L'histoire de la prévôté repose sur deux notices historiques fort bien documentées et sourcées (DELVILLE, 2004 ; Club d'Histoire de Beuvry (CHB), 2021). Ces dernières permettent de suivre chronologiquement l'évolution du site et de ses occupants depuis les origines jusqu'à aujourd'hui.

Une fondation du XIIe siècle

Signé du pape Pascal II, un premier document de 1107 confirme la possession de la chapelle de Gorre et des biens qui en dépendent à l'abbaye royale de Saint-Vaast d'Arras (et la communauté de religieux bénédictins qui s'y installent). Dom Sedeman est le premier religieux placé à la tête de cette prévôté. Il obtient en 1120 pour son prieuré les reliques de saint Gatien. On compte après lui cinquante-cinq prévôts jusqu'à Boniface Lallard (1722), qui est le dernier titulaire résidant. Les revenus de la prévôté s’élèvent alors à 7 000 livres assis sur une trentaine de villages des environs. La prévôté perçoit aussi un droit de péage au profit du seigneur de Beuvry, auquel appartient un moulin sur la Loisne. Ce péage est supprimé en 1752 (HAIGNERÉ, 1853, pp. 244-251).

Une restructuration au XVIe siècle

La prévôté subit les ravages de la guerre entre le roi de France François Ier et le roi d’Angleterre Henry VIII au début du XVIe siècle comme l'atteste un document de 1526 : "entérinement par Pierre Markais, lieutenant général du gouverneur des bailliages d'Arras, commissaire de l'empereur Charles Quint, des lettres de sauvegarde obtenues par les religieux de Saint-Vaast à l'occasion des excès, forces et violences qu'ils ont soufferts en leur prévôté de Gorre" (CHB op. cit., 2021, p. 11). Du 30 septembre au 31 octobre 1578 les religieux se réfugient à Béthune en raison de troubles alentours (ibid., p. 14). En 1588, Dom Sarrazin, abbé de Saint-Vaast, approuve la construction de fenêtres autour du clocher de la prévôté afin de restaurer cette partie de l’ensemble pour servir de guet en cas de danger. En 1589, il fait construire la nef de l'église en grès, tout comme le corps du logis qui est édifié à la même période. Les maçonneries des bâtiments attenants sont quant à eux "mêlés de briques et pierres" (CHB op. cit., 2021, p. 11). Enfin, il fait également restaurer le grand portail d'entrée. Pierre de Rincheval, ancien prévôt d'Haspres, prend la direction de la maison en 1590. Son blason est visible sur la clé de voûte de l'une des portes de la ferme.

Une vue de la prévôté du début XVIIe siècle

La première illustration conservée de la prévôté de Gorre est issue d'un dessin à la gouache des albums de Croÿ (DUVOSQUEL, 1997, volume 17, Comté d'Artois I, pl. 56) datée entre 1605 et 1611. Si le dessin ne détaille pas précisément l'organisation du bâti, elle permet d'observer l'implantation du site dans son milieu et la présence de fossés en eau, alimentés par la Loisne, qui enserrent la prévôté. Un pont enjambe le cours d'eau et permet d'accéder à un double système de porterie. À droite et à gauche de la cour sont représentés les bâtiments de la ferme dont une grange, un colombier coiffé en bâtière. Au fond se présente un grand logis d'une dizaine de travées sur deux ou trois niveaux, quatre portes au rez-de-chaussée, deux tours rondes de trois niveaux coiffées en poivrière. Enfin, l'église est représentée en fond de paysage. Les matériaux visibles ici sont essentiellement le grès et la brique pour les élévations, la tuile et l'ardoise pour les couvertures.

La guerre franco-espagnole éprouve la région entre 1640 et 1648. Elle n'épargne ni la paroisse ni le domaine (CHB, op. cit., 2021, p. 17). Toutefois, la liste des dégâts subis n’a pas été retrouvée.

Le plan de 1682 (cf. Référence documentaire)

L'aquarelle de Louis Hugo, maître arpenteur, réalisée en 1682 à la requête de Jacques de Beauvoir (prévôt de Gorre), permet de se faire une idée un peu plus précise de l'organisation spatiale du site, déjà évoquée par le dessin gouaché des albums de Croÿ au début du XVIIe siècle. On y retrouve le double système d'entrée avec une allée pavée et la disposition connue des bâtiments avec des ajouts sur les axes de circulation interne (allées pavées) et une précision à propos des matériaux employés (le bois) pour les bâtiments agricoles (voir document en ligne, "Notice historique sur la Prévôté de Gorre", pour de plus amples précisions).

Au début du XVIIIe siècle, une nouvelle période de troubles en lien avec les guerres de la Succession d'Espagne (1701-1714) et le siège de Béthune (1710) impacte indirectement la prévôté. En 1708, une partie des habitants et le curé de Beuvry se réfugient à Béthune.

Le plan de 1715 (cf. Référence documentaire)

Cette nouvelle gravure, dont l'auteur reste inconnu, détaille et précise les éléments développés dans le plan de 1682 sur l'organisation spatiale du domaine, l’implantation et l'usage des différents bâtiments et différentes parcelles du domaine. En outre, elle permet d'observer le réseau hydrographique alentour en lien avec La Loisne et les deux fossés qui enserrent le site.

Les reconstructions de 1740

Les archives permettent de confirmer le mauvais état des bâtiments de la prévôté et essentiellement de l'église qui "tombe en ruines" en 1732 (CHB, op. cit., 2021, p. 4). Le grand prieur de l'abbaye Saint-Vaast d'Arras, Dom Aycard Desvignes, prend alors les mesures nécessaires pour reconstruire totalement le domaine en faisant table rase des constructions anciennes. Les travaux débutent en 1733. En 1737, Dom Gilles Cuvelier, maître des ouvriers de l'abbaye de Saint-Vaast, entreprend les travaux de reconstruction de la prévôté sous les ordres du grand prieur. Le détail de la reconstruction (types, dispositions, usages) n'est cependant à ce jour pas détaillé. Seul le cadastre de 1833 permet d'envisager l'organisation spatiale (cf. infra). Les travaux s'achèvent principalement en 1740 (date présente sur une clé de voûte en grès) même si quelques documents attestent une continuité des travaux jusque 1747. La clé de voûte sculptée des armes de Jean Sarrazin est réemployée dans la reconstruction de la porte cochère, côté cour. C'est à cette période que sont édifiés également les nouveaux bâtiments agricoles dont une partie est encore aujourd’hui conservée sur le site. Il est intéressant d'observer que de nombreux matériaux, dont le grès, sont réemployés directement sur place. À noter : la date de 1725 gravée sur la poutre côté cour du passage couvert. Cette date ne semble pas reliée à un événement particulier connu à ce jour et semble utilisée en réemploi.

La vie du prieuré prend fin à la Révolution de 1789. La prévôté est en effet saisie et vendue comme bien national en 1791 au citoyen Henri-Joseph-Aimé Gosse, avocat à Arras. Il y fait bientôt construire un château pour s'y installer avec sa famille. C'est à cette période que la tour porche reçoit les deux cartouches architecturés qui reprennent les armoiries de la famille des Gosse de Gorre portant « d'azur à la croix de Malte d'argent et quatre roses de même ».

Le cadastre napoléonien de 1833

Ce plan permet d'observer un état intermédiaire d'avant-guerre. L'accès au site se réalise encore par un pont qui enjambe un fossé en eau. L'ensemble bâti présente une forme en U ouvert au nord-ouest avec quelques bâtiments répartis autour d'une cour centrale. En complément, la notice parue dans le Bulletin de la Commission des Antiquités départementales de 1869 (CARDEVAQUE, 1869) permet de constater qu'il ne reste que fort peu de choses de l'ancienne construction de l'église ou de la maison conventuelle.

Nous ne disposons pas de données entre 1833 et le début de la Première Guerre mondiale.

La Première Guerre mondiale

Le château sert un temps de quartier-général et d’hôpital pour les troupes anglaises. Un cimetière militaire est créé dans une enclave du bois de la propriété du château. Les unités britanniques tiennent le secteur jusqu’en avril 1918 et Gorre est alors un poste de soutien derrière la ligne de front. Au sortir de la guerre, les dégâts sont considérables. Le château des Gosse de Gorre est entièrement détruit. L'ensemble du bâti XVIIIe siècle est sévèrement touché comme le montre une carte postale d'après-guerre qui représente la façade avant de l'actuelle porterie. La tour porche se trouve étêtée de son tiers supérieur. L'ensemble des charpentes et toitures est détruit. Le bâtiment sud-est est à terre et le bâtiment sud-ouest est lourdement endommagé.

Il ne subsiste donc après-guerre qu'une partie congrue de l'ancien bâti XVIIIe siècle : la tour porche, et les bâtiments agricoles qui lui sont accolés ainsi qu'une portion du bâtiment sud-ouest.

Le site sera revendu en l'état à des exploitants agricoles dont la famille Chavatte (à partir de 1937) qui entreprend la remise en état du corps de façade. Cette reconstruction comprend la mise en place d'une dalle béton sur l'ensemble des sols de l'étage sous combles ainsi que la réfection complète des charpentes et des toitures (avec menuiserie en chien-assis). Le bâtiment sud-ouest, dont le pignon donne sur la façade, est drastiquement réduit dans sa longueur et ne conserve que sa partie la moins impactée (murs gouttereaux). Le mur pignon situé côté cour n'est donc pas originel. Il est dressé au XXe siècle afin de clôturer un nouveau module d'habitation.

Le site est ensuite acheté par la commune de Beuvry pour y implanter le "Parc de la Prévôté" : espace dédié à la découverte de la nature. Un bâtiment neuf est construit au nord-est du site afin de recevoir les différentes activités du domaine.

Le bâti ancien reste désaffecté mais un ancien module d'écurie accueille actuellement un atelier de sculpteur (2023).