"CHAULNES. Le dimanche 3 décembre a eu lieu l'inauguration de la fontaine monumentale offerte par le Comité local de l'U. F. F. à la ville de Chaulnes.
Tout d'abord, un banquet réunit dans les salons de l'hôtel Censier les autorités locales, Mme Barbier-Hugo, vice-présidente de la Croix-Rouge française, Mtte Brunet, membre du Conseil d'administration, Mme Beauregard, directrice du personnel de Paris, M. et Mme Vernes, délégués de la Somme, Mrs Alice Angersoll Thorton, vice-présidente de la Junior Red Cross américaine, M. Boinet, conseiller général, et M. Gaston, maire de Chaulnes, prirent successivement la parole pour remercier la Croix-Rouge de ses bienfaits.
Vers 2 h. 30, le cortège, précédé de la musique des cheminots de Roye, sous la direction de M. Froment, se rendit au monument.
Après un choeur exécuté par les élèves de l'école, M. Vernes prit la parole en ces termes :
Mesdames, Messieurs,
Au moment de remettre ce monument à la ville de Chaulnes, il est intéressant de jeter un rapide coup d'oeil sur l'action que l'U. F. F., secondée ultérieurement par la Croix-Rouge américaine, a pu exercer à deux reprises auprès des habitants rentrés dans leurs foyers.
C'est en juin 1917, à la suite d'un accord intervenu entre les services de la 3e armée et du ministère des régions libérées, que furent créés les premiers postes de secours de l' U. F. F. dans la Somme. Ils furent échelonnés sur une ligne de 45 kilomètres, entre Ham, Nesle, Chaulnes et Harbonniéres, englobant environ, soixante communes.
Vous savez tous qu'à cette époque, le secours-moral était aussi nécessaire que le secours matériel auprès des malheureux habitants qui venaient d'être libérés du joug allemand.
Notre tache n'a pas été facile au début car les courageux réintégrés, qui logeaient dans des abris dérisoires y manquaient de tout, n'ayant ni lit, ni couverture, ni poêles, ni vivres, etc.
Devant l’immensité des besoins immédiats à soulager, les.ressources dont nous pouvions disposer furent vite épuisées.
Heureusement, à ce moment, la Croix-Rouge américaine venait d'envoyer en France ses premiers éléments de secours. Elle répondit a notre, appel et mit au service de nos postes les dons qui arrivaient d'Amérique.
Je demande au délégué de la Croix-Rouge américaine qu'il veuille bien transmettre à ses généreux compatriotes la reconnaissance émue de tous les habitants de la Somme dont les blessures encore saignantes ont pu être soulagées par ses envois si précieux.
Mesdames, Messieurs, vous m'en voudriez de ne pas rappeler avec quel dévouement nos collaboratrices M,MB
Mesdames, Messieurs, vous m'en voudriez de ne pas rappeler avec quel dévouement nos collaboratrices Mmes Roussel, Delacour, Sandras, Féret, ont, depuis 1917, continué à diriger avec toute leur énergie et leur coeur les consultations de nourrissons et les secours d'hygiène que les comités locaux de l'U. F. F. poursuivent dans la région.
Vous voudrez bien vous associer au témoignage de reconnaissance que nous leur adressons, ainsi qu'à M. Péau M, inspecteur délégué au Comité belge américain d'assistance aux régions libérées, dont l'oeuvre des soins à donner aux jeunes mères et à leurs nourrissons s'étend dans tout le nord de nos régions dévastées.
La fontaine monumentale qui vient d'être découverte devant vous est destinée à perpétuer le souvenir de la collaboration des Croix-Rouges française et américaine dans la ville de Chaulnes dévastée.
Que l'eau qui s'écoule dans la vasque soit un symbole destiné à laver les souillures subies par la malheureuse cité.
Que l'infirmière qui tient amoureusement un enfant de Chaulnes dans ses bras rappelle tous ceux qu'elle a sauvés.
Cette oeuvre si symbolique et remarquable que vous pouvez admirer maintenant est due à l'excellente statuaire, Mme Berthe Girardet.
Mme Girardet, qui est, elle aussi, une de nos vaillantes infirmières, a voulu faire don de son beau talent à la ville de Chaulnes en apportant son concours gracieux de statuaire à cette fontaine.
Que votre gratitude soit sa juste récompense.Monsieur le Préfet, Monsieur le Sous-Préfet, l'U. F. F. est heureuse de pouvoir vous remercier, dans cette ville qui renaît de ses cendres, de l'appui que vous avez toujours donné a ses délégués depuis 1917.
Votre présence parmi nous confirme l'intérêt que vous portez à son oeuvre.
Monsieur le Maire, Messieurs les Conseillers municipaux, nous vous devons toute notre reconnaissance pour les facilités que vous avez bien voulu accorder à Mme Girardet pour le choix de l'emplacement de cette fontaine lui faites en assistant à celte cérémonie qui commémore les services rendus par la Croix-Rouge américaine et l'U. F. F., unies dans un même but de dévouement et de charité.
Votre présence prouve aussi tout l'intérêt que vous apportez à nos pays dévastes, nous savons que nous pouvons compter sur vous pour le relèvement de nos ruines, car nous vous savons accueillant à tous et toujours prêt à nous aider de vos conseils éclairés.
Nous vous prions, Monsieur le Préfet, d'être notre interprète auprès du gouvernement de la République pour lui exprimer tout notre attachement aux institutions démocratiques et sociales.
Monsieur le Commandant, Mesdames les Déléguées de la Croix-Rouge américaine et de l'U. F. F., le dévouement constant dont ont fait preuve vos comités et Mme Sandras, pour notre ville en particulier, aurait suffi seul à laisser parmi nous le souvenir impérissable de votre oeuvre immense, mais cela ne vous a pas suffi.
Aujourd'hui, vous faites don à la ville de cette superbe fontaine qui perpétuera à jamais votre souvenir parmi notre population, lui rappelant toujours vos dons généreux et l'aide efficace apportée par vous aux sinistrés dans la misère.
Pendant la guerre, votre rôle a été des plus nobles et des plus dignes ! Vous avez soigné nos malheureux blessés avec un dévouement admirable, oubliant la fatigue et vos propres douleurs pour ne penser qu'à eux. Vos offrandes sans cesse renouvelées, la fondation des foyers du soldat ont apporté à nos vaillants défenseurs le réconfort moral dont ils avaient tant besoin après les longues journées passées dans les tranchées, après les rudes combats où la mort les guettait à chaque pas surtout pour nos soldats des régions envahies qui, en dehors des souffrances physiques, souffraient encore de l'absence de leurs familles restées sous le joug de l'ennemi, combien précieuse à été votre aide!La guerre terminée, votre activité ne s'est pas ralentie et vos efforts se sont dirigés vers nos régions dévastées, nos régions qui, des plus riches et des plus prospères, étaient devenues la désolation même.En 1919, alors que les premiers de nos concitoyens rentraient, avec beaucoup de courage (car il eu fallait !) dans nos villages détruits, mais ne disposant que de faibles moyens pour l'immense lutte à entreprendre, vous êtes venus immédiatement à leur aide.
Mme Sandras s'est installée ici, au milieu des ruines, et, grâce à vos libéralités, rendit la vie moins dure à ces premiers pionniers : mobilier, linge, vêtements leur furent distribués dès leur arrivée, leur permettant ainsi de parer au plus pressant.
Quand cette tâche, à son tour, fut terminée, vous avez pensé que vos services étaient encore nécessaires, et c'est maintenant sous une autre forme que vous les distribuez. Vous vous occupez alors du relèvement de l'enfance.
Grâce toujours à vos libéralités, avec une énergie inlassable, Mme Sandras organise des visites de maternité, des primes à l'allaitement maternel, et surtout des consultations de nourrissons. Par tous les moyens en votre pouvoir, vous encouragez la natalité et vous cherchez à enrayer la mortalité enfantine.
Aussi les résultats que vous avez obtenus ici sont probants : aucun décès n'est survenu cette année parmi les enfants que vous avez pris sous votre protection.
Telle est, résumée en peu de mots, l'oeuvre admirable que vous avez accomplie et que ce monument rappellera à tous, dans le présent et dans l'avenir.
Au nom de la ville de Chaulnes, je vous remercie très sincèrement de l'offre que vous nous faites de cette fontaine, au nom de la ville de Chaulnes, j'ai le bonheur de la recevoir et de l'accepter.
Pour terminer, je tiens à remercier Mme Girardet qui a sculpté ce beau monument, les instituteurs et les institutrices, les enfants des écoles qui rehaussent l'éclat de cette cérémonie par leurs chants si jolis, et la musique des cheminots qui nous a spontanément offert son gracieux concours.
Etaient présents à la cérémonie M. Emery, préfet de la Somme, M. Lhomedé, sous-préfet de Péronne, M. Bairet, conseiller général du canton de Chaulnes, M. Piot, inspecteur du Comité d'assistance aux régions libérées, le personnel enseignant de Chaulnes, MM. les docteurs Puységur, de Chaulnes, et Braillon, de Nesles, Mme Jotin, présidente du Comité U. F. F. de Ham, Mme Delacour, présidente du Comité de l'U. F. F. de Nesles, M. Sandras, directeur du Comité de Chaulnes, etc., etc.. "
Extrait du Bulletin mensuel de l'Union des femmes de France. 1923-01-01, p. 12-15
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.