Dossier d’œuvre architecture IA59002066 | Réalisé par
Oger-Leurent Anita
Oger-Leurent Anita

Chercheur au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.

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  • inventaire topographique, Condé-sur-l'Escaut
Église paroissiale Saint-Wasnon
Œuvre repérée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté d'agglomération Valenciennes Métropole - Marly
  • Commune Condé-sur-l'Escaut
  • Lieu-dit Condé-sur-l'Escaut centre
  • Adresse place Verte , place Saint-Wasnon
  • Cadastre 1826 D1 338  ; 1875 D2 343  ; 2010 AR 330

Trois expertises menées en 1749 et 1750 avaient conclu à la nécessité de détruire l'église paroissiale Saint-Wasnon élevée à l'angle de la place Verte, dont le centre était occupé par la collégiale Notre-Dame.

Cette église était construite en grès, brique et pierre calcaire. Elle comportait un vaisseau principal couvert par un berceau lambrissé, flanqué au sud-est par un bas-côté couvert en appentis, et au nord-ouest par un vaisseau d'une hauteur un peu moindre que celle du vaisseau central et couvert par une toiture indépendante. Ce vaisseau avait, en 1715, succédé à un bas-côté ; la datation du vaisseau principal n'a pas été établie dans le cadre de cette étude (XVIe siècle ?). Une tour-clocher hors-œuvre avait été édifiée en 1608-1611 et sommée d'une flèche de charpente en 1620-1621. Seule cette tour-clocher fut, en 1749, jugée dans un état qui n'imposait pas sa démolition.

Alors que, sur le plan religieux, la paroisse relevait du chapitre collégial, l'entièreté des dépenses, estimée par les experts à 53 200 livres de France en 1750 (soit 48 400 florins), revenait à la ville. Sur la base d'un accord conclu en 1751, le chapitre accepta cependant de prendre à sa charge la moitié des frais de construction du chœur et de la sacristie. La clôture des comptes, en 1770, arrêta un coût de travaux de 107 600 florins que la ville couvrit par la location de terres, les revenus d'un octroi concédé sur la bière, le vin, et le recours à l'emprunt. Le prince de Emmanuel de Croÿ (1718-1784), seigneur de la ville, jouant de sa position à la Cour et de ses relations avec les intendants du Hainaut négocia lui-même et de la manière la plus favorable le montant et les intérêts de l'octroi et de l'emprunt. À la fin de l'été 1750, un plan fut commandé au frère Louis de Saint-Joseph, carme déchaux de Valenciennes (?- 1780 ou 1781). Il proposa un parti à l'économie : un plan allongé comprenant une nef de cinq travées flanquée de bas-côtés et un chœur de deux travées droites clos par une abside semi-circulaire. La nef aurait comporté de grandes arcades à colonnes d'ordre dorique portant des arcs en plein cintre et un couvrement par une voûte en berceau plein cintre.

À la fin de l'année 1750 ou au tout début de 1751, le prince de Croÿ, très investi dans le projet, adressa le projet du frère Louis à l'intendant qui lui suggéra de le soumettre à l'architecte Pierre Contant d´Ivry (1698-1777). Celui-ci critiqua la conception architecturale et émit des doutes quant à sa solidité. Le prince le pria de reprendre les plans. Le 15 mars 1751, Contant d'Ivry transmit ses dessins et les accompagna d'une "réflexion" sur le parti adopté. Une discussion s'engagea avec le frère Louis et un consensus se dégagea quant au parti et à la conduite du chantier.

Le nouveau plan reprenait l´essentiel des propositions du frère Louis, la principale modification étant l'adoption d'une platebande reliant les colonnes en lieu et place des arcs. Si cette proposition, à l'hiver 1750-1751, en était de Contant d'Ivry, la décision revint au prince qui, parmi les plans soumis par l´architecte se décida "pour ceux qui approcheraient le plus de la chapelle de Versailles".

La question de la difficile coexistence d'une tour avec une façade à la romaine fut contournée avec pragmatisme : la tour de l'église bâtie hors-œuvre pouvait être reliée à la nouvelle église par la sacristie et traitée comme un campanile. Contant d'Ivry publia en 1769, dans le recueil de ses Œuvres d'architecture, un Projet proposé pour le portail de l´église St Wasnon à Condé en Flandres qui ne correspond pas à la façade réalisée. Dérivée des façades à l´italienne à deux niveaux couronnés par un fronton, l´élévation projetée était remarquable par le creusement de la travée centrale, développé sur les deux niveaux. Cette publication semble faire de ce projet le favori de l'architecte. Cependant la réalisation fut plus canonique, par l'emploi de la superposition des ordres et l'équilibre rigoureux des horizontales et des verticales. Il est probable que s'exprima là le goût du prince de Croÿ.

La construction fut rapide. Le prince s'était déclaré "à la tête de tout le détail de ces ouvrages", confiés au suivi du frère Louis. Du reste, Contant d'Ivry ne passa à Condé que la seule journée du 20 décembre 1754. La démolition de l'ancienne église se déroula de la fin de l'année 1750 au début de 1751. La pose de la première pierre eut lieu le 27 mai 1751. À la fin de l'année 1753, l´édifice était couvert. Les travaux de sculpture les plus délicats tel le traitement des chapiteaux furent confiés au valenciennois Antoine Gilis (1702-1781). La bénédiction eut lieu le 21 décembre 1755.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la mise en peinture polychrome de l'élévation intérieure et la pose de verrières colorées altérèrent le parti d'origine de clarté et de bichromie (noir et blanc). Les autres travaux menés sur l'édifice aux XIXe et XXe siècles peuvent être considérés comme des restaurations ; ils sont principalement dus aux architectes Deleau (1810-1822), Alexandre Grimault (1848-1855), Louis Dutouquet (1860-1897), Henri Armbruster (1929-1930).

L´église comporte trois vaisseaux longitudinaux : un vaisseau central poursuivi par une abside semi-circulaire, des bas-côtés terminés par des murs plats à l´extérieur mais cintrés à l'intérieur.

La tour hors-œuvre, de plan carré, est flanquée de contreforts d'angle placés en équerre. Elle est couverte par une flèche octogonale terminée par un bulbe et accompagnée sur ses angles de quatre petites flèches de même dessin.

Le gros-œuvre est constitué, au-delà des premières assises de grès, d'un appareil mixte de brique et pierre calcaire blanche.

Le premier niveau de l'élévation de la nef est constitué d´une colonnade d'ordre ionique dont les colonnes sont reliées par des platebandes. Le premier niveau du chœur est scandé par des pilastres cannelés. Un entablement précède l'étage clair. Le voûtement consiste en une succession de voûtes en pendentifs, d'un profil déprimé dans les bas-côtés.

Le grès est employé pour le soubassement. La brique constitue l'essentiel de la maçonnerie y compris celle des voûtes appareillées. La pierre calcaire blanche d'Avesnes-le-Sec et Hordain a été retenue pour les encadrements, bandeaux et corniches des façades latérales et l'ensemble de la façade occidentale. On la retrouve à l'intérieur pour les pilastres du chœur et pour les éléments de supports horizontaux : platebandes de la colonnade et des bas-côtés, renforcées de tirants. Des ancrages et chaînages de fer raidissent tout l'édifice. La pierre calcaire "bleue" de Marbaix est utilisée pour les colonnes, leurs bases et chapiteaux. Toute l'élévation intérieure, originellement blanchie à la chaux à l'exception des colonnes relevées d'une "coloration" foncée, est revêtue d'une peinture polychrome.

La façade à la romaine s'élève sur deux niveaux articulés de pilastres d'ordre dorique au premier niveau, ionique au second. Le portail d'entrée est cantonné de colonnes cannelées en calcaire gris provenant de Bavay, qui supportent un entablement et un fronton curviligne. Deux baies éclairent les bas-côtés. L'étage supérieur correspond à la partie haute de la nef ; il ne comprend qu´une travée éclairée par une baie et est couronné d´un fronton triangulaire. Des ailerons à volutes assurent la transition visuelle entre les deux niveaux. Des pots-à-feu sont placés en amortissement. L'inscription gravée sous l'entablement du portail est apocryphe.

  • Murs
    • brique
    • calcaire
    • grès
    • appareil mixte
  • Toits
    ardoise
  • Plans
    plan allongé
  • Étages
    3 vaisseaux
  • Couvrements
    • voûte en pendentifs
    • en brique
  • Couvertures
    • toit à longs pans
    • appentis
    • flèche polygonale
    • bulbe
    • croupe
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections
    classé MH, 1978/12/29
  • Précisions sur la protection

    L'église (cad. D 359) : classement par arrêté du 29 décembre 1978.

  • Référence MH

Proposé par Contant d´Ivry et adopté le prince de Croÿ pour sa référence à la chapelle de Versailles, le choix d´un parti intérieur associant colonnade et platebande relevait aussi de la réflexion théorique sur le rôle et la forme du support dans l´architecture, réactivée dans les années 1750. Au cœur de cette problématique qui s´infléchit vers une attention portée aux édifices paroissiaux, mais aussi dans l´œuvre de Contant, Saint-Wasnon de Condé était à ce titre une réalisation expérimentale. L´architecte ne reprit le principe de cette élévation qu´à la fin de la décennie 1750, dans le projet pour l´église paroissiale de La Madeleine, à Paris ; puis entre 1771 et 1774, dans les plans présentés pour l´abbatiale de Saint-Vaast d'Arras, actuelle cathédrale. Ces programmes architecturaux illustrèrent magistralement tout l´effet que Contant était capable de tirer de l´association des colonnes et de l´entablement dans des édifices d´une tout autre ampleur, et d´un autre esprit que l´église de Condé. Dans celle-ci en effet, la colonnade, déjà présente dans le projet du frère Louis, relève aussi d´une tradition régionale ininterrompue depuis le Moyen Âge, pour laquelle prime la recherche des effets de rythme et de verticalité. La platebande qui unit les colonnes de Saint-Wasnon propose à la colonnade septentrionale un nouveau sens, celui d´une modernité nourrie de culture antiquisante. L´église Saint-Wasnon de Condé apparaît donc comme une œuvre qui synthétise harmonieusement les traditions régionales, les apports d´un classicisme issu de l'italianisme et les prémices du néo-classicisme. Peut-être y lit-on les parts respectives du frère Louis, du prince de Croÿ et de Contant d´Ivry. Les deux premières ne doivent pas être mésestimées à l´avantage exclusif de l´architecte parisien. La marge de manœuvre de Contant était réduite. Il avait pour consigne de s´accommoder d´un cadre financièrement contraint et des options architecturales déjà posées de concert par le frère Louis et le prince de Croÿ, et s´y adapta avec réalisme.

Documents d'archives

  • AD Nord ; C 6995 (construction) : 2O 151 87 à 94, 306 (travaux d'entretien, restauration) ; 1Q ; 2Q ; 1T.

  • AC Condé-sur-l'Escaut ; DD 20, DD 23 (construction) : K7, K8, 2M4.

Bibliographie

  • Journal inédit du duc de Croÿ (1718-1784) [en ligne] / publié, d'après le ms. autographe conservé à la bibliothèque de l'Institut, avec introd., notes et index par le Vicomte de Grouchy et Paul Cottin. Paris : E. Flammarion, 1906-1921.

  • JOUDIOU, Gabrielle. Pierre Contant d´Ivry, Édifices religieux. In Chevotet Contant - Chaussard, un cabinet d'architectes au siècle des Lumières. Délégation artistique de la ville de Paris ; sous la dir. de Jean-Louis Baritou et Dominique Foussard ; [par Bernard Chevallier, Gabrielle Joudiou et Laurence Baudoux]. Lyon : la Manufacture, 1987.

    Publié à l'occasion de l'exposition présentée par la Société d'histoire et d'archéologie de Gonesse et du pays de France à Condé-sur-l'Escaut en 1984, à à Sarcelles, Montsoult, Luzarches et Gonesse en 1985, puis à Paris, Valenciennes et Arras. - Bibliogr. p. 241-248

    pp. 153-157.
  • KRETZSCHMAR, Franz Joachim. Pierre Contant d´Ivry, Ein Beitrag zur französischen Arkitektur des 18. Jahrhunderts. Cologne : Université de Cologne, 1981.

  • OGER-LEURENT, Anita. L´Église Saint-Wasnon de Condé-sur-l´Escaut (1750-1770)  ; L´Hôtel de ville de Condé-sur-l´Escaut (1773-1785). In Congrès archéologique de France, n°169 : Nord, Lille, Tournai (Actes du Congrès archéologique de France, Nord, mai 2011). Paris : Société Française d'Archéologie, 2013 (Congrès archéologique de France, ISSN 0069-8881 ; 169). ISBN 978-2-901837-95-4.

  • PLATELLE, Henri. La Construction de l´église de Condé-sur-Escaut, 1751-1755. [s.l.] : s.d. [ca 1951].

Périodiques

  • FOUSSARD, Dominique. De Vauban à Chaussard : heurts, circuits et compétition de modèles architecturaux allogènes et autochtones en terre flamande. Revue du Nord, oct.-déc. 1986, t. 68, n°271.

    pp. 769-790.
  • JOUDIOU, Gabrielle. Saint-Wasnon et Saint-Vaast, Deux remarquables églises de Contant d´Ivry, Revue du Nord, oct. déc. 1986, t. LXVIII.

    pp. 835-858.

Documents figurés

  • "Projet proposé pour le portail de l'église St Vannon [sic] à Condé en Flandres, dont l'église a été exécutée sur les desseins de l'auteur", élévation de la façade, projet non réalisé, par P. Contant d´Ivry (Bibliothèque des Arts décoratifs, Paris).

Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2004, 2024
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Oger-Leurent Anita
Oger-Leurent Anita

Chercheur au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.

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