Le bâtiment avant la Première guerre mondiale
Le premier hôtel de ville date de la fin du 12e siècle, moment où la ville obtient sa charte de franchise et se dote d’un conseil communal. Le beffroi, symbole des libertés communales, est un bâtiment différent de celui où se réunit l'échevinage. Ils sont cependant construits côté à côte sur la place principale de la ville. En 1374, l’hôtel de ville est agrandi d’un balcon qui surplombe la place. C'est une bretèche, espace situé à l'extrémité de la salle du conseil d'où étaient annoncées les décision importantes, qui est présente sur de nombreux édifices civils des anciens Pays-Bas. L'ensemble est détruit en 1537 car il menaçait ruine.
Il faut attendre presque trente ans pour qu'en 1583 les travaux de reconstruction du beffroi commencent sous la direction du maître maçon Jehan Danel. Il est désormais associé au bâtiment du conseil et à une halle commerçante. Mais les bâtiments ne conviennent pas au conseil qui les fait donc détruire. Les pierres servent à l’édification par Adrien Demailly d’un nouvel hôtel de ville… dont la solidité laisse à désirer et qui est donc détruit à son tour.
Le bâtiment définitif est édifié entre 1590 et 1610 sur l'emplacement du précédent, en bas de la Grand'Place (future place Faidherbe). Des cartes postales anciennes, ainsi qu'une description fournie par l'abbé Bédu dans son ouvrage, permettent de se faire une idée assez précise de ce bâtiment. Construit selon un plan carré, il compte deux niveaux et s'achève par une toiture à deux versants bordée par une balustrade en pierre. Une partie du rez-de-chaussée est constituée d'une colonnade à six travées, ouverte sur la place par des arcades en arc brisé. Cette partie du bâtiment déborde par rapport à l'alignement des maisons du reste de la place. Le second niveau est percé, sur les deux côtés visibles depuis la rue d'Arras et la place, par de grandes baies rectangulaires. Côté place, les deux baies centrales ouvrent sur un petit balcon résurgence de la bretèche. Le beffroi, grosse tour carrée surmontée d'une flèche octogonale située à l'arrière du bâtiment, n'est pas accessible depuis l'extérieur. Dégardin (1945) donne quelques indications sur les matériaux et les dimensions. Le bâtiment est construit en briques et pierres pour les arcades et les piédroits des baies et mesure environ 18 mètres de côtés. Le beffroi, également construit en briques et pierres pour les chaînes d'angles, mesure 4 mètres de côté pour une hauteur de 43 mètres. Les toitures sont en ardoises.
Sa forme carrée et son élévation à deux niveaux, la galerie couverte fermée par des arcades qui le ceinture, la toiture en retrait du droit du mur bordée par une balustrade le rapprochent fortement du bailliage d'Aire-sur-la Lys, également construit vers 1600. Il s'en différencie cependant par la présence du beffroi.
Éléments de contexte
L'hôtel de ville reste inchangé jusqu'à sa destruction pendant la Première Guerre mondiale. Pendant les premières années du conflit, il est relativement préservé et ne perd que la flèche du beffroi. Mais le 25 mars 1917 une bombe à retardement placée par les Allemands dans la cave de l’édifice provoque son effondrement.
En attendant le nouvel hôtel de ville, des bureaux temporaires sont installés dans des baraquements sur "Les promenades" (actuelle avenue Abel-Guidet).
La chronologie du projet de reconstruction
Les premiers plans, dus à Eugène Bidard, l'architecte de la commune, sont validés par le Conseil Municipal en mars 1925, pour un budget prévisionnel de 1,154 millions de francs. Ils sont validés par la commission cantonale en janvier 1927. Mais ce projet donne lieu chez les habitants à de houleuses discussions entre les tenants d’une reconstruction à l’identique et ceux voulant un bâtiment plus moderne. Le choix final, dicté par des raisons économiques et le souhait de construire rapidement, est celui d'un hôtel de ville moderne, qui s’inspire largement de celui détruit mais sans en être la reconstitution.
Mais ce temps de discussion, la nécessité d’exproprier les propriétaires des parcelles voisines du nouvel hôtel de ville, plus grand que le précédent pour abriter les services jusque là dispersés dans la ville, ainsi que la difficulté à obtenir des dommages de guerre à hauteur de ceux attendus (la commission propose 1 million, honoraires d'architectes compris) expliquent le temps nécessaire à la mise en route du chantier qui ne démarre effectivement qu'en 1930. Le coût important de la réparation des sapes faites par les Allemands fait finalement l'objet d'une subvention supplémentaire de 357 500 francs, venant s'ajouter aux dommages de guerre dédiés à la reconstruction de l'hôtel de ville proprement dit, de même que la reconstruction du carillon (mécanisme et cloches) bénéficie d'un dommage de guerre spécifique de 90 000 francs. Une fois commencés, les travaux se déroulent cependant rapidement puisque le gros-œuvre est achevé en août 1931. La porte d'entrée et la rampe d'escalier en ferronnerie, qui ont coûté 8 000 francs, sont posées en juin 1932. La réception définitive a lieu septembre 1932.
Le projet de l'architecte
Les AD du Pas-de- Calais ne conservent pas de devis descriptif relatif à l'hôtel de ville. Quelques informations sont cependant disponibles sur les plans de l'architecte qui ont eux été conservés (AD, 20610/10 et 20610/12) ainsi que dans un article de La construction moderne publié en 1939, soit quelques mois après l'achèvement des travaux de reconstruction de l'hôtel de ville. Il apporte des précisions sur les matériaux mis en œuvre ainsi que sur le mode de construction de l'immeuble. Les fondations sont sur des puits bétonnés de 15 mètres de profondeur, rendus nécessaires pour compenser le bouleversement du sol provoqué par les mines allemandes. Les têtes de puits sont réunies par des poutres en béton sur lesquelles sont édifiés les murs porteurs. C’est également ce matériau qui sert pour le grand escalier du hall (où il reçoit un parement de pierre), et pour le noyau de l’escalier et la charpente du beffroi laissés nus. Les maçonneries sont en brique "de la région cuite à four continu" avec parements en "briques de Douzies calibrées jointoyées au ciment". La pierre est utilisée pour le soubassement (calcaire d'Hydrequent) et pour les linteaux et chambranles des baies et la corniche (calcaires de Brauvilliers et de Saint Maximim). les sols du rez-de-chaussée sont en carrelage. Les menuiseries extérieures sont en chêne, de même que les parquets des salles de l'étage, et celles intérieures en sapin. Une attention particulière a été portée à la porte d'entrée et à la rampe de l'escalier d'honneur, toutes deux en fer forgé. La toiture est en ardoise d’Angers posée au crochet.
En plus de l’électricité et de l’eau courante, le bâtiment bénéficie du chauffage central.
Le beffroi fait 51 mètres de haut. Il abrite un carillon de vingt cloches, dont le poids total est de 1 350 kg. Il peut être actionné par un clavier électrique de type « piano » ou par un "clavier coup de poing" typique des Flandres. Il est construit par la maison Ungerer, une entreprise strasbourgeoise. Il remplace le premier carillon, installé en 1600.
Photographe au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.