Le bâtiment avant la Première Guerre mondiale
Le premier bâtiment construit à cet emplacement, à l'intérieur des remparts, entre le château et l'église et à côté d'un vaste abreuvoir, date du 17e siècle. Il est visible sur les plans de Vauban. C'est une caserne de cavalerie, d'abord appelée Caserne de l'esplanade puis Caserne Vauban, qui abrite les chambres des cavaliers et les écuries et selleries de leurs montures. Dégardin (1945) en donne une description : "Elle avait 84 mètres de longueur et sa largeur était de 22 mètres dans le milieu et de 18 mètres à chaque extrémité. [...] Remise à neuf au moment de la révolution, elle comprenait au rez-de-chaussée une écurie pour 320 chevaux. Les deux étages du dessus étaient divisés en 16 chambres chacun. Une chambre contenait huit lits, et chaque lit était fait pour deux cavaliers. Le grenier servait pour les vivres et le dépôt de grains."
Le cadastre napoléonien de 1829 montre un bâtiment correspondant à cette description : de forme rectangulaire, il comporte un avant-corps central peu marqué et s'achève par des murs à ressauts successifs. Les cartes postales anciennes montrent un bâtiment en pierre en rez-de-chaussée, avec deux étages carrés et un étage de combles. L'avant-corps central en léger ressaut du bâtiment du 17e est encore visible sur la façade longitudinale sud-est. Chaque aile compte sept travées, tandis que l'avant-corps en compte trois, tout comme les façades des deux extrémités. Ces dernières sont animées par un jeu de ressauts dégressifs successifs. La caserne est couverte par un toit longs pans percé de lucarnes et achevé par des croupes à plusieurs pans verticaux qui accompagnent les ressauts de la façade.
C'est une partie de ce bâtiment que va investir l’Institution Saint-Jean-Baptiste. La caserne, désaffectée vers le milieu du 19e siècle, est en partie occupée, à partir de 1858, par une école de filles. Les bâtiments, vendus par l'administration des Domaines en octobre 1867 (Dégardin, 1945), sont achetés par les religieuses de l'ordre des Servantes de Marie pour y installer un orphelinat. En 1878, à l'instigation de l'évêque d’Arras Mgr Lequette (originaire de Bapaume), une partie des bâtiments est revendue à une association religieuse pour y créer une école de garçons, sous le vocable d'Institution Saint-Jean-Baptiste. Cette modification de l'affectation entraine des changements dans l'architecture. Ainsi, les cartes postales anciennes montrent un bâtiment de plan en T affirmé, où l'avant-corps a été prolongé par un corps de bâtiment rectangulaire en briques de deux niveaux et sept travées, couvert par un toit à deux pans et croupes de très faible pente bordé par une terrasse. Ces modifications étaient achevées en 1882 au moment de l'inauguration de l'école. Le papier à en-tête de l'école montre d'autre part que, enclose par un muret, l'école était complétée par un large préau fermé, par deux cours arborées et par un jardin potager.
Éléments de contexte de la reconstruction
Les bâtiments ne sont que partiellement détruits pendant la guerre mais les murs encore debout ne sont pas réutilisables. L'étape liminaire au chantier de reconstruction est donc l’abattage et le déblaiement des ruines. La reconstruction ne se fait que sur une partie de l'ancienne caserne, à savoir l'avant-corps central tel qu'il était avant sa modification à la fin du 19e siècle, et l'aile la plus éloignée de l'église. La partie proche de l'église est désormais occupée par une placette. Le bâtiment actuel conserve la trace de cet avant corps : déjà visible dans le léger ressaut de la façade sur cour de l'école reconstruite, il sert de point de départ à l'aile qui relie ce bâtiment au presbytère.
Le dossier de reconstruction est conservé aux archives du Pas-de-Calais (10R9/100).
Le maître d'ouvrage de la reconstruction est la Société Immobilière du Pas-de-Calais, dont le gérant est le chanoine Bourdon. Le siège social est installé 26, rue des Promenades à Arras. La Société fait appel à l'architecte Paul Clavier. Un premier projet (non retrouvé mais mentionné dans un document daté de 1929 validant le remplacement du projet initial) est proposé dès novembre 1927. Le projet définitif est validé par la commission cantonale en 1929 pour un montant de 1,440 million de francs, répartis comme suit : 1,3 million pour le bâtiment principal, 70 000 francs pour l'ensemble "préau de 119 m2, WC sur fosse septique, mur de clôture, deux grandes portes en bois et une porte à deux ouvrants en fer forgé", et 68 500 francs d'honoraires pour l'architecte. La somme demandée auprès de la commission cantonale était de 1,510 million.
Chronologie du projet de reconstruction
Les travaux ont dû commencer avant octobre 1929, date de la validation du projet par la commission cantonale, car un premier acompte de 50% correspondant à la réalisation des fondations et à la construction du bâtiment jusqu'au second étage est versé en novembre 1929... soit le mois suivant la validation du projet. Dégardin (p 68) indique effectivement que la première pierre a été posée par le chanoine Ledoux le 18 mai 1929. Un second acompte est payé en juin 1930 après l'achèvement de la plâtrerie, des carrelages et de la menuiserie. Le versement du solde, "à la réception définitive sur justification", n'intervient cependant qu'en novembre 1939.
L'école est achevée en pendant l'été 1930 et la rentrée a lieu dès octobre de la même année.
Les matériaux préconisés dans le devis decriptif
C'est extérieurement une construction traditionnelle avec "élévation des murs en briques à four continu et joints à la chaux hydraulique". Le béton est utilisé pour le sol de la cave et du rez-de-chaussée, pour "les soubassements, seuils, appuis, marches" et "le couronnement en béton aggloméré". Les plafonds de toutes les salles sont en béton armé et servent de sol pour l'étage du dessus. Ils sont enduits au plâtre pour leurs faces inférieures, tandis que celles supérieures sont recouvertes de terrazolith. Les cloisons intérieures sont en brique enduites en plâtre. Les escaliers sont "en ciment armé avec revêtement en chêne et garde-corps en fer forgé". La couverture "sera constituée par une dalle de béton armé à double pente avec revêtement en callendrite (sic) forte et chapeau de protection en ciment permettant la circulation". Les menuiseries extérieures sont en chêne "traité pour rester apparent" et celles intérieures sont en "sapin rouge du Nord". Enfin, le devis précise que "le chauffage central sera installé dans toutes les pièces" et que l'établissement bénéficiera "de l'adduction d'eau et du gaz de ville".
Les décorations des murs intérieurs sont en "ciment et silexore". Mais le devis ne précise pas à quoi ressemblent ces décors. Le sol béton du rez-de-chaussé est recouvert de carrelage ou de parquet pour le bureau du directeur et le parloir, qui disposent "d'une cheminée en marbre de style" et de "lambris en chêne grand cadre". Le parloir et la chapelle sont décorés avec des moulures en staff "suivant plan de détail". La chapelle bénéficie également des lambris en chêne, ainsi que d'un emmarchement d'autel en marbre et d'une grille de chœur en fer forgé.
La cour, recouverte de gravier, est fermée par un mur en brique de trois mètres de haut, percé d'une grille en fer forgé. Elle accueille un préau "avec sol en béton de gravillon avec joints imitant les dalles" et des urinoirs. L'ensemble est construit dans l'angle de la cour opposé au bâtiment principal et perpendiculairement à celui-ci.
Le projet de l’architecte : les plans
Les plans dessinés par Clavier montrent un bâtiment rectangulaire, d'environ 40 m de longueur sur 17 mètre de largeur et 13 mètres de hauteur. L'extrémité du bâtiment sur la place de l'église forme une sorte de pavillon latéral, d'environ 20 mètre de large, décentré par rapport à l'axe du corps central. Cette aile abrite au rez-de chaussée, le hall d'accueil, le bureau du directeur et le parloir ainsi que dans les étages des chambres pour le personnel.
Dans le corps central, les salles sont disposées le long d'un couloir central : chapelle, réfectoire, cuisine, études au rez-de-chaussée ; salles de classes au premier étage, dortoirs ; et lingerie au dernier étage.
Deux escaliers desservent tous les étages : celui central, à retours à volées droites autour d'un jour sert aux élèves, tandis que l'escalier tournant à volées droites situé dans le pavillon est réservé au personnel.
Le projet de l’architecte : les élévations
Toutes les façades sont ordonnancées à travées. Les façades latérales comptent onze travées. Celle centrale s'achève par un pignon pas de moineaux en brique. Toutes les baies sont rectangulaires avec des linteaux en ciment peint, hormis celles en plein cintre correspondant à la chapelle percées dans la façade donnant sur la rue des Casernes. Pour cette partie du bâtiment, l'architecte avait prévu un décor jouant sur le calepinage des briques qui est absent de la façade côté cour. Cette dernière est percée en son centre par une porte monumentale en rez-de-chaussée qui donne accès à la cour. La baie monumentale qui la surmonte éclaire la cage d'escalier sur les deux étages supérieurs. C'est sur le pavillon d'angle que se concentre l'essentiel de la décoration : les trois façades qui ne sont pas reliées au corps central sont couronnées par un pignon pas de moineaux. Ceux latéraux, en brique, sont percés au centre d'un oculus, tandis que celui de la façade sur la place de l'église, souligné par l'utilisation de béton peint, devait accueillir une horloge en son centre.
La réalisation et les modifications ultérieures
Les photographies anciennes montrent que le bâtiment a été édifié conformément aux plans de l'architecte. Elles apportent également des précisions quant aux décors réellement réalisés : le fronton central a été décoré par trois panneaux sculptés sur le thème du baptême du Christ et non par une horloge, la baie monumentale a été occupée par un vitrail représentant une croix, dont le dessin est celui initialement prévu par l'architecte pour décorer la porte d'entrée, et la porte donnant sur la cour est couverte par un auvent en béton peint.
L'ajout d'un étage sous comble sur le corps de bâtiment en 1959 (E. Laguillez, 2016) ne modifie pas l'aspect du bâtiment. Le vitrail monumental de la travée centrale de la façade sur cour semble avoir été détruit à cette occasion, car d'après le témoignage d'un ancien élève il était déjà, vers 1970, remplacé par des briques de verre. Le dais au dessus de la porte est en revanche détruit lors de la construction en 2012 d'une dernière aile, perpendiculaire au bâtiment ancien, qui vient fermer la cour en lieu et place du mur en béton édifié à la reconstruction. Les pignons pas de moineaux qui terminaient l'élévation des faces latérales du pavillon achevant le bâtiment principal ont également été détruits lors de cette phase de travaux.
Architecte à Arras, 16 boulevard Crespel (annuaire 1928).