Éléments de contexte
La première Caisse d’Épargne est construite en 1896, au bas de la rue de la république, créée à l’emplacement des anciens remparts démantelés en 1850. C'est une des premières constructions élevée dans ce nouveau quartier de la ville. Les photographies anciennes montrent un bâtiment en briques de plan en U, couvert par une toiture à longs pans. Les deux ailes en retour d'équerre s'achèvent par un pignon à croupe bordé d'une rambarde. Elles sont percées de deux niveaux de baies organisées en travées. La partie centrale est percée de trois baies en plein cintre surmontées d'un oculus. Les entourages de baies et les chaines d'angles sont en pierre. En plus de la banque et des logements pour le directeur et le concierge, l'hôtel de la caisse d'épargne abrite une salle des fêtes.
A la fin de la guerre, il n'en reste que quelques murs, qui seront repris dans la construction, ainsi qu'il est précisé dans l’estimation provisoire du projet (AD Pas de Calais, 10R9/94).
Le projet de reconstruction est porté par le conseil d’administration de la Caisse d’Épargne, présidé par Gaston Stenne, maire de Bapaume. Il comprend des bureaux et espaces d'accueil pour la banque, un logement pour le directeur, ainsi qu'un pavillon indépendant pour le concierge. Eugène Bidard, en tant qu'architecte de la coopérative n°1 dont la Caisse d’Épargne est membre, est chargé de concevoir et de réaliser le projet. Ce dernier commence en 1924, date de la signature des plans par le maitre d'ouvrage. Le chantier, d'un coût total de 415 000 francs, est interrompu pendant presque toute l'année 1926 faute de trésorerie disponible (difficultés de versement des dommages de guerre). La réception des travaux a lieu en juillet 1928.
Le projet de l’architecte - les plans
Le devis descriptif et les plans conservés aux archives du Pas de Calais donnent de nombreuses informations sur le projet. La partie "banque" doit comprendre au rez-de-chaussée, une salle d'attente, une salle du public, une salle pour le conseil d'administration, des bureaux, ainsi que des archives et un grenier à l'étage. Dans le logement du directeur, situé dans le même bâtiment, on trouve au rez-de-chaussée un vestibule qui distribue à gauche la cuisine et l'arrière cuisine, et à droite la salle à manger et le salon, ainsi que des "water-closet". L'étage ne compte que trois chambres et un cabinet de toilette. On y accède par un escalier "à limon à la française" situé au fond du couloir.
Le logement du concierge est un bâtiment indépendant de la banque. Il abrite en rez-de-chaussée surélevé la loge et une cuisine, et à l'étage seulement deux chambres. Il est couvert par une "demi-toiture" à longs pans brisés avec croupe brisée.
A l'origine, la banque est séparée de la rue par un mur bahut portant une grille à barreaux droits percé, dans l'axe de la porte principale de la banque, d'un portail à deux vantaux permettant d'accéder à la cour qui précède le bâtiment, pavée "en carreaux de Boulogne".
Les matériaux préconisés dans le devis descriptif
L'architecte détaille les matériaux qu'il souhaite utiliser, en particulier les différents types de pierre calcaire à mettre en œuvre sur la façade : pierre de Villebois de teinte grise pour les soubassements, les seuils et marches de la façade principale ; Chassignelles blanc pour les entablements, fronton, pilastres ; Méry jaune pour les chaînes d'angle, piédroits et voussures. Il est précisé que toutes ces pierres doivent être neuves... Entre les pierres, l'architecte utilise un remplissage en briques, matériaux également utilisé (mais cette fois-ci en exclusivité) pour le logement du concierge.
Les murs intérieurs, en carreaux de plâtre, sont peints "à l'huile deux couches" (vestibule, cuisine, cage d'escalier de l'habitation, salle d'attente, bureaux et salle d'archives de la banque, cuisine du concierge), ou recouverts de "papier de tenture avec bordure assortie" au-dessus des soubassements peints en faux lambris (salon et salle à manger de l'habitation, salle du conseil de la banque) ou pour la totalité du mur (chambres de l'habitation et loge du concierge). Les plafonds sont enduits en plâtre puis "peints à la colle deux couches". Assez classiquement, les escaliers sont en chêne de même que les huisseries extérieures, tandis que celles intérieures, les planchers et la charpente sont en sapin. La couverture est en ardoise d'Angers "n°15, posée par pureaux de 0,10 de hauteur, avec crochet en fer".
Certains détails de la construction sont d'autant plus intéressants à connaitre qu'ils ne sont pas visibles. Ainsi en est-il des fondations de l'édifice, constituées de piles en béton d'une profondeur d'environ 10 mètres, sur lesquelles un croisillon de poutres, également en béton, sert de support aux murs porteurs.
Le projet de l’architecte - les élévations
Le bâtiment est d'un seul niveau. La façade présente un léger avant-corps à son extrémité droite. La pierre est omniprésente, la brique n'intervenant qu'en remplissage, en particulier dans la partie gauche de l'édifice. La partie droite est organisée symétriquement par rapport à un axe central constitué par la porte et le fronton cintré à ressauts qui la couronne. Elle est couverte par une toiture à long pan s'achevant par une croupe. La partie gauche, où aucune symétrie n'est visible, porte un étage de combles en surcroît couvert par une toiture à longs pans brisés s'achevant par un coyau, interrompue par une lucarne-pignon rentrante. Ainsi, les différences d'aspect entre les deux parties du bâtiment rendent lisibles les deux fonctions qu'il abrite : banque à gauche, habitation à droite.
Il n'y a pas de décors portés. Seuls les jeux avec des éléments d'architecture apportent de la variété à la façade : tables entourant la porte d'entrée, corniche et fronton pour la banque, et traitement de la travée droite de l'habitation, avec la juxtaposition de la baie en arc surbaisse et de la lucarne.
Photographe au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.