• mobilier et objets religieux, la cathédrale de Beauvais
  • patrimoine funéraire
Monument funéraire (statue) de Monseigneur Toussaint de Forbin-Janson
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Ministère de la culture - Inventaire général
  • (c) AGIR-Pic

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Beauvais - Beauvais nord-ouest
  • Commune Beauvais
  • Adresse cathédrale Saint-Pierre
  • Emplacement dans l'édifice dans la chapelle sainte Thérèse
  • Dénominations
    monument funéraire

Le monument funéraire placé dans la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais n'est pas celui que souhaitait faire exécuter le cardinal Toussaint de Forbin-Janson, évêque de Beauvais de 1676 à 1713. L'oeuvre réalisée est commandée à Nicolas Coustou, en 1715, par son neveu le marquis de Janson. Un premier dessin est proposé par l'artiste à cette date et l'œuvre doit être livrée dans les deux ans, pour la somme de 7600 livres.

En 1722, le sculpteur touche une partie de la somme due, mais le monument n'est pas fini. Il n'est installé dans le chœur que le 14 octobre 1738, par Guillaume Coustou, frère de Nicolas Coustou, après la mort de ce dernier.

Les chanoines veulent faire abattre une partie de la clôture de Le Pot, entre deux piliers à côté de la porte latérale gauche, mais Monseigneur Potier de Gesvres s'y oppose. A la suite d'un accord entre les chanoines et l'évêque, en décembre 1738, la clôture est remplacée par une grille commandée en 1739 et le mausolée est transféré en 1740 dans une chapelle (sans doute celle aujourd'hui détruite du Saint-Sépulcre).

Mis au rebut parmi les gravats à la Révolution, il est retrouvé et réinstallé en 1804 près de l'horloge d’Étienne Musique. Sa position actuelle ne correspond pas à celle prévue à l'origine par les chanoines, qui voulaient que tous les côtés de l'œuvre soient visibles, d'où le travail important du manteau, la position de la tête tournée vers l'autel et la posture.

La posture du cardinal, celle de l'offrande du cœur, rappelle la statue de Louis XIV dans le Vœu de Louis XIII réalisée par le sculpteur Coysevox, oncle des frères Coustou, pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Toussaint de Forbin-Janson fut nommé évêque de Beauvais le 14 juillet 1676, et le demeura jusqu’à sa mort le 22 mars 1713. Il reçut en outre le chapeau de cardinal en 1690. Durant son épiscopat, il prit des mesures vigoureuses contre les jansénistes de son diocèse et il remplit par ailleurs des missions d’ordre diplomatique auprès de la Diète germanique et du Saint-Siège. A sa mort, son corps fut ramené à Beauvais pour être inhumé dans la cathédrale.

Le cardinal Toussaint de Forbin-Janson, évêque de Beauvais de 1676 à 1713, souhaitait faire exécuter son portrait en buste par Nicolas Coustou. il avait légué au chapitre la somme de mille livres, destinée à la décoration du maître-autel, pour que les chanoines reçoivent ce buste dans la cathédrale (Barraud, 1865). Mais son neveu, le marquis de Janson, entreprit de faire élever un mausolée plus grandiose.

Le monument fut commandé à Nicolas Coustou et une première esquisse en fut dessinée en 1715. L’œuvre devait être livrée dans un délai de deux ans, pour 7600 livres (contrat en date du 31 juillet 1715). Le devis de 1715 précise les matériaux à employer : pour la base, de la pierre de Senlis ou de liais et du marbre du Languedoc ; pour le piédestal, des plaques de marbre blanc veiné et une plaque de marbre noir pour l’inscription (en capitales dorées) ; pour la statue enfin, un seul bloc de marbre (à l’exception de la queue du manteau de l’évêque, mais les joints devront être dissimulés). La hauteur totale du monument devait atteindre 9 pieds 10 pouces. Le mausolée devait être placé dans le chœur de la cathédrale. D’après le contrat du 31 juillet 1715 et l’esquisse l’accompagnant, il avait primitivement été adossé à la clôture de chœur.

Les chanoines donnèrent leur accord à la construction de ce mausolée le 30 août 1715 mais exigèrent un traitement aussi soigné dans le bas des draperies que dans le haut, pour un monument visible de tous côtés. On peut donc supposer que, dès 1715, les chanoines désiraient abattre la clôture du chœur pour la remplacer par le monument funéraire. Cette initiative du chapitre entraîna probablement une modification du projet initial : l’orientation de la statue par rapport à son piédestal n’est pas la même que dans l’esquisse.

En juin 1722, le sculpteur avait bien touché une partie du paiement (soit 5 600 livres). Mais malgré le délai de deux ans fixé par le contrat, le monument ne fut prêt à être posé dans la cathédrale qu’en 1738, après la mort de Nicolas Coustou : il fut donc achevé par Guillaume, qui vint à Beauvais pour mettre l’œuvre en place en octobre 1738 (AD Oise, G 2761). Le doyen informa le chapitre de l’arrivée du mausolée aux portes de la cathédrale le 14 octobre 1738. Le lendemain, les chanoines fixaient son emplacement dans le sanctuaire, entre deux piliers, à côté de la porte latérale gauche de la clôture du chœur ; cette dernière devait être démolie pour placer le mausolée (AD Oise, G 2761).

La démolition de la clôture en pierre fut la cause d’une opposition entre le chapitre et l’évêque Potier de Gesvres, qui n’avait pas été informé des travaux.L’évêque obtint du Parlement un arrêt ordonnant leurs suspensions, notifié au chapitre le 27 octobre 1738. Les chanoines ripostèrent en faisant déposer une requête en Parlement par Prevost. Finalement la querelle s’apaisa. En décembre 1738, l’évêque se mit d’accord avec les chanoines pour qu’une grille soit placée derrière le mausolée et que toute la clôture du chœur, à l’exception de quelques travées orientales, soit remplacée par des grilles de même type. En 1739, on entreprit de placer ces grilles, selon les plans de l’architecte Beausire.

A cette occasion on décida d’enlever les mausolées épiscopaux qui gênaient la visibilité du sanctuaire (les monuments de Roger de Champagne et Philippe de Dreux furent déplacés, avec autorisation royale, dans la chapelle de la Madeleine). Pour celui du cardinal de Janson, l’évêque écrivit le 11 mai 1740 au descendant du défunt qui donna son accord. A la fin du mois de septembre 1740, Guillaume Coustou transporta donc le mausolée dans la chapelle Saint-Jean, à gauche de la chapelle axiale (le cercueil contenant les restes du cardinal demeurant, lui, dans le chœur). Selon V. Leblond (1926), le mausolée aurait été déplacé dans la chapelle Sainte-Barbe, où il serait resté jusqu’en 1793. Sans doute s’agit-il d’une erreur. Selon E. Woillez (1838), le mausolée aurait été transporté dans la chapelle du Saint-Sépulcre, aujourd’hui détruite, près de la sacristie par Guillaume Coustou le 25 septembre 1740.

On fixa sur un des piliers de la chapelle une plaque de marbre noir récapitulant l’ensemble de ces travaux, achevés le 25 septembre 1740 :« Opus hoc / Eminentissimi avunculi memoriae dicatum / Nepos illustrissimus marchio de Janson / Antipolis castrorumque praefectus / Inchoavit ; / Ad optatum finem / perducere, / Morte obsistente, / Non potuit : / Hujus / filius clarissimus, / ejusdemque urbis / et castrorum praefectus, / Paternae munificentiae et gratitudinis / Pius haeres, / Absolvi et poni curavit / In sanctuarii parte sinistra, / Die 20a mensis octobris anni 1738. / Inde / Clarissimi abnepotis consensu, / Propter hanc sanctuario partem / Claustris recens concellatam, monumentum / Huc translatum est / Die 25a mensis septembris anni 1740 ». La première partie de cette inscription, jusqu’à «absolvi et poni curavit», reproduit le texte proposé aux chanoines par le marquis de Janson lui-même, désireux de la voir apposée au revers du mausolée (AD Oise, G 2761). Par convention entre le sculpteur et le chapitre du 30 août 1715, la rédaction de l’inscription était réservée aux chanoines, d’où sa discussion en chapitre (Bataille, 1907).

Le registre des délibérations capitulaires (AD Oise, G 2762) porte mention, à la date du 14 avril 1757, de la décision d’un nouveau déplacement : le mausolée devait être placé entre deux piles de la chapelle du Saint-Sépulcre. Ce changement est peut-être lié aux travaux réalisés au même moment dans le sanctuaire pour la construction du nouvel autel : les chapelles orientales (dont la chapelle Saint-Jean) furent momentanément désaffectées, et les services habituellement célébrés à ces autels furent transférés dans la chapelle Saint-Pierre et Saint-Paul.

En 1758, le mausolée fut donc transporté entre les deux piliers de la chapelle du Saint-Sépulcre, ainsi que le rapporte le Journal de Jean-Louis Lescuyer, bailly du comté de Beauvais.

En 1793, la Société populaire de Beauvais réclama la destruction du mausolée. Il fut alors démonté et jeté avec des gravats dans une dépendance de l’église. En 1803, Jacques Cambry dit avoir vu dans la sacristie la statue de marbre du cardinal Janson, « légèrement mutilée ; on la rétabliroit sans peine et sans dépense ». Effectivement en 1804, on remonta le monument à son emplacement actuel. Une inscription sur le piédestal rappelle cet épisode : « Restauratum et hic positum anno 1804 exeunte ».

La base du monument est composée d'un bloc de marbre de plan rectangulaire, dont les côtés se terminent en volutes. Une plaque commémorative en marbre noir gravé est apposée sur la face antérieure.

La partie supérieure du monument est composée d'une dalle en marbre et en pierre, sur laquelle repose la statue taillée en ronde-bosse. Les matériaux utilisés sont la pierre de Senlis et le marbre blanc, noir et rose du Languedoc.

  • Catégories
    marbrerie, sculpture
  • Matériaux
    • marbre, blanc taillé
    • marbre, noir taillé, gravé
    • marbre, rose
  • Précision dimensions

    Dimensions de l'ensemble : h = 300 ; la = 240 ; pr = 80. Dimensions de la statue seule : h = 144 ; l = 155 ; pr = 80.

  • Précision représentations

    Le cardinal est représenté agenouillé sur un carreau décoré de quatre pompons. Il est vêtu de ses habits de prélat dont un grand manteau bordé de fourrure. Au niveau de son torse, on remarque une croix pectorale en forme de croix de Malte. Sa main droite tient une barrette à quatre cornes, tandis que la gauche tend son cœur vers l'autel. Le cardinal est donc représenté dans la posture de l'offrande du cœur, posture à rattacher à la tradition sculpturale du 18e siècle.

  • Inscriptions & marques
    • inscription, gravé, sur l'oeuvre, latin
    • épitaphe, gravé, sur l'oeuvre, latin
  • Précision inscriptions

    Inscription sur la dalle soutenant la statue du cardinal : FAIT PAR N.COUSTOU. PE EN 1738 ; RESTAURATUM ET HIC POSITUM, ANNO 1804.

    Épitaphe : D.O.M TUSSANUS DE FORBIN DE JANSON S.R.E.SUB TIT. S.CALLIXTI CARDINALIS/REGIONUM ORDINUM NEC NON MAGNUS MELITENTIS COMMENDATOR/OLIM DINIENSIUM DEINDE MASSILIENSIUM, POSTREMO BELLOVACENSIUM ANTISTE/VICE DOMINUS DE GERBENDO COMES ET PAR FRANCIAE : SUPREMUS REGIARUM ELEMOSINARUM PRAEFECTUS, /REUM PUBLICARUM STRENUUS MINISTER NULLI DEFUIT./IN ETRURIAM UT COSMOE DE MEDICIS, ET MARG. LUD. D'ORLEANS/MENTES TUM IBI DISSIDENTES NOVO REVINCERET FOEDERA A REGE MISSUS/LEGATUS IN POLONIA COADUNATIS PROCERUM SUFFRAGIIS, /JOANNEM SOBIESKI MIRA CONSILII ANIMIQUE DEXTERITATE AD SOLIUM EVEXIT./APECE S.SEDIS, ET CLERI GALLICANI DISJUNCTOS ANIMOS/ANGELUS PACIS RECONCILIAVIT/OVIBUS PLURIES MOERENS CREPTUS PASTORALI SOLLICITUDINE ABSENS ADERAT/ANNOS VIXIT OCTOGINTA HEU.

  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler
  • Protections
    classé au titre immeuble, 1840
  • Référence MH

Documents d'archives

  • AD Oise. Série G : G2761. Registre des délibérations capitulaires. [s.d].

    fol. 387v°-391v°
  • AD Oise. Série G ; G2762. Registre des délibérations capitulaires. 1755-1758.

  • AP Société Académique de l'Oise. Esquisse originale de Nicolas Costou avec devis et lettre du 8 juin 1722.

Bibliographie

  • BARRAUD, Pierre-Constant (abbé). Le Mausolée du cardinal de Janson à la cathédrale de Beauvais. Mémoires de la Société Académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise. Beauvais : Achille Desjardins, 1865, tome VI.

    p. 577-588
  • BATAILLE, H. Le Mausolée du cardinal de Forbin Janson à la cathédrale de Beauvais. Mémoires de la Société Académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise. Beauvais : Imprimerie Départementale de l'Oise, 1907, tome XX.

    P. 80-86
  • BONNET-LABORDERIE, Philippe. La Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. La Mie-au-Roy : GEMOB, 1978 (Histoire et architecture).

    p. 209-211
  • CAMBRY, Jacques. Description du département de l'Oise. T. I, Paris, 1803.

    tome II, p. 217
  • DESJARDINS, Gustave. Histoire de la cathédrale de Beauvais. Beauvais : Victor Pineau, 1865.

  • FAUQUEUX, Charles. Beauvais, son histoire de 1789 à l'après-guerre 1939-1945. Beauvais : Imprimerie centrale administrative, 1965.

    p. 155-157
  • GILBERT, Antoine-Pierre-Marie. Notice historique et descriptive de l'église cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. Beauvais : Moisand, 1829.

    p. 29
  • GRAVES, Louis. Précis statistique sur le canton de Beauvais, arrondissement de Beauvais (Oise). Beauvais : Achille Desjardins, 1851.

    p. 170
  • INGERSOLL-SMOUSE, Florence. La sculpture funéraire en France au XVIIIème siècle. [s. l.] : J. Schmitt, 1912.

  • Journal de Jean-Louis Lescuyer, bailli du comté de Beauvais au XVIIIème siècle. Mémoires de la Société Académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise, 1938, tome XXVIII.

    p. 299-402
  • LEBLOND, Victor. La Cathédrale de Beauvais. Paris : Henri Laurens, 1926 (Petites monographies des Grands Edifices).

    p. 84-86
  • MARSAUX, Léopold-Henri. Le Mausolée du cardinal de Forbin Janson. Variétés archéologiques. Beauvais, 1905, 3ème série.

  • Mercure de France, 24 novembre 1738.

  • PICARDIE. Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. La cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, architecture, mobilier et trésor. Réd. Judith Förstel, Aline Magnien, Florian Meunier et al. ; photogr. Laurent Jumel, Thierry Lefébure, Irwin Leullier. Amiens : AGIR-Pic, 2000 (Images du Patrimoine, 194).

    p. 80-81 (a)
  • PIHAN, Louis (abbé). Beauvais, sa cathédrale, ses principaux monuments. Beauvais : H. Trézel, 1885.

    p. 58
  • SOUCHAL, François. French sculptors of the 17th century : The reign of Louis XIV. Oxford : Faber and Faber, 1981.

  • SOUCHAL, François. Les Frères Coustou, Nicolas (1658-1733), Guillaume (1677- 1746), et l’évolution de la sculpture française du dôme des Invalides aux chevaux de Marly. Paris : Boccard, 1980.

    p. 162
  • TAYLOR, Justin, NODIER, Charles, CAILLEUX, Alphonse de. Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France. Picardie. Paris : Firmin-Didot, 1835-1845.

    tome III
  • TESSON, Lucien (abbé). Inventaire des objets d'art et antiquités de la cathédrale de Beauvais. [s. l.] : [s.n.], 1931.

    p. 13 (n° 86)
  • WOILLEZ, Emmanuel. Répertoire archéologique du département de l'Oise. La Mée-sur-Seine : Editions Amatteis, 1997. Réédition du livre de 1862 (Paris : Imprimerie impériale).

  • WOILLEZ, Emmanuel. Description de la cathédrale de Beauvais, accompagnée du plan, des vues et des détails remarquables du monument et précédée d'un résumé des principaux évènements qui s'y rattachent. Paris : Derache, Beauvais : Caux-Porquier, 1838.

    p. 17-19
Date(s) d'enquête : 1996; Date(s) de rédaction : 1996, 2014