Dossier d’œuvre architecture IA62005195 | Réalisé par
Girard Karine (Rédacteur)
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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  • patrimoine de la Reconstruction
  • enquête thématique régionale, La première Reconstruction
Villa du marchand de vin Monsieur Bouchez
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes du Sud-Artois - Bapaume
  • Commune Bapaume
  • Adresse 26 rue faubourg de Péronne
  • Cadastre 2020 000 AD 01 27 et 28
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    jardin, pavillon de jardin, pigeonnier

Comme souvent, la construction de l'outil de production est antérieure à celle de l'habitation. La reconstruction du premier entrepôt intervient très tôt dans la reconstruction de Bapaume : elle fait partie des 33 immeubles reconstruits en 1921, année qui marque réellement le démarrage de la reconstruction de la ville. M. Bouchez fait également partie des rares propriétaires (environ 1%) qui reconstruisent sans faire appel à un entrepreneur.

Les matériaux de construction des chais et de la maison sont identiques, au moins pour ce qui concerne la structure : briques pour les murs, linteaux des baies en béton, sol en béton... mais la façade principale de la villa bénéficie d'un parement en meulière et le reste des murs est enduit au crépi tyrolien alors que les soubassements des entrepôts et des chais sont enduits en ciment. Les jambages des baies sont en brique nue pour les entrepôts et non recouverts de ciment crépi comme ceux de la villa, et les linteaux des chais sont en fer IPN et non en ciment comme pour la villa. Enfin, aucun des murs des grandes ailes ne bénéficie d'un traitement décoratif, hormis le jeu sur les enduits recouvrant les linteaux et le calepinage de briques blanches au dessus des baies des pavillons.

La villa est construite en style anglo-normand. Ce style, déjà à la mode dans la petite et moyenne bourgeoisie depuis la fin du 19e siècle multiplie les références à l’architecture de villégiature dont il est issu : complexité des volumes de toiture avec multiplication des demi-croupes ; combles à surcroît ; rythme et décor des cheminées sur les toitures en tuiles ; importance des bow-windows ou des loggia et des balcons, l'utilisation de meulière (ou de fausse meulière) pour le parement des mur. On compte à Bapaume quelques exemples de villas, comme la maison du propriétaire de la scierie Lenain-Delcroix, rue de Douai ou la villa construite par Paul Auger pour le même Prosper Bouchez rue du Faubourg de Péronne.

La description de l'activité de l'entreprise en 1942 indique que Prosper Bouchez avait également fait construire des maisons ouvrières pour loger une partie de son personnel qui comptait une cinquantaine d'employés. Le dossier de demande de dommages de guerre conservé aux AD du Pas-de-Calais (10R9/4, dossier n°90) mentionne deux ensembles de deux maisons à deux unités d'habitation confiées à A. Wigniolle en avril 1923, situées rue du faubourg de Péronne et route de Ligy-Thilloy. Ces adresses étant proches de l'entreprise Bouchez, on peut penser qu'il s'agit des maisons destinées à son personnel.

La chronologie du projet de reconstruction

Comme le reste des bâtiments de l'entreprise, la villa est construite par Anatole Wigniole, architecte de la coopérative n°2. Elle est construite à partir d'avril 1922, pour un budget de 217 000 francs. Le dossier de demande de dommages de guerre indique qu'il s'agit d'une maison "type villa 1ère classe n°85 de la série A". La clôture administrative du dossier a lieu en décembre 1926.

Contrairement aux bâtiments des chais et des magasins, la maison n'est pas une reconstruction mais une création. Elle est édifiée au fond de la cour dans l'axe du portail.

Le devis descriptif est peu disert mais précise quelques détails décoratifs et, associé aux plans conservés aux AD du Pas-de-Calais (10R9/7, dossier n°90), il permet de se faire une idée assez précise du projet de l’architecte.

Les matériaux préconisés par l'architecte

Les sols de la cave, du rez-de-chaussée, de la loggia et de la terrasse sont en béton. Le plancher haut de la cave est construit en voutains de briques et poutres en mâchefer (c'est à dire en béton). Les murs sont en brique cuites au four mais la façade principale reçoit un parement de pierre meulière et celles latérales et arrière sont entièrement recouvertes d'un enduit tyrolien. Pour toutes les faces de la maison les chaines harpées que l'on retrouve aux angles et pour les jambages des baies sont en ciment imitation pierre et le soubassement reçoit un parement en pierre de Marquise. C'est cette pierre qui est aussi utilisée pour le perron et la balustrade, le balcon, les appuis et consoles, les piliers et la balustrade de la loggia. Cette dernière est couverte d'une terrasse en béton armé avec une chape en asphalte. La charpente "compliquée avec noues, fausses fermes cintrée, arêtiers, etc..." est en sapin, avec une couverture en "tuiles normandes vieillies, en écailles et épis en terre cuite".

A l'intérieur, les murs sont en plâtre, enduits en plâtre puis peint et les pièces du rez-de-chaussée sont décorées de faux lambris et leur plafond porte des corniches et des rosaces en staff. Le sol de la cuisine, de la véranda, de la loggia et de la salle de bain reçoit un "carrelage céramique à dessin premier choix avec motifs placés à la main". Le vestibule est carrelé de marbre blanc. Le salon et la salle à manger sont parqueté en chêne posée au point de Hongrie dans les deux salles à manger et le bureau, en chêne à l'anglaise au premier étage et en sapin à l'anglaise au second. Toutes les huisseries, intérieur comme extérieur, sont en chêne et les baies sont toutes fermées par des persiennes mécaniques à manivelles. L'escalier principal est en chêne avec une rampe composée de barreaux en fer et une main courante en merisier mais la première marche est en pierre et la balustrade de départ ornée avec une boule de cristal. Toutes les pièces ont une cheminée en marbre blanc, "Pompadour au rez-de-chaussée et à modillons au premier étage". Elles bénéficient également du chauffage central, et la lumière électrique est installée dans toutes les pièces, y compris les caves et le grenier.

Le projet de l’architecte : les plans

Les plans montrent une maison inscrite dans un rectangle. La partie gauche de la maison est légèrement en retrait car l'espace à l'avant de la maison est occupé au rez-de-chaussée par une loggia et au premier étage par un balcon. La partie gauche semble donc former un léger avant-corps. Seules les pièces techniques (WC, arrière-cuisine) forment une excroissance sur le côté droit et sur l'arrière de la maison. Le plan est très classique avec des pièces disposées de part et d'autre d'un grand couloir central traversant. Le palier qui accueille le départ des escaliers tournants à volées droites est situé à droite du couloir, à peu près au centre de la maison. Au rez-de-chaussée se trouvent à droite une petite salle à manger et la cuisine puis l'arrière-cuisine, et à gauche un bureau-salon qui communique avec une grande salle à manger qui à son tour ouvre sur une "vérandah" (sic).

A l'étage la partie gauche est occupée par trois grandes chambres auxquelles on accède directement par le couloir, et à droite par une grande chambre puis, de l'autre côté du palier, par une lingerie et une salle de bain.

Le grenier mansardé est compartimenté en pièces dont la disposition se superpose à celle du premier étage.

Le projet de l’architecte : les élévations

La maison est construite sur cave et compte un rez-de-chaussée surélevé auquel on accède par un grand degré situé au centre de la façade, un étage carré et un étage de combles.

Les élévations sont différentes sur chaque façade. La façade principale est ordonnancée à travées. La travée de gauche s'achève par un grand fronton-pignon couvert par un toit à longs pans s'achevant par une croupette, celle du milieu par une petite lucarne en pavillon et celle de droite par une grande lucarne. Toutes les baies ont une forme cintrée et présentent un linteau souligné par des rangées de briques posées de champs interrompu en son centre par une agrafe et des jambages en chaine harpée, motif que l'on retrouve également aux angles de l'avant-corps. Les trumeaux ainsi que le soubassement sont en meulière. Enfin, la loggia fermée par une balustrade et couverte par une terrasse finit d'animer la façade. Cette partie de la maison a fait l'objet d'une autre proposition non retenue. Elle montrait une loggia couverte en appentis (et donc sans terrasse), avec des piliers de soutènement et un remplage de la balustrade reprenant la forme de troncs branches d'arbres.

Toutes les autres façades conservent un soubassement en meulière et une chaîne harpée en ciment aux angles mais elles sont enduites d'un crépi tyrolien, que l'architecte appelle "mouchetis trois couches posé au balai". Les formes des baies sont identiques à celles de la façade principale mais elles sont plus petites et les jambages sont droits sans effet décoratif. Les façades ne sont plus organisées en travées mais conservent cependant une organisation symétrique par rapport à un axe central.

A l'arrière de la maison se trouvent à gauche un jardin d'agrément et à droite un jardin potager.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 20e siècle, 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1922, daté par source
    • 1926, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Wigniolle Anatole
      Wigniolle Anatole

      Le timbre sur les dossiers de dommages de guerre de la ville de Bapaume précise : "Architecte, diplômé de l'école spéciale d'architecture ET expert agrée par le tribunal. 28 bis rue des Teinturiers - Arras."

      Il est l'un des architectes de la coopérative de reconstruction n° 2 de Bapaume, baptisée "Groupement d'isolés" et fondée en février 1923.

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      architecte attribution par source

La maison est située au fond de la parcelle dans l'axe du portail d'entrée. Elle est précédée par une grande cour pavée scandée de petits espaces gazonnés. A l'arrière se déploie un grand jardin laissé à l'abandon.

Elle est construite sur cave et compte un étage carré et un étage de combles. A l'avant comme à l'arrière de la maison, on accède au rez-de-chaussée surélevé par un degré droit. Un dernier escalier extérieur à volées doubles permet d’accéder directement à l'arrière-cuisine.

Les façades sont harmoniques, c'est à dire que la disposition et la fonction des pièces se lisent sur la façade. C'est particulièrement le cas de celle latérale droite où les étroites fenêtres superposées qui éclairent la cage d'escalier sont insérées dans le même jambage et surmontent les deux petites fenêtres géminées qui éclairent les sanitaires. C'est aussi le cas sur la façade arrière avec la grande baie de droite qui correspond à la véranda.

Le corps principal est couvert par deux toitures à longs pans perpendiculaires entre elles et s'achevant par des demi-croupes. Les pièces techniques formant avant-corps sont couvertes en appentis. Tous les épis de faîtage sont différents et celui en forme d'ananas qui achève le toit à l'arrière de la maison est particulièrement remarquable.

La maison semble avoir été édifiée selon les plans dressés par l'architecte et peu modifiée depuis. Quelques différences apparaissent cependant. Il n'y a pas de petite lucarne pour achever la travée centrale de la façade principale de la maison. La couverture est constituée de tuiles plates rectangulaires et non en écaille. Tous les linteaux des baies, y compris ceux de la façade principale initialement prévus en brique, sont en béton enduit couleur pierre. Enfin, les façades latérales et arrières sont aujourd'hui recouvertes d'un enduit lisse et non pas moucheté.

Cependant, s'agissant d’une propriété privée, l’intérieur actuel de la maison n’a pas été étudié. Il n’est donc pas possible de savoir si la construction s’est faite conformément aux plans de l’architecte, ni si cette dernière a été modifiée par la suite.

  • Murs
    • brique enduit d'imitation
    • crépi moucheté
    • calcaire parement
  • Toits
    tuile en écaille, bitume
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • terrasse
    • toit à longs pans demi-croupe
    • pignon couvert
    • noue
  • Représentations
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • AD Pas-de-Calais. Série R ; 10R9/7. Dommages de guerre. Secteur de Bapaume. Dossier 90. Bouchez-Vasseur Prosper. Habitation, maisons ouvrières, commerce et dépendances. Devis, marchés, fiche de renseignements, conventions d'acompte, procès-verbal de réception définitive, compte de mitoyenneté, métrés des travaux, plans.

    Liste des documents figurés utilisés dans la notice villa :

    - Propriété de Mr Bouchez à Bapaume - n°5 : façade principale. Daté et signé par Wigniolle, architecte, et P. Bouchez, propriétaire, le 25 juillet 1922.

    - Propriété de Mr Bouchez à Bapaume : façade principale. Ni signé, ni daté.

    - Propriété de Mr Bouchez à Bapaume - n°9 : façade latérale gauche. Daté et signé par Wigniolle, architecte, et P. Bouchez, propriétaire, le 9 août 1922.

    - Propriété de Mr Bouchez à Bapaume - n°2 : plans du rez-de-chaussée et du premier étage. Daté et signé par Wigniolle, architecte, et P. Bouchez, propriétaire, le 20 avril 1922.

    - Propriété de Mr Bouchez à Bapaume - n°4 : coupe transversale. Daté et signé par Wigniolle, architecte, le 2 mai 1922.

    Liste des documents figurés utilisés dans la notice chais, entrepôts, magasins :

    - Propriété de Mr Bouchez - Vasseur, route de Péronne à Bapaume (P.-de-C.). Bâtiment côté droit de la cour : façade sur cour, plan, coupes suivant AB et CD. Daté et signé par Wigniolle, architecte, le 23 janvier 1922.

    - Propriété de Mr Bouchez à Bapaume. Magasin à essence : plans de la cave et du rez-de-chaussée, coupe, façade sur et façde sur cour. Daté le 15 janvier 1923.

    - Propriété de Mr Bouchez - Vasseur, route de Péronne à Bapaume (P.-de-C.). Bâtiment côté gauche de la cour : façade sur cour, plan, coupe suivant AB. Daté et signé par Wigniolle, architecte, le 27 juin 1921.

    - Propriété de Mr Bouchez - Vasseur, route de Péronne à Bapaume (P.-de-C.). Magasin de détail et logement : façade sur rue, façade sur cour, coupe transversale, coupe sur la devanture. Daté et signé par Wigniolle, architecte, le 29 juin 1921.

    - Propriété de Mr Bouchez - Vasseur, route de Péronne à Bapaume (P.-de-C.). Magasin de détail et logement : plans du rez-de-chaussée et du premier étage. Daté et signé par Wigniolle, architecte, le 29 juin 1921.

    - Propriété de Mr Bouchez - Vasseur, route de Péronne à Bapaume (P.-de-C.). Détail de la buanderie et du chenil : façade de la buanderie, coupe sur AB, coupe sur CD, coupe sur ET, plan. Daté et signé par Wigniolle, architecte, le 21 septembre 1922.

    - Propriété de Mr Bouchez à Bapaume. Bâtiment de garages, bureaux, magasin : plan. Daté et signé par Wigniolle, architecte, le 11 juillet 1928.

    - Propriété de Mr Bouchez à Bapaume. Bâtiment de garages, bureaux, magasin : coupe, façade sur jardin. Daté et signé par Wigniolle, architecte, le 12 juillet 1928.

    Dossier 90. Bouchez-Vasseur Prosper. Habitation, maisons ouvrières, commerce et dépendances. Devis, marchés, fiche de renseignements, conventions d'acompte, procès-verbal de réception définitive, compte de mitoyenneté, métrés des travaux, plans.

Bibliographie

  • ROUSSEL, Olivier. Bapaume et son canton - Mémoire en images. Saint-Cyr-sur Loire : Éditions Alan Sutton 2005.

    p. 122
Date(s) d'enquête : 2018; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Girard Karine
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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