodes, la fonction de protection de l´entrée étant recherchée à toutes époques [fig. 26].

3-f) Matériaux et formes de la couverture

Les maisons et immeubles sont majoritairement couverts en tuiles (98 soit 63,2%), généralement en tuiles mécaniques, à toutes périodes et dans toute la station. Mais c´est surtout à partir du 2e quart du 20e siècle que l´on comptabilise le plus de toits en tuiles, le régionalisme alors en vogue privilégiant les matériaux traditionnels aux matériaux exogènes.

Les toits en ardoise sont moins représentés (38 cas, soit 24,5%), répartis sur l´ensemble de la station et surtout présents sur des constructions antérieures au 2e quart du 20e siècle (22 cas pour cette période).

De façon plus marginale, 8 toits en tôle ondulée ont pu être recensés, datés d´après 1945, et couvrant de constructions de type 'bungalow' à un pan ; 6 toits sont couverts d´un matériau synthétique et le matériau de 6 édifices n´a pas pu être identifié en l´absence de visibilité.

De même que pour le matériau, la forme de la couverture est assez peu diversifiée : 134 édifices (86,45%) sont couverts à longs-pans. 47 ont des pignons couverts du fait d´une ou deux mitoyennetés. Les toits à longs pans et croupes sont plus rares, avec 20 cas, de même qu´avec une demi-croupe (4 cas). Cette relative simplicité est parfois animée par une noue, formant décrochement du toit et pignon en façade (33 cas, soit 21,3%) [fig. 27].

Au cours de l´entre-deux-guerres se développe la mode des longs-pans et croupes brisés, en accord avec le style régionaliste alors en vogue, inspiré de la tradition flamande (16 cas, soit 10,3%).

Nous avons pu comptabiliser 17 cas d´édifices à un pan, que l´on retrouve surtout associé au style bungalow, fréquent après 1945, dont on trouve des exemples au cours du 1er quart du 20e siècle [fig. 28].

Les aisseliers supportant symboliquement les avant-toits sont peu répandus, avec 13 cas (soit 8,4%), toutes périodes confondues.

3-g) Styles et décors

Les styles des maisons et immeubles en place ne sont pas toujours très affirmés, mais l´on peut cependant dégager quelques grandes tendances.

Ainsi, le style 'chalet' avec un pignon en façade et ferme débordante, est assez souvent repris, modèle très répandu dans les recueils d'architecture [fig. 1]. Le plan type est celui de la maison avec un unique pignon en façade [fig. 29] qui évolue parfois avec des travées supplémentaires, couvertes à longs-pans [fig. 15]. Ce pignon est parfois chantourné afin d´évoquer le style baroque flamand, très répandu dans la station avant les destructions de la Seconde Guerre mondiale [fig. 30].

Le style régionaliste néo-flamand de l´entre-deux-guerres est très répandu, plus ou moins bien traduit selon que l´auteur est un architecte ou un entrepreneur. Pour les réalisations les plus abouties, on retrouve les références d´une architecture que l´on rencontre fréquemment sur la Côte d´Opale, notamment au Touquet (Pas-de-Calais). Les caractéristiques principales sont un toit en tuile mécanique très couvrant, brisé, et un mur enduit, peint de couleur blanche [fig. 2 et 31]. De petites réalisations sont inspirées de cette mouvance, gardant l´idée de la dualité chromatique de la tuile et du mur enduit, mais prenant des libertés formelles [fig. 12]. Toujours au cours du 2e quart du 20e siècle, certaines réalisations sont influencées par le style Art Déco [fig. 32], mais le plus souvent seuls des détails sont empruntés, comme par exemple une jardinière polygonale.

Le style 'bungalow' avec un toit à un pan simulant un toit terrasse est une formule fréquemment rencontrée, dès le 1er quart du 20e siècle [fig. 28] et surtout après 1945, pour les petits et grands programmes [fig. 33 et 34].

Le décor est majoritairement absent : 136 édifices n´ont aucun décor porté (87,7%). L'alternance de briques de couleur ocre et rouge formant motifs décoratifs et polychromie en façade, avec 12 cas, est la forme décorative la plus fréquente. Seuls 2 exemples de céramique, 3 de fonderie et 4 de sculpture (pilastres) ont été recensés. Les garde-corps de fonderie, fréquents dans le sud de la Baie de Somme, sont absents ici (un exemple avec la villa Les Oyats).

Malgré la fréquence du style chalet, un seul lambrequin a été conservé (villa Berthe et Lydie).

4) NOTE DE SYNTHESE

4-a) Typologie de l'habitat de villégiature

Dans la station de Fort-Mahon-Plage, les parcelles sont généralement de petite dimension, et les maisons y trouvent difficilement de la place pour s'y étendre. Les catégories morphologiques ne fonctionnent pas ici, et trouvent toujours des déformations. Ainsi, une villa peut-elle se trouver à l´aplomb de la rue.

Le choix a été ici de sectoriser les types d´habitations selon leur fonction, puis leur morphologie.

La maison unifamiliale

La villa se trouve indifféremment en coeur de parcelle, en retrait de la rue ou à l´aplomb de celle-ci, et subit les déformations imposées par le parcellaire. De la villa, elle garde l´idée des volumes libres, avec des décrochements, mais aussi de la rupture d´alignement avec les constructions voisines [fig. 35].

La maison de ville unifamiliale

Implantée à l'aplomb de la rue, elle est mitoyenne sur au moins une façade latérale, ou occupe l'ensemble de la largeur de la façade. La rigidité du parcellaire se lit sur les élévations, où généralement se développent deux travées, celle de l'entrée étant la moins large [fig. 36].

L´habitat partagé

Le type de la maison de ville à plusieurs logements accolés est implanté à l'aplomb de la rue ou en retrait. La maison est soit mitoyenne, soit en limite de parcelle, et présente plusieurs accès en façade, un pour chaque logement [fig. 37]

Le type de la maison à plusieurs logements superposés est un édifice présentant plusieurs logements superposés sous un même toit, avec deux accès dissociés, clairement visibles depuis la rue. La formule, ancienne, est toujours utilisée après 1945 [fig. 38].

Le type de la maison à plusieurs logements accolés et superposés est un édifice qui cumule les logements à la verticale et à l'horizontale : chaque entrée est dissociée et clairement visible en façade [fig. 39]. Dans les constructions tardives de l'après Seconde Guerre mondiale, les accès sont uniquement visibles en façade postérieure, des coursières assurant la desserte [fig. 40].

La maison-immeuble est un édifice de petite dimension, qui ressemble en apparence à une maison avec une seule entrée, mais qui contient plusieurs logements [fig. 33].

Le type de l´immeuble à logements est un partage de l´habitat à plus grande échelle, avec au moins deux étages carrés ou un étage carré et un étage de comble. Il est caractérisé par une seule entrée en façade, partagée par tous les habitants [fig. 41].

L´habitat et l´usage commercial

Le type des maisons avec boutique au rez-de-chaussée est une habitation destinée ou non à la location, avec un magasin de commerce au rez-de-chaussée. Ces constructions sont à l'aplomb de la rue et en double mitoyenneté. Plus fréquents, sont les immeubles avec boutique au rez-de-chaussée, surtout situés le long de l'avenue de la Plage [fig. 42].

4-b) Conclusion

L´habitat de villégiature de la station de Fort-Mahon-Plage est caractérisé par la multiplicité des modes d'habiter, de la maison individuelle à la location d'un appartement. Elle répond aux attentes d'une clientèle familiale et aux espoirs spéculatifs de quelques investisseurs. Déjà, vers 1888, dans un opuscule vantant les qualités de la plage, Michel Bonnefond écrit : Toutes facilités étant données pour le paiement des terrains, on peut, avec une somme modique (6 à 10 mille francs) élever à la Plage de Fort-Mahon un chalet de 6 à 10 pièces, que l´on peut louer, pendant la saison, sur le pied d´un revenu de 12 à 15 % et l´habiter le reste de l´année, gratuitement, puisque les locataires ont payé pour l´année entière. On peut même disposer sa construction de façon à se réserver une ou deux pièces pour soi-même et ne gêner aucunement ses locataires. Sa volonté de mettre en place une station 'à bon marché' a effectivement porté ses fruits. Une notice de 1946 renseigne en effet que la station reçoit beaucoup d'enfants (de 2500 à 3000 dans les colonies de vacances, ce qui pouvait porter à 10000 au total dans la saison). Il est même précisé que les logements étaient surtout en immeubles à logements 'composés soit d'une salle à manger, cuisine et d'une chambre soit d'une petite cuisine, d'une salle à manger comportant un divan lit et d'une chambre'. Dans un autre document, on apprend que : 'Sans doute l'estivant ne recherche-t-il pas le confort ni de grandes et nombreuses pièces pour la maison qu'il habite, l'attrait du site et de la mer suffisait à le satisfaire. Mais cependant certains immeubles bien situés sur l'avenue de la plage présentaient toutes les caractéristiques du taudis, par l'insalubrité des pièces habitables et des parties arrières de l'immeuble' (source : A.D. Somme, 1102 W 334).

La location, visible dans les typologies morphologiques où les logements sont multiples au sein d'un même édifice, est aussi visible avec quelques plaques émaillées portant la mention 'eau potable', censée rassurer les locataires [fig. 43].

Dans les rues perpendiculaires à l'avenue principale, de petites maisons en rez-de-chaussée illustrent bien la notion de 'pied à terre' qui émane de la station [fig. 44].

L'histoire mouvementée de la station, avec la rupture destructrice de la Seconde Guerre mondiale, lui vaut un paysage architectural hétéroclite. Les maisons en brique apparentes de la fin du 19e et du début 20e siècle sont minoritaires et ont laissé la place à une architecture de la Reconstruction basée sur deux modèles, celui du bungalow, avec toiture à un pan, et celui de la maison de type pavillonnaire. La période de l'entre-deux-guerres reste assez bien représentée dans les rues éloignées du front de mer et montrent l'influence stylistique des stations de la Côte d'Opale d'ou viennent de nombreux architectes et entrepreneurs. La période de la Reconstruction, qui peut paraître si triste pour beaucoup, était à l'origine voulue comme très gaie : dans les dossiers de dommages de guerres, on peut lire dans les programmes que les menuiseries sont de « vives couleurs » et tranchant avec le blanc des murs enduit.

  • Période(s)
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle
  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • bâti INSEE 3 510
    • repérés 155
    • étudiés 28