Cette paire de tableaux formant pendant retient l'attention par sa grande qualité. Les figures se détachent sur un fond monochrome formé d'un large aplat de couleur verte, mettant en valeur la carnation des visages et la blancheur éclatante des vêtements. Exécutée par le même peintre, elle pose des problèmes d'attribution et d'identification autour du peintre Jean-Baptiste Jouvenet. L'un des tableaux représentant saint Bruno méditant sur une croix est une composition du peintre parisien. Antoine Schnapper (catalogue monographique de 1974), publie en effet une gravure de G. Filloeul portant le titre Saint Bruno méditant dans une caverne, qui s'inspire directement de l'un des tableaux de Vervins. La gravure est inversée par rapport au sens de l’œuvre de Vervins, indiquant que celle-ci est sinon le tableau original, du moins une réplique de celui-ci. La gravure comporte cependant à la place du fond monochrome un décor de caverne et une figure de chartreux à l'arrière-plan.Ces éléments sont peut-être un ajout du graveur, pratique alors courante. L'autre tableau, inédit, a toujours été localement identifié comme un portrait d'un saint chartreux tenant un crâne à la main. On se trouverait alors en présence d'une deuxième représentation de saint Bruno. Il pourrait cependant s'agir d'un saint Bernard (communication écrite de Schnapper de 1999). Les tableaux peuvent ainsi être identifiés à deux compositions de Jouvenet considérées jusqu'ici comme perdues. Le catalogue de la vente Hallé en 1781 mentionne un saint Bruno (qui) tient une croix sur laquelle il semble méditer auquel il est fait mention d'un pendant un saint Bernard en contemplation. Cette description paraît correspondre aux tableaux de Vervins. L'hypothèse de deux œuvres autographes de Jouvenet ne peut être, selon Antoine Schnapper (communication écrite de 1999), en l'état actuel des recherches et en l'absence d'analyse scientifique des deux toiles, ni confirmée ou infirmée. Il peut donc s'agir d'originaux dont les tableaux mentionnés en 1781 seraient alors des répliques, soit plus probablement de répliques exécutées dans l'atelier de Jouvenet et envoyées à la Chartreuse du Val-Saint-Pierre sans doute en même temps que les autres tableaux de Jouvenet (Repas chez Simon, Christ au Jardin des Oliviers, Saint Pierre guérissant de son ombre les malades). La date traditionnelle de l'envoi étant 1701, ces deux tableaux pourraient dater du début du 1er quart du 18e siècle. Leur grande qualité peut plaider en faveur d'une intervention de Jouvenet dans l'atelier. On ignore leur emplacement originel dans les bâtiments abbatiaux, peut-être faisaient-ils partie d'un cycle décoratif plus important. Leur fond monochrome pourrait les rapprocher de la série des Quatre Docteurs de L’Église qui provient également de la Chartreuse. Ils ont été, à la suite de la dispersion du mobilier à la Révolution, transportés dans l'église Notre-Dame de Vervins en 1791, où ils sont alors décrits comme têtes de chartreux. Lors de l'inventaire du 22 janvier 1906, le tableau de saint Bruno est estimé pour une valeur de 40 francs, l'autre, sous le titre de portrait de chartreux, pour la somme de 50 francs. Ils ont été restaurés en 1996-97.