Dossier collectif IA99000038 | Réalisé par
Laget Pierre-Louis (Rédacteur)
Laget Pierre-Louis

Né en 1950 en Algérie. Titulaire d’un doctorat en médecine - thèse soutenue en 1995 : « Histoire et architecture des amphithéâtres d’anatomie et des salles de dissection à Paris sous l’Ancien Régime » -, d’un certificat de médecine tropicale-santé dans le monde, d’une licence de langue et civilisation arabe, enfin d’un D.E.A. d’histoire de l’art soutenu en 1999 : « Histoire des locaux destinés à l’enseignement de l’anatomie dans les institutions parisiennes : de la création de l’École de santé de Paris à la construction du premier institut d’anatomie (1794-1832) ».

Après sa réussite au concours de conservateur du patrimoine en juin 1985, Pierre-Louis Laget a occupé de 1985 à 2017 un poste de chercheur dans le service de l’Inventaire de la Région Nord-Pas-de-Calais (puis Hauts-de-France).

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  • enquête thématique régionale, patrimoine hospitalier du Nord - Pas-de-Calais
  • patrimoine hospitalier
Les hôpitaux généraux du Nord et du Pas-de-Calais
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    hôpital général
  • Aires d'études
    Nord - Pas-de-Calais

Pour des raisons sociales et économiques complexes – accroissement démographique non accompagné d’une croissance économique de même amplitude, inflation sans précédent dans l'histoire de l'économie européenne qui résultait d'un afflux massif et au surplus sur une période assez courte de métaux précieux en provenance des Amériques –, les pays d’Europe se trouvèrent confrontés, à partir du second tiers du XVIe siècle, à un développement du paupérisme et corrélativement de celui de la mendicité. L’ampleur du phénomène finit par amener les autorités publiques à se décider à prendre des mesures urgentes pour atténuer la misère, lesquelles consistèrent en un premier temps à distribuer des secours aux plus nécessiteux. De grands décalages existent cependant entre les mesures prises d'une ville à l'autre, puis d'un État européen à un autre. Cependant ce furent le plus souvent les administrations municipales qui furent véritablement motrices en ce domaine et non les autorités étatiques dont elles dépendaient qui ce contentèrent d'étendre à posteriori, à l'ensemble du territoire placés sous leur souveraineté, les mesures législatives édictées par les villes.

Ce fut, semble-t-il, la ville de Nuremberg, dans le Saint Empire romain germanique, qui inaugura une telle politique d’assistance, et ce dès 1522. En janvier 1525, la ville de Zurich, en Suisse, légiféra à son tour sur la manière de secourir ses pauvres dont la contrepartie était la proscription de la mendicité. En décembre de la même année 1525, ce fut au tour de la ville d’Ypres, dans les Pays-Bas, d’édicter des règlements similaires. L’ouvrage de l’humaniste espagnol Juan-Luis Vivès, De subventione pauperum, sive de humanis necessitatibus, publié à Bruges, en mars 1526 (réédité à Paris en 1530, puis à Lyon en 1532), contribua alors, par sa théorisation, à promouvoir les conceptions qui présideraient à l’adoption de ce système d’assistance et à sa généralisation progressive. Juan-Luis Vivès prônait une organisation des secours gérée localement par les autorités municipales, assortie d’une obligation, pour les pauvres valides, de travailler.

D’autres cités des Pays-Bas emboitèrent les pas d’Ypres dont l'initiative pionnière en matière d'assistance servit de modèle de référence. Ainsi le Magistrat - c'est-à-dire le corps des échevins - de la ville de Lille commença à jeter, le 3 avril 1527, les bases d'une politique d'interdiction de la mendicité établie en corrélation avec la création d'une bourse commune ou table des pauvres. De son coté la municipalité de Valenciennes imita le dispositif d'assistance qui venait d'être mis en place par son homologue lilloise par l'institution, le 28 mars 1530, d'un organisme de distribution de secours aux indigents appelé Aumône générale. Ces initiatives municipales en matière de secours public dans les Pays-Bas ne tardèrent pas à recevoir l'appui de leur suzerain Charles Quint qui, par son placard du 7 octobre 1531, proscrivit la mendicité sur l'ensemble de ses domaines flamands, hennuyers et brabançons en instituant par ailleurs une taxe dite des pauvres afin de financer la dispensation des secours publics en assurant des revenus réguliers au fonctionnement de la bourse commune des pauvres.

Pareil système de municipalisation de l'assistance ne tardèrent pas à trouver une exacte correspondance sur le territoire du royaume du France où les autorités communales de quelques grosses cités industrieuses instituèrent une administration spéciale pour la distribution de secours aux miséreux et ce sous des appellations diverses : Aumône générale à Lyon en 1531, Bureau des pauvres valides à Rouen en 1534, Grand Bureau des pauvres à Paris en 1544, Aumône générale à Troyes en 1547 avec des statuts calqués sur ceux de l'organisme homologue de Paris, Aumône générale à Amiens en 1573. Les dispositions mises en place par ces diverses institutions d'assistance furent étendues à toute la France en 1566 par les prescriptions de l’article 73 de l'ordonnance de Moulins. Il faut croire que le fonctionnement de ce système était insuffisant sinon défectueux pour parvenir à soulager efficacement la misère. Peut-être aussi les troubles religieux et l'état de guerre endémique de la seconde moitié du XVIe siècle accrurent-ils la précarité au sein de populations déjà fragilisées par la crise économique résultant de l'inflation évoquée plus haut.

Confronté à des afflux réitérés de mendiants en ses murs, l'échevinage de Lyon prit la décision en 1614 de fonder, pour les y enfermer, un hospice dont la première pierre fut posée le 16 janvier 1617 et qui fut désigné localement sous le nom d'hospice de Charité. Le corps des échevins lyonnais s'inspirait de fondations d'établissements destinés à l'enferment et à la mise au travail des pauvres dont l'exemple venait d'être donné à l'étranger tant par des États protestants tels les Pays-Bas avec le Rasphuis (pour les hommes) et le Spinhuis (pour les femmes) d’Amsterdam - tous deux fondés en 1596 -, que par des pays catholiques tels les États pontificaux eux-mêmes avec l'hospice du Ponte Sisto ouvert dès 1587 à Rome par le pape Sixte Quint pour y regrouper les mendiants de la capitale de la chrétienté. D’autres villes françaises se dotèrent à leur tour d’une institution similaire à l'exemple de celle de Lyon : Marseille en 1643, Toulouse en 1647, Angoulême en 1650, Orléans en 1652, Tours en 1656, Blois et Poitiers en 1657, Riom en 1658, Caen en 1659, Limoges en 1660. Dans la plupart de ces établissements, le terme de Charité prévalut pour les désigner compte tenu que Lyon les avait précédé avec sa Charité.

Paradoxalement, la capitale du royaume se trouvait à la traîne dans un mouvement de fondations qui prenait de plus en plus d'ampleur, malgré quelques tentatives sans lendemain du pouvoir royal sous Louis XIII. À Paris, il fallut attendre l'émission de l’édit du mois d’avril couplé avec le règlement du 27 avril 1656 pour que fût prescrite la création d’un établissement calqué sur le modèle de la Charité de Lyon, mais désigné dans la capitale sous la dénomination d’hôpital général. Cette mesure locale fut ensuite étendue à l’ensemble du royaume par la déclaration du 14 juin 1662 qui ordonna d’établir un hôpital général dans chaque ville chef-lieu d’une juridiction royale - tels que parlement, bailliage, sénéchaussée, présidial - ou encore siège épiscopal.

Si ces mesures législatives générales émises par le pouvoir monarchique enjoignaient aux autorités locales - municipales ou provinciales - de fonder des hôpitaux généraux, elles ne leur allouaient pas pour autant les fonds indispensables à la construction desdits établissements et à pourvoir ultérieurement à leur fonctionnement. Il revenait aux autorités locales de réunir ces fonds par l'instauration d'impôts et de taxes nouvelles, notamment des droits d'octroi sur l'entrée des marchandises en ville. Afin de faciliter la tâche aux autorités locales, le pouvoir royal, en octroyant des lettres patentes de confirmation à la nouvelles institution charitable, lui accordait la possession de propriétés sources de revenus réguliers en lui transférant la propriété des biens d'établissements d'assistance en déshérence ou moribonds - ce fut ainsi le cas des maladreries et léproseries qui avaient perdu leur raison d'être par suite de la quasi extinction de l'endémie lépreuse au XVIIe siècle -, mais aussi d'établissements de taille trop réduite pour pouvoir remplir efficacement leur mission de secours. Cela concernait tout particulièrement quantité de petits hôpitaux, hospices et fondations charitables qui s'étaient multipliés, surtout en ville, depuis les derniers siècles du Moyen Âge à l'initiative en général de riches bourgeois ou encore de puissantes corporations de métiers. Lorsque le roi accordait à un hôpital général nouvellement fondé les biens d'établissements d'assistance supprimés, il choisissait de préférence ceux parmi ces établissements qui étaient situés sur le territoire même de la ville bénéficiaire de la fondation ou dans ses environs immédiats, ce qui était en particulier le cas des maladreries qui, bien qu'elles eussent toujours été implantées hors des enceintes des agglomérations desservies, l'avaient été à proximité de ses portes d'entrée principales.

Dans les deux provinces des Flandres et du Hainaut, le mouvement de création des hôpitaux généraux démarra manifestement bien plus tardivement que dans le reste du pays et ce retard relèverait de l'efficience des secours dispensés par ces bourses communes des pauvres - encore appelés tables des pauvres - dont tant la création que l'organisation pérenne remontaient au temps de l'empereur Charles Quint en qualité de comte de Flandre, soit donc près d'un siècle et demi avant l'annexion de ces territoires au royaume de France. La dispensation des secours par la bourse commune des pauvres incombaient aux paroisses et était confiée à un paroissien appelé pauvrisseur. Dans une ville divisée en plusieurs paroisses, il y avait donc autant de pauvrisseurs que de paroisses et eux-mêmes étaient placés sous la tutelle du corps de l'échevinat ou Magistrat, auquel d'ailleurs ils appartenaient souvent car ces pauvrisseurs étaient membres de la notabilité locale. Les ressources nécessaires pour dispenser ces secours provenaient d'un impôt : la taxe des pauvres qui avait été instituée le 7 octobre 1531 par Charles-Quint ainsi que cela a été dit précédemment, et qui était perçue sur l'ensemble des habitants sans distinction et donc sans exemption possible. Plus tard s'y était ajoutée une taxe sur les boissons fermentées, en premier lieu la bière, et l'imposition de cette taxe sur la bière intervint dès 1635 tout au moins dans la province du Hainaut : elle consistait en un droit d'un demi-liard par pot de bière forte cabaretière.

Malgré l'efficience de ce système de dispensation de secours, le besoin de fondation d'hôpitaux généraux, se fit sentir à partir du second quart du XVIIIe siècle. Le caractère impérieux de ce besoin, à une phase déjà avancée du XVIIIe siècle, pourrait résulter de la hausse significative de l'abandon de jeunes enfants et surtout de nourrissons par suite du nombre croissant de conceptions hors mariage, phénomène bien connu des démographes pour le XVIIIe siècle, qui tendit à s'amplifier tout au long du siècle. Le recueil des nourrissons requérait en effet de manière plus impérative que pour les autres catégories d'indigents d'avoir à sa disposition des locaux afin non seulement d'élever dans des conditions satisfaisantes ces enfants - de les allaiter dans le cas de plus jeunes en ayant recours à des nourrices mercenaires -, mais aussi de pourvoir à leur instruction une fois que ceux-ci auraient dépassé le stade de la petite enfance, et ce jusqu'à ce qu'ils eussent atteint leur majorité.

Seul l'hôpital général de Saint-Omer ne s'inscrivit pas dans ce retard général dans le mouvement régional de fondation puisque l’évêque local, Louis-Alphonse de Valbelle, après acquisition en 1699 de l’édifice d'un ancien collège pour y loger l'institution qu'il souhaitait fonder, obtint du roi des lettres patentes, datées du mois de février 1702, portant confirmation de sa fondation. A Dunkerque, après une première tentative avortée de création en 1693 d'un hôpital pour y accueillir des pauvres sous le nom de nouvel hôpital Saint-Julien, la municipalité reprit un projet similaire en 1733 et obtint du gouvernement royal la délivrance des lettres patentes du 22 juillet 1737 sanctionnant la création de l'hôpital général de la Charité qui fut installé dans la maison acquise en 1693 pour la fondation de l'hôpital Saint-Julien. En Flandre française dont la ville de Dunkerque ne relevait pas directement d'un point de vue administratif, la création d'un hôpital général à Lille suivit de fort peu la création de celui de Dunkerque puisque le roi délivra aux échevins lillois des lettres patentes de fondation analogues en juin 1738. Au surplus, afin de pourvoir au bon fonctionnement du nouvel établissement, le roi le dota d'un important patrimoine, source de revenu, par la délivrance des lettres patentes du 2 avril 1744 qui ordonnait que cinquante huit fondations charitables particulières lui fussent réunies. Informé que des mendiants groupés en bandes organisées s'étaient enhardis jusqu'à rançonner des populations dans les campagnes, le gouvernement monarchique remit à l'ordre du jour sa politique de lutte contre la mendicité en émettant le règlement du 12 mars 1750 qui reprenait les stipulations de la déclaration du 18 juillet 1724 enjoignant à la maréchaussée d'arrêter les mendiants valides et de les enfermer en une prison voisine.

Cette législation royale aurait semble-t-il eu pour effet de stimuler les initiatives des autorités locales à qui en incombait l'exécution en leur circonscription particulière. De fait, dans la province du Hainaut, voisine de la Flandre, des lettres patentes de fondation d'un hôpital général furent octroyées par les autorités gouvernementales dès l'année suivante, soit au mois de mars 1751. Cet hôpital général serait établi à Valenciennes, capitale de la province et, en vertu d'une clause de ces lettres patentes, les biens et revenus de l'hôpital Saint-Jacques lui seraient transférés. N'ayant point bénéficié de la constitution, par ses lettres de fondation, d'un riche patrimoine comme cela avait le cas pour Lille, l'hôpital général de Valenciennes manquerait de fonds propres pour pourvoir à ses dépenses de fonctionnement. Aussi l'intendant du Hainaut se résolut-il à lui accorder une source de revenu stable par la création d'une taxe de deux liards par pot de bière forte cabaretière. Ce furent les ressources considérables provenant de cette taxe qui, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, formeraient l'essentiel des revenus de l'établissement permettant ainsi non seulement d'en asseoir solidement le fonctionnement, mais encore d'en financer aisément les travaux d'édification. Une année seulement après Valenciennes, ce fut au tour de la ville de Douai de se voir accorder la délivrance de lettres patentes prescrivant la fondation d'un hôpital général. Ces lettres royaux délivrées le 2 juin 1752, puis enregistrées au Parlement de Flandre le 4 août, prononçaient par ailleurs la réunion à l'hôpital général de Douai des propriétés et revenus de vingt trois hôpitaux et fondations charitables, soit l'ensemble des établissements hospitaliers de la ville hormis l'hôtel-Dieu, ce qui permettait de lui constituer ainsi un riche patrimoine à l'instar de l'hôpital général de Lille. Des lettres patentes furent pareillement délivrées en juin 1752 à la cité de Cambrai pour la création d'un hôpital général. Ces lettres royaux faisaient suite à la publication à Cambrai l'année précédente, soit en 1751, d'un mémoire intitulé Extinction de la mendicité. En conséquence de la création d'un hôpital général, le Magistrat de Cambrai se vit en droit de publier en 1756 une ordonnance municipale proscrivant dorénavant la mendicité en ville.

Les lettres royaux de juin 1752 ordonnaient la réunion à l'hôpital général de Cambrai de plusieurs institutions charitables : la maison des Chartriers, celle des vieilles femmes de Saint-Vaast, la fondation de Saint-Jacques en Boulengrie, la maison des vieux hommes de Saint-Paul, celles respectives des vieux hommes de Saint-Pierre-en-Brève et des vieux hommes de Saint-Eustache, celles respectives des biens communs des pauvres de la ville et des pauvres du marché aux poissons. S'ajouterait en 1754 à ce patrimoine la maison des orphelins. Face à la résistance qu'opposaient certains administrateur des diverses institutions devant être réunies à l'hôpital général, le roi publia le 6 avril 1754 un arrêt du conseil d'État de confirmation des mesures prescrites par les lettres royaux de juin 1752.

Quoique la fondation d'hôpitaux généraux dont le mouvement concerna presque tous les grands États européens, eussent visé, dans l'esprit des autorités tant municipales que gouvernementales, à lutter contre le développement parfois incontrôlable de la mendicité, particulièrement en situation de crise, ces établissements remplirent très vite une fonction bien différente, à savoir celle d'accueil de toutes les personnes chues dans un état de détresse presque incompatible avec leur survie, principalement les personnes situées dans les tranches d'âge aux deux extrémités de la vie - orphelins et enfants abandonnés d'un côté, vieillards et vieilles femmes de l'autre - ainsi que certaines catégories de personnes d'âge mûr ne pouvant guère subvenir à leurs besoins essentiels, tels qu'infirmes, invalides et insensés. Le pouvoir royal tenta certes, par sa déclaration du 18 juillet 1724 relative à la lutte contre la mendicité, de contraindre les hôpitaux généraux à recevoir les vagabonds qui seraient arrêtés par la maréchaussée en vertu de l'application de cette mesure législative. Cette tentative se solda toutefois par un semi-échec, et le pouvoir ne tarda pas à faire marche arrière au bout de trois ans. Aussi, la conception avancée par certains penseurs se situant dans la mouvance du philosophe Michel Foucault, selon laquelle les hôpitaux généraux auraient été les lieux d'un "grand renfermement" des populations déviantes ou simplement marginales, et donc ceux de l'institutionnalisation d'une forme de contrôle social rigoureux, doit-elle être fortement nuancée sinon écartée d'un revers de main.

Dans les hôpitaux généraux supposés avoir été destinés à enfermer les marginaux jugés susceptibles de troubler l’ordre public, les dénombrements par catégorie d’âge des populations accueillies suffisent à eux seuls à infirmer la théorie foucaldienne d’un grand renfermement, sous le règne de Louis XIV tout au moins. La simple observation de la part occupée par les enfants abandonnés est particulièrement démonstrative du fait que cette classe de déshérités ne pouvait inspirer que de la compassion dans une société chrétienne. Or, à hôpital général de Douai, les enfants abandonnés constituaient la majorité des personnes résidentes dans les années 1780 où les chiffres nous ont été conservés ; leur proportion y était alors de soixante pour cent et elle frôla même les soixante-dix pour cent en 1789. De même l’admission au sein de l’hôpital général, des insensés, et ce dès l’origine, pour l’accueil desquels n’existait précédemment aucun établissement spécifiquement dédié, corrobore aussi sa vocation essentiellement charitable.

De fait lorsque, vers le fin du règne de Louis XV, le gouvernement monarchique remit en œuvre une politique de lutte contre la mendicité et le vagabondage avec l'intention ferme d'aboutir cette fois-ci à un résultat, il renonça à mettre à contribution les hôpitaux généraux compte tenu de son échec précédent et, par la promulgation de l'arrêt du Conseil du 21 octobre 1767, il ordonna la création d'un nouveau type d'établissement pour y enfermer les vagabonds : les dépôts de mendicité.

Sous la Révolution, après des velléités d'une réforme générale des secours publics ayant pour finalité avouée de substituer à l'admission des malades ou indigents dans un établissement hospitalier, l'instauration d'un système privilégiant autant que possible les secours à domicile, les hôpitaux généraux furent finalement conservés ainsi que toutes les autres institutions d'assistance. Les hôpitaux généraux se trouveraient toutefois placés dorénavant sous la tutelle des municipalités en vertu des prescriptions de la loi du 16 vendémiaire an V (7 octobre 1796), ce à l'instar des hôtels-Dieu, hôpitaux et hospices, lesquels avaient déjà l'objet d'une quasi municipalisation dans le courant du XVIe siècle. On se borna à rebaptiser ces diverses institutions d'assistance sous le nom d'hospice, le terme hôpital étant tombé en discrédit en raison des critiques virulentes formulées à son encontre au cours des débats qui suivirent le grand incendie de l'hôtel-Dieu de Paris en 1772. Ces mutations institutionnelles demeurèrent cependant sans conséquence tangible sur le type d'admission auquel ces établissements avaient été destinés. Aussi les hôpitaux généraux peuvent-ils être considérés comme les ancêtres des établissements connus sous la dénomination d'hospice au XIXe siècle lesquels s'imposèrent à partir du début de ce siècle comme lieu d'accueil spécifique des vieillards sans ressources et des enfants abandonnés. Une distinction tranchée entre des établissements de soin aux malades, désignés sous le nom de "maison de santé", et des établissements d'accueil pour les enfants abandonnés, les vieillards et les infirmes, désignés sous le nom d'hospice, avait certes été édictée par le décret du 19 mars 1793 ; toutefois ce texte législatif passe pour n'avoir jamais reçu de début d'application. Il n'empêche qu'une amorce de distinction entre hôpitaux et hospices, ce qui se traduisit par leur spécialisation respective, se manifesta dès l'époque du Consulat et de l'Empire quoiqu'il fallût attendre la publication de la circulaire du 31 janvier 1840 portant règlement pour le service intérieur des hospices et hôpitaux, pour que la différence de fonction entre ces deux derniers types d'établissements se trouvât clairement établie, ce qui serait ensuite définitivement entériné par la loi du 7 août 1851 sur les hôpitaux et hospices.

  • Période(s)
    • Principale : milieu 18e siècle, 4e quart 18e siècle

Bibliographie

  • GUTTON, Jean-Pierre. La société et les pauvres en Europe (XVIe-XVIIIe siècles). Paris : Presses universitaires de France, 1974.

  • IMBERT, Jean. Le droit hospitalier de l’Ancien Régime. Paris : Presses universitaires de France, 1993.

  • JEORGER, Murielle. "La structure hospitalière de la France sous l’Ancien Régime". Annales, Économies, Société, Civilisations, 32e année (1977), N°5 (septembre-octobre), p. 1025-1051.

  • PAYEN, Angèle. L’architecture hospitalière et l’art dans les provinces françaises aux XVIIe et XVIIIe siècles. Position des thèses de l’École du Louvre, 1958.

  • RYCKEBUSCH, Olivier. Les hôpitaux généraux du Nord au siècle des Lumières (1737-1789). Villeneuve-d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2017.

Documents figurés

  • Douai. Plan de l'hôpital général de la charité. (Archives communales de Douai ; 1 Fi 246).

  • Plan de distribution générale du sous-sol, élévation latérale nord et coupes longitudinale et transversale par l'architecte Brun, dessins aquarellés, datés du 4 septembre 1750 (AD du Nord. Fonds du centre hospitalier universitaire ; plan 2721).

  • Dunkerque. 1784. Plan figuratif du terrain de l'hôpital, par H. Gyselinck architecte (AD Nord ; 15P/2).

Date(s) d'enquête : 2005; Date(s) de rédaction : 2018
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Laget Pierre-Louis
Laget Pierre-Louis

Né en 1950 en Algérie. Titulaire d’un doctorat en médecine - thèse soutenue en 1995 : « Histoire et architecture des amphithéâtres d’anatomie et des salles de dissection à Paris sous l’Ancien Régime » -, d’un certificat de médecine tropicale-santé dans le monde, d’une licence de langue et civilisation arabe, enfin d’un D.E.A. d’histoire de l’art soutenu en 1999 : « Histoire des locaux destinés à l’enseignement de l’anatomie dans les institutions parisiennes : de la création de l’École de santé de Paris à la construction du premier institut d’anatomie (1794-1832) ».

Après sa réussite au concours de conservateur du patrimoine en juin 1985, Pierre-Louis Laget a occupé de 1985 à 2017 un poste de chercheur dans le service de l’Inventaire de la Région Nord-Pas-de-Calais (puis Hauts-de-France).

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