CHARTE DES SINISTRÉS
(Source : « La réparation des dommages de guerre – Analyse et commentaire de la loi du 17 avril 1919, suivi du texte officiel des lois », publié en juin 1920 - Consultable en intégralité sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1477609/f1n333.pdf)
LOI DU 17 AVRIL 1919 SUR LA RÉPARATION DES DOMMAGES CAUSÉS PAR LES FAITS DE GUERRE
Titre Ier : Dispositions générales
ARTICLE 1er : La République proclame l’égalité et la solidarité de tous les Français devant les charges de la guerre.
ARTICLE 2 :
§ I - Les dommages certains, matériels et directs causés, en France et en Algérie, aux biens immobiliers ou mobiliers par les faits de la guerre, ouvrent droit à la réparation intégrale instituée par l'article 12 de la loi du 26 décembre 1914, sans préjudice du droit, pour l’État français, d'en réclamer le payement à l'ennemi
§ II - Sont considérés comme dommages résultant des faits de la guerre, notamment :
1° Toutes les réquisitions opérées par les autorités ou troupes ennemies, les prélèvements en nature effectués sous toutes formes ou dénominations, même sous la forme d'occupation, de logement et de cantonnement ainsi que les impôts, contributions de guerre et amendes dont auraient été frappés les particuliers ou les collectivités
2° Les enlèvements de tous objets tels que : récoltes, animaux, arbres et bois, matières premières, marchandises, meubles meublants, titres et valeurs mobilières ; les détériorations ou destructions partielles ou totales de récoltes, de marchandises et de tous biens meubles quels que soient les auteurs de ces enlèvements, détériorations ou destructions ; les pertes d'objets mobiliers, soit en France, soit à l'étranger, au cours des évacuations ou rapatriements
3° Les détériorations d'immeubles bâtis et non bâtis, y compris les bois et forets ; les destructions partielles ou totales d'immeubles bâtis ; les enlèvements, détériorations ou destructions partielles ou totales d'outillages, d'accessoires et d'animaux appartenant à une exploitation commerciale, industrielle ou agricole qui seront, pour l'application de la présente loi, considérés comme immeubles par destination, qu'ils appartiennent à l'exploitant ou au propriétaire de l'immeuble, sans qu'il y ait lieu de chercher quels sont les auteurs des dommages visés au présent paragraphe
4° Tous les dommages visés aux paragraphes précédents causés dans la zone de défense des frontières ainsi que dans le voisinage des places de guerre et des points fortifiés, sans qu'il puisse être opposé aux ayants droit aucune exception tirée des lois et décrets concernant les servitudes militaires. Toutefois, pour fixer le montant de l'indemnité, les commissions d'évaluation devront faire état du caractère précaire des constructions élevées dans les zones militaires en contravention aux lois et règlements ou en vertu d'autorisations subordonnées à l'engagement de démolir à première réquisition
5° Tous les dommages causés aux bateaux armés à la petite pêche. Un règlement d'administration publique déterminera la procédure à suivre pour la constatation et l'évaluation du dommage.
§ III - Sont compris dans les dommages visés aux paragraphes précédents ceux causés par les armées françaises ou alliées, soit en raison des mesures préparatoires de l'attaque, des mesures préventives de la défense, des nécessités de la lutte et de l'évacuation des points menacés, soit en raison des besoins de l'occupation dans les parties du territoire qui ont été comprises dans la zone des armées, en particulier de la réquisition, du logement et du cantonnement, le réclamant conservant la faculté d'user par préférence des dispositions des lois du 10 juillet 1791 et du 3 juillet 1877, des décrets du 2 août 1877, du 23 novembre 1886 et du 27 décembre 1914.
§ IV - Les dommages sont constatés et évalués et l'indemnité est fixée pour chaque sinistré par catégories, suivant la classification ci-dessus, conformément aux dispositions de la présente loi. Le sinistré a la faculté de produire en même temps ses réclamations pour les diverses catégories des dommages qu'il a subis
ARTICLE 3 :
§ I - Sont admis à l'exercice du droit ci-dessus défini : les particuliers et leurs héritiers, les associations, établissements publics ou d'utilité publique, communes, départements.
§ II - Les sociétés dont une partie du capital social était détenu par des nationaux des puissances Ennemies, à la date du 1er août 1914, devront rembourser à l’État, par des retenues sur les dividendes distribués aux porteurs ressortissants des puissances ennemies ou par toutes autres retenues à faire supporter par ces porteurs, la part d'indemnité dont le capital par eux détenu aurait bénéficié.
§ III - Un règlement d'administration publique déterminera les conditions d'application du précédent paragraphe.
§ IV - Le droit à la réparation appartiendra aux étrangers en France et aux naturalisés à qui la qualité de Français a été retirée, dans les conditions déterminées par les traités à conclure entre la France et la nation à laquelle ressortissent ou ont ressorti ces étrangers ou ces naturalisés. A titre purement conservatoire, les étrangers seront admis à faire constater et évaluer les dommages dont ils auront souffert.
§ V - Une loi spéciale déterminera les conditions dans lesquelles les concessionnaires de voies de communication d'intérêt général seront admis au bénéfice de la présente loi.
TITRE II : DE L’indemnité
ARTICLE 4 :
§ I - L'indemnité, en matière immobilière, comprend le montant de la perte subie, évalué à la veille de la mobilisation, et celui des frais supplémentaires nécessités par la reconstitution des immeubles endommagés ou détruits.
§ II - L'octroi de ces deux éléments de l'indemnité est subordonné à la condition d'effectuer le remploi suivant les modalités prévues aux articles ci-après.
§ III - Dans le cas où le remploi n'est pas effectué, le sinistré reçoit seulement le montant de la perte subie.
ARTICLE 5 :
§ I - Le montant de la perte subie et celui des frais supplémentaires nécessités par la reconstitution des immeubles sont évalués séparément par les commissions instituées par les articles 20 et suivants de la présente loi.
§ II - Pour les immeubles bâtis et les immeubles par destination, le montant de la perte subie est évalué en prenant pour base le coût de construction, d'installation ou de réparation à la veille de la mobilisation, sous déduction de la somme correspondant à la dépréciation résultant de la vétusté, et, s'il s'agit d'immeubles reconstruits ou réparés postérieurement à la mobilisation, au jour où ils ont été réparés ou reconstruits.
§ III - Dans le cas où le remploi n'est pas effectué, si l'immeuble a été l'objet d'une translation de propriété remontant à moins de dix années avant l'ouverture des hostilités et constatée par acte authentique ou ayant date certaine, il sera tenu compte du prix porté dans l'acte pour l'évaluation de la perle subie, si ce prix est inférieur à celui de l'évaluation prévue au paragraphe précédent. Le montant de la perte subie ne pourra excéder la valeur vénale de l'immeuble à la veille de la mobilisation.
§ IV - Pour les immeubles visés au second paragraphe du présent article, les frais supplémentaires sont égaux à la différence entre le coût de construction, d'installation ou de réparation à la veille de la mobilisation et celui de la reconstitution d'immeubles identiques au jour de l'évaluation.
§ V - Sous condition de remploi, la somme correspondant à la dépréciation résultant de la vétusté est allouée en toute propriété à l'attributaire, jusqu'à concurrence d'une somme de dix mille francs (10.000 francs) et, pour le surplus, elle fait l'objet, sur la demande de l'attributaire, d'avances remboursables par lui à l’État en 25 années à partir de l'année qui suivra le dernier versement et productives d'un intérêt de 3 %.
§ VI - Sous la même condition, la dépréciation pour vétusté ne pourra excéder 20 % du coût de la construction à la veille de la mobilisation, en cas d'immeubles servant exclusivement à l'exploitation rurale.
§ VII - Pour le remboursement de ces avances, l’État jouit d'un privilège qui est inscrit au premier rang des privilèges réglementés par l'article 2103 du code civil.
§ VIII - Le remploi a lieu en immeubles ayant la même destination que les immeubles détruits, ou une destination immobilière, industrielle, commerciale ou agricole, dans la commune du dommage ou dans un rayon de 50 kilomètres, sans sortir de la zone dévastée. Toutefois, dans le cas d'expropriation ou de rachat de terres par l’État, le remploi pourra être effectué, en matière agricole, dans l'étendue des régions dévastées.
§ IX - Les immeubles bâtis doivent être reconstruits conformément aux dispositions prescrites par les lois et règlements sur l'hygiène publique.
§ x - Dans le délai de quinze jours qui suivra la promulgation de la présente loi, un règlement d'administration publique rendu, après avis du conseil supérieur d'hygiène, déterminera les règles qui devront être appliquées à la reconstitution des immeubles et des agglomérations.
§ XI - Le remploi est considéré comme totalement effectué si l'attributaire a affecté à la reconstruction d'immeubles ou à la reconstitution d'une exploitation une somme égale au montant de l'indemnité à lui attribuée en toute propriété.
§ XII - Si le remploi n'est que partiel, l'attributaire ne reçoit qu'une fraction des frais supplémentaires correspondant aux sommes employées.
§ XIII - Pour les immeubles non bâtis, le montant de la perte subie est évalué en tenant compte de la détérioration du sol, de la détérioration ou de la destruction des clôtures, des arbres de toutes sortes, des vignes, des plants, du taillis et de la futaie. En cas de reprise d'exploitation, l'attributaire a droit, en outre, au montant des dépenses supplémentaires nécessitées par la remise de la terre dans son état d'exploitation ou de productivité antérieur, par le rétablissement des clôtures, l'enlèvement des souches, les plantations nouvelles ou le repeuplement des bois et forêts.
§ XIV - Les attributaires ont la faculté de mettre en commun leurs droits à l'indemnité ou de les apporter en société en vue de la reconstruction d'immeubles ou de la reconstitution d'exploitations ou d'établissements agricoles, commerciaux ou industriels dans les conditions et dans les limites prévues aux paragraphes précédents.
§ XV - En cas de fusion ou de mise en société, les droits d'enregistrement ne seront perçus que sur la valeur d'avant-guerre.
§ XVI - Pour les concessionnaires de services publics, les départements, les communes, établissements publics ou d'utilité publique, l'indemnité ne peut dépasser le montant des frais de reconstruction de l'immeuble avec l'affectation antérieure.
§ XVII - Pour les concessionnaires de mines, l'octroi des indemnités prévues au présent article est subordonné à la condition de la reprise de l'exploitation, à moins que l'impossibilité de la reprendre ne soit dûment établie, auquel cas l'indemnité est seulement du montant de la perte subie.
ARTICLE 6 : La reconstitution d'un immeuble bâti ou la reprise d'une exploitation pourra être interdite d'office par le tribunal des dommages de guerre si elle est reconnue irréalisable ou contraire à l'intérêt économique ou à la santé publique.
ARTICLE 7 :
§ I - Dans les cas où le remploi n'est pas effectué, l'indemnité est cependant calculée en y comprenant le montant de la perte subie et les frais supplémentaires. Le sinistré reçoit le montant de la perte subie.
§ II - Les frais supplémentaires de reconstitution seront, dans les conditions déterminées par la loi de finances, attribués à un fonds commun pour être employés au profit des régions sinistrées.
ARTICLE 8 :
§ I - Si le remploi n'est pas effectué, le paiement de la perte subie est réalisé par la remise au sinistré d'un titre représentant le montant de ce qui lui est dû et productif d'intérêts à 5 % l'an.
§ II - Ces titres sont inaliénables pendant cinq ans à dater de la remise aux attributaires ; ils pourront toutefois, pendant ce délai, faire l'objet de cessions sur autorisation motivée du tribunal civil donnée en chambre du conseil, le ministère public entendu. Il pourra être appelé de la décision de première instance devant la cour qui statuera en chambre du conseil et comme en matière sommaire.
§ III - Sera nulle toute aliénation effectuée en violation des dispositions qui précèdent ; la nullité sera prononcée à la requête du ministre des finances.
§ IV - Après l'expiration du délai de cinq ans, le remboursement du titre est effectué par le paiement en espèces de dix termes annuels égaux, le premier étant exigible à l'expiration de la sixième année et les termes suivants de douze mois en douze mois.
§ v - Les attributaires qui s'engageront dans les conditions prévues par les articles 9, 4 et 45 de la présente loi à effectuer le remploi ou à réinvestir leur indemnité obtiendront des versements en espèces suivant les modalités prévues par lesdits articles.
ARTICLE 9 : L'attributaire aura un délai de deux ans, à partir de la décision portant fixation définitive de l'indemnité pour souscrire à la condition de remploi. Il devra fournir à l'appui de son engagement, en vue de faciliter le calcul des frais supplémentaires, un projet des travaux à exécuter ou des achats à effectuer avec devis estimatif.
ARTICLE 10 :
§ I - Si, parmi les copropriétaires d'un bien, ceux qui constituent la majorité en valeur et en nombre déclarent vouloir effectuer le remploi, celui-ci est de droit ; l'indivision est alors prorogée pour une période maxima de cinq ans à dater de la reconstruction de la chose détruite, sur la demande des copropriétaires qui déclarent vouloir effectuer le remploi. En cas de partage, le remploi sera de droit.
§ II - En matière de société, le remploi sera de droit s'il est décidé dans les conditions de vote prévues aux statuts.
§ III - Toutefois la durée de la société ne pourra être modifiée que conformément aux règles posées aux statuts.
§ IV - Le remploi est également de droit s'il est voulu, soit par le nu-propriétaire, soit par l'usufruitier ou l'emphytéote, soit par le bénéficiaire d'une promesse de vente.
§ V - Pendant la durée de l'usufruit ou du bail emphytéotique, le remboursement des annuités qui peuvent être dues à l’État, dans les conditions prévues au § 5 de l'article 5, est pour moitié à la charge du nu-propriétaire et pour moitié à celle de l'usufruitier ou de l'emphytéote.
§ VI - Le créancier privilégié, hypothécaire ou antichrésiste ne peut s'opposer au remploi, ni exiger le paiement de sa créance en argent qu'il l'échéance fixée par le contrat initial, prorogée sans frais d'une période correspondant à l'interruption de la jouissance.
§ VII - Les créanciers privilégiés, hypothécaires ou antichrésistes, les usufruitiers, les emphytéotes, les titulaires d'un droit réel d'usage ou d'habitation, les bénéficiaires d'une promesse de vente ont leurs droits reportés sur la chose reconstituée, sous réserve du privilège consenti à l’État par le § 7 de l'article 5.
§ VIII - Au cas de non-remploi, les créanciers privilégiés, hypothécaires ou antichrésistes, ainsi que les créanciers chirographaires et les bénéficiaires d'une promesse de vente peuvent, avec l'autorisation du tribunal civil, donnée en chambre du conseil après avis du ministère public, le débiteur entendu, et en souscrivant aux conditions du remploi aux lieu et place du débiteur, être subrogés dans les droits attribués à ce dernier par la présente loi pour la reconstitution de leur gage. Le bénéfice de celle subrogation n'appartient aux étrangers en France, que dans les conditions prévues au paragraphe 4 de l'article 3.
§ IX - Les créanciers ne peuvent exercer l'action qui leur est réservée qu'après un délai de deux mois à compter de la mise en demeure faite par eux à leur débiteur. Au cas de demande introduite par l'ayant droit, l'intéressé en est avisé par les soins du greffier de la commission cantonale.
§ X - En cas de non remploi, l'indemnité est attribuée aux créanciers privilégiés, hypothécaires ou antichrésistes, suivant leur rang, et aux bénéficiaires d'une promesse de vente, sans qu'il y ait besoin de délégation expresse et dans les conditions prévues à l'article 43.
§ XI - Les oppositions au paiement doivent être formées et les cessions et délégations d'indemnités signifiées entre les mains des trésoriers-payeurs généraux et des receveurs des finances dans le mois qui suivra la fixation définitive de l'indemnité. Elles seront dans le délai de huitaine, inscrites, à peine de nullité, sur un registre tenu au greffe du tribunal des dommages de guerre. Passé ce délai, les paiements effectués sont valables.
§ XII - Dans le cas d'usufruit, il en est tenu compte dans l'immatriculation du titre de rente délivré à l'attributaire.
§ XIII - Si l'immeuble est grevé de droits d'usage ou d'habitation ou de servitudes foncières, l'indemnité est répartie entre le propriétaire et les bénéficiaires de ces droits, au prorata de la valeur relative de leurs droits respectifs, dans les proportions et aux conditions établies par l'administration de l'enregistrement pour les droits dus en matière successorale.
ARTICLE 11 : Lorsque le remploi n'est pas effectué par l'attributaire, les propriétaires intéressés peuvent, pour l'exécution de travaux ayant une utilité collective, former des associations syndicales autorisées, dans les formes et conditions fixées parles lois des 21 juin 1865 et 22 décembre 1888. Dans le cas où la commune ne figure pas parmi les propriétaires présumés intéressés, le maire a néanmoins entrée à l'assemblée générale, mais avec voix consultative seulement.
ARTICLE 12 :
§ 1 - S'il s'agit d'édifices civils ou cultuels, l'indemnité consiste dans les sommes nécessaires à la reconstruction d'un édifice présentant le même caractère, ayant la même importance, la même destination et offrant les mêmes garanties de durée que l'immeuble détruit.
§ II - Cette importance et ces garanties sont déterminées sur la demande des intéressés ou d'office par la commission spéciale ci-après indiquée.
§ III - En cas de contestation, il est statué par le tribunal des dommages de guerre.
§ IV - Le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts statue, après avis favorable de la même commission, sur la conservation et la consolidation des ruines et éventuellement, sur la reconstruction, en leur état antérieur, des monuments présentant un intérêt national d'histoire ou d'art. Des subventions, à ce destinées, sont inscrites au chapitre du budget du ministère de l'instruction publique et des beaux-arts.
§ V - Si la reconstruction n'est pas autorisée sur l'emplacement des ruines, l’indemnité comprend les sommes nécessaires à l'acquisition du nouveau terrain.
§ VI - La commission prévue ci-dessus est composée de deux sénateurs, élus par le Sénat ; de trois députés, élus par la Chambre ; de deux membres de l'Académie française ; de deux membres de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, de deux membres de l'Académie des beaux-arts, désignés par leurs compagnies ; d'un membre du Conseil supérieur des beaux arts, d'un membre du conseil général des bâtiments civils, de deux membres de la commission des monuments historiques, élus par leurs collègues ; d'un délégué du ministre de l'instruction publique et des beaux-arts; d'un délégué du ministre des finances ; d'un délégué du ministre de l'intérieur ; d'un délégué du ministre du travail ; d'un délégué du ministre chargé de la reconstitution des régions libérées; d'un représentant de chaque culte intéressé à la réparation des édifices, désigné par le ministre de l'intérieur et de six personnalités artistiques, désignées par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts.
§ VII - Dans le délai d'un mois, à partir de la promulgation de la présente loi, un règlement d'administration publique déterminera le fonctionnement et la procédure de cette commission qui devra consulter les conseils municipaux et groupements intéressés.
ARTICLE 13 :
§ 1 - Les dommages causés aux biens meubles sont réparés dans la mesure de la perte subie évaluée à la date du 30 juin 1914, pour les meubles, autres que les produits agricoles et, pour ces derniers, à la date de la maturité de la récolte. Toutefois, pour les meubles achetés ou produits postérieurement au 30 juin 1914, l'évaluation de la perte subie est faite d'après le prix d'achat ou le coût de production si ceux-ci peuvent être établis.
§ II - Les biens meubles n'ayant pas une utilité industrielle, commerciale, agricole, professionnelle ou domestique ne pourront, en aucun cas, recevoir une estimation supérieure à la valeur attribuée soit par des ventes, soit par des inventaires, déclarations de successions ou tous autres actes dans lesquels il en aurait été fait une évaluation, pourvu que ces actes ne remontent pas à plus de dix ans. A défaut d'un de ces actes, l'évaluation aura lieu conformément au paragraphe premier.
§ III - L'indemnité accordée pour réparer les dommages causés aux matières premières et aux approvisionnements de l'industrie sera payée suivant le mode prévu par l'article 8 toutes les fois que l'attributaire, s'il a subi des dommages immobiliers, n'aura pas souscrit à la condition du remploi et toutes les fois que le remploi n'aura pas été interdit.
§ IV - Les frais supplémentaires représentant la différence entre la perte subie et la valeur de remplacement - calculée en tenant compte, soit du prix de remplacement si celui-ci a été dûment effectué, soit de la valeur de remplacement au jour de l'évaluation s'il n'est par encore réalisé - sont en outre accordés pour les biens meubles compris dans les catégories suivantes :
1° Les matières premières et approvisionnements indispensables ci une exploitation industrielle dans la mesure de la quantité nécessaire à la remise en marche normale et à la fabrication pendant une période de trois mois, ainsi que les produits en cours de fabrication et les objets servant à l'exercice d'une profession
2° Les animaux, lorsqu'ils ne sont pas considérés comme immeubles par destination, ainsi que les engrais, semences, récoltes et produits divers nécessaires à la remise en culture, à l’ensemencement des terres et à la nourriture des animaux des exploitations agricoles jusqu'à la prochaine récolte
3° L'outillage servant à l'exploitation des fonds de commerce ou à l'exercice de la profession ainsi que les produits et marchandises nécessaires à assurer la marche du commerce ou de l'industrie pendant une période de trois mois
4° Le mobilier de l'habitation, meubles meublants, literie, linge, effets personnels ; les objets d'agrément dont la valeur, pour chacun, ne dépassait pas 3000 francs, lors de la déclaration de guerre.
ARTICLE 14 :
§ I - Les dommages causés par la perle de titres ou de coupons de rente de l’État français sont séparés par l'attribution de titres ou coupons de même nature donnés en remplacement
§ II - S'il s'agit de titres ou coupons français autres que ceux émis par l’État ou de titres ou coupons étrangers, dont la restitution n'a pu être obtenue en France par les moyens légaux, les dommages sont réparés dans la mesure de la perte subie, évaluée d'après le dernier cours coté avant le jour de la fixation de l'indemnité, ou, à défaut de cotations, par une estimation directe, L’État français étant subrogé clans les droits des attributaires pour poursuivre la restitution de leurs litres ou coupons et conservant, dans tous les cas, la faculté de se libérer par la remise de titres ou coupons de même nature.
ARTICLE 15 :
§ I - Les dommages de guerre immédiats, directs et certains, causés aux officiers publics et ministériels sont réparés dans la mesure de la perte subie, égale à la différence entre la valeur de l'office au jour de la mobilisation et sa valeur au jour de l'évaluation.
§ II - Les demandes devront être présentées dans un délai de deux ans à compter de la date qui sera fixée par décret pour la cessation des hostilités.
§ III - L'évaluation du préjudice est appréciée souverainement par le tribunal des dommages de guerre après avis de la chambre de discipline ou du bureau et de la cour d'appel ou du tribunal civil.
§ IV - L’État récupérera les sommes déboursées en réparation des dommages causés aux offices par un prélèvement de la moitié des plus-values constatées suivant une évaluation faite dix ans après celle à laquelle il aura été procédé pour la constatation des dommages.
§ V - Le recouvrement prévu à l'alinéa précédent s'opérera lors de la cession qui suivra l'évaluation décennale ; mais il portera intérêt au taux légal qui courra à compter de cette dernière évaluation et sera payable annuellement.
§ VI - Toutefois, si la cession de l'office n'intervient pas, au plus tard, dans les cinq années qui suivront l'évaluation décennale, les recouvrements afférents aux plus-values s'effectueront par fractions annuelles d'un cinquième, dont la première sera exigible six mois après l'expiration des cinq années, sans préjudice de l'exigibilité immédiate au cas où une cession interviendrait avant l'amortissement de la dette.
§ VII - Pendant le même délai de deux ans, l'officier ministériel gravement lésé pourra demander la suppression de son élude ; de même, la chancellerie pourra prononcer la suppression de tout office ministériel qui fait l'objet d'une demande d'indemnité, sur réquisition du ministère public, après avis, dans les deux cas, de la chambre de discipline ou du bureau cl de la cour d'appel ou du tribunal de la situation statuant en chambre du conseil.
§ VIII - Le titulaire de l'office supprimé ou ses ayants droit recevront la valeur de la charge au jour de la mobilisation, en capitalisant, au taux pratiqué au moment de la déclaration de guerre, par la chancellerie, le produit moyen de l'office pendant les cinq années qui ont précédé la mobilisation.
§ IX - En cas de suppression d'un office, l'indemnité payée par l’État sera, en totalité ou en partie, mise à la charge, par décision du garde des sceaux, des officiers ministériels appelés à bénéficier de la mesure, dans la proportion indiquée par la cour ou le tribunal, après avis de la chambre de discipline et après que la valeur comparative d'avant et d'après guerre de ces offices grevés de restitution aura été établie.
§ X - Le recouvrement des sommes mises à la charge des officiers ministériels bénéficiaires de la suppression, ne pourra être exercé que sur la moitié de la plus-value de leur office.
§ XI - Ce recouvrement s'exercera selon les modalités indiquées aux quatrième, cinquième et sixième alinéas du présent article.
§ XII - Les évaluations décennales seront établies par une commission composée d'un conseiller à la cour d'appel ou d'un membre du tribunal civil président, désignés par le premier président de la cour d'appel, et d'un agent de l'administration de l'enregistrement désigné par le ministre des finances, de deux membres de la chambre de discipline s'il en existe, désignés par la cour ou le tribunal. Il sera adjoint à cette commission, en qualité de secrétaire, un greffier choisi parmi les titulaires en exercice ou ayant exercé les fonctions pendant dix ans.
§ XIII -Toutes les créances de l’État en recouvrement sur les plus-values des offices seront conservées par un privilège spécial sur la charge. Ce privilège sera inscrit sur un registre spécial tenu par le bureau des officiers ministériels du ministère de la justice.
§ XIV - En cas de suppression d'un office de notaire, il ne sera pas tenu compte des dispositions de l'article 32 de la loi du 25 ventôse an XI ; un décret indiquera les notaires qui auront le droit d'instrumenter dans tous les cantons dont tous les offices auraient été supprimés.
ARTICLE 16 : Les prescriptions de l'article 10, concernant la conservation des droits réels, s'appliquent en matière mobilière, soit aux objets de remplacement, soit à l'indemnité en tenant lieu.
ARTICLE 17 : Lorsque des mesures conservatoires ont été prises pour éviter des dommages, tant immobiliers que mobiliers, ou pour empêcher leur aggravation, une indemnité sera accordée en remboursement des dépenses dûment justifiées.
ARTICLE 18 :
§ I - Les indemnités attribuées conformément aux dispositions du présent titre ne peuvent se cumuler avec aucune autre indemnité reçue à l'occasion des mêmes faits, sinon avec les sommes que l’État français aura recouvrées sur l'ennemi en vertu des conventions et des traités, pour les dommages de toute nature qui n'auront pas été réparés ou qui ne l'auront été que partiellement par la présente loi.
§ II - Les sommes attribuées pour la construction d'abris provisoires pour les personnes, les animaux ou les meubles ne sont pas déduites du montant de l'indemnité.
§ III - Dans le cas où l'attributaire a contracté une assurance le garantissant contre les risques de guerre, l'indemnité sera calculée sous déduction des sommes dues par l'assureur, mais il sera tenu compte des primes payées. En aucun cas, les compagnies d'assurances ne pourront exercer de recours contre l’État.
ARTICLE 19 : L'attributaire pourra obtenir en vue d'une construction provisoire et dans les conditions de la présente loi, la délivrance d'acomptes dont le total ne pourra dépasser le tiers du montant de l'indemnité. En ce cas, le surplus de l'indemnité sera, sur la demande de l'intéressé, capitalisé à 5 % par les soins du Trésor, jusqu'au rétablissement de la créance initiale et la somme ainsi obtenue versée à l'attributaire sous condition de construction définitive, conformément aux dispositions de la présente loi relatives au payement.
TITRE III : De la juridiction
ARTICLE 20 :
§ I : Les dommages visés par la présente loi, sont constatés et évalués par des commissions cantonales, créées à cet effet, conformément aux dispositions ci-après.
§ II : Dans chaque département intéressé, des arrêtés préfectoraux fixent : le délai dans lequel il sera procédé à la constitution des commissions cantonales, le nombre de ces commissions pour chaque canton, le siège et le ressort de chacune d'elles et la date à laquelle devront commencer les opérations.
§ III - Si la situation ou l'état de certaines communes l'exige, le siège d'une commission pourra être fixée dans une commune d'un département voisin, par arrêté du ministre des régions libérées.
§ IV - Lorsque le lieu où le dommage s'est produit n'est pas connu, et que d'autre part, il n'est pas possible de procéder à la constatation de ce dommage dans le ressort de la commission cantonale déjà constituée, la constatation et l'évaluation du dommage seront faites par une commission spéciale, dont la composition sera la même que celle des commissions cantonales et qui aura son siège à Paris.
§ V - Le tribunal des dommages de guerre de la Seine sera compétent pour statuer sur les recours formés contre les décisions prises par la commission dont il s'agit.
§ VI - Si l'objet du dommage s'étend sur plusieurs cantons, la compétence appartient à la commission du canton où est située la partie principale.
§ VII - Pour l'instruction et l'appréciation des dommages de guerre causés aux bateliers et entreprises de transports par voies navigables et remorquage, il est institué une commission spéciale siégeant à Paris, au ministère des travaux publics. Si le lieu du dommage est connu et que le dommage soit possible à constater, il est procédé à cette constatation par la commission cantonale du lieu du dommage, si l'intéressé en fait la demande et en sa présence. Il est dressé procès verbal de la constatation et ce procès-verbal est transmis dans le délai de huitaine au président de la commission spéciale chargée de l'évaluation du dommage.
§ VIII - Les recours formés contre les décisions prises par cette commission spéciale sont portés devant le tribunal des dommages de guerre de la Seine.
ARTICLE 21 :
§ I - Les commissions cantonales sont composées de cinq membres :
1° Un président, choisi dans le ressort de la cour d'appel par le premier président et, à défaut, en dehors du ressort par le ministre de la justice parmi les juges des tribunaux civils et les juges de paix ou les anciens magistrats des tribunaux civils et de commerce ayant dix années de fonctions, les avocats régulièrement inscrits depuis dix ans au moins, les anciens avoués et les anciens notaires ayant exercé pendant le même temps ou ayant exercé successivement pendant dix ans leur profession d'avocat ou d'officier ministériel et des fonctions dans la magistrature.
2° Un délégué désigné par les ministres des finances et des régions libérées
3° Un architecte, entrepreneur ou ingénieur
4° Un commissaire-priseur, greffier ou ancien greffier, négociant en meubles, ou toute autre personne possédant une compétence spéciale pour l'évaluation des meubles meublants et effets mobiliers
5° Un agriculteur ou un industriel, ou un commerçant ou un ouvrier de métier appelés à siéger suivant les cas et la nature des dommages à évaluer.
§ II - Les membres de la commission autres que le président et le délégué du ministre des finances sont désignés par le tribunal civil siégeant en chambre du conseil qui désignera en même temps, dans chaque catégorie, un ou plusieurs suppléants.
§ III - Le tribunal nomme, pour remplir le rôle de greffier auprès de chaque commission, un secrétaire choisi parmi les greffiers ou anciens greffiers, commis ou anciens commis greffiers et secrétaires ou anciens secrétaires de mairie, ou à défaut, parmi toutes autres personnes qui lui paraitront justifiées.
§ IV - La commission ne pourra statuer valablement que si le président et trois membres titulaires ou suppléants assistent à la séance.
ARTICLE 22 :
§ I - Lorsqu'il s'agit de dommages causés aux exploitations de mines, minières ou carrières, aux bois et forêts ou aux étangs, la commission est ainsi composée : un président désigné comme il est dit à l'article précédent ; un délégué du ministre des finances, deux membres choisis par voie de tirage au sort, parmi les exploitants de mines, de bois ou d'étangs et un agent des travaux publics ou des eaux et forêts, désignés par les ministres intéressés, et un délégué mineur, suivant la nature des dommages à évaluer.
§ II - Lorsqu'il s'agit de dommages causés aux bateliers, entreprises de transport par voies navigables et remorquage, la commission est ainsi composée : un président désigné par le premier président de la cour de Paris comme il est dit à l'article précédent , un délégué du ministre des finances, un délégué du ministre des travaux publics, un constructeur de bateaux ou un batelier. Ces deux derniers membres sont désignés par le comité consultatif de navigation intérieure qui désignera en même temps, dans chaque catégorie, un ou plusieurs suppléants.
ARTICLE 23 :
§ I - Dans chaque département, un comité technique est institué pour établir ou faire établir en matière d'immeubles par des personnes ou des associations compétentes des séries de prix destinées à faciliter, d'une part, le calcul de la perte subie et, d'autre part, la détermination des frais supplémentaires de reconstitution et de la valeur de remplacement.
§ II - Ce comité est réuni par les soins du préfet au plus tard dans le mois qui précédé la réunion de toute commission cantonale. Il comprend, outre le préfet ou son représentant, un délégué du ministre des travaux publics, un délégué du ministre des régions libérées, les présidents et vice-présidents des tribunaux et chambres de commerce, des associations et comités agricoles, des conseils de prud'hommes du département ; un membre du conseil départementales bâtiments civils désignés par celle compagnie ; un membre de chacune des sociétés d'architectes et d'ingénieurs existant dans le département.
§ III - Les séries de prix sont mises à la disposition des commissions d'évaluation et des tribunaux compétents, qui peuvent en user pour l'évaluation des dommages et la fixation des indemnités.
ARTICLE 24 :
§ I - Les intéressés sont admis, dès la publication de l'arrêté préfectoral prononçant l'ouverture des opérations des commissions, à déposer leurs demandes avec pièces à l'appui entre les mains du greffier de la commission cantonale compétente qui délivrera du tout un récépissé.
§ II - Ils peuvent aussi effectuer ce dépôt à la mairie, à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement du dommage. L'administration préfectorale, après examen du dossier, le transmet avec son avis au greffe de la commission cantonale, dans le délai de quinzaine.
§ III - Le sinistré devra indiquer, s'il en existe, les noms et domiciles des créanciers hypothécaires, antichrésistes, privilégiés, les bénéficiaires de droits d'usage, d'habitation et de servitude foncière, ainsi que les bénéficiaires de promesse de vente.
§ IV - Ces créanciers seront informés de la demande par les soins du greffier et seront admis à présenter leurs observations devant la commission cantonale et le tribunal des dommages de guerre, dans le délai de quinzaine.
§ V - S'il s'agit de biens appartenant aux communes et si le maire n'agit pas dans le délai de trois mois, tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit de déposer une demande tendant à la réparation des dommages causés aux biens de la commune.
ARTICLE 25 :
§ I - Dans les causes qui intéressent les femmes mariées, les incapables, les absents, et généralement dans tous les cas où il est pourvu à l'administration du patrimoine par un curateur ou administrateur légal ou judiciaire, ainsi que dans les successions bénéficiaires, l'exercice des droits et actions résultant de la présente loi s'effectuera suivant les règles du droit commun, sous les réserves ci-après :
1° Les tuteurs des mineurs et des interdits et les curateurs des mineurs émancipés n'auront devant les juridictions compétentes qu'à justifier d'une délibération motivée du conseil de famille de l'incapable
2° La constatation, par la juridiction saisie, de l'impossibilité ou du refus du mari d'assister sa femme, même dotale ou commune en biens, suffira à habiliter celle-ci pour tous les actes de la procédure, ainsi que pour l'exécution des décisions rendues. Toutefois les modalités du remploi devront respecter les droits de jouissance du mari tels qu'ils résultent du régime matrimonial
3° Les administrateurs légaux ou judiciaires, tels que le père, administrateur légal, ou le curateur aux biens de l'absent, ainsi que l'héritier bénéficiaire, sont dispensés de toute autorisation préalable en justice.
§ II - Dans les cas visés aux trois alinéas précédents, comme aussi au cas de réparation d'un dommage causé à un bien dotal inaliénable, même si la femme est autorisée de son mari, la décision des commissions compétentes devra toujours être soumise au tribunal des dommages de guerre qui statuera.
ARTICLE 26 : Lorsque le sinistré justifie qu'il n'est en mesure de faire procéder à l'évaluation que d'une partie des dommages causés à ses biens, la commission compétente pourra, sur sa demande, surseoir à statuer aux opérations ou bien procéder à des constatations et évaluations partielles.
ARTICLE 27 :
§ I - Le greffier convoque les parties. Il informe de cette convocation les créanciers hypothécaires, antichrésistes, privilégiés, les bénéficiaires des droits d'usage, d'habitation et de servitude foncière, ainsi que les bénéficiaires de promesse de vente, le tout par pli recommandé avec avis de réception. L’État est appelé en la personne du préfet ou de son délégué.
§ II - Le président peut faire compléter les dossiers.
§ III - La commission entend les parties et les intéressés. Elle peut entendre également toutes personnes ayant une compétence spéciale pour l'évaluation de certains dommages et ordonner toutes expertises et mesures d'instruction qui lui paraitraient utiles. Elle peut se transporter sur le lieux et déléguer, à cet effet, deux ou plusieurs de ses membres.
§ IV - Les parties peuvent se faire assister ou représenter par un membre de leur famille, parent ou allié, ou par un avocat inscrit au barreau, ou par un officier ministériel.
§ V - Sont applicables à la présente loi les dispositions des articles 26 de la loi du 12 juillet 1905, et 96 de la loi du 13 juillet 1911.
ARTICLE 28 :
§ I - La commission s'efforce de concilier les parties, constate, s'il y a lieu, leurs accords, et décide s'ils doivent être homologués. Dans ce cas, la conciliation est acquise ; il est établi un procès-verbal motivé et l'évaluation est définitive.
§ II - Dans le cas de non-conciliation, la commission dresse procès-verbal des demandes et dires des parties et de leur désaccord. Elle constate la réalité et l'importance des dommages, par catégories, conformément à l'article 2 de la présente loi, avec une évaluation distincte pour chacun des éléments qui les constituent.
§ III - Le greffier adresse aux parties, par pli recommandé avec accusé de réception, un avis sommaire des décisions de la commission et les prévient en même temps qu'elles ont un délai d'un mois à dater du jour de réception de cet avis pour prendre connaissance, au greffe, de leur dossier et pour porter, s'il y a lieu, leurs contestations devant le tribunal des dommages de guerre.
§ IV - Ce tribunal est saisi par une déclaration inscrite par les parties ou leur mandataire muni d'un pouvoir spécial, sur un registre tenu par le greffier dudit tribunal, qui délivrera récépissé de la déclaration.
§ V - Le procès-verbal de la commission cantonale, l'état des lieux et toutes les pièces du dossier sont alors transmis par le greffier de cette commission au greffe du tribunal des dommages de guerre.
§ IV - Ce tribunal est saisi par une déclaration inscrite par les parties ou leur mandataire muni d'un pouvoir spécial, sur un registre tenu par le greffier dudit tribunal, qui délivrera récépissé de la déclaration.
§ V - Le procès-verbal de la commission cantonale, l'état des lieux et toutes les pièces du dossier sont alors transmis par le greffier de cette commission au greffe du tribunal des dommages de guerre.
ARTICLE 29 :
§ I - Il est créé, à titre temporaire, au chef-lieu de chacun des arrondissements dans lesquels ont été constituées des commissions cantonales, un tribunal des dommages de guerre.
§ II - Si, par suite de circonstances, un tribunal ne peut pas être établi à son siège, il sera provisoirement installé dans un arrondissement voisin.
§ III - Le tribunal peut être divisé en autant de chambres que les besoins le comportent. Les affaires sont distribuées entre les chambres par le président de la première chambre ; les affaires concernant le même canton sont, autant que possible, distribuées à la même chambre.
§ IV - Chaque chambre de ce tribunal est composée : D'un président, désigné par décret, sur la proposition du ministre de la justice, parmi les magistrats honoraires ou en activité des cours d'appel et des tribunaux de première instance ; De deux membres et de deux suppléants désignés dans les mêmes conditions que le président et choisis parmi les magistrats en activité ou honoraires des cours d'appel et des tribunaux de première instance et des conseils de préfecture, les anciens bâtonniers de l'ordre des avocats, les professeurs des facultés de droit, les anciens présidents de l'ordre des avocats au conseil d’État et à la cour de cassation, des chambres d'avoués et de notaires ; De deux membres et de deux suppléants tirés au sort, au début de chaque session de deux mois, sur une liste de vingt membres désignés par le conseil général.
§ V - Le tribunal ne peut statuer valablement que si trois membres sont présents, y compris le président.
§ VI - Le tribunal est assisté d'un greffier nommé par arrêté du ministre de la justice.
ARTICLE 30 :
§ I - Le tribunal prononce sur la réalité et l'importance des dommages, par autant de décisions distinctes qu'il y a de catégories, conformément à l'article 2 de la présente loi, avec une évaluation distincte pour chacun des éléments qui les constituent.
§ II - Il statue sur toutes les questions s'y rattachant, et fixe définitivement le montant des indemnités.
§ III - Si les règles instituées par la présente loi et par les décrets et arrêtés rendus pour son exécution n'ont pas été observées, il annule les opérations irrégulières, soit d'office, soit sur la demande des intéressés. Lorsque l'annulation est prononcée, la tribunal peut, suivant les circonstances et l'état du dossier, renvoyer l'affaire devant la commission cantonale ou procéder lui-même à l'évaluation des dommages et à la fixation de l'indemnité.
§ IV - Le tribunal statue sur mémoires et en dernier ressort après rapport par l'un des juges. Les parties peuvent, sur leur demande, présenter elles-mêmes de brèves observations orales ou les faire présenter par une membre de leur famille, parent ou allié, par un avocat régulièrement inscrit, par un officier ministériel dans sa circonscription, par le délégué d'une association de sinistrés régulièrement constituée.
§ V - Le rapport sera lu, et le jugement prononcé en audience publique.
ARTICLE 31 : Il est alloué aux membres des commissions cantonales et du tribunal des dommages de guerre, ainsi qu'à leurs greffiers, des indemnités qui seront fixées par arrêté pris d'accord entre le ministre de la justice, le ministre des finances et le ministre des régions libérées.
ARTICLE 32 :
§ I - Tout moyen de preuve, même par simples présomptions, est admis pour établir la réalité et l'importance des dommages, quels qu'ils soient, visés par la présente loi
§ II - Les parents et les domestiques peuvent être entendus comme témoins
§ III - La commission cantonale et le tribunal des dommages de guerre peuvent ordonner la délivrance des extraits, expéditions, copies d'actes publics ou privés, de registres et de livres de commerce, et, en général, de toutes pièces propres à établir la réalité et à permettre l'évaluation du dommage
§ IV - Ils fixent les délais dans lesquels les enquêtes, expertises et autres mesures d'instruction doivent être terminées. Les experts qui ne se conformeront pas au délai qui leur est imparti peuvent être révoqués.
ARTICLE 33 : S'il y a litige sur le fond du droit ou sur la qualité de l'attributaire et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité, l'indemnité est réglée indépendamment des litiges et difficultés sur lesquels les parties sont renvoyées à se pourvoir devant qui de droit.
ARTICLE 34 : Les délais sont comptés et augmentés conformément aux dispositions de l'article 1033 du code de procédure civile.
ARTICLE 35 :
§ I - Les décisions, ainsi que les extraits ou copies, grosses ou expéditions qui en seront délivrés, et spécialement tous les actes de procédure auxquels donnera lieu l'application de la présente loi devant les commissions cantonales et devant le tribunal des dommages de guerre, sont dispensés des formalités du timbre et de l'enregistrement. Ils porteront la mention expresse qu'ils sont faits en exécution de la présente loi.
§ II - Toutefois, au cas ou les parties produiraient à l'appui de leurs prétentions soit des actes non enregistrés et qui seraient du nombre de ceux dont les lois ordonnent l'enregistrement dans un délai déterminé, soit des actes et titres rédigés sur papier non timbré, contrairement aux prescriptions des lois sur le timbre, la commission cantonale ou le tribunal des dommages de guerre devront, conformément à l'article 16 de la loi du 23 août 1871, ordonner d'office le dépôt de ces actes au greffe pour y être immédiatement soumis à la formalité de l'enregistrement ou du timbre.
ARTICLE 36 :
§ I - Les décisions du tribunal des dommages de guerre peuvent être l'objet d'un recours devant le conseil d’État, pour incompétence, excès de pouvoir ou violation de la loi.
§ II - Le délai est de deux mois à dater de la signification par huissier de la décision, à la requête de la partie la plus diligente. Le recours est déposé au greffe du tribunal des dommages de guerre.
§ III - La décision qui prononce l'annulation désigne, un tribunal pour statuer à nouveau sur la demande d'indemnité.
ARTICLE 37 :
§ I - L'action en réparation des dommages visés à l'article 2 est prescrite deux ans après la signature de la paix, sauf le cas de force majeure.
§ II - Si les commissions et le tribunal institués par la présente loi sont dissous au moment où l'action est introduite, elle sera portée devant le conseil de préfecture sauf recours au conseil d’État.
ARTICLE 38 : Les fonctions de membre d'un tribunal des dommages de guerre sont incompatibles avec celles de membre d'une commission cantonale, avec la qualité d'attributaire dans le ressort du tribunal et l'exercice d'un mandat électif.
ARTICLE 39 : Est tenue au secret professionnel, dans les termes de l'article 378 du code pénal, et passible des peines prévues audit article, toute personne appelée, à l'occasion de ses fonctions ou attributions, à intervenir dans la procédure instituée par la présente loi.
ARTICLE 40 : Dans le délai d'un mois après la promulgation de la présente loi, il sera statué, par décret, rendu sur la proposition du ministre de la justice et du ministre des régions libérées, sur les détails de l'organisation et du fonctionnement des greffes près les commissions cantonales et les tribunaux des dommages de guerre.
ARTICLE 41 :
§ I - Il est délivré à l'attributaire, sur sa demande et dans le délai de quinzaine, par le greffier de la commission cantonale ou du tribunal des dommages de guerre, un extrait pour chacune des décisions qui le concernent. Cet extrait porte indication du nom de l'attributaire, de la catégorie et de la nature des dommages, du montant de la perte subie et, s'il y a lieu, de la somme correspondant à la dépréciation résultant de la vétusté et des frais supplémentaires de reconstitution ou de remplacement.
§ II - Des certificats de non-appel et de non- pourvoi devant le conseil d’État sont délivrés dans les mêmes conditions par les greffiers des commissions cantonales et des tribunaux des dommages de guerre.
ARTICLE 42 :
§ I - Au cours de la procédure d'évaluation de l'indemnité en réparation des dommages subis par les concessionnaires de services publics de l’État, des départements et des communes, il pourra être apporté, sur l'initiative de l'autorité concédante ou des concessionnaires, des modifications à la convention et aux cahiers des charges, notamment pour améliorer les conditions d'exploitation, sous réserve des droits et des intérêts des concessionnaires, dans le cas où ces modifications aggraveraient les charges de la concession primitive. A défaut d'accord dans les trois mois qui suivront la décision, le droit de rachat sera ouvert de plein droit à l'autorité concédante.
§ II - Il sera procédé au rachat dans les conditions fixées par le cahier des charges si le rachat est prévu et, dans le cas contraire, à dire d'experts, en se basant dans tous les cas sur les résultats de l'exploitation des cinq dernières années ayant précédé l'année 1914. L'autorité concédante sera, en cas de rachat, subrogée de plein droit au concessionnaire dans les droits ouverts par la présente loi.
TITRE IV : Du paiement
ARTICLE 43 :
§ I - Lorsqu'une décision définitive est intervenue au sujet d'une ou plusieurs des catégories de dommages énoncés à l'article 2 ou pour les dommages visés à l'article 15, chacun des extraits délivrés à l'attributaire conformément à l'article 41 est, sur sa demande, échangé, dans le délai de deux mois et par les soins du ministre des finances, contre un titre constatant le montant de la somme attribuée pour la réparation de la perte subie. Ce titre n'est pas négociable ; il peut faire l'objet d'avances dans les conditions qui seront déterminées par arrêtés pris par les ministres des finances et des régions libérées ; il peut également, avec l'autorisation motivée du tribunal civil donnée en chambre du conseil après avis du ministère public, être transporté conformément aux prescriptions des articles 1689 et suivants du Code civil ou remis en nantissement aux termes des articles 2071 et suivants du même code.
§ II - L'attributaire qui effectue le remploi dans les conditions et suivant les modalités prévues aux articles 4 et 5 de la présente loi, ou qui use ultérieurement de la faculté qui lui est réservée par l'article 9 reçoit, dans les mêmes conditions, un titre complémentaire indiquant le montant des frais supplémentaires qui lui sont attribués.
§ III - Un titre complémentaire analogue est délivré pour l'excédent de la valeur de remplacement sur le montant de la perte subie, en ce qui concerne les biens meubles visés aux nos 1 à 4 du paragraphe 4 de l'article 13. Pour les meubles visés aux trois premiers numéros dudit paragraphe, la remise du titre complémentaire est subordonnée à la reprise de l'exploitation.
§ IV - Donnent lieu à délivrance d'un titre spécial constatant le droit de l'attributaire à l'avance prévue par le paragraphe 5 de l'article 5 de la présente loi, les sommes correspondant à la dépréciation résultant de la vétusté qui sont indiquées par l'extrait de la décision définitive.
§ V - Dans le délai de deux mois, il est remis un titre spécial en échange de l'extrait de la décision définitive concernant la réparation, en capital et intérêts à 5 % l'an, à dater du four où s'est produit le dommage, des prélèvements en espèces, amendes et contributions de guerre imposées par les autorités ou les troupes ennemies. Les sommes dues de ce chef sont, sur la présentation de ce titre, versées en espèces à l'attributaire.
ARTICLE 44 :
§ I - Si l'attributaire procède au remploi en ce qui concerne soit les immeubles, dans les conditions prévues aux articles 4 et 5, soit les biens meubles ou s'il prend, devant la commission cantonale ou le tribunal des dommages de guerre, l'engagement de procéder à ce remploi ou à celle reconstitution, il a droit, sans justification, dans le délai de deux mois à dater de la remise du titre, à un premier acompte de 25 % sur la somme allouée pour la perte subie, sans que cet acompte puisse être inférieur à 3 000 francs, si la perle subie est égale ou supérieure à ce chiffre, ni supérieure à 100 000 francs, à moins qu'il ne justifie devant le tribunal des dommages de guerre d'un emploi ou de besoins immédiats plus considérables, notamment par la production de quittances, comptes, factures, notes de livraisons ou commandes acceptées par les fournisseurs.
§ II - Le solde du montant de la perte subie lui est versé par acomptes successifs, au fur et à mesure de la justification des travaux exécutés ou des achats effectués, dans les conditions prévues au paragraphe précédent. Chacun des versements a lieu dans le délai de deux mois de la justification.
§ III - Quand le paiement de la perte subie est totalement effectué, le montant des frais supplémentaires est versé dans les mêmes conditions, sur la présentation du titre complémentaire.
§ IV - Il en est de même pour l'excédent de la valeur de remplacement sur le montant de la perte subie en ce qui concerne les biens meubles visés aux n0B 1 à 4 du paragraphe 4 de l'article 13.
§ V - Les sommes allouées à l'attributaire pour la réparation des dommages causés aux meubles visés au paragraphe 2 de l'article 13 de la présente loi seront payées après épuisement de toutes autres sommes dues audit attributaire à quelque titre que ce soit.
§ VI - Si, après affectation du montant des frais supplémentaires à la reconstruction d'immeubles ou à la reconstitution d'une exploitation, l'attributaire use de la faculté qui lui est réservée par le paragraphe 5 de l'article 5, la somme correspondant à la dépréciation résultant de la vétusté lui est versée sur la présentation du titre spécial au fur et à mesure des justifications d'emploi.
§ VII - Indépendamment de l'application des dispositions ci-dessus et avant toute évaluation des dommages de guerre, il peut être alloué aux sinistrés, pour répondre aux besoins les plus urgents, des avances dont les conditions d'attribution sont fixées de concert par le ministre des régions libérées et par le ministre des finances.
ARTICLE 45 :
§ I - Dans les cas où l'attributaire n'a droit qu'au montant de la perte subie, s'il déclare dans le délai de deux ans, devant la commission cantonale ou devant le tribunal des dommages de guerre vouloir destiner l'indemnité à un usage immobilier, agricole industriel, commercial, ou à l'exercice d'une profession sur un point quelconque du territoire, l'indemnité représentative de la perte subie lui est également versée par acomptes successifs, au fur et à mesure de la justification des travaux exécutés ou des achats effectués.
§ II -Sauf les cas prévus par l'article 8, si l'attributaire ne destine pas l'indemnité à un usage immobilier, agricole, industriel, commercial, ou à l'exercice d'une profession, le payement est fait en dix termes annuels égaux, le premier terme étant payable trois mois après la remise du titre de créance et les termes suivants de douze mois en douze mois.
ARTICLE 46 :
§ I - L’État peut se libérer par l'un des moyens suivants, si les attributaires y consentent :
§ II - En ce qui concerne les immeubles par nature, par la dation d'un autre immeuble de même nature et de même valeur situé dans le canton du dommage ou les cantons limitrophes.
§ III - En ce qui concerne les immeubles par destination et les meubles ayant une utilité industrielle, commerciale, agricole, professionnelle ou domestique, par une fourniture similaire de même valeur
§ IV - En ce qui concerne les autres meubles, par la remise d'objets mobiliers de même nature et de même valeur
§ V - L’État peut également se libérer pour totalité ou partie, en faisant exécuter à ses frais les travaux de restauration des immeubles ou meubles endommagés ou en fournissant les matériaux pour cette restauration
§ VI - Il a également la faculté de se rendre acquéreur, pour tout ou partie, des immeubles endommagés ou détruits. A défaut d'accord amiable, le prix est déterminé suivant les règles prescrites au titre précédent pour l'évaluation de l'indemnité en tenant compte de la valeur du sol et en y comprenant tous les éléments prévus au cas de remploi, si le vendeur prend l'engagement de l'effectuer dans les conditions précisées à l'article 5 de la présente loi. Le payement aura lieu, suivant les cas, comme il est dit aux articles 44 et 45
§ VII - L’État devra se rendre acquéreur des immeubles, après tentative de conciliation, si la remise en état du sol dépasse la valeur du terrain, déprécié dans son utilisation, en tenant compte, s'il y a lieu, de la dépréciation qui pourrait en résulter pour le surplus de l'immeuble, en cas d'acquisition partielle
§ VIII - L’État a, dans tous les cas et à tout moment, la faculté de se libérer par anticipation
§ IX - Si l'attributaire est débiteur de l’État à quelque titre que ce soit, même pour le payement de ses contributions, la somme ainsi due par lui sera, sur sa demande, imputée à valoir sur le montant de son indemnité et ne sera pas exigible avant que ce montant n'ait été déterminé.
ARTICLE 47 :
§ I - Les sommes dues par l’État pour la réparation de la perte subie, à l'exception de celles dues pour les dommages causés aux maisons de plaisance et aux meubles visés au paragraphe 2 de l'article 13, produisent, à partir du 11 novembre 1918, un intérêt de 5 % l'an qui est payé trimestriellement et en espèces à l'attributaire
§ II - Toutefois, pour les dommages causés aux marchandises, récoltes, produits, approvisionnements, et à celles des matières premières, qui ne bénéficient pas des dispositions du paragraphe 4, numéros 1, 2 et 3, de l'article 13, les intérêts courent six mois après la date du dommage
§ III - Pour les dommages causés à ces marchandises, récoltes, produits et approvisionnements et à ces matières premières pendant l'occupation ennemie, on prendra la date de l'invasion.
ARTICLE 48 : Le payement des indemnités, des intérêts et des avances sera effectué directement par l’État ou sous sa garantie. Au cas où l’État ferait appel au concours d'établissements financiers, les conventions passées seront soumises à la ratification des Chambres.
TITRE V : Dispositions diverses
ARTICLE 49 :
§ I - En cas de remploi et de réinvestissement, le droit à indemnité peut être cédé ou délégué, dans les conditions prévues par les articles 1689 et suivants du Code civil, avec l'autorisation motivée du tribunal civil donnée en chambre du conseil après avis du ministère public ; les actes constatant la cession ou la délégation sont exempts de tous droits de timbre et d'enregistrement
§ II - La même disposition est applicable lorsque la cession est faite à une société de crédit immobilier, à une coopérative ou à une société d'habitations à bon marché ayant assumé les charges de la reconstitution de l'immeuble, ou encore à l'une des sociétés ou œuvres de bienfaisance spécialement agrées à cet effet par le ministre chargé de la reconstitution des régions libérées
§ III - Lorsque les attributaires d'une indemnité ont cédé leur droit à une société de crédit immobilier, à une coopérative ou à une société d'habitations à bon marché, celle-ci peut leur consentir les prêts nécessaires à la reconstitution de l'immeuble, sans qu'ils aient ni à justifier de la possession d'une valeur équivalente au cinquième du montant du prêt, ni à fournir une garantie hypothécaire, ni à contracter une assurance sur la vie.
ARTICLE 50 : L'attributaire qui a, antérieurement à la promulgation de la présente loi, vendu le sol sur lequel l'immeuble était construit peut, s'il souscrit à la condition de remploi, demander au tribunal civil, statuant en chambre du conseil, la résiliation de la vente, à charge par lui de rembourser à son acquéreur le prix payé et les loyaux coûts du contrat.
ARTICLE 51 :
§ I - Le tribunal des dommages de guerre a compétence pour réduire souverainement et en dernier ressort, même d'office, nonobstant toute convention contraire, les sommes réclamées à l'attributaire par les mandataires et hommes de l'art auxquels il aurait eu recours pour la défense de ses intérêts ainsi que parles experts
§ II - La réduction ne pourra être demandée ou prononcée d'office que dans le délai de deux ans à compter de la fixation de l'indemnité
§ III - Les sommes payées sont sujettes à répétition.
ARTICLE 52 : Peut être déchu à tout moment, en totalité ou en partie, du droit à l'indemnité :
1° Tout individu condamné contradictoirement ou par contumace pour un des crimes ou délits prévus par les articles 204, 205, 206, 208, 238, et 239 du code de justice militaire pour l'armée de terre, ou par les articles 262, 263, 264, 265, 316, et 317 du code de justice militaire pour l'armée de mer
2° Tout Français ou tout sujet français insoumis ou déserteur pendant la guerre. Dans ce dernier cas, comme dans celui de condamnation par contumace prévu au paragraphe ci-dessus, la déchéance du droit à indemnité sera rapportée de plein droit si l'insoumis, le déserteur ou le contumax, bénéficient ultérieurement d'un jugement d'acquittement pour le crime ou délit qui à entraîné le prononcé de la déchéance. Ni la prescription de la peine, ni la prescription du crime ou du délit ne pourront relever les intéressés de cette déchéance.
ARTICLE 53 :
§ I - Peut être déchu à tout moment en totalité ou en partie, du droit à indemnité :
1° L'attributaire qui aura fait de l'indemnité un usage contraire aux conditions de remploi auxquelles elle est subordonnée
2° L'attributaire qui aura cédé ou compromis contrairement aux dispositions de l'article 1321 du code civil
3° Tout réclamant qui aura négligé volontairement de déclarer qu'il a déjà reçu une indemnité provenant d'une assurance ou qui aurait intentionnellement fait une fausse déclaration.
§ II - Dans ces trois cas, la répétition des sommes indûment cédées ou perçues sera en outre poursuivie.
ARTICLE 54 : Les déchéances prévues aux articles 52 et 53 sont prononcées par les tribunaux ordinaires d la requête du ministère public, à l'exception de la déchéance prévue au 1° de l'article 53, qui est prononcée par le tribunal des dommages de guerre à la requête du représentant de l'Etat.
ARTICLE 55 : L'industriel ou le commerçant qui aura reconstitué totalement ou partiellement son établissement dans les conditions prévues au titre II de la présente loi sera tenu, quinze jours avant la remise en marche de l'établissement, d'en donner avis au ministre du travail qui lui délivrera récépissé et prendra toutes dispositions utiles pour porter cet avis à la connaissance des ouvriers ou employés qu'occupait l'industriel ou le commerçant. Dans le mois qui suivra la déclaration, les ouvriers ou employés pourront reprendre le travail dans l'ordre de leur inscription et dans la mesure des besoins de l'exploitation.
ARTICLE 56 : Un droit de priorité, par préférence à tous autres, est accordé aux sinistrés, pour l'obtention et le transport des matériaux, matières premières et matériel, ainsi que pour l'obtention de la main-d’œuvre dont ils auront besoin pour effectuer le remploi. Ce droit de priorité sera réglementé par un décret qui devra intervenir dans le mois de la promulgation de la présente loi.
ARTICLE 57 : A titre transitoire, les décisions déjà prises par les commissions cantonales, conformément aux dispositions des articles 3 à 8 du décret du 20 juillet 1915, et par les commissions départementales, conformément aux dispositions des titres II et III du même décret, seront, sur la demande soit du préfet, soit des attributaires ou de leurs ayants droit, révisées et complétées s'il y a lieu, suivant les prescriptions de la présente loi. Elles pourront, en tous cas, faire l'objet de contestations devant le tribunal des dommages de guerre, dans le délai de six mois à dater de la promulgation de la présente loi.
ARTICLE 58 : Si des sociétés se constituent en vue de relever les établissements ou les immeubles détruits, elles recevront, au cas de non remploi par l'allocataire, même à défaut de cession consentie par lui, le montant des frais supplémentaires, aux lieu et place du fonds commun institué au paragraphe 2 de l'article 7 de la présente loi.
ARTICLE 59 : Les frais de réfection du cadastre, de délimitation et, s'il y a lieu, de remembrement nécessités par les faits de la guerre sont à la charge de l’État.
ARTICLE 60 :
§ I - Les frais de déblaiement de tous les immeubles, de recherche et d'enlèvement des projectiles non éclatés sont également à la charge de l’État qui pourra y procéder d'office, d'accord avec la municipalité sans autorisation des propriétaires. L’État devient propriétaire des matériaux.
§ II - L’État sera responsable des accidents que pourrait produire l'explosion de projectiles non éclatés.
ARTICLE 61 :
§ I - Les frais d'établissement des plans d'alignement et de nivellement des voies publiques de toutes catégories qui devront être dressés en vue de la reconstitution des immeubles détruits dans les communes ou les parties de communes atteintes par les faits de la guerre sont à la charge de l’État
§ II - Des subventions inscrites au budget du ministère chargé de la reconstitution des régions libérées, pourront, pour les dépenses d'application immédiate des plans d'alignement et de nivellement, être accordées par le ministre aux communes, en ce qui concerne les voies dont le sol leur appartient et aux départements, en ce qui concerne les routes départementales
§ III - Ces subventions seront notamment applicables à l'acquisition des terrains nus ou des bâtiments actuellement ruinés ou gravement endommagés compris dans les alignements. Le prix d'acquisition de ces terrains et bâtiments sera, à défaut d'entente amiable, fixé par un jury composé de quatre jurés dans les conditions fixées par l'article 16 de la loi du 21 mai 1836, quel que soit le caractère de la voie publique à laquelle ces terrains et bâtiments doivent être incorporés
§ IV - Le taux desdites subventions sera déterminé suivant un barème fixé en un décret contresigné par le ministre des finances et par le ministre des régions libérées.
ARTICLE 62 : Les dépenses résultant des améliorations apportées à l'hygiène publique des agglomérations, par application du règlement d'administration publique prévu à l'article 5 sont à la charge de l’État.
ARTICLE 63 : Les sommes restant dues par les communes, en France, sur les emprunts contractés par elles pour des faits de guerres antérieures sont prises en charge par l’État à dater de la promulgation de la présente loi.
ARTICLE 64 : Une loi spéciale réglera les droits et obligations résultant des baux concernant les immeubles atteints par les faits de la guerre ainsi que ceux des places fortes ou localités dont les habitants ont été évacués par l'autorité militaire.
ARTICLE 65 : Une loi spéciale réglera les conditions dans les quelles sera ouvert le droit à réparation des dommages causés aux fonds de commerce.
ARTICLE 66 : Une loi spéciale déterminera les conditions dans lesquelles s'exercera le droit à la réparation :
1° Des dommages résultant des faits de la guerre causés aux personnes
2° Des dommages dont quiconque aurait eu à souffrir sur sa personne ou sur ses biens, par suite d'accidents qui se seront produits : a) Dans les arsenaux, manufactures, dépôts de munitions de l’État ; b) Dans les usines privées travaillant pour la défense nationale, lorsque la réparation n'en pourra être obtenue par le recours de droit commun.
L’État sera subrogé aux droits, actions et privilèges de la victime du dommage pour le recouvrement des avances qu'il aura dû consentir à celle-ci en vue de subvenir à ses besoins les plus urgents.
ARTICLE 67 :
§ I - Pendant les trois années qui suivront la cessation des hostilités, les habitants des régions atteintes par les faits de la guerre qui disposeront dans leur habitation personnelle de locaux susceptibles d'être loués ou sous-loués meublés aux visiteurs de passage pourront, dans chaque commune, former un syndicat sous le régime de la loi du 21 mars 1884
§ II - Les logements offerts devront répondre aux conditions prescrites par la commission départementale d'hygiène et seront soumis à son contrôle
§ III - La liste de ces logements avec les conditions de prix, approuvées par l'office national du tourisme, sera tenue à la disposition de tous demandeurs à la mairie.
ARTICLE 68 :
§ I - La présente loi est applicable aux colonies et pays de protectorat. Un règlement d'administration publique déterminera les conditions de cette application
§ II - Les indemnités accordées pour la réparation des dommages causés par les faits de guerre dans les colonies seront imputées sur les crédits ouverts au budget général de l’État.
ARTICLE 69 :
§ I - Le premier paragraphe de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1917, relative à la réparation des dommages de guerre est complété ainsi qu'il suit : «Toutefois, quand l'expert de l’État aura été désigné par le préfet dans les conditions fixées par l'article premier, le procès-verbal de la visite et l'état descriptif des lieux seront déposés d la préfecture. Il sera délivré récépissé de ce dépôt.»
ARTICLE 70 :
§ I - Sont et demeurent abrogés les décrets du 4 février 1915, modifié par les décrets en date des 8 et 27 avril 1915, du 24 mars 1915, modifié par le décret en date du 22 avril 1915, et du 20 juillet 1915, ainsi que toutes les dispositions contraires à la présente loi
§ II - La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des Députés, sera exécutée comme loi de l’État.
Fait à Paris, le 17 avril 1919.
R. POINCARÉ
Circulaire du 14 octobre 1917 instituant un régime d'avances en nature et en espèces pour la reconstitution des immeubles détruits
Le ministre des Travaux publics et des Transports à Messieurs les Préfets des départements atteints par les événements de guerre
I° - Exécution des travaux de réparation d'urgence par les soins de l'Administration : Les travaux de réparation d'urgence aux immeubles réparables effectués par l'Administration, dans les régions libérées, ainsi que la délivrance de matériaux ou d'avances en espèces aux sinistrés dans le même but, feront désormais l'objet d'un nouveau régime d'avances en nature et en espèces sur indemnités de dommages, qui fonctionnera dans les conditions ci-dessous. Sur la demande des sinistrés, les agents locaux procéderont à l'examen attentif des immeubles pour lesquels l'intervention de l'Administration sera sollicitée, en vue de vérifier si les travaux demandés pour ces immeubles rentrent bien dans la catégorie de ceux que le Service de reconstitution peut se charger d'effectuer. Ces travaux doivent essentiellement présenter un caractère urgent et conservatoire, et avoir pour objet soit la remise en état d'habitabilité, soit la préservation de l'immeuble. A ce double point de vue, la réfection des toitures, le remplacement des portes et fenêtres, la réfection des parties de maçonneries dont la destruction serait de nature à entraîner la ruine de l'édifice, devront retenir particulièrement l'attention. Les travaux envisagés pourront comporter en outre des travaux de déblaiement, de démolition et de tri de matériaux, auxquels il conviendra de procéder dans la mesure reconnue nécessaire. La limitation antérieurement formulée au cinquième de la valeur de l'immeuble est d'ailleurs abrogée. Une fois la demande admise, il sera procédé à l'exécution des travaux par les moyens dont dispose le Service, sur engagement écrit du sinistré de renoncer à toute revendication d'indemnité pour la partie de ses dommages réparée en nature, ou d'accepter l'imputation de la valeur des travaux sur sa future indemnité de dommages de guerre.
II° - Délivrance de bons de matériaux : Lorsque les sinistrés sont en situation d'exécuter eux mêmes, ou par leurs propres moyens, les travaux de réparation d'urgence, il peut leur être délivré des matériaux par l'Administration au moyen de bons de matériaux, sous réserve du contrôle à exercer sur l'emploi qu'ils se proposent d'en faire. Ces délivrances de matériaux doivent être consenties aussi largement que les besoins réels le comportent, sans s'arrêter au maximum de 1 500 francs antérieurement fixé, mais seulement, en tenant la main à ce qu'elles ne s'appliquent qu'à des travaux urgents de remise en état et de préservation des immeubles.
III° - Délivrance d'avances en espèces : Des avances en espèces peuvent également être délivrées aux lieu et place des bons de matériaux, lorsque les intéressés se déclarent en situation de faire exécuter matériellement leurs travaux par leurs propres moyens, y compris la fourniture des matériaux. Il ne paraît pas nécessaire de fixer de chiffre maximum pour ces avances en espèces, mais seulement d'en proportionner l'importance aux besoins urgents, tels qu'ils viennent d'être définis pour la délivrance des matériaux. La limite à ne pas dépasser dans cet ordre d'idées devra donc être calculée d'après la dépense nécessaire pour l'exécution des travaux urgents indispensables, rentrant dans les indications ci-dessus. Les agents techniques du Service auront à apprécier quelle est la somme réellement nécessaire pour l'exécution des travaux urgents indispensables, et le Préfet statuera. La somme allouée ne devra d'ailleurs être délivrée au bénéficiaire de l'avance que par fractions successives, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et moyennant justification mensuelle de l'emploi des fonds par la production de mémoires. Elle pourra également être employée, si le sinistré fait exécuter ses travaux par un entrepreneur, à régler directement cet entrepreneur.
Au point de vue financier, toutes les dépenses d'exécution des travaux effectués par le service (y compris les dépenses d'acquisition de matériaux), de même que celles afférentes aux délivrances de matériaux et aux avances en espèces, qui font l'objet des paragraphes ci-dessus, devront être réglées, désormais, non plus sur le Compte départemental hors budget institué par la circulaire du 15 juillet 1916 de M. le Ministre de l'Intérieur et alimenté par le chapitre 53 du Budget de ce Ministère, mais provisoirement sur le chapitre 53 bis de ce même budget (réparation des dommages de guerre) et ultérieurement sur le Compte spécial qui sera prochainement ouvert à cet effet au Ministère des Travaux publics. M. le Ministre de l'Intérieur vous adressera à ce sujet toutes instructions utiles.
Je vous prie de m'accuser réception de la présente circulaire. sous le timbre du Service de reconstitution des immeubles détruits, et de me rendre compte, par rapport spécial en date du Ier novembre, de l'exécution de ces instructions.
Le ministre des Travaux publics et des Transports, Signé : CLAVELLE.
Circulaire du 19 février 1919 relative aux modes de justification ou de constatation provisoire applicable au cas où le sinistré se propose de réparer les dommages avant les constatations et évaluations réglementaires
Le ministre des régions libérées, à MM. les préfets des départements atteints par les événements de la guerre
Mon attention a été appelée sur l'intérêt qui s'attache à préciser les modes de justification ou de constatation provisoire auxquels peuvent recourir les sinistrés qui veulent faire exécuter d'urgence les travaux de réparation matérielle de leurs biens endommagés ou détruits, sans attendre que les commissions cantonales régulièrement constituées aient procédé aux opérations de constatation et d'évaluation. Il m'a paru qu'à cet égard les mesures dont il s'agit pouvaient être envisagées d'une façon différente, suivant l'importance des travaux de réfection ou de réparation que comporte l'état des biens sinistrés.
S'il s'agit des travaux de peu d'importance relative, on doit admettre qu'il suffira au sinistré, pour sauvegarder ses droits et établir ses titres devant les commissions cantonales, de présenter, à l'appui de ses déclarations de pertes, les mémoires des entrepreneurs qui auront exécuté les travaux, ou, si le sinistré les a effectués lui-même, toutes factures ou justifications qu'il croira devoir produire pour étayer sa demande. Il y aura d'ailleurs un intérêt évident pour lui à ne pas manquer d'informer le service local de reconstitution des travaux qu'il fait exécuter, de manière à provoquer l'intervention de l'agent technique de ce service qui est normalement prévue par la circulaire du 14 octobre 1917.
Quand il s'agit de travaux présentant une plus grande importance, ou dont l'exécution est de nature à faire disparaître la trace de certains dommages sans fournir en même temps le moyen d'en justifier, il convient de recourir toutes les fois que la chose est possible, sans délais excessifs, à la procédure instituée par la loi du 5 juillet 1017, c'est-à-dire à la désignation d'experts dans les conditions déterminées par cette loi et par la circulaire du 16 octobre 1917.
Il peut arriver toutefois - et le fait s'est produit fréquemment - que l'insuffisance du nombre de personnes susceptibles d'être désignées comme experts rende l'application de cette procédure impossible ou trop lente. Dans ce cas, il importe de préciser que tous autres actes ou documents susceptibles de justifier de l'état de fait invoqué peuvent être valablement et utilement établis, et qu'il en est ainsi notamment des contrats d'huissier, des états de lieux dressés par des hommes de l'art assermentés ou par toutes personnes offrant des garanties d'honorabilité et de compétence, des âmes photographiques certifiées par le maire, etc..., etc. Lorsque les intéressés estimeront devoir recourir à ces modes de constatation provisoire à défaut de la procédure du 5 juillet 1917, il leur est seulement recommandé soit d'en aviser à l'avance, les services de la préfecture, en indiquant le jour et l'heure fixés pour le constat, de manière, à ce que le service technique soit en mesure de s'y faire représenter, soit de transmettre au service un double des actes ou documents établis pour en permettre la vérification. S'il s'agit de constats relatifs à des dégâts industriels, l'état des lieux, accompagné de photographies, devra préciser l'état des immeubles, l'état des diverses machines et de l'outillage en général, et la situation des stocks. Il sera communiqué au chef de secteur de la reconstitution industrielle qui en fera effectuer la vérification. D'autre part, dans les régions actuellement libérées qui ont été, pendant plusieurs années, soumises à l'occupation ennemie, il est arrivé que des constats ont été faits, à la requête des propriétaires, par des experts choisis par eux, ou même assez fréquemment par des tribunaux de commerce. Les constats ainsi établis doivent pouvoir être acceptés, lorsqu'ils ont été dressés avec toutes les garanties requises, au même titre que ceux qui sont visés ci-dessus.
Je ne puis d'ailleurs que rappeler en terminant, qu'aux termes de l'article 29 du projet de loi relatif à la réparation des dommages de guerre actuellement soumis à l'examen du Sénat « tout moyen de preuve est admis pour établir la réalité et l'importance des dommages qu'ils soient visés par la loi ». Cette disposition, sur laquelle aucun désaccord ne s'est manifesté entre la Chambre des députés et le Sénat, caractérise l'esprit dans lequel doivent être envisagées les questions visées à la présente circulaire, et qui doit être exclusif de tout formalisme. Sous le bénéfice des précautions très simples et des mesures toujours facilement applicables que je viens de rappeler ci-dessus, les sinistrés pourront procéder d'urgence, sans aucune appréhension, à la remise en état de leurs biens endommagés ou détruits. Je vous prie de m'accuser réception des présentes instructions auxquelles vous voudrez bien donner toute la publicité désirable.
Le ministre des Régions libérées, A. LEBRUN.
Circulaire du 19 mars 1919 relative à la création d'un régime d'avances aux municipalités pour la remise en état des immeubles communaux et la reconstitution du matériel communal
Le ministre des régions libérées, à MM. les préfets des départements atteints par les événements de guerre
I° - La reprise de la vie locale dans les régions libérées étant étroitement liée au fonctionnement des divers services municipaux, il importe que toutes mesures soient prises pour que ce fonctionnement puisse être, le plus rapidement possible, assuré dans des conditions se rapprochant progressivement de la situation normale. A cet effet, des locaux suffisants doivent être mis à la disposition de ces services, lorsque les bâtiments municipaux ont été détruits ou mis hors d'état, pour un temps assez long, de remplir l'usage auquel ils étaient affectés. Si ces bâtiments sont susceptibles de réparations, les travaux doivent être entrepris d'urgence. Il convient, d'autre part, que ces locaux soient pourvus du mobilier indispensables, et que le matériel spécial des divers services (bureaux proprement dits, voirie, salubrité, protection contre l'incendie, etc., etc.) soit reconstitué le plus tôt possible. Mais les communes sinistrées se trouvent, d'une façon générale, par suite de ce fait même, complètement dépourvues de ressources disponibles, et mon administration a déjà dû, à diverses reprises, par des dispositions spéciales ou dans les cas exceptionnels, vous autoriser à leur délivrer des avances imputables sur les indemnités auxquelles elles auront droit au titre de dommages de guerre. Le moment est venu d'en généraliser l'application à tous les objets afférents à la réorganisation d'urgence des services municipaux qui ne sont pas régis par des dispositions spéciales.
II° - Les avances envisagées doivent essentiellement s'appliquer à deux ordres de besoins : bâtiments et matériel. En ce qui concerne les bâtiments, les dispositions de la circulaire du 14 octobre 1917 sont directement applicables aux immeubles communaux, sans qu'il soit nécessaire d'y insister, et les avances à allouer aux communes dans cet ordre d'idées peuvent comprendre, conformément aux termes mêmes de ladite circulaire, soit l'exécution des travaux de réparation d'urgence par les soins de l'administration, soit la délivrance de matériaux, soit la délivrance d'avances en espèces. Il sera facile d'adapter les dispositions dont il s'agit à la remise en état de bâtiments communaux réparables.
Pour le matériel, il convient de distinguer, d'une part, les meubles meublants et les divers objets mobiliers indispensables à la réinstallation des bureaux et services, d'autre part, le matériel proprement dit. Les meubles et objets mobiliers indispensables doivent comprendre non seulement les tables, chaises, armoires, déjà prévues par la circulaire du 10 novembre 1917, mais aussi le premier approvisionnement de fournitures de bureau indispensables à la réorganisation du secrétariat et des bureaux de la mairie. Ce premier approvisionnement doit, toutefois, être limité à ce qui est indispensable pour la remise en train des services - dans la limite d'ailleurs des dommages éprouvés à cet égard - et je tiens à préciser que les besoins ultérieurs ne pourraient recevoir satisfaction, à défaut de ressources locales, que par voie de subventions à demander au ministère de l'intérieur. Le matériel proprement dit comprend - dans la mesure où ce matériel appartenait à la commune - le matériel de voirie (voitures, tombereaux, chevaux, brouettes, outils, etc.), le matériel de nettoyage et de salubrité (balayage, arrosage, désinfection, vidanges, etc.), le matériel d'incendie (pompes, tuyaux, équipement, etc.), sans que d'ailleurs cette énumération soit limitative. Des avances en nature et en espèces peuvent être accordées aux municipalités sinistrées pour la reconstitution des éléments de ce matériel répondant à un besoin urgent des services.
III° - L'octroi de ces avances doit être réglementé de la façon la plus simple. Il suffira que les municipalités vous adressent :
1° une demande, qui pourra consister, soit en une délibération du conseil municipal, soit en une lettre du maire, exposant que le conseil n'est pas en situation de se réunir, même en nombre réduit
2° un état déclaratif des pertes subies dans l'ordre d'idées envisagé, accompagné de justifications sommaires.
Quant au taux de l'avance, il semble impossible de le déterminer par mesure générale, et il convient de se borner à en limiter le montant à la satisfaction des besoins reconnus indispensables et urgents. C'est à vous qu'il appartiendra de statuer sur l'attribution de l'avance et sur la fixation de son montant, mais vous prendrez l'avis d'une commission composée, sous votre présidence ou celle de votre délégué, de deux conseillers généraux, désignés par la commission départementale, et de trois maires des communes de votre département, désignés par vos soins, commission qui devra se réunir tous les huit jours pour que son intervention n'occasionne aucun retard dans l'instruction des demandes. Les municipalités bénéficiaires auront à souscrire l'engagement de consentir à ce qu'il soit fait déduction du montant de l'avance ainsi accordée sur l'indemnité de dommages de guerre à laquelle elles auront droit, et en outre, de justifier, dans le délai de trois mois, de l'emploi des fonds reçus, conformément à leur destination.
IV° - Les dépenses résultant du régime d'avances institué en faveur des communes en conformité de la présente circulaire seront imputées sur le crédit inscrit au budget de mon ministère pour la réparation des dommages résultant de faits de guerre (chapitre II de l'exercice 1919). Il va sans dire que lorsque les constatations et les évaluations auront pu être faites régulièrement, soit selon les dispositions du décret du 20 juillet 1915, soit selon les dispositions de la loi en cours de discussion, ce ne sont pas des avances, mais des acomptes qui devront être accordés. Il vous appartiendra, dans ce cas, de me transmettre les demandes, conformément à la pratique établie. Enfin, vous aurez à tenir la main à la présentation des justifications d'emploi dans le délai de trois mois, comme il est dit ci-dessus.
Vous voudrez bien m'accuser réception de la présente circulaire, A. LEBRUN.
Circulaire du 25 avril portant institution d'un nouveau régime d'avances pour frais d'établissement des dossiers de déclarations de dommages de guerre et pour constitution d'un fonds de roulement aux sociétés coopératives de reconstruction
Le ministre des régions libérées, à MM. les préfets des départements atteints par les événements de guerre
I° - L'établissement des dossiers de déclaration de dommages semble devoir comporter, dans certains cas, pour les sinistrés, certaines dépenses que leur situation présente peut ne pas leur permettre de supporter. Ces dépenses consistent, notamment, soit en opérations de constat ou d'expertise, rédaction de procès-verbaux, relevés de plans, copies de pièces, etc., soit en établissement de projets et de devis de travaux en vue du remploi, dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17 avril 1919. J'ai reconnu utile, d'accord avec mon collègue M. le ministre des finances, de mettre par voie d'avances, à la disposition des intéressés, les sommes nécessaires pour y faire face, sommes qui peuvent être fixées sur la base d'un tant pour cent du montant approximatif du dommage invoqué. L'appréciation du montant approximatif du dommage, pour l'application de ce régime d'avances, sera faite, soit au vu d'un état déclaratif sommaire produit par le sinistré et visé par le maire et par deux propriétaires de la commune, soit au vu du dossier de dommages déjà constitué, revêtu des mêmes visas, si ce dossier a pu être dressé préalablement. L'administration aura toujours le droit de réduire d'office, et sans contestation, pour l'application du tant pour cent, les chiffres d'estimation prévus aux documents susvisés, si ces chiffres lui semblent excessifs. Il est d'ailleurs superflu de dire, que l'acceptation d'un chiffre de base quel qu'il soit, pour l'application de la présente circulaire, ne saurait engager en aucune manière l'administration en ce qui concerne l'évaluation définitive du dommage. Quant au tant pour cent à appliquer pour le calcul de l'avance, il a paru pouvoir être équitablement fixé à 1 pour 100 en ce qui concerne les frais afférents à l'établissement des pièces justificatives produites à l'appui du dossier proprement dit de déclaration de dommages (procès-verbaux de constat, expertises, relevés de plans, copies d'actes et de pièces, etc.). et à 1 pour 100 en ce qui concerne l'établissement des projets de travaux et devis sommaires prévus par l'article 9 de la loi, soit au total 2 pour 100. Cette avance pourra être demandée ou allouée soit pour l'un soit pour l'autre des deux objets ci-dessus, soit pour les deux, et, dans ce dernier cas, elle pourra être versée soit en deux fois conformément à la distinction ci-dessus, soit en une seule. Les bénéficiaires auront à justifier de l'emploi de celle avance, pour vous permettre de constater si elle n'excède pas le cout réel de la dépense, et à souscrire l'engagement d'en accepter l'imputation sur leur future indemnité de dommages de guerre. Il est d'ailleurs bien entendu qu'il appartiendra aux seuls intéressés de débattre les conditions d'établissement des documents et projets envisagés avec les personnes compétentes auxquelles ils feront appel, et que la fixation du tant pour cent ci-dessus ne comporte aucune indication en ce qui concerne les tarifs qui pourraient être appliqués, tarifs qui doivent d'ailleurs nécessairement varier suivant la nature du dommage à évaluer.
II° - L'avance prévue au paragraphe précédent peut être demandée individuellement par les sinistrés, pour être employée par eux directement dans les conditions qui viennent d'être indiquées. Mais il ne saurait être mis en doute que les conditions dans lesquelles seront effectués les études et travaux préparatoires, auxquels les avances sont applicables, seront très différentes, tant au point de vue du prix de revient de ces travaux qu'au point de vue des garanties de compétence des personnes qui accepteront de s'en charger, suivant que le sinistré traitera isolément avec les hommes de l'art ou les hommes d'affaires qui lui offriront leurs services, ou qu'il formera avec d'autres sinistrés des associations ou groupements de caractère coopératif, susceptibles de discuter plus efficacement les intérêts communs ou de faire appel à des personnes plus compétentes. Tel est le rôle qui doit incomber aux sociétés coopératives de reconstruction, dont il importe, comme l'a déjà fait la circulaire du 12 octobre 1918, de favoriser la création et d'orienter l'action dans le sens indiqué. Il a été reconnu que, d'une façon générale, le fonds commun, qui doit être constitué dès le début par de telles sociétés, et qui doit couvrir les premières dépenses effectuées tant pour la constitution et le fonctionnement de la société que pour le compte des adhérents, pouvait être fixé, par rapport aux acomptes, alloués à chaque sociétaire et apportés par eux à la société, à environ 4 pour 100. Mais le versement de ce tant pour cent suppose que les sinistrés, membres de la société, ont déjà obtenu individuellement les acomptes (ou les avances pour travaux) sur lesquels peuvent être prélevées les sommes dont il s'agit. Il n'en est malheureusement pas ainsi lorsqu'il s'agit des premières dépenses afférentes à la préparation des pièces justificatives ou des projets de travaux qui doivent être joints aux demandes d'indemnités de dommages (préparation qu'il y a cependant le plus grand intérêt à poursuivre dès le début par le moyen de la constitution en société coopérative), ni non plus dans beaucoup d'autres cas. La nécessité s'impose donc, non seulement d'envisager la possibilité de l'apport à une coopérative de l'avance totale de 2 pour 100 prévue dans la première partie de cette circulaire, mais de relever dans ce cas le chiffre de cette avance, de manière à pouvoir mettre immédiatement à la disposition de la société un fonds de roulement suffisant pour lui permettre de constituer, de vivre et même d'engager certaines dépenses préparatoires à l'exécution des travaux, telles que passation de commandes, aménagement de dépôts de matériaux, de voies de garage pour les desservir, etc., restant bien entendu que les travaux eux-mêmes ne sont exécutés qu'au fur et à mesure de l'apport ultérieur à la société, par chaque sinistré individuellement, des acomptes, avances ou indemnités obtenus à cet effet. En considération de l'intérêt tout particulier qui s'attache à la création des sociétés coopératives, j'ai décidé, d'accord avec M. le ministre des finances, que des avances susceptibles de s'élever (au maximum) à 4 pour 100 du montant approximatif des dommages (apprécié comme il est dit ci-dessus) pourront être accordées aux sinistrés qui le demanderont pour l'objet indiqué, à charge d'en faire apport à la société coopérative dont ils déclareront faire partie et pour lui constituer un premier fonds de roulement. Ces avances seront versées directement entre les mains du trésorier de la coopérative, qui devra se faire donner pouvoir pour en délivrer valablement quittance.
Telles sont, monsieur le préfet, les facilités qui doivent désormais être mises à la disposition des sinistrés, tant pour leur permettre de préparer leurs dossiers de déclaration de dommages et de demandes d'indemnités, que de constituer des sociétés coopératives pour la réalisation de l'œuvre d'évaluation des dommages, et ultérieurement de reconstitution, à laquelle ils sont appelés à pourvoir. C'est à vous qu'il appartiendra de statuer sur les demandes d'avances présentées en exécution de la présente circulaire, et dont la solution ne doit être entravée par aucune formalité inutile. Toutefois, les demandes dépassant, le chiffre de 20 000 francs devront m'être soumises obligatoirement. Je vous prie de prendre les mesures nécessaires pour que le nouveau régime d'avances ainsi institué entre en fonctionnement sans délai, et pour que les instructions ci-dessus reçoivent toute la publicité nécessaire.
Le ministre des régions libérées, A. LEBRUN
Circulaire du 26 avril 1919, portant institution d'un nouveau régime d'avances pour la construction de bâtiments semi-provisoires
Le ministre des régions libérées, à MM. les préfets des départements atteints par les événements de guerre
I° - Des demandes sont fréquemment présentées par des sinistrés à l'effet d'être autorisés à édifier eux-mêmes, aux frais de l’État, des «constructions provisoires» ou «semi-provisoires», destinées à leur permettre d'attendre le moment de la reconstruction de leurs immeubles détruits. Si les constructions envisagées présentent le caractère de véritables abris provisoires en matériaux de durée limitée, pleinement assimilables à ceux dont la cession peut être faite aux sinistrés en toute propriété, sur la base de moitié du prix de revient, j'ai décidé à propos de cas particuliers, et je suis disposé à admettre d'une façon générale, que l'autorisation peut être accordée. Il est essentiel toutefois, dans ce cas, que la dépense dans laquelle l’État a à intervenir ne dépasse pas 4 500 francs - prix normal d'une des maisons provisoires fournies par les services de reconstitution - et que la construction soit édifiée sous leur contrôle. La dépense sera imputée sur le chapitre 10 de mon budget, comme celle des maisons provisoires fournies et édifiées par mes services, et la moitié en sera imputée au compte des dommages du sinistré. Pour le cas où la dépense dépasserait 4 500 francs, l'excédent demeurerait entièrement à la charge du sinistré, sur son compte de dommages de guerre.
II° - Si la construction doit être édifiée en matériaux durables et présente, par suite, des caractères de permanence qui la différencient nettement de l'abri provisoire - bien qu'elle demeure différente de la construction définitive que le sinistré se propose d'élever en remplacement de son immeuble ancien - l'hypothèse se rapproche de celle que prévoit et réglemente l'article 19 de la loi sur la réparation des dommages de guerre, article qui autorise l'attribution d'acomptes pour réaliser «des constructions semi-provisoires» lorsque l'attributaire justifie de l'impossibilité d'effectuer le remploi immédiatement en construction définitive. Dans ce cas, le montant des acomptes est toutefois limité au tiers du montant de l'indemnité, et le surplus de ladite indemnité, doit être capitalisé à 5 pour 100 par les soins du Trésor jusqu'au rétablissement de la créance initiale. La combinaison de ces dispositions m'a conduit, d'accord avec mon collègue, M. le ministre des finances, à envisager, sans attendre l'évaluation des dommages à laquelle est subordonnée l'allocation d'acomptes, l'institution d'un nouveau régime d'avances, aux sinistrés, en vue de leur permettre la réalisation de constructions semi-provisoires dans les conditions qui viennent d'être rappelées. Les avances dont il s'agit seront imputées sur la future indemnité de dommages de guerre du sinistré. L'octroi de ces avances doit être subordonné à l'engagement pris par l'intéressé d'accepter la capitalisation à 5 pour 100, par les soins du Trésor, du surplus de l'indemnité afférente à l'immeuble dont le bâtiment semi-provisoire doit tenir lieu, jusqu'au rétablissement de ladite somme. Le maximum des avances devra être fixé (pour éviter le dépassement de la proportion du tiers prévu par la loi) à 25 pour 100 seulement du montant approximatif de la part d'indemnité éventuellement afférente à l'immeuble détruit, telle qu'elle sera appréciée, sur la base d'un état déclaratif fourni par le sinistré, avec visa du maire et de deux propriétaires notables de la commune, et vérifié par les agents techniques de vos services C'est à vous qu'il appartiendra de statuer sur les demandes, au vu des propositions de M. l'architecte en chef du service.
Je vous prie, monsieur le préfet, de mettre immédiatement en vigueur ce nouveau régime d'avances, et de donner, dans le moindre délai, aux présentes instructions, toute la publicité désirable.
Le ministre des régions libérées, A LEBRUN.
Lettre adressée aux préfets par le ministre des régions libérées, 15 juin 1919 (sans titre)
Le ministre des régions libérées à MM. les préfets des départements atteints par les événements de guerre
I° - La nécessité s'impose d'assurer par tous les moyens un logement provisoire convenable, avant le retour de la mauvaise saison, aux habitants des régions libérées qui, sans attendre le plus souvent l'autorisation administrative, mais dans le très noble désir de se remettre, sans plus tarder, au travail, sont déjà revenus en grand nombre dans les régions dévastées. Il y a lieu de craindre, à cet égard, que, par suite des difficultés de transport, les stocks de maisons démontables qui existent dans les chantiers et ateliers de l'intérieur ne puissent être amenés quotidiennement sur les lieux d'emploi qu'en quantités notoirement insuffisantes pour répondre aux plus pressants besoins. D'autre part, l'utilisation des matériaux locaux doit être poussée à l'extrême, de manière à en obtenir le maximum de résultats possible pour l'édification d'abris provisoires, en attendant la reconstruction des bâtiments définitifs, qui prendra nécessairement un long délai. Dans ce but, j'ai reconnu l'utilité de préciser, tant au point de vue technique qu'au point de vue financier, et en vue d'assurer application de mes précédentes instructions dans l' esprit le plus large, ce qu'il convient d'entendre par constructions provisoires.
II° - Je vous prie de vouloir bien noter, à cet effet, que les termes de «constructions provisoires» s'appliquent, non seulement aux maisons démontables en panneaux de bois fournies par mes services, et aux baraquements analogues de diverses provenances, mais en outre aux constructions qui, bien qu'édifiées en matériaux durables, n'en présentent pas moins, en raison de leur importance minime et du mode particulier d'emploi desdits matériaux, un caractère essentiellement provisoire. Doivent notamment être considérés comme tels, les abris ou constructions d'une valeur ne dépassant pas celle des maisons démontables en bois correspondantes, et qui seraient édifiés soit avec des murs de briques de 22 centimètres d'épaisseur, hourdés en terre, soit avec des murs en briques de 11 centimètres, hourdés à la chaux, soit avec des murs en carreaux de terre, soit en tous autres matériaux locaux analogues et employés dans les mêmes conditions. La valeur des maisons démontables, sur laquelle doit se régler celle des dites constructions provisoires, est, ainsi que vous le savez, de 4 500 francs pour une maison de deux pièces, 5 6oo francs pour trois pièces et 7 400 francs pour quatre pièces.
Aux constructions provisoires édifiées en matériaux durables, dans les conditions ci-dessus, et ne dépassant pas le prix de revient qui vient d'être rappelé (sous réserve d'ailleurs de la justification des besoins résultant de la composition des familles, pour les constructions de 3 et 4 pièces), seront applicables les modalités financières ci après, qui ne constituent que l'application des principes déjà en vigueur - sous réserve des seules modifications résultant du caractère même des constructions en matériaux durs, qui ne sauraient évidemment être transférées sur un autre emplacement que celui où elles sont construites, comme le seraient des maisons démontables, mais dont les éléments peuvent toutefois, s'il y a lieu, après avoir été désagrégés ou désassemblés, se prêter à une réutilisation ultérieure.
III° - Les constructions dont il s'agit pourront être édifiées aux frais exclusifs de l’État, sur tout terrain appartenant aux communes, aux départements, à l’État, ou loué spécialement à cet effet par le service de reconstitution. Elles feront l'objet dans ce cas, soit de concessions moyennant loyer nominal de 1 franc, soit de locations sur les bases habituelles, suivant la situation de fait des demandeurs. Quand ces derniers les abandonneront pour rentrer dans leurs maisons reconstruites, elles pourront être, soit remises aux communes ou au département, en vue de divers usages, soit démolies avec soin, comme il est dit ci-dessus, en vue de la réutilisation de leurs matériaux (menuiseries, briques, poutrelles, planches, etc., etc.) dans les reconstructions définitives.
IV° - Si un sinistré demande l'édification d'une telle construction sur son propre terrain, il y sera procédé, également aux frais de l’État, à la seule condition que le demandeur accepte l'imputation à son compte de dommages de la part de la dépense excédant la moitié du prix de revient normal d'une maison démontable, c'est-à-dire du supplément de dépense dépassant la somme de 2 250 francs pour une maison de deux pièces, 2 800 francs pour trois pièces et 3 700 francs pour quatre pièces. La somme de 2 250 francs, 2 800 ou 3 700 francs restera, en tout cas, entièrement à la charge de l’État, comme s'il s'agissait d'une maison démontable, et sera imputée sur les crédits des travaux de première urgence. L'excédent sera payé sur les crédits des dommages de guerre et inscrit au compte du sinistré. Si, par suite de l'emploi des matériaux trouvés sur place, ou de la participation manuelle de l'intéressé à ses propres travaux, ou de toute autre cause, la dépense était inférieure à 2 250 francs pour une construction de deux pièces, 2 800 francs pour 3 pièces et 3 700 francs pour 4 pièces, l’État en supporterait donc intégralement la charge, à titre de « somme attribuée pour la construction d'abris provisoires » dans les conditions prévues par l'article 18, paragraphe 2 de la loi du 17 avril 1919. Si la dépense totale excède les chiffres susvisés - sans toutefois dépasser la somme de 4 500, 5 600, ou 7 400 francs, prix de revient au delà duquel la construction perdrait le caractère de construction provisoire - l'excédent est inscrit, comme il est dit ci-dessus au compte de dommages du sinistré. La construction, ainsi édifiée sur le sol appartenant au sinistré, devient immédiatement la propriété de ce dernier. Il conviendra d'ailleurs de veiller, avec le plus grand soin, à ce que l'emplacement qui lui sera donné ne puisse gêner en rien la reconstruction définitive des bâtiments détruits.
V° - Si enfin un sinistré veut construire lui-même, ou faire construire par un entrepreneur, sur son propre terrain, un bâtiment provisoire, répondant d'ailleurs entièrement aux caractéristiques ci-dessus, il aura également le droit de demander que le service de reconstitution lui en rembourse, ou en acquitte, la dépense, à la condition de prendre lui-même l'engagement prévu au paragraphe précédent. Dans ce cas, la somme de 2 250, 2 800 ou 3 700 francs, prise en charge par l’État, et le supplément incombant au compte de dommages du sinistré, feront l'objet des mêmes inscription et imputation que ci-dessus. De même, le sinistré deviendra aussitôt propriétaire de la construction, et les mêmes précautions devront être prises au point de vue du choix de l'emplacement.
VI° - Je crois devoir préciser en terminant, comme je viens de le rappeler incidemment ci-dessus, que la limite en-deça de laquelle doivent nécessairement se tenir les opérations dont il s'agit, en ce qui concerne le montant de la dépense à ne pas dépasser pour qu'une construction de l'ordre envisagé soit considérée comme provisoire et ouvre aux sinistrés les avantages ainsi définis, est la limite même résultant des conditions de prix de revient total des maisons démontables, c'est-à-dire celle de 4 500 francs pour une maison à deux pièces, 5 600 francs pour une maison à trois pièces et 7 400 francs pour une maison à quatre pièces. S'il s'agissait de constructions dont le prix de revient dépassât ces maxima, les dispositions ci-dessus cesseraient d'être applicables, pour faire place, le cas échéant, à celles qui sont formulées à l'article 19 de la loi sur la réparation des dommages de guerre, et dans ma circulaire du 26 avril 1919, en ce qui concerne les bâtiments semi-provisoires. De même, les constructions, d'une valeur inférieure aux chiffres ci-dessus, qui seraient édifiées dans des conditions de réalisation technique présentant un caractère plus voisin de celui d'une construction définitive que celles indiquées ci-dessus, devront également être considérées comme constructions semi-provisoires et continueront à être régies par les textes que je viens de rappeler.
Telles sont les dispositions que j'ai décidé d'adopter, et que je vous prie de mettre immédiatement en application dans l'esprit le plus large, en vue de provoquer sans délai, dans toute l'étendue des régions dévastées, et concurremment avec l'édification des maisons démontables ou des baraquements de toute provenance, un effort soutenu et intensif pour la reconstitution aussi prompte que possible des moyens d'habitation provisoires indispensables aux habitants sinistrés. Vous voudrez bien me rendre compte dans le délai d’un mois des premiers résultats qui auront étaient obtenus par l’application des présentes instructions, auxquelles je vous prie d’assurer la plus grande publicité par tous moyens utiles, et dont vous pourriez utilement faire l’objet d’une notice distribuée aux sinistrés.
Autres textes accompagnant la Charte des sinistrés (cités en intégralité dans l'ouvrage référence ci-dessus) :
- Circulaire du 16 juillet 1917 relative aux avances pour fonds de roulement
- Circulaire du 17 janvier 1918 concernant les avances à accorder aux agriculteurs dont les terres ne peuvent être remises en exploitation
- Circulaire du 12 octobre 1918 relative aux avances pour fonds de roulement
- Circulaire du 21 octobre 1918 relative aux conditions d'application respectives du régime spécial d'avances pour fonds de roulement aux agriculteurs dans les régions libérées et de la loi sur la culture des terres abandonnées
- Circulaire du 21 février 1919 instituant un régime spécial d'avances pour fonds de roulement aux industriels et chefs d'entreprise sinistrés
- Circulaire du 22 février 1919 relative à l'institution d'un régime spécial d'avances pour la reconstitution du mobilier professionnel indispensable à l'exercice de certaines professions
- Décret du 18 avril 1919 relatif à l'organisation et au fonctionnement des greffes de commissions cantonales et des tribunaux des dommages et guerre
- Circulaire du 19 avril 1919 relative à la constitution et au fonctionnement des comités techniques institués par l'art. 23 de la loi du 17 avril 1919 sur la réparation des dommages de guerre
- Arrêté du 19 avril 1919 fixant les indemnités dues aux présidents, membres et greffiers des commissions cantonales et tribunaux des dommages de guerre.
- Circulaire du 23 avril 1919 portant instruction sur la constitution des commissions cantonales et des tribunaux des dommages de guerre
- Circulaire du 24 avril 1919 relative à la transmission aux préfets des modèles de formules pour faciliter l'établissement des demandes d'indemnités et des déclarations de dommages de guerre par catégorie
- Circulaire du 27 avril 1919 concernant les avances aux cultivateurs sinistrés dont les terres sont incultivables, pour la reprise d'autres exploitations
- Décret du 26 mai 1919 portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 17 avril 1919 en ce qui concerne les édifices civils ou cultuels et les monuments présentant un intérêt national d'histoire ou d'art
LOI CORNUDET
LOI DU 14 MARS 1919 CONCERNANT LES PLANS D'EXTENSION ET D'AMÉNAGEMENT DES VILLES
Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art. 1er : Toute ville de 10 000 habitants et au-dessus, sans préjudice du plan général d'alignement et de nivellement imposé à toutes les communes par l'article 136,13°, de la loi du 5 avril 1884, est tenue d'avoir un projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension. Ce projet, qui devra être établi dans un délai maximum de trois ans, à compter de la promulgation de la présente loi, comprend :
1° Un plan qui fixe la direction, la largeur et le caractère des voies à créer ou à modifier, détermine les emplacements, l'étendue et les dispositions des places, squares, jardins publics, terrains de jeux, parcs, espaces libres divers, et indique les réserves boisées ou non à constituer, ainsi que les emplacements destinés à des monuments, édifices et services publics
2° Un programme déterminant les servitudes hygiéniques, archéologiques et esthétiques ainsi que toutes les autres conditions y relatives et, en particulier, les espaces libres à réserver, la hauteur des constructions, ainsi que les prévisions concernant la distribution d'eau potable, le réseau d'égouts, l'évacuation et la destination finale des matières usées et, s'il y a lieu, l'assainissement du sol
3° Un projet d'arrêté du maire, pris après avis du conseil municipal et réglant les conditions d'application des mesures prévues au plan et au programme.
Les mêmes obligations s'appliquent :
1° A toutes les communes du département de la Seine
2° Aux villes de moins de 10,000 habitants et de plus de 5 000 dont la population a augmenté de plus de 10 pour 100 dans l'intervalle de deux recensements quinquennaux consécutifs
3° Aux stations balnéaires, maritimes, hydrominérales, climatiques, sportives et autres dont la population, quelle qu'en soit l'importance, augmente de 50 pour 100 ou plus à certaines époques de l'année
4° Aux agglomérations, quelle qu'en soit l'importance, présentant un caractère pittoresque, artistique ou historique, et inscrites sur une liste qui devra être établie par les commissions départementales des sites et monuments naturels instituées par la loi du 21 avril 1906
5° aux groupes d'habitations et aux lotissements créés ou développés par des associations, des sociétés ou des particuliers.
Art. 2 : Lorsqu'une agglomération, quel que soit le chiffre de sa population, a été totalement ou partiellement détruite, par suite de faits de guerre, d'incendie, de tremblement de terre ou de tout autre cataclysme, la municipalité est tenue de faire établir, dans le délai de trois mois, le plan général d'alignement et de nivellement des parties à reconstruire, prévu par la loi du 5 avril 1884, accompagné d'une étude sommaire du projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension prévu à l'article ter de la présente loi.
Un arrêté du préfet, pris après avis de la commission instituée par l'article 4 de la présente loi décide si l'agglomération rentre dans les conditions prévues au premier alinéa ci-dessus et fixe le point de départ du délai. Tant que le plan d'alignement et de nivellement n'est pas approuvé, aucune construction, sauf d'abris provisoires, ne peut être effectuée sans autorisation du préfet, donnée après avis de la commission instituée à l'article 4 ci-après.
Art. 3 : Les frais des plans et projets prévus aux articles précédents sont à la charge de l’État en ce qui concerne les communes visées à l'article 2 ci-dessus, par dérogation au principe posé par l'article 136, 13°, de la loi municipale du 5 avril 1884. Il en est de même pour les agglomérations visées au 4° de l'énumération contenues à l'article 1er de la présente loi. Pour les autres communes, des subventions peuvent être accordées par décision du ministre de l'intérieur, rendue sur la proposition du préfet du département, sur les crédits inscrits à cet effet au budget du ministère de l'intérieur et dans une proportion qui sera fixée par un décret rendu en la forme des règlements d'administration publique.
Art. 4 : Il est institué à la préfecture de chaque département, sous la présidence du préfet ou de son représentant, une commission dite : «Commission départementale d'aménagement et d'extension des villes et villages», composée du conseil départemental d'hygiène, de la commission départementale des sites et monuments naturels, du conseil départemental des bâtiments civils et de quatre maires désignés par le conseil général. Cette commission entend les délégués des sociétés d'architecture, d'art, d'archéologie, d'histoire, d'agriculture, de commerce, d'industrie et de sport et des compagnies de transport du département, ainsi que les maires des villes ou communes intéressées et les représentants des divers services publics de l’État qu'elle croit devoir convoquer ou qui demandent à présenter leurs observations. Elle peut s'adjoindre des rapporteurs qui ont voix délibérative dans les affaires qu'ils rapportent. Cette commission groupe tous les documents nécessaires de nature à faciliter aux communes la préparation de leurs projets et à les guider.
Elle donne son avis :
1° Sur les projets établis par les municipalités
2° Sur les dérogations qui, en raison de difficultés spéciales ou de besoins locaux, peuvent être apportées aux principes posés par la commission supérieure instituée à l'article 5 ci-après
3° Sur les servitudes esthétiques ou hygiéniques résultant des projets qui lui sont soumis
4° Sur toutes les affaires que le préfet juge utile de lui soumettre.
Art. 5 : Il est institué au ministère de l'intérieur, sous la présidence du ministre ou de son délégué et la vice-présidence du ministre chargé des Régions libérées ou de son délégué, une commission supérieure d'aménagement, d'embellissement et d'extension des villes, ainsi composée : deux sénateurs élus par le Sénat; quatre députés élus par la Chambre des députés ; deux conseillers d’État en service ordinaire désignés par leurs collègues ; quatre maires dont trois désignés par le ministre de l'intérieur et un par le ministre chargé des Régions libérées, à raison de deux pour les communes de 20 000 à 50 000 habitants et deux pour les communes au-dessus de 50 000 habitants ; Le directeur de l'administration départementale et communale au ministère de l'intérieur ; Le directeur de l'assistance et de l'hygiène publique au ministère de l'intérieur ; quatre membres du conseil supérieur d'hygiène publique, désignés par leurs collègues ; quatre membres du conseil supérieur des beaux-arts, désignés par leurs collègues ; quatre membres du conseil général des bâtiments civils, désignés par leurs collègues ; quatre membres choisis parmi les urbanistes, architectes et autres personnes particulièrement qualifiées, désignés : deux par le ministre chargé des Régions libérées, et deux par le ministre de l'intérieur. Elle peut s'adjoindre des rapporteurs qui ont voix délibérative dans les affaires qu'ils rapportent. Cette commission est chargée d'établir les règles générales de nature à guider les municipalités dans l'application de la présente loi et donne son avis sur toutes les questions et tous les projets qui lui sont renvoyés par le ministre de l'intérieur ou le ministre chargé des régions libérées, soit d'office, soit sur la demande de la commission elle-même, par une délibération motivée.
Art. 6 : Lorsque le projet n'intéresse qu'une seule commune, et sauf le cas prévu au cinquième paragraphe de l'article 1er régi par l'article 8 ci-après concernant les groupes d'habitations, le conseil municipal, sur la proposition du maire, désigne l'homme de l'art, ou la société qu'il charge de l'étude et de la confection des plans et projets. Si, dans le délai de deux mois, à partir la promulgation de la présente loi, cette désignation n'a pas été faite, le préfet met le conseil municipal en demeure d'y procéder dans un délai d'un mois, passé lequel il fait lui-même d'office la désignation nécessaire. Lorsque le plan n'a pas été établi dans les délais prévus aux articles 1er et 2 ci-dessus, le préfet fait procéder d'office à ce travail aux frais de la commune et celle-ci est déchue de son droit aux subventions prévues à l'article 3, paragraphe 3, de la présente loi.
Art. 7 : Dès que les plans, programme et arrêté prévus à l'article 1er ont été établis, ils sont soumis, après avis du bureau d'hygiène et, à son défaut, de la commission sanitaire de la circonscription :
1° A l'examen du conseil municipal
2° A une enquête dans les conditions de l'ordonnance du 23 août 1835
Et 3°, à l'examen de la commission prévue à l'article 4.
Le conseil municipal ensuite est appelé à donner son avis définitif. Si le conseil municipal refuse ou néglige d'examiner le plan, le préfet lui adresse une mise en demeure et lui impartit un délai ne pouvant excéder un mois, passé lequel il examine lui-même le plan. Il en est de même dans le cas où le conseil municipal refuse ou néglige de donner son avis définitif.
Le préfet transmet le dossier accompagné de son avis motivé au ministre de l'intérieur qui consulte, s'il le juge utile, la-commission supérieure, et les travaux à exécuter par application du plan sont déclarés d'utilité publique par décret en conseil d’État. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une agglomération rentrant dans les cas prévus par l'article 2 de la présente loi, la déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté du préfet, sur avis conforme de la commission instituée par l'article 4, sauf en ce qui concerne les agglomérations énumérées à l'article 1er pour lesquelles un décret en conseil d’État est toujours nécessaire.
Art. 8 : Les associations, sociétés ou particuliers qui entreprennent la création ou le développement de groupes d'habitations sont tenus de déposer à la mairie un plan d'aménagement comprenant le raccordement avec les voies publiques et, s'il y a lieu, avec les canalisations d'eau potable et les égouts de la commune. Dans les vingt jours qui suivent ce dépôt, le plan est soumis à l'examen du bureau d'hygiène ou, à son défaut, de la commission sanitaire de la circonscription, au conseil municipal, puis à une enquête dans les formes prescrites par la circulaire du ministre de l'intérieur du 20 août 1825. Un mois après une mise en demeure dûment constatée, adressée par le propriétaire au maire et restée sans résultat, le préfet peut prescrire l'enquête. Le plan est ensuite soumis à la commission prévue à l'article 4 ci-dessus et approuvé, s'il y a lieu, par arrêté préfectoral. La décision du préfet doit intervenir dans le mois qui suivra l'enquête. A défaut de décision dans ce délai, le plan est réputé approuvé. Lorsque le plan est approuvé, aucune construction ne peut être édifiée sans la délivrance, par le maire, d'un permis de construire dans les conditions prévues par l'article 11 de la loi du 15 février 1902.
Art. 9 : Lorsque le projet de reconstruction, d'aménagement, d'embellissement et d'extension est de nature à intéresser plusieurs communes du département, le préfet peut provoquer une étude d'ensemble de ce projet, de la part des municipalités intéressées et instituer, même d'office, des conférences intercommunales en vue de la constitution de syndicats de communes, conformément aux prescriptions des articles 116 et 169 de la loi du 5 avril 1884. Le projet est instruit et déclaré d'utilité publique dans les formes indiquées par les articles 6 et 7 de la présente loi.
Si le plan doit dépasser les limites du département, il est dressé dans une conférence interdépartementale suivant les dispositions des articles 89, 90 et 91 de la loi du 10 août 1871 et soumis ensuite, dans chaque commune, aux formalités prévues aux articles 6 et 7 de la présente loi. Il est déclaré d'utilité publique par une loi qui fixera les mesures nécessaires à son application.
Art. 11 : A dater de la publication de l'acte portant déclaration d'utilité publique d'un plan de reconstruction, d'aménagement, d'embellissement et d'extension, ou de l'arrêté préfectoral approuvant les plans relatifs aux groupes d'habitation prévus à l'article 8, les propriétaires de terrains en bordure des voies et places projetées devront se conformer aux règles édictées par la législation sur l'alignement et ne pourront édifier des constructions nouvelles sans avoir obtenu, au préalable, un permis de construire délivré par le maire. Et il ne pourra plus être édifié de constructions nouvelles, en bordure des voies ou places projetées, que suivant les alignements fixés. A cet effet, aucune construction ne pourra être édifiée sans la délivrance par le maire d'un permis de construire.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de L’État.
Fait à Paris,
R. POINCARE
Pour le Président de la République : Le ministre de l’intérieur, J. PAMS Le ministre des Régions libérées, A. LEBRUN. Le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, L. LAFFERRE. Le ministre des travaux publics et des transports, A CLAVEILLE.
Circulaire du 5 mars 1920 relative à l’application de la loi du 11 mars 1919 sur les plans d’aménagement et d’extension – Ministère de l’intérieur
Le ministre de l’intérieur à MM. Les préfets, Paris, le 5 mars 1920
L’accroissement constant des agglomérations, la nécessité d’assurer aux populations urbaines des logements sains et aérés et de mettre à la disposition des habitants de grands espaces libres pour le développement des sports et des jeux, le souci très légitime des municipalités de donner aux divers aspects d’une ville un caractère esthétique, pittoresque ou monumental, le besoin de créer de larges voies de communication pour permettre de satisfaire aux exigences d’une circulation toujours plus grande et plus rapide, ont amené le parlement à voter la loi du 14 mars 1919, sur les plans d’aménagement, d’embellissement et d’extension des villes.
1 - Villes tenues d’avoir un plan d’aménagement et d’extension : aux termes de l’article 1er, sont tenues d’avoir un projet d’aménagement, d’embellissement et d’extension :
1° : toutes les villes de 10 000 habitants et au-dessus
2° : toutes les agglomérations totalement ou partiellement détruites
3° : les agglomérations présentant un caractère pittoresque, artistique ou historique
4° : les villes de moins de 10 000 habitants et plus de 5 000 dont la population a augmenté de 10% dans l’intervalle de deux recensements quinquennaux consécutifs
5° : les stations de villégiatures dont la population augmente de 50% à certaines époques de l’année.
2 - Organismes crées pour l’application de la loi : les organismes nouvellement créés pour assurer l’application de la loi sont :
1° : dans chaque préfecture, une commission départementale d’aménagement et d’extension des villes et des villages, dont la compétence et le rôle ont été fixés par l’article 4 de la loi. Si cette commission n’a pas encore été réunie dans votre département, vous aurez à procéder à sa constitution pour qu’elle puisse commencer dès maintenant les travaux
2° : au ministère de l’intérieur, une commission supérieure qui, à la suite de ses premières réunions, a établi, comme elle y était tenue par l’article 5 de la loi, les règles générales de nature à guider les municipalités dans son application. Vous trouverez ces règles générales en annexe à la présente circulaire.
3 - constitution des dossiers : la procédure normale pour l’établissement d’un plan est la suivante :
1° : délibération du conseil municipal
2° : désignation de l’homme de l’art
3° : avis du bureau d’hygiène ou de la commission sanitaire
4° : enquête
5° : examen obligatoire par la commission départementale
6°: transmission au préfet
7° : transmission au ministre de l’intérieur
8° : déclaration d’utilité publique par le décret en conseil d’état.
Avant de me transmettre les dossiers, vous voudrez bien vous assurer qu’ils sont régulièrement constitués et comprennent, outre les pièces expressément visées dans la loi, tous documents utiles pour permettre à l’administration supérieure et au conseil d’État de se prononcer en connaissance de cause ; j’ajoute que, conformément à l’indication contenue dans l’annexe ci-jointe, les plans d’aménagement devront être établis au 1/1000 et les plans d’extension au 1/5000.
4 - Ententes intercommunale et interdépartementales : aux termes de l’article 9, lorsque le projet intéresse plusieurs communes, le préfet peut provoquer la réunion d’une conférence intercommunale en vue de la constitution d’un syndicat de communes. J’appelle d’une manière toute particulière votre attention sur l’intérêt que présenteront ces réunions, notamment dans les cas où il s’agira de grouper les efforts de plusieurs municipalités pour réaliser des travaux d’ensemble tels que la création de réseaux d’égouts, de distribution d’eau, d’éclairage, d’énergie électrique. De même, ainsi que l’indique l’article 10 de la loi, les conseils généraux seront appelés à organiser des conférences interdépartementales si les projets doivent excéder les limites d’un département.
5 - Choix de l’homme de l’art par les communes : l’établissement des plans prévus par le législateur nécessite de la part de l’homme de l’art appelé à les dresser une connaissance aussi approfondie que possible des questions d’hygiène, d’esthétique, d’architecture et de voirie. Ils convient donc que les municipalités apportent un soin tout particulier à la désignation du technicien chargé de dresser ces plans. Certaines associations se sont constituées pour offrir leurs services aux municipalités qui pourront, dans certains cas, faire appel utilement à leur concours. Mais il n’appartient pas a l’administration supérieure de faire un choix ou de marquer une préférence entre ces divers groupements.
6 - Consultations des chambres de commerce, compagnies, de transport, d’éclairage etc. : ainsi qu’il est indiqué à l’annexe ci jointe, il peut y avoir intérêt à demander, en vue de l’établissement du plan, des renseignements aux chambres de commerce, aux groupements industriels, archéologiques ou artistiques, aux œuvres sociales, aux compagnies de transport, d’éclairage ou d’énergie électrique. Dans ce cas, c’est aux municipalités et non aux architectes, qu’il appartiendra de se mettre en rapport avec ces organismes.
7 - Avant-projet sommaire : vous voudrez bien informer les municipalités qu’elles pourront, si elles le désirent, soumettre un avant-projet à la commission supérieure qui leur fournira toutes les indications sur les conditions dans lesquelles devront être poursuivies les études et dressés les projets collectifs. Je n’ai pas besoin d'appeler votre attention sur l’importance que j’attache à ce que les prescriptions contenues dans la loi du 14 mars 1919 soient observées par les municipalités et à ce que les plans soient établis dans le plus bref délai possible. Quant aux règles générales adoptées par la commission supérieure et contenues dans l’instruction ci-jointe, elles ne constituent pas des prescriptions impératives; il appartiendra à chaque municipalité de les adapter aux besoins locaux et, le cas échéant, de les modifier pour les mettre en harmonie avec ses besoins. Il convient toutefois, de ne s’écarter de ces règles que dans les cas où il n’aura pas été réellement possible d’en tenir compte.
Vous voudrez bien m’accuser réception de la présente circulaire que je vous prie de porter à la connaissance des municipalités par la voie du recueil des actes administratifs.
Instruction annexée à la circulaire du 5 mars 1920 concernant les règles de nature à guider les municipalités dans l’application de la loi du 14 mars 1919 - Ministère de l’Intérieur
1 - Étudier les plans généraux de réorganisation du Gouvernement en ce qu’ils intéressent, de près ou de loin, l'agglomération et sa région. Traités de commerce, organisation d’agriculture ou de sylviculture, tracés de canaux ou de voies ferrées, approfondissement et aménagement des ports, ouvrages d’art, ponts, routes, électrification, aéronautique, houille blanche, etc…
En tenir compte dans l’élaboration du plan futur de l’agglomération.
2 - Étudier les besoins de l’agglomération pour elle-même et par rapport à ses voisines immédiates. Ententes interdépartementales, ententes intercommunales, ententes pour l’approvisionnement, les abattoirs, les marchés, les traitements des matières résiduaires, syndicats agricoles, motoculture, réseau d’égouts, de force motrice, d’éclairage, de distribution d’eau potable et non potable, transports en commun, etc…
3 - Choisir l’homme de l’art qui rédigera le programme, puis le plan, après les suggestions et discutions.
Le choisir en raison de sa compétence.
4 - Fournir à ce technicien des idées directrices et des documents complets avec l’indication des intentions de la municipalité. Consultations, des chambres de commerce, des groupements industriels, archéologiques ou artistiques régionaux, des œuvres sociales. Cadastre, plans parcellaires et de nivellement, statistique de population, de commerce, d’industrie, d’hygiène, de morbidité et de mortalité. Consulter les deux brochures éditées par le ministère des régions libérées qui, par une énumération très complète et judicieusement ordonnée, appellent l’attention sur tous les points qui, suivant les cas, prendront plus ou moins d’importance dans l’élaboration du programme à fournir au technicien.
Un bon plan est subordonné étroitement à un bon programme.
5 - Soumettre à la commission supérieure, dans l’intérêt même des villes et pour leur éviter, soit des projets trop grandioses et forts coûteux, soit des projets insuffisants ou mal compris, une esquisse générale du plan projeté avec argument écrit expliquant les améliorations envisagées, à l’échelle réduite.
Le plan définitif de l’aménagement en ce qui concerne l’agglomération actuelle sera fourni a l’échelle de 1/1000 par mètre.
Le plan définitif de l’extension sera fourni à l’échelle 1/5000 par mètre.
Des détails pourront êtres fournis à des échelles supérieures.
Pour tous ces plans, les teintes conventionnelles seront : le rouge pour les parties à créer, le jaune pour les parties à supprimer, le noir pour les parties à conserver. Ces mêmes teintes plus foncées indiqueront des édifices publics.
6 - Être raisonnable dans l’étude et le tracé du plan d’extension, d’aménagement et d’embellissement ; raisonnable parce que les budgets de la France appauvrie ne se prêtent pas à des fantaisies couteuses ; raisonnable parce qu’il faut tenir compte que de ce qui existe ; raisonnable enfin parce que les chemins de fer jadis, l'automobilisme aujourd’hui, l’aéronautique demain peuvent mettre en morceaux une conception trop rigide, trop absolue ; raisonnable aussi pour donner, par des vues suffisamment larges, satisfaction à l’esprit de prévision du législateur.
7 - Étudier la circulation intérieure et extérieure, en se rappelant que la direction, l’utilisation, le caractère, la largeur des voies sont fonction les unes des autres. Élargir ou créer des voies avec des pentes minimes, des angles ouverts, des rayons de giration amples, des visées suffisantes facilitées par de larges pans coupés. Améliorer, plutôt que bouleverser, afin de ne pas détruite le caractère, l’individualité de la ville, son aspect pittoresque et décoratif. Il n’est pas nécessaire de favoriser les grandes vitesses dans les centres populeux et il inutile d’élargir systématiquement les rues où il ne passe personne. Les obligations de l’hygiène doivent s’attaquer bien plus énergiquement aux cours obscures qu’aux rues étroites.
Ménager les anciens tracés : penser aux dépenses et de se rappeler qu’une voie nouvelle souhaitable mais que son coût empêche de réaliser jamais est moins intéressante qu'une rue améliorée ; que, à cause des pentes, le meilleur chemin d’un point à un autre n’est pas toujours la ligne droite, que l’alignement rectiligne gâte souvent l’aspect d’une voie ancienne sans profit appréciable. Éviter toutefois que, dans le but de supprimer une dépense minime dans l’ensemble, on grève l’agglomération d’une gêne irrémédiable.
Quand au caractère des voies, il convient d’entendre par là l’indication dans le projet, de l’utilisation des rues, résidentielles ou de circulation active, et non la création de répétitions inutiles ou de pastiches invraisemblables. Sous réserve, bien entendu, des architectures obligatoires, nécessaires à la mise en valeur d’un monument ou à la composition d’un ensemble décoratif.
Rechercher, dans la mesure du possible, la suppression des passages à niveau des voies ferrées et des ponts tournants des voies navigables. Prévoir et faciliter à certaines voies un élargissement ultérieur au moyen de bas-côtés gazonnés.
8 - Étudier la répartition des espaces plantés et libres intérieurs et extérieurs, publics et privés. Il s’agit de mettre dans nos villes beaucoup plus d’arbres et beaucoup moins d’habitants à l’hectare et non de créer, quand même et à grands frais, des vides superfétatoires à côté d’autres existants.
L’important est la distribution proportionnelle de l’air pur et de l’espace libre à chaque habitant. Favoriser soit par des règlements, soit par des primes, les maisons en retrait derrière des jardins à l’alignement et les jardins en général. Utiliser à ce propos la loi du 6 Novembre 1918 sur l’expropriation par zones. Planter les voies publiques, les carrefours et les places. Tenir compte des conditions météorologiques et de l’orientation.
9 - Étudier les emplacements destinés aux monuments, édifices et services publics. Il est élémentaire que les services administratifs où fréquente la foule : préfectures, mairies, caisses d’épargnes, postes et télégraphes, tribunaux, bibliothèques, musées, théâtres, etc… soient rapprochés du centre. Il est naturel que les services publics spécialisés : gares, écoles, bains publics, églises, temples, postes de police, dispensaires, marchés d’alimentation, etc… soient répartis suivant les besoins et facilement desservis. Il est indispensable que les hôpitaux, hospices, prisons, soient construits sur les périphériques des villes ; que les abattoirs, marchés aux bestiaux, usines d’équarrissage, de traitement des vidanges, d’incinération des immondices ou des gadoues, les usines à gaz, les cimetières et les fours crématoires soient éloignés des agglomérations et placés dans des endroits judicieusement déterminés, notamment par rapport aux vents régnants.
Il convient enfin, parmi ces monuments, de distinguer ceux dont l’utilisation pratique évolue lentement, comme les mairies, les églises, les temples, les tribunaux, les bourses, les théâtres, etc… et ceux qui, devant être l’objet de perfectionnements incessants, ne doivent être prévus que pour une existence relativement brève : les bureaux de postes, les hôpitaux, les écoles, les gares, les laboratoires, les usines, les casernes, les prisons, en prévoyant, s’il y a lieu, des agrandissement successifs.
Il s’agit ici naturellement des monuments à construire. Quand au nombre de ceux qui existent, on ne saurait trop insister pour rappeler qu’ils constituent souvent un élément de beauté et de richesse, même commerciale, pour les villes et qu’il importe de les ménager d’abord et de les utiliser ensuite, si faire se peut, et avec tout le respect indispensable, pour y abriter des services publics. A signaler expressément le danger des dégagements malencontreux qui ont désencadré et dénudé si bêtement trop de chefs-d’œuvre de l’architecture nationale qui n’ont pas été conçus isolés ou que le temps a heureusement entouré.
Dévier une voie, si cela est nécessaire à leur conservation : ne pas déplacer un œuvre intéressante. Ne pas rechercher l’unification de styles dans un ensemble ancien, mais y maintenir l’harmonie des architectures et des colorations. Ne pas oublier que, dans l’histoire, les belles époques artistiques ont toujours fait du « moderne ».
Meubler les paysages urbains par des monuments ou parties de monuments formant des fonds aux perspectives. Développer le pittoresque des places. Utiliser l’heureux effet des mosaïques dans le pavage.
10 - Appliquer aux constructions publiques et privées les règlements du ministre de l’intérieur, intégralement si le climat n’impose quelque modification. Tenir énergiquement la main à leur observation scrupuleuse.
11 - Distribuer largement aux habitants l’eau potable et l’eau de lavage. Aménager des piscines, des bains, des bains-douches.
12 - Organiser un réseau d’égouts ou de canalisations avec les pentes et les lavages nécessaires. Assurer l’évacuation ou la destruction des matières usées, incinération, etc…
13 - Donner aux populations le goût de l’hygiène, de la propreté, de la tenue de leur ville, des rues, des maisons, des personnes. Leur donner l’exemple dans les administrations publiques.
14 - Faire exécuter les prévisions, faire respecter les règlements, faire appliquer les sanctions.
Ne pas oublier que l’intérêt général prime l’intérêt des individus et n’est pas seulement la somme des intérêts particuliers.
LOI SUR LES COOPÉRATIVES DE RECONSTRUCTION :
Loi du 15 août 1920 portant fixation du régime légal des sociétés coopératives de reconstruction formées par les sinistrés en vue de la reconstitution des immeubles atteints par les événements de guerre
Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgua la loi dont la teneur suit :
TITRE Ier - DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Art. premier : Des sociétés coopératives de reconstruction peuvent être constituées entre personnes ayant droit à indemnité pour réparation de dommages immobiliers ou leurs ayants cause en vertu de la loi du 17 avril 1919. Ces sociétés ont pour objet de procéder, pour le compte de leurs adhérents, à toutes les opérations relatives à la reconstitution immobilière, notamment à la préparation des dossiers, à l'évaluation des dommages, à l'exécution, à la surveillance et au payement des travaux de réparation ou de reconstitution et au remploi des avances et acomptes prévus par la loi susvisée. Elles jouissent de la personnalité civile.
Art. 2 : La durée de la société est déterminée par la réalisation de l'objet pour lequel elle a été constituée.La dissolution ne peut en être prononcée avant l'expiration de son terme, qu'en vertu d'une délibération de l'assemblée générale, prise à la majorité en nombre et en sommes, ou en vertu d'une décision judiciaire, pour causes graves dûment justifiées. La société ne prend pas fin par le décès, la faillite, la liquidation judiciaire, la déconfiture ou la volonté de l'un de ses membres ; dans ces divers cas, comme en cas de cession, elle se continue de plein droit avec ses héritiers ou ayants droit.
Art. 3 : L'assemblée générale des sociétaires délibère souverainement sur les statuts et sur toutes les affaires de la société. Elle doit être composée des deux tiers des adhérents représentant la moitié du montant total des indemnités gérées par la société. Si une première assemblée ne remplit pas les conditions ci-dessus fixées, une nouvelle assemblée sera convoquée. Ses décisions seront définitives, pourvu qu'elle réunisse au moins la moitié des adhérents représentant le tiers du montant total des indemnités. Si ces conditions ne sont pas encore remplies, une troisième assemblée est convoquée et délibère valablement, quels que soient le nombre des sociétaires présents et le montant total des indemnités représentées. Les décisions sont toujours prises à la majorité absolue des adhérents présents ou représentés. L'assemblée nomme un conseil d'administration, pris parmi les membres de la société. En sont exclus ceux qui ont passé avec la société des contrats pour l'exécution des travaux ou de marchés de fournitures.
Le conseil d'administration agit, d'une manière générale, pour le compte des adhérents, comme étant leur mandataire vis-à-vis de l'État et des tiers et gère leurs intérêts dans les conditions de la présente loi. Il passe notamment tous contrats et marchés en leur nom, fait exécuter les travaux de réparation ou de reconstitution de leurs immeubles, conformément aux plans et devis acceptés par eux. Il représente valablement la société en justice.
Le conseil peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à l'un de ses membres et charger, sous sa responsabilité, un directeur ou gérant d'exécuter et surveiller les opérations de la société.
Art. 4 : Les ressources propres de la société se composent :
1° Des versements faits par les associés pour leur part contributive au fonds commun destiné à faire face aux frais et dépenses de la société
2° Des subventions et avances, s'il y a J lieu, accordées par l'État
3° Des-libéralités, dons ou legs faits à la société.
Les charges de la société comprennent les frais et dépenses nécessaires à son fonctionnement.
Art. 5 : Les payements faits par l'État à la société pour le compte de ses adhérents, sont effectués, au moyen d'ouvertures de crédit, en leur nom, chez les trésoriers payeurs généraux ou les établissements désignés à cet effet. Des comptes individuels, distincts de ceux de la société, sont ouverts, sur ces registres, à chaque sociétaire, sur lesquels elle porte, d'une part : les sommes qu'elle a reçues pour lui et qui doivent être rigoureusement affectées aux travaux de réparation ou de reconstitution d'immeubles, dans les conditions de remploi prévues par la loi du 17 avril 1919 ; d'autre part, les sommes dues par le sociétaire ou payées pour son compte.
Art. 6 : Les administrateurs sont responsables envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions de la présente loi, soit des fautes lourdes qu'ils auraient commises dans l'exercice de leurs fonctions.
Art. 7 : Les sociétaires sont tenus des dettes et obligations de la société dans les limites prévues par l'article 4 de la présente loi et proportionnellement à leurs intérêts. Ils ne peuvent se retirer de la société avant la fixation de leurs indemnités par les commissions et juridictions compétentes, ni lorsqu'ils auront opté pour le remploi, avant l'achèvement des travaux de reconstitution de leurs immeubles et la liquidation, qui devra suivre, de leurs comptes individuels.
Art. 8 : Dans le mois de constitution de toute société coopérative ou union de sociétés coopératives, un double de l'acte constitutif, s'il est fait par acte sous seings privés, ou une expédition, s'il est notarié, est déposé au greffe de la justice de paix du canton et à la préfecture du département. Dans le même délai, un extrait de l'acte constitutif est publié dans l'un des journaux de l'arrondissement de ce département désigné pour recevoir les annonces légales. Les formalités ci-dessus prescrites seront observées, à peine de nullité, à l'égard de la société.
Art. 9 : L'ordre dans lequel seront exécutés les travaux relatifs aux immeubles à réparer ou à reconstruire est arrêté dans les conditions fixées par les statuts.
Art. 10 : Sont dispensés des formalités et exempts des droits de timbre et d'enregistrement les actes nécessaires à la constitution, à la modification et à la dissolution des groupements de reconstitution, à condition que ces actes remplissent les conditions prévues à l'article 68, paragraphe 3, n° 4, de la loi du 22 frimaire an VII, ainsi que tous les actes quelconques passés par ces groupements ou leurs adhérents pour leur fonctionnement et la résiliation de leur objet.
Art. 11 : Les sociétés coopératives de reconstruction, constituées dans les conditions fixées par la présente loi, peuvent se grouper en unions, suivant les mêmes règles, pour passer des marchés, effectuer des achats en commun, centraliser leurs opérations de comptabilité et s'aider mutuellement dans la gestion de leurs intérêts communs.
Art. 12 : En dehors des prescriptions prévues par la présente loi, les sociétés coopératives de reconstruction ou leurs unions sont réglées par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.
TITRE II - DISPOSITIONS SPÉCIALES AUX SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES ET AUX UNIONS DE SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES APPROUVÉES PAR L'ÉTAT
Art. 13 : Les sociétés coopératives qui ont reçu l'approbation de l'État bénéficient seules des avantages pécuniaires stipulés par la présente loi.
Art. 14 : Les conditions de l'approbation sont les suivantes :
1° Les statuts seront établis conformément aux dispositions essentielles contenues dans les statuts-types élaborés par le ministère des régions libérées
2° Le choix des architectes, entrepreneurs et hommes de l'art chargés par la société de la préparation des projets, de la surveillance, de l'exécution et du règlement des travaux sera fait sur une liste dressée pour chaque département, avec le concours des coopératives approuvées et dans les conditions fixées par décret
3° La société tiendra une comptabilité régulière et sera soumise au contrôle financier de l’État
4° Elle pourra être constituée entre sinistrés d'une ou de plusieurs communes ou leurs ayants cause. Mais, dans une même commune, il ne sera admis plus d'une coopérative que si le montant des dommages immobiliers causés à ses adhérents atteint, au minimum, un million, calculé d'après la perte subie.
Art. 15 : Les conditions de l'approbation sont vérifiées par un comité spécial, présidé par le préfet, et qui statue, dans un délai de quinzaine, du dépôt de la demande. Le refus d'approbation doit être motivé. La décision qui le prononce est susceptible d'appel devant un comité central, siégeant, à Paris, présidé par le ministre des régions libérées, et qui statuera dans le délai d'un mois. Ces comités, qui seront nommés dans les conditions prévues par l'article 22 de la présente loi, comprennent un tiers de membres de sociétés coopératives.
Art. 16 : L'approbation pourra être retirée par le ministre, sur l'avis du comité central, pour inobservation des règles, fixées par la présente loi ou pour fautes graves commises par les administrateurs, sauf recours de la société devant le conseil d'État.
Art. 17 : En vue de faciliter le fonctionnement des services généraux des coopératives approuvées, des subventions leur seront accordées par l'État, suivant un barème annexé à la présente loi, et sur les crédits inscrits au budget du ministère des régions libérées.
Art. 18 : Indépendamment des avances individuelles et des acomptes prévus par la loi du 17 avril 1919 et en vue de faciliter aux coopératives approuvées la constitution d'un fonds commun, des avances remboursables pourront leur être consenties par le ministre des régions libérées d'accord avec le ministre des finances.
Art. 19 : L'État peut passer directement des marchés de gré à gré pour l'exécution de travaux de déblaiement, quelle que soit leur importance, avec les sociétés coopératives de reconstruction approuvées.
Art. 20 : Pourront adhérer aux coopératives approuvées et participer à leur fonctionnement au même titre que les autres sociétaires :
1° Les départements, les communes, les établissements publics, dans les conditions qui seront déterminées par un décret pris par le ministre des régions libérées, d'accord avec les ministres de l'intérieur et des finances
2° Les personnes incapables, dûment autorisées.
Art. 21 : Les sociétés ou unions de sociétés déjà constituées, sous quelque forme que ce soit, en vue de la réparation ou de la reconstruction d'immeubles détruits ou atteints par les faits de la guerre, les sociétés d'habitations à bon marché et de crédit immobilier, approuvées par arrêté ministériel, pourront obtenir l'approbation du ministre des régions libérées dans les conditions prévues par les articles 13 et suivants de la présente loi.
Art. 22 : Dans le délai a un mois à partir de la promulgation de la présente loi, un décret, rendu sur la proposition du ministre des régions libérées et contresigné par le ministre des finances, déterminera le mode d'attribution des subventions et des avances, la forme des comptabilités, la composition des comités départementaux et du comité central, la procédure d'établissement des listes d'architectes, d'entrepreneurs et hommes de l'art agréés et, d'une façon générale, toutes les mesures relatives à l'application de la présente loi.
Art. 23 : La présente loi est applicable aux départements du Haut-Rhin, du Bas Rhin et de la Moselle, en même temps qu'aux autres départements français. La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'État.
Fait à Rambouillet, le 15 août 1920.
P. DESCHANEL.
Pour le Président de la République : Le ministre des régions libérées, E. OGIER, Le ministre des finances, F. FRANÇOIS-MARSAL.
Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.