Les logements ouvriers font partie du même dossier de demande de dommages de guerre que la ferme et le logis patronal. Il s'agit donc bien d'un ensemble conçu en une seule fois, bien que les dates de construction soient différentes. Sans ce dossier, il serait impossible de rattacher cette maison à deux unités d'habitation à la ferme car rien dans son son apparence ni dans son élévation ne la rapproche du reste de la ferme, bien qu'elle soit jointive avec la grange construite en 1921.
La date de construction des maisons ouvrières de la ferme est un peu plus tardive que celle de la reconstruction des autres maisons à deux unités d'habitation de Bapaume. Ces dernières n’étant pas essentielles à la reprise de l'activité économique, leur reconstruction ne commence qu'en 1922 avec trois maisons pour connaitre son plein essor en 1923 avec 14 maisons, puis décroitre à partir de 1924 avec seulement trois maisons. Entre 1925 et 1929, date à laquelle se type de construction n'apparait plus dans les dossiers de dommages de guerre, seules six autres maisons à deux unités d'habitation seront construites.
Il n'est pas rare de voir l'exploitant d'une grosse propriété agricole loger ses ouvriers. Cependant, M. Vasseur-Derly prend la peine de leur construire une vraie maison et ne contente pas de les loger dans l'étage sous-combles des bâtiments agricoles comme c'est souvent le cas. Les matériaux de construction utilisés pour les maisons ouvrières sont proches de ceux mis en œuvre pour le logis patronal : briques cuites au four pour la façade sur rue mais briques de meule pour l'arrière, planchers en béton pour le rez-de-chaussée et en sapin pour l'étage, seuils en pierre dure, cloisons intérieures plâtrées puis peintes, couverture en ardoise... Les différences tiennent essentiellement dans les matériaux de second-œuvre : pas de sol carrelé pour les maisons ouvrières mais du granito, huisseries intérieures et extérieures en sapin et non en chêne, linteaux de cheminée en bois et non en marbre... Ainsi, le budget de construction des deux maisons (94 000 francs) représente à peine 70% de celui du logis patronal.
Le plan est typique d'une "1930" modeste avec au rez-de-chaussée deux pièces en enfilade desservies par un couloir latéral au bout duqel se trouve l'escalier qui mène à l'étage où deux chambres sont réparties autour d'un petit palier. L'élévation est soignée : symétrie de la façade, décor apporté par les impostes courbes s’achevant par des coins en ciment au-dessus des fenêtres, par l'utilisation de briques posées de champs pour les linteaux des baies, ou le bandeau qui traverse la façade et ses cabochons et celui sous la corniche, par la casquette en béton réunissant les deux portes d'entrée et les appuis de fenêtre saillant supportés par de petits modillons.
De par l'utilisation des matériaux (briques et béton) ainsi que par son aspect, cette maison à deux unités d'habitation est représentative des constructions modeste réalisées à Bapaume par Eugène Bidard.
Architecte diplômé en 1895 de l’École supérieure des Beaux-Arts de Paris.
Membre de la société civile d’architectes La cité nouvelle fondée en 1919 par Charles Duval et Emmanuel Gonse.
(Pour plus d'informations sur la carrière d'Eugène Bidard, se reporter à l'annexe "Eugène Bidard, l'architecte de la reconstruction de Bapaume").