Dossier d’œuvre objet IM59003988 | Réalisé par
Girard Karine (Rédacteur)
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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  • opération ponctuelle
  • patrimoine de la Reconstruction
Ensemble de peintures murales de style Art déco, Église paroissiale Saint-Martin
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté d'agglomération de Cambrai - Cambrai
  • Commune Fontaine-Notre-Dame
  • Adresse Église paroissiale Saint-Martin , rue de la Liberté

Dans un courrier adressé au curé de la paroisse et reproduit dans le bulletin paroissial de mars 1928, Valentine Reyre indique que "Toute la peinture du sanctuaire représentera le sacrifice de la Croix, la Sainte Vierge se tiendra debout contre la croix, on y verra aussi saint Jean, saint Martin, sainte Madeleine et des anges. [...] Au-dessous des fenêtres, peintes à fresque sur la muraille, les stations du Chemin de la Croix appelleront, par la vivacité de leurs coloris, l'attention des fidèles sur les moments de la Passion."

Techniquement, ces décors appelés "fresques" sont improprement nommés puisqu'il n'y a pas là l'utilisation de pigments minéraux dilués à l'eau et posés sur un enduit humide composé de chaux et de sable. Il s'agit d'une peinture posée sur une couche d'apprêt proche du ciment. Peut-être s'agit-il de la technique développée par les Ateliers d'Art Sacré auxquels Valentine Reyre participe en tant qu'enseignante dans la section "Peinture Murale". Une peinture à l'huile est déposée sur une ou plusieurs couches d'apprêt, appelé ciment-pierre, qui permet de lisser et d'assainir le support et de le rendre propre à être peint. L'ensemble, couche d'impression et peinture, est fourni par le même fabricant (Établissements P. Bertin et A. Lapeyre à Neuilly-sur-Seine). La peinture, appelée "stic B", est une peinture en bâtiment mise sur le marché dans les années 1920. Elle est composée d'huile de lin cuite et de résine phénolique additionnées de chaux, de quartz et de gypse, ces trois derniers composants lui donnant sa charge. Elle est proposée dans de nombreux coloris et sa matière est plus dense que celle de la fresque (SAINT-MARTIN et STAHL, 2023, p. 93).

Cette technique est beaucoup plus simple que la fresque, beaucoup moins coûteuse et beaucoup plus rapide. Elle répond ainsi aux contraintes imposées aux artistes participant à la reconstruction des églises, tant en termes de respect des budgets serrés que de rapidité d'exécution.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle , daté par source
  • Dates
    • 1928, daté par source, porte la date
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Reyre Valentine
      Reyre Valentine

      Valentine Reyre (née à Paris (XVIe) en 1889 et décédée à Ermont (Val-d'Oise) en 1943) est une peintre française. Elle participe à la renaissance de l'art religieux en France dans la première moitié du XXe siècle. Avec Maurice Storez et Henri Charlier, elle fonde l’Arche en 1916. Ce groupe d’artistes et d'architectes catholiques a vocation à offrir un art chrétien débarrassé des académismes saint-sulpiciens, comme les Ateliers d'art sacré au lancement desquels Valentine Reyre participe aussi en 1919. Elle travaille à de nombreuses œuvres : peintures sur toile ou murales, fresques selon la technique traditionnelle sur mortier frais, mais aussi cartons pour vitraux, dessins pour des objets liturgiques. En 1940, Valentine Reyre cesse définitivement toute activité artistique pour se consacrer à des œuvres sociales, jusqu’à sa mort survenue le 22 février 1943 à Paris. Un fonds de ses œuvres est conservé au musée d'Art et d'Archéologie de Senlis.

      Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Valentine_Reyre [consulté le 21/03/2024]

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Les peintures se répartissent en cinq ensembles : le décor monumental du chœur, ceux des voûtes (chœur et absidioles), celui des murs, celui des arcs et enfin le chemin de croix.

Les décors muraux du chœur et le chemin de croix sont réalisés avec une peinture à l'huile posée sur une sous-couche en ciment-pierre et non avec des pigments minéraux dilués à l'eau et posés sur un enduit humide. Ils sont improprement appelées fresques. Les autres peintures murales sont posées sur un enduit en plâtre.

Le décor monumental du chœur (ill.) :

La fresque est située juste en-dessous des vitraux du chœur. Elle est encadrée par un bandeau beige décoré de motifs géométriques noirs. La fresque associe plusieurs thèmes :

- la Crucifixion (ill.) avec sur le côté gauche du Christ, Marie, debout à côté de la croix, et les saintes femmes en prière au pied de la croix ;

- le recueil du Saint Sang avec les deux anges et le personnage debout à droite de la croix (Joseph d'Arimathie ?) qui tiennent des coupes sous les plaies des mains et du torse ;

- et enfin, à droite de la croix, la foi dans le baptême en rémission des péchés.

Les architectures représentées sont : à gauche le Temple de Jérusalem, et à droite l'église Saint-Martin telle que reconstruite après la Première Guerre (ill.).

La composition est très symétrique : de chaque côté de la crucifixion située au centre, un grand personnage debout et deux personnages plus petits - dont celui du premier plan qui est agenouillé -, un ange, un décor stylisé de rochers sur lequel sont représentés des bâtiments. L'ensemble est peint sur un fond bleu "pointilliste" et encadré par deux grands arcs représentant l'arc-en-ciel. Des textes latins en lettres dorées sont inscrits dans les angles et autour des personnages. La principale ligne de fuite de la composition suit les têtes des personnages agenouillés et debout du premier plan puis celles des personnages debout sous la croix. Elle dirige le regard vers le visage du Christ. Cette première ligne est soulignée par le mouvement des anges en vol qui semblent s'élever au-dessus des architectures puis de nouveau par le dessin des arcs-en-ciel. Ces deux axes de la composition n'amènent pas au Christ mais aux vitraux qui symbolisent la lumière divine. Les couleurs de la fresque reprennent d'ailleurs celles des verrières : orangé, blanc, violet, ocre et vert.

Le décor du chœur est signé et daté en bas à gauche (ill.) : "Val Reyre pinxit, anno domini 1928". La signature est accompagnée de la représentation d'une arche de Noé vue depuis la proue, référence au mouvement auquel Valentine Reyre appartient.

Les couleurs rappellent aussi la Crucifixion peinte par Giotto pour la chapelle Scrovegni de Padoue : même fond bleu, mêmes vêtements ocre, orange ou blancs, mêmes anges volants recueillant le sang qui s'échappe des plaies aux mains... La graphie des textes et l'utilisation du latin rappellent l'épigraphie romaine ou carolingienne. Tous ces éléments inscrivent la fresque dans le mouvement l'Arche, à la fondation duquel Valentine Reyre a participé, et qui souhaitait s'inspirer des artistes du Moyen Âge mais sans les plagier.

De nombreuses églises de la Reconstruction sont ornées de peintures murales car c'est un moyen peu coûteux de décorer de grandes surfaces. Ainsi le chœur de l'église Saint-Géry à Flesquières (Nord), à la décoration de laquelle Valentine Reyre participe, est-il également décoré d'une grande fresque consacrée à la Crucifixion (œuvre d'Emile Flamant). Bien que de styles assez différents, elles présentent cependant quelques similitudes, comme la composition d'ensemble, la présence de textes explicatifs et la représentation de l'église reconstruite dans un coin de la fresque, la présence de personnages statiques, la taille des compositions qui épousent tout l'espace disponible sur le mur. Leur matière, pauvre en médium, donne l'aspect mat de la fresque.

Les décors des voûtes :

- la voûte du chœur (ill.) : sur le fond enduit ocre qui badigeonne tous les murs de l'église, la Sainte Trinité est représentée dans trois médaillons accolés. Ces médaillons occupent le pourtour d'un demi-cercle décoré de motifs géométriques dans deux tons de bleu et sont circonscrits par une ligne de motifs géométriques soulignant la circonférence du cercle. De grands rayons triangulaires décorés de motifs géométriques partent de ce cercle pour venir rejoindre le bord de la voûte, à son tour décorée de motifs géométriques triangulaires et rectangulaires. Les couleurs utilisées sont les mêmes que celles mises en œuvre sur les intrados des arcs : elles reprennent la gamme colorée de la fresque du chœur mais dans des tonalités plus soutenues.

Le morcellement des décors des rayons, du fond bleu entourant les médaillons et des médaillons eux-mêmes dont le tour est interrompu par une croix pattée bicolore associé à la présence de l'enduit ocre entourant la totalité des motifs, rappelle les mosaïques dont étaient décorées les premières églises.

- la voûte des absidioles (ill.) : le décor est identique dans les deux absidioles. De petite taille, il est adapté à son cadre : sur le fond ocre de l'enduit, deux colombes en vol viennent boire dans une coupe en forme de calice dont le pied est pris dans un pampre. La gamme colorée réduite (blanc, ocre, brun et bleu) fait écho à celle des intrados des arcs.

Le décor des murs :

Le décor se développe en partie basse sur tous les murs de l'édifice, hormis ceux des absidioles. Il occupe l'espace entre le soubassement et les baies dans les bras du transept et les bas-côtés (ill.), et entre la fresque et le sol dans le chœur. Il est constitué de panneaux colorés s'achevant par des triangles, séparés par de grandes bandes verticales constituées d'empilements de formes géométriques simples. L'ensemble fait penser à un faux lambris ou à une succession de bannières séparées par des piliers habillés de tissus. Les tons de ces frises reprennent, assourdis, ceux de la fresque du chœur.

Le décor des arcs (ill.) :

Les intrados des arcs ainsi que les arêtes de maçonnerie à l'entrée des absidioles sont décorés de motifs en frise. Les arcs doubleaux et les grandes arcades (séparant la nef des bas-côtés) sont ornés d'éléments géométriques simples. Les frises sur les arcs entourant la croisée du transept et sur l'arc triomphal (qui sépare la nef du chœur) offrent des décors géométriques plus complexes et plus denses. Enfin, les arcs marquant l'entrée des bras du transept et l'arc triomphal associent des motifs de croix pattées dans un médaillon, de palmettes, de feuilles lancéolées et de pommes de pin.

Au-dessus de l'arc triomphal, Valentine Reyre a disposé une frise associant motifs géométriques et rayons, qui fait écho à celle de la voûte du chœur.

Le Chemin de croix (ill.) :

Composé de quatorze stations, il est disposé sous les baies des bas-côtés, à raison de deux stations par baie. Chaque panneau est entouré par un cadre en béton légèrement saillant par rapport au nu du mur. De forme carrée, tous ont une taille identique de 82 cm de côté.

Les compositions sont similaires pour toutes les stations : la priorité est donnée aux personnages qui occupent tout l'espace de la composition. Il y a peu de fonds (station VII : Jésus tombe pour la deuxième fois où se retrouve le bleu de la fresque du chœur), peu de décors d'architecture ou de paysages et ceux-ci sont toujours simplifiés en grands volumes et ne visent pas à être réalistes (station XI : Jésus cloué sur la croix ; station IX : Jésus tombe pour la troisième fois). Les attitudes sont réalistes mais pas le traitement des corps et des vêtements en grandes masses de couleurs vives ni le dessin simplifié des membres. Les couleurs et le traitement des personnages sont similaires à ceux de la fresque du chœur.

Valentine Reyre réalise également le Chemin de croix de l'église de Flesquières, peint sur contreplaqué. Si le format, également carré, est un peu plus petit qu'à Fontaine-Notre-Dame et les couleurs plus pastels, la manière d'occuper l'espace est identique : personnages de grande taille aux volumes simplifiés au premier plan, arrière-plans composés de paysages ou d'architecture schématisés. On peut remarquer la grande similitude de composition entre les deux stations XI.

Ce Chemin de croix est également protégé au titre des Monuments Historiques (inscription le 15 avril 1991).

  • Catégories
    peinture murale
  • Structures
    • rectangulaire horizontal, carré
  • Matériaux
    • ciment, fresque
  • Précision dimensions

    Panneaux du chemin de croix : 82 X 82 cm.

  • Iconographies
    • chemin de croix
    • Crucifixion
    • baptême
    • Jérusalem céleste
    • église
  • Inscriptions & marques
    • inscription concernant l'iconographie, latin, sur l'oeuvre
    • signature
  • Précision inscriptions

    Les inscriptions ne concernent que la fresque du chœur. Les textes en latin sont écrits en capitales d'imprimerie, dans une graphie rappelant les inscriptions romaines ou carolingiennes :

    - en haut à gauche : TRINITAS HANC ORATIONEM/SANCTA CIPE/SUS ("La Trinité a reçu cette prière comme sainte")

    - au centre, au-dessus de la tête des saintes femmes : REMIUT/TUNTUR/TIBI/PECCATA/TUA ("Tes péchés te sont pardonnés" ; phrase prononcée par Jésus voyant la foi de ses fidèles, Évangile selon saint Luc, 5-21)

    - au centre, encadrant l'évêque bénissant : QUI CREDIDERI/ET BAPTIZATUS FUERIT/SALVUS ERIT ("Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé" ; Évangile selon saint Marc, 16-16)

    - en haut à droite : OB MEMORIAM PASSIONIS DOMINI/NOSTRI/JESU-/CHRISTI ("En mémoire de la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ")

    - en bas à droite, sur l'église : TUI SUMUS ("Nous sommes à vous" : phrase traditionnelle des prières à la Vierge de Miséricorde)

    La signature en écriture cursive est située dans le coin en bas à gauche, dans un cadre peint : VAL REYRE/PINXIT ANNO/ANNO DOMINI 1928.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Protections
    inscrit au titre objet, 1987/08/27
  • Précisions sur la protection

    La protection concerne la fresque du chœur ainsi que les 14 stations du Chemin de croix.

  • Référence MH

Documents d'archives

  • A Évêché Cambrai. Série 7L : commission d'art sacré ; sous-série 7L 01 : fonds de la commission diocésaine d'art sacré ; 7L 01.75. Mobilier de l'église Saint-Martin de Fontaine-Notre-Dame [courrier de l'architecte à la commission et photographies], 1928.

    A Évêché Cambrai : 7L.01.75

Bibliographie

  • De la Reconstruction au renouveau esthétique. Rêves et réalités des Ateliers d'art sacré, colloque INHA (Paris), 29 et 30 novembre 2019. Les Ateliers d'art sacré 1919-1947 : rêves et réalités d'une ambition collective. Dir. SAINT-MARTIN, Isabelle, STAHL, Fabienne. Collection Hautes études - Histoire de l'art/Storia dell'arte. Paris : Éditions Hermann ; Rome : Campisano editore, 2023.

    pp. 89-100 : VIGNES-DUMAS, Claire : Les techniques de l'art mural, originalité et apport des ateliers d'art sacré.

Annexes

  • Annexe n°1
  • Biographie détaillée de Valentine Reyre, peintre et peintre-verrier (1889-1943).
Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Girard Karine
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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Édifice
Église paroissiale Saint-Martin

Église paroissiale Saint-Martin

Commune : Fontaine-Notre-Dame
Adresse : rue de la Liberté