Dossier collectif IA80007356 | Réalisé par
  • inventaire préliminaire, arrière-pays maritime picard
Les moulins de l'arrière-pays maritime
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Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    moulin
  • Aires d'études
    Somme

Les nombreux moulins établis dans l´arrière-pays maritime ont contribué en partie à la richesse du pays. En effet, les forces hydrauliques et éoliennes ont été largement exploitées en raison de la situation stratégique du territoire le long du littoral et de la forte présence des cours d´eau.

Les moulins étudiés ont parfois été implantés dès le Moyen Age (Noyelles au 13e siècle et Molenel au 12e siècle). Mais d´après Claude Rivals, le premier moulin à vent repéré dans l´embouchure de la Somme le fut en 1191. Nous ignorons le siècle exact de l´implantation de chacun d´entre eux, mais il semble qu´ils se soient développés avec l´importance de plus en plus prégnante de la propriété ecclésiastique dès le 12e siècle (par exemple, le moulin de Mollenel était la propriété de l´abbaye de Saint-Valery).

L´importante production céréalière rendait indispensable la présence de moulins à eau ou à vent pour la transformation de la farine. En effet, il s´agissait le plus souvent de moulins à blé ou à orge. Ils permettaient également la fabrication de l´huile à base de colza, de noix, de lin et d´œillette, la mouture de l´écorce, le broyage de la guède ou du pastel.

Martine Diot précise qu´ils appartenaient à des notables qui en récupéraient les revenus mais ils furent de tout temps sujet à de nombreuses discordes et rivalités en raison des avantages qu´ils procuraient. Après la Révolution, des meuniers et particuliers édifièrent de nouveaux moulins profitant de l´abolition des droits d´eau et de vent.

Les moulins à vent

D´après Bruggeman, l´origine du moulin à vent est plus récente que celle du moulin à eau (aucun n´a été découvert à l´Antiquité). Il appartenait le plus souvent au propriétaire d´un grand domaine et était généralement accompagné d´une ferme (comme cela est indiqué sur le cadastre napoléonien).

Sous l´Ancien Régime, le seigneur gérait rarement son moulin lui-même. Il le confiait à un meunier sous forme de bail, qui se renouvelait le plus souvent de père en fils. Adrien Huguet indique que les meuniers, comme à Salenelle, sous-louaient les moulins au bout d´une année à des confrères moins fortunés avec un bénéfice qu´ils encaissaient sous forme de vin de marché. Les meuniers s´associaient afin de spéculer sur les baux des seigneuries et déménageaient régulièrement, mais toujours dans les environs.

Leur emplacement est difficile à déterminer en raison des matériaux qui les constituaient (le bois ; la meule en grès a le plus souvent été retrouvée). En effet, les moulins à vent ne conservent bien souvent de leur existence que le nom attaché à un lieu-dit. Celui de Saint-Maxent pourrait se rapprocher des modèles du territoire étudié. Effectivement, les cartes postales illustrent la forte présence de moulins sur pivot.

Totalement isolés pour capter le maximum de vent, ils étaient souvent bâtis soit sur une motte artificielle (Bretel) soit sur un promontoire naturel (Port). L´intérieur se divisaient en trois étages : au rez-de-chaussée, la bluterie, au centre : les meules, à l´étage : le mécanisme. L´arbre-moteur était mis en route par les ailes de 12 mètres de long en moyenne, toujours tournées face au vent. Crampon et Wailly indiquent que les caprices du vent ne permettaient pas au meunier de faire tourner son moulin plus du tiers de l´année. C´est pourquoi les moulins à eaux prospérèrent plus longtemps.

De plus, au début du 19e siècle, on exigeait des moulins une production importante qu´ils ne pouvaient fournir, contrairement aux moulins à eau. Ils déclinèrent donc au début du 20e siècle pour la plupart.

Leur disparition débuta avec l´avènement des turbines et des cylindres vers 1880, de la vapeur puis de l´électricité. Elle s´accéléra avec la création des moulins industriels de Paris dans les années 1920. En 1936-1937, de grands moulins furent également établis dans la région (Rouet à Abbeville, dans le Pas-de-Calais ainsi que Riquier à Gouy-Cahon), ce qui engendra une perte d'activité pour les petits moulins indépendants, qui ne pouvaient concurrencer ces derniers.

Les moulins à eau

Pour comprendre comment fonctionne un moulin à eau et quels sont les trois types de forces hydrauliques, nous conseillons la lecture de Stéphane Mary, « Moulins intermédiaires de la baie de Somme ».

Malgré la forte présence des cours d´eau sur le terrain étudié, le nombre de moulins à eau était peu important, probablement en raison du faible débit hydraulique. Bruggeman précise que la mise en place d´un moulin hydraulique était une opération onéreuse et délicate : l´aménagement d´un bief nécessitait des travaux importants (élever des digues, hautes et solides sur une longue distance, construire de puissants barrages à travers les cours d´eau, en bois ou en pierre), tout comme le transport, la fabrication et la mise en place des meules qui demandaient beaucoup de dépenses et d´entretien.

L´auteur indique également que seul le propriétaire du fief avait le droit d´user du cours d´eau traversant son domaine, d´y pêcher et d´y ériger un moulin. Pour les rivières navigables (sauf cas particulier), ce droit revenait au roi car les contraintes qu´occasionnaient ces cours d´eau étaient plus importants.

Pour rembourser ses frais d´entretien et ses dépenses, le seigneur taxait ceux qui venaient se servir du moulin (droit de mouture).

D´après un dossier concernant les statistiques générales (1808), les moulins se sont multipliés après la Révolution et la plupart ont été construits sans autorisation. Pour régulariser leur emploi, la suppression de tous ceux qui étaient nuisibles ainsi que la construction d´un déversoir en maçonnerie furent ordonnées. De plus, certains meuniers ne respectaient pas les règles, engendrant ainsi des dégâts d´inondation dans les terres environnantes (voir la fiche sur le moulin de Molenelle). Les constructions étaient autorisées seulement après la visite des gens de l´art. Source de prospérité pour l´Etat, leur implantation était accordée sur les petites rivières jusqu´au moment où ils se gênaient entre eux.

Les moulins fonctionnaient de manière différente en fonction de la marée. Martine Diot explique leur usage : « ils inondaient les prairies pour constituer une réserve d´eau retenue par une digue. La levée des vannes entre mars et septembre permettait le pâturage des bestiaux. La puissance était donnée par le débit d´eau ».

Bruggeman explique que « dans la digue, un système de vannes est aménagé qui s´ouvre automatiquement côté bassin lors du flux pour le laisser entrer et se ferme dès que cesse ce mouvement. Le meunier n´a plus alors qu´à ouvrir les vannes motrices lors du flux ou jusant pour mouvoir les meules ».

Les rares exemples rencontrés sur le terrain étudié ont été édifiés au milieu du 19e siècle. Ils sont en brique et sont situés sur de petits rus. Le débit du cours d´eau pouvait être maîtrisé grâce à la présence de bassins de rétention. La force de l´eau, plus régulière que celle du vent, permettait d´obtenir une farine de qualité supérieure.

Aujourd´hui, leur mécanisme a totalement disparu.

Les moulins à eau sont datables du Moyen Age à aujourd'hui. En effet, ce type de construction était largement utilisé dans ce pays où l'eau occupe une place prépondérante. Il est rare de trouver une trace archéologique des moulins hydrauliques du Moyen Age au 18e siècle : leur existence a été davantage observée dans les archives. Les plus récents ont été édifiés à la fin du 19e siècle et s'apparentent à des maisons urbaines, construites en brique et bénéficiant d'un étage. Aucun moulin à vent n'a été retrouvé sur le terrain étudié en raison de l'utilisation du matériau principal : le bois. En effet, seul l'emplacement sur un promontoire circulaire et la meule en grès subsistent. Le moulin que la carte postale présente (fig. 1) se rapprochent de ceux que l'on pouvait apercevoir dans les villages jusqu'au début du 20e siècle. Ils ont été abandonnés à cette époque en raison de la faible rentabilité de leur activité.

  • Période(s)
    • Principale : Moyen Age
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 1er quart 20e siècle
  • Toits
    bois en couverture, ardoise, tuile
  • Murs
    • torchis
    • brique
    • silex
    • essentage de planches
    • pan de bois
    • moellon
  • Décompte des œuvres
    • repérés 6
    • étudiés 6

Documents d'archives

  • AD Somme. Série M ; 99 M 90531/7. Statistiques générales, codes rurales, questionnaires, 1808 : affaires générales.

  • AD Somme. Série M ; 6 M 1965. Moulins en activité, 1809.

Bibliographie

  • BRUGGEMAN, Jean. Moulins, maîtres des eaux, maîtres des vents. Paris, Remparts, 2000.

  • CRAMPON, Maurice, Wailly, Jacques de. Le folklore de Picardie, Somme, Oise, Aisne. Amiens, Musée de Picardie, 1968.

    p. 145, 147, 149
  • DIOT, Martine. Architecture rurale en Bresse, du 15e au 19e siècle. Paris, Monum, 2005.

    p. 14
  • LEBLOND, Jean-François, BROHARD, Yvan. Vie et tradition populaires en région Picardie. Le Coteau, Horvath, 1989.

    p. 167-168
  • MARY, Stéphane. Moulins intermédiaires de la baie de Somme. Les amis des moulins picards, sur les pas du cache-manée, automne 2001, n° 9.

    p. 3-5
  • RIVALS, Claude. Moulins à vent de France, les moulins à vents des plaines septentrionales : hégémonie du moulin sur pivot. Ethnologie française, XV, 1985, n° 2.

    p. 141-167

Documents figurés

  • Noyelles-sur-Mer, Le Moulin, carte postale en noir et blanc, Edition de l'hôtel des Voyageurs, début 20e siècle.

Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2004
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(c) SMACOPI