• inventaire préliminaire, arrière-pays maritime picard
Ferme Saint-Honoré (ancienne ferme de la chartreuse de Thuison) à Port-le-Grand
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
  • (c) SMACOPI

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes Ponthieu-Marquenterre - Nouvion
  • Commune Port-le-Grand
  • Adresse 9 place de la Mairie
  • Cadastre 1832 B2 516-518  ; 1984 B 350, 351
  • Dénominations
    ferme
  • Appellations
    ferme Saint-Honoré
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, grange, étable, étable à chevaux, abreuvoir, bergerie

D´après Pierre Staelen (érudit local), sous Louis XIII (1601-1643), la ferme Saint-Honoré appartenait à la Chartreuse Saint-Honoré de Thuison (Abbeville, lieu-dit « Aux Abords »). Les Chartreux cultivaient leurs terres et possédaient des vignobles à Thuison, Menchecourt et à Port. Ils étaient les seuls avant 1788 à pratiquer la culture de la betterave (mais pas pour la production de sucre, développée sous Napoléon en raison du blocus dont souffrait la France). Ils vivaient pauvrement : leurs ressources étaient destinées aux malades et aux pauvres. Il semble que l'exploitation ait été brûlée par les soldats français du régiment d´Angoulême (au 17e siècle ?). Les 378 journaux de terre, qui en dépendant, sont vendus en 1791 pour 75 000 livres.

L'édifice est visible sur le plan par masse de culture de 1802 (avec jardin et verger) et sur le cadastre napoléonien de 1832.

Le logis, qui se composait à l´origine uniquement de la tour sud, semble avoir été agrandi après 1880 (plan terrier), la toiture rénovée et le mur gouttereau oriental reconstruit. En 1832, le centre de la cour est occupé par une mare et deux bâtiments (l'un de plan en T, l'autre qui semble avoir été un pigeonnier) présents sur le plan de 1880. Ils ont été détruits après cette date.

Le bâtiment en retour d'équerre de la bouverie (au nord de la cour) porte un cartouche sur son pignon donnant la date de 1863. Les écuries portent la date de 1898, date à laquelle il semble que les vacheries et bergeries aient été également construites.

La ferme ne possédant pas de forge : le maréchal venait à l'exploitation pour ferrer les chevaux.

Après la Première Guerre mondiale, un parc à bestiaux, avec muret en brique (encore en place aujourd'hui), est installé au centre de la cour. De nombreux boeufs étaient parqués ici, comme en attestent les dimensions de la bouverie. Les bêtes paissaient tout au long de l'année dans les bas-champs et arrivaient ici en septembre-octobre pour être « finies d'engraisser ». Elles étaient nourries de pulpe de betterave, de foin, de tourteau de lin et d'orge. La viande était destinée aux bouchers de la région.

Il semble que la ferme se soit enrichie après la construction de la digue entre Saint-Valery et Noyelles en 1911, qui engendra le colmatage progressif de la baie et le développement des molières au pied de Port-le-Grand. La ferme pouvait ainsi faire paître son troupeau de bovins non loin de là afin de les engraisser (emboucheur).

La ferme disposait de quinze ouvriers permanents qui logeaient au village dans des logements loués par le propriétaire. Lors de la saison des betteraves, le chiffre des employés était multiplié par deux. Les saisonniers louaient également au propriétaire une maison ou venaient des villages voisins. Ils étaient employés "à la tâche". Il ne reste au moment de l'enquête qu'un employé à mi-temps.

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 19e siècle
    • Principale : 4e quart 19e siècle
  • Dates
    • 1863, porte la date
    • 1898, porte la date

La ferme occupe le coeur du village. La dénivellation du terrain implique la mise en place de murs de clôture avec soubassements renforcés de nombreux contreforts en brique et silex. Ces éléments sont surtout visibles dans la rue de la Somme. Le logis est situé le long de cette rue, au sommet de la pente. La maçonnerie se compose d´un mariage de brique et de pierre de taille pour les trois premières travées, et de brique uniquement pour les cinq dernières. Le mur pignon sud fait alterner les lits de brique et de silex. Le décor se concentre à la corniche composée de briques moulurées. Le rez-de-chaussée abrite un sous-sol percé de plusieurs aérations sur rue. Le toit à longs pans en ardoise abrite un comble à surcroît. Les pièces sont basses de plafond. Les murs de la partie ancienne bénéficient d´une épaisseur de plus d'un mètre (les autres font 90 cm d'épaisseur). Les pièces sont ainsi distribuées, du nord au sud : la cuisine, la salle commune, la salle à manger et la tour. Les chambres sont situées à l'étage. La salle commune dispose encore de sa cheminée d'origine, composée d'une maçonnerie de brique et de pierre de taille, percées de trois niches ; le conduit est en retrait du mur. Deux tours à section carré, l'une plus imposante que l'autre, flanquent le logis en avant-cour. Les chaînes d'angle harpées en pierre de taille maintiennent une maçonnerie composée de chaînes de brique avec remplissage au silex. Ces deux éléments sont couverts d'un toit en pavillon en ardoise. Toutes deux sont pourvues d'un étage. La plus petite, percée à chaque niveau d'oculi, possède un comble à surcroît. Au nord, le logis est jouxté d'une petite excroissance coiffée d'une croupe polygonale et percé sur rue d'un oculus. Le bâtiment longeant la place (abritant à l´origine des ateliers pour travaux agricoles), situé au nord-ouest de la cour, est composé d'un solin en silex à plusieurs degrés permettant de compenser le dénivelé du terrain. La maçonnerie est en pierre de taille sur rue et en torchis et pans de bois pour le pignon sud. Le toit en appentis couvert en pannes picardes prend appui sur le bâtiment situé à l'entrée de la cour. Le pignon découvert alterne lit de silex et lit de briques. Sur cour, les ouvertures semblent trahir la fonction de cet élément : il pourrait s'agir d'un chenil. D´une contenance de 100 à 150 bêtes, le bâtiment au nord de la cour était une bouverie, divisée en trois compartiments. Le solin en silex supporte la maçonnerie en brique. Les murs intérieurs étaient recouverts de torchis et d'un enduit à la chaux. Le toit à longs pans est en ardoise. Le plafond est pourvu d'un plancher et le sol, de briques. La première et la dernière travées sont percées d'une haute porte à deux battants permettant l'entrée des charrois. La première travée était l'espace de battage du blé. Le reste des ouvertures du rez-de-chaussée permettait l'entrée des boeufs. Les auges en ciment sont encore en partie en place. Le comble servait de grenier ; les multiples aérations et gerbières en attestent : on y stockait les gerbes de blé, l'orge et l'avoine pour les bêtes. L'espace y est important ; le sol est recouvert d´un plancher et la charpente est en chêne. Le mur gouttereau nord est percé de nombreuses meurtrières. À l'est de la cour s'étendent les anciennes vacheries ; les bergeries occupent sur la face postérieure. Le bâtiment fait alterner silex et brique sur l´ensemble de la maçonnerie. Le rez-de-chaussée est percé de multiples ouvertures et le grenier, servant à stocker le foin, occupe le comble à surcroît, relativement haut, ajouré d'une baie cintrée à chaque travée (au nombre de cinq). Le toit à longs pans et pignons découverts est en tuile. Le bâtiment pouvait contenir une quarantaine de vaches laitières, attachées à l'auge. La bergerie permettait d'abriter 200 à 250 têtes. Le plafond était en lattes hourdées au torchis et à la paillette. Le sol était couvert de briques posées à champ. Les murs intérieurs étaient, comme pour la bouverie, recouverts de torchis et d'un enduit à la chaux. Les écuries occupant la partie sud de la cour possèdent la même maçonnerie que le bâtiment précédent. Le rez-de-chaussée, percé de portes à arc segmentaire, est augmenté d'un comble à surcroît ajouré de baies cintrées basses. Une lucarne à fenêtre pendante, accompagnée de deux autres lucarnes, occupe la partie occidentale du bâtiment. Le plafond est couvert d'un plancher et le sol, de briques. L'intérieur des murs, ici aussi, était recouvert de torchis et d'un enduit à la chaux.

  • Murs
    • torchis
    • brique
    • silex
    • essentage d'ardoise
    • pan de bois
    • pierre de taille
    • appareil mixte
  • Toits
    ardoise, tuile flamande
  • Étages
    sous-sol, étage de soubassement, en rez-de-chaussée, 1 étage carré, comble à surcroît
  • Couvertures
    • toit à longs pans
    • toit en pavillon
    • appentis
    • pignon découvert
    • pignon couvert
    • croupe polygonale
    • noue
  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Cette exploitation aux dimensions imposantes est relativement intéressante tant du point de vue de l'histoire que de l'architecture. En effet, ses origines lointaines reflètent l'évolution de l'agriculture dans le village de Port-le-Grand (et dans la région en général), initiée par les moines. Malgré sa reconstruction presque totale au cours du 19e siècle en plusieurs étapes, elle dispose d'une architecture soignée et homogène, que l'on retrouve dans les autres grands ensembles agricoles du village (ferme du bois de Bonance, ferme de Bonance). Les briques proviennent de la briqueterie du village et les silex, des champs environnants. Les matériaux sont donc locaux.

Documents figurés

  • Port-le-Grand. Plan par masses de culture, d'après Cardinet (géomètre) et Branquart (arpentier), 3 novembre 1802 (AD Somme ; 3 P 1069).

  • Port-le-Grand. Plan cadastral, 1832 (AD Somme ; 3 P 1451).

  • Place de Port-le-Grand - Ferme St-Honoré - R.L., carte postale en noir et blanc, d'après Robert Fénet Abbeville, début 20e siècle.

Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2004
Articulation des dossiers