Les foyers-hôtels
"Au premier plan figurent deux grands bâtiments, ce sont deux « foyers » pour le personnel des trains ; l´un destiné au personnel des machines (mécaniciens et chauffeurs), l´autre au personnel des trains proprement dits (conducteurs et garde aux freins).
Les réseaux ont du de tout temps, aménager dans les grandes gares et les grands dépôts pour le personnel ambulant, des dortoirs et des cuisines-réfectoires destinés aux mécaniciens, chauffeurs, conducteurs et garde-freins de passage dans les centres éloignés de leur résidence normale. Ces locaux appelés « dortoirs » ou « corps-de-garde » étaient des locaux de service peu agréables et très médiocrement tenus.
Dans un pays tel que Longueau on peut facilement s´imaginer ce que serait pour les employés habitant d´autres points du réseau leur arrivée et leur séjour de quelques heures dans cette gare au mouvement intense ou bien dans des petits hôtels aux abords plus ou moins bien installés où ils seraient exposés aux dangers des débits, aux dépenses et au bruit après un travail pénible ayant nécessité une attention sans cesse en éveil. Il leur fallait à proximité de leurs machines et de leurs trains un « hôtel » convenable et c´est pourquoi la Compagnie a créé ces « foyers-hôtels ».
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Le service d´architecture du Nord a imaginé un seul type de bâtiment de la forme d´un « marteau » que l´on peut retourner pour obtenir deux bâtiments symétriques. A Longueau, les deux foyers sont ainsi diversement implantés et suivant le plan général adopté de la cité-jardin.
En examinant le plan type unique de ces foyers hôtels on remarquera que par suite de leurs grandes proportions et pour avoir un effet général plus agréable dans l´aspect des façades les différentes parties ont été décalées, décrochées ; ces décrochements ont permis, en outre, une composition encore meilleure du plan. Ce type de construction comprend deux parties : la première (le manche du marteau) est un rez-de-chaussée surélevé, l´autre partie est à étages - nous verrons comment celle-ci varie suivant l´importance du dépôt et par conséquent du foyer.
Cette disposition permet d´obtenir aussi deux parties où le séjour est tout différent l´un de l´autre. Celle composée d´un rez-de-chaussée est affectée au séjour du personnel quand il ne dort pas - il peut y régner un bruit plus ou moins grand par le mouvement et les conversations de ce personnel ; la deuxième partie à étages, est au contraire l´hôtel du silence parce que c´est dans cette partie que sont disposées les « chambres » ou reposent les employés.
On accède à l´intérieur du bâtiment par deux perrons en béton aggloméré flanquant une partie bien composée qui enveloppe un coquet vestibule d´entrée éclairé par un long dégagement.
La salle des lavabos dont nous donnons une photographie est très bien installée, chaque lavabo est pourvu d´une glace fixée à la partie supérieure.
Le dégagement dessert la cuisine où les employés peuvent faire chauffer les repas qu´ils ont apportés dans des cantines et le réfectoire très largement aéré et éclairé par de grandes baies, réfectoire gai et d´une propreté à signaler.
Les employés peuvent lire ou écrire dans une salle de lecture dans laquelle on accède par un dégagement, ils peuvent aussi jouer aux cartes en attendant l´heure du départ ou du repos.
Au sous-sol sont installés la Chaufferie du chauffage central des bains et des lavabos ainsi que des Vestiaires chauds qui sont très à proximité de cette chaufferie. Les employés peuvent y déposer leurs vêtements plus ou moins mouillés, en changer et les reprendre en quittant le foyer-hôtel. Il paraît inutile de signaler combien cette innovation est appréciée par le personnel qui est maintenant certain d´avoir des vêtements dans un état convenable qui évite bien des refroidissements, causes de maladies.
Le rez-de-chaussée et chaque étage de l´autre partie comprennent un palier desservant un débarras et des waters. Un dégagement axial dessert des rangées de chambres ; ce dégagement est fermé à son entrée par une porte et divisé sur sa longueur par des cloisons percées de portes afin que le bruit de l´autre partie ne puisse y parvenir. Au lieu des anciens dortoirs, la Compagnie a disposé des chambres convenables comportant chacune deux lits.
Ces explications permettront d´apprécier l´amélioration considérable que la Compagnie du Nord a réalisée par la création de ces foyers réservés au personnel des trains.
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Le plan, les photographies que nous publions permettront aux architectes d´apprécier les belles constructions des « foyers-hôtels » du Nord. Les bâtiments sont en briques rouges agrémentées de briques blanches, linteaux en ciment, la partie où s´ouvre la porte d´entrée décorée par du grès flammé. Les couvertures sont en tuiles mécaniques. Toutes les salles à usage commun (sauf la salle de lecture) sont carrelées en cérame avec revêtement en faïence. Les sols des dégagements des chambres et ceux de ces dernières sont en parquet sans joint. Toutes les croisées sont en bois et à guillotine, peintes extérieurement en blanc, les baies sont avec grands cadres également à guillotine en fer au même ton blanc.
Chaque étage du bâtiment à étages se compose de travées comprenant chacune deux chambres, soit six chambres sur une hauteur totale du pavillon. Ces foyers ont donc des chambres toujours dans un nombre multiple de 6 ; cette particularité donne la possibilité de se servir de plans et de dessins pouvant être utilisés pour n´importe quel foyer et permet aussi le cas échéant d´augmenter l´importance des bâtiments existants en ajoutant en extrémité des travées de six chambres chacune, soit deux à l´étage.
Pour chacun des deux foyers de Longueau il y a douze travées de six chambres, soit 72 chambres et 144 lits par bâtiment ; la hauteur des chambres est de 3 m. 50.
L´orientation des bâtiments, très importante, a d´autre part été observée pour la composition du plan. L´axe du bâtiment à étages est suivant une direction nord-sud, ce qui donne une bonne aération à ce bâtiment dont les chambres sont tout à tour au soleil tandis que les grandes baies s´ouvrant sur la partie en rez-de-chaussée de l´autre partie longue du bâtiment reçoivent la meilleure lumière".
GOISSAUD, Antony. « L´oeuvre de la Compagnie du Nord ». La construction Moderne, n° 4, 24 octobre 1926, p. 39-47.