Dossier d’œuvre architecture IA60003117 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, les piscines en Hauts-de-France
La piscine Paul-Boutefeu de Noyon
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  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Sources et Vallées - Noyon
  • Commune Noyon
  • Adresse 84 avenue Jean-Bouin
  • Dénominations
    piscine

La piscine de Noyon est construite en tant que prototype par le Ministère de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs. Il s’agissait de trouver des solutions pour créer des piscines transformables (à toiture découvrable), pouvant fonctionner toute l’année. L'idée est d'associer la fonctionnalité d'une piscine couverte aux agréments de la natation de plein air. Cette volonté de retrouver les plaisirs des bains d'été en "pleine nature", se voit à Noyon, outre son système d'ouverture, par une terrasse-solarium qui mène à des pelouses (prolongées par des stades de football) où les baigneurs peuvent se reposer ou jouer en profitant du soleil.

Elle s’adapte en outre aux besoins de publics divers grâce à ses deux bassins aux dimensions homologuées, l’un destiné à la natation et aux compétitions sportives, l’autre à l’apprentissage de la natation, notamment pour les scolaires.

Ainsi, cette piscine répond parfaitement aux nouvelles prescriptions du Ministère de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs, en matière d’équipement natatoire, qui se doit d'être polyvalent, fonctionnel et implanté en milieu urbain, à proximité des écoles et de la population, mais idéalement ouvert sur des espaces de verdure.

Un système "révolutionnaire" de structure mobile "télescopique"

Cette piscine illustre l’évolution des techniques, des matériaux utilisés, ainsi que les recherches en matière de structure pour les piscines des années 1960-1970. On remarque notamment que l’acier prend une place de plus en plus importante dans la construction des piscines des Trente Glorieuses, matériau qui remplace le béton (pour les couvertures, mais pas pour les bassins et le gros œuvre), qui était dominant dans la première moitié du XXe siècle.

Le métal, matériau souple d’utilisation et relativement léger, est ici mis à profit pour réaliser la structure mobile permettant de découvrir le bassin. C’est la société MacGregor-Comarain qui met au point le procédé d’ouverture de la piscine de Noyon. Cette entreprise, originellement spécialisée dans les panneaux de cales métalliques et mobiles de navires, fait breveter un système de toit ouvrant appelé "Magrodome", pouvant être mis en œuvre pour des équipements variés (piscines, patinoires, gymnases, salles omnisports, etc.). Le premier exemple de piscine à bénéficier de ce procédé de couverture mobile est la piscine Robert-Keller de Paris (architecte : A. Grégoire), inaugurée 1967. A noter qu'un toit ouvrant avait été expérimenté pour la première fois au stade nautique de Tourcoing (Nord) en 1951 et une toiture mobile en forme d'arc brisé (mais non motorisée : la structure doit être déplacée à la main) est installée en 1967 par l'entreprise Marcel Sabria pour couvrir la piscine découverte d'Auch (Gers).

Suite à cette première réalisation, la société MacGregor-Comarain pousse encore plus loin l’expérimentation. Elle développe des structures de métal légères, et largement vitrées, où ce n’est plus seulement le toit qui s’ouvre, mais l’ensemble du bâtiment grâce à des parois "télescopiques". A Noyon, où ce dispositif est mis en œuvre pour la première fois, les architectes Claude Charpentier et Jean Tabanou ont su s'adapter aux exigences de la structure mobile et du terrain et proposer une architecture harmonieuse et fonctionnelle. Ainsi, cette piscine illustre bien les collaborations qui se mettent en place dans les années 1960 entre constructeurs et architectes pour imaginer des architectures modernes, à la pointe de la technologie, et répondant aux nouveaux besoins de la société.

Une œuvre réalisée dans le cadre du 1% artistique

L’architecture en grande partie métallique de cette piscine était sublimée par un bas-relief monumental qui décorait le mur pignon intérieur (face au bassin école). Cette œuvre était composée d’un médaillon à facettes en acier inoxydable, créant des effets de lumière et de reflets. D'après le maître-nageur de la piscine, l’œuvre comprenait également des petites ampoules électriques clignotantes qui accentuaient ces jeux de lumière. Ce Champ solaire a été réalisé dans le cadre du 1% artistique et exécuté par les élèves du collège d’enseignement technique de Noyon d’après les dessins de l’artiste André Borderie, auteur de nombreuses autres commandes publiques d’œuvres monumentales.

Postérité

Le prototype de Noyon n'a finalement pas donné suite à un développement à l'échelle industrielle, sans doute du fait de son architecture plutôt massive et de son prix restant assez élevé pour les petites communes. Pourtant, ce procédé aurait été une solution originale pour couvrir des bassins de natation découverts préexistants. Ainsi les archives nous montre des plans de structures mobiles semblables à celle de Noyon, projetées pour couvrir les piscines découvertes de Toulon (Var) et Saint-Affrique (Aveyron), mais qui n'ont apparemment jamais vu le jour.

Après cette expérience, la société MacGregor-Comarain s'associe à l'architecte Michel Cornuéjols pour mettre au point deux projets-types de piscines (360 N et 360 L), qui réutilisent le procédé de structure mobile télescopique "Magrodome". Ces deux modèles de piscines, agréés en 1969 par la commission spéciale d'agrément sous les numéros 89 et 90, n'ont cependant pas connu un énorme succès. La première piscine de ce type est construite en Allemagne, à Dillingen (Sarre). Seul deux exemplaires semblent avoir été construits en France : à Remiremont (Vosges) et à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise). D’autres solutions pour la construction de piscines découvrables, aux structures plus légères et surtout plus économiques, ont eu une fortune plus importante : par exemple les piscines Tournesol de Bernard Schoeller, ou encore les piscines Caneton de Franc Charras, Alain Charvier et Jean-Paul Aigrot.

Du projet à l'inauguration

Une piscine est désirée à Noyon dès l'après seconde guerre mondiale. Elle est prévue initialement comme un simple bassin de plein air, permettant une pratique de la natation seulement l'été. Mais sur une suggestion du ministère de la Jeunesse et des Sports, et motivé par les subventions accordées par l’État, le maire Pierre Dubois choisit avec enthousiasme de mettre en œuvre le projet avant-gardiste de structure à charpente métallique mobile proposée par la société MacGregor-Comarain, permettant un équipement utilisable en toute saison et par tous les temps. Les plans de cette piscine-prototype sont élaborés par les architectes Claude Charpentier et Jean Tabanou (collaborateur) entre 1965 et 1966.

La construction débute en 1966 et est achevée à la fin de l'année 1967. Elle est mise en service le 2 janvier et inaugurée officiellement le 11 janvier 1968 par François Missoffe (ministre de la Jeunesse et des Sports entre 1966 et 1968) et par le maire Pierre Dubois (maire de 1965 à 1989), en présence du préfet Turo et du député Edmond Nessler. Lors de l'inauguration, la championne Kiki Caron est invitée à plonger dans le bassin, encourageant ainsi le Nautique Club de Noyon, venant d'être créé. La piscine est alors qualifiée de "plus belle piscine d'Europe" par Le Parisien.

Cette construction complète les infrastructures sportives de la ville, qui ne possédait jusqu'alors aucune piscine. Elle s'inscrit dans une politique édilitaire de la ville, qui, à cette époque, développe son activité industrielle et s'agrandit de nouveaux quartiers.

Ce nouvel équipement est un succès : fin novembre 1968, la piscine municipale enregistrait déjà environ 130 000 entrées payantes (pour une population d'environ 12 000 habitants à l'époque).

Une piscine bien documentée

Cette piscine est réalisée par la ville de Noyon avec l'appui de l’État, qui s'était montré très intéressé par les recherches de la société MacGregor-Comarin sur les structures mobiles et ses possibilités d'application. De ce fait, une série de documents présentant le projet est conservée aux Archives Nationales, dans le fonds du Ministère de la Jeunesse et des Sports. On y trouve notamment des brochures de la société MacGregor-Comarin présentant ses différents types de structures "Magrodome", une brochure présentant la piscine éditée à l'occasion de son inauguration, ainsi que des photographies représentant la maquette de la piscine, lors de sa construction, et juste avant son inauguration.

Ces documents d'archives sont complétés par deux articles publiés lors de l'inauguration de la piscine par la revue Équipement pour la Jeunesss et les Sports. La piscine fait en outre partie de la sélection de Marc Gaillard en 1981 dans son ouvrage présentant 107 réalisations exemplaires d'équipements sportifs des années 1960 à 1970.

Le caractère exceptionnel et précurseur de la piscine de Noyon, est par ailleurs bien représenté par les cartes postales d'époque, qui la montre découverte, aux beaux-jours. Signalant également la fierté de la ville par rapport à ce nouvel équipement, une flamme postale représentant la piscine et dotée du slogan "Noyon, sa piscine télescopique : natation en toutes saisons", est utilisée dès 1969.

Une œuvre disparue

Dès sa mise en service, la piscine était ornée d'une œuvre monumentale d'André Borderie, appelée "Le Champs solaire" (8 m x 5 m), et exécutée par les élève du C.E.T. de Noyon. L’œuvre en acier, bien visible sur les cartes postales d'époque, a été démontée en 1999 par les services techniques de la ville pour des raisons de sécurité. En effet, les attaches fixant l’œuvre au mur-pignon commençait à rouiller. Le bas-relief métallique n'a jamais été restauré ni remonté.

L’État actuel de la piscine

La piscine a connu trois séries de rénovations mais l'architecture et la structure d'origine n'ont pas été affectés. Les premiers travaux, entre 1984 et 1985, ont consisté à refaire le revêtement étanche de la toiture. Entre novembre 1992 et mars 1993, les appareils de filtration et de traitement de l'eau ont été changés; le chauffage des petit et grand bassins a été dissocié; et des rigoles de débordement ont été installées dans les bassins. Enfin, de novembre à mars 2007, les vestiaires et les sanitaires ont été refaits à neuf.

La piscine connaît toujours de bons chiffres de fréquentation. Elle est cependant menacée par le projet de construction d’un nouveau pôle aquatique à Noyon.

Caractéristiques techniques et équipements :

- piscine transformable été / hiver.

- 1 bassin sportif de 25 x 12,5 m, de 1,7 à 3,5 m de profondeur (du fait du plongeoir), à 5 couloirs de nage, bordés de 5 tremplins.

- 1 bassin-école de 12,5 x 10 m, de 60 à 120 m de profondeur.

- Gradins de 580 places.

- 1 plongeoir de 3 m (dont la planche est aujourd'hui fissurée; il est donc inutilisable).

- Vestiaires individuels et vestiaires collectifs.

- 1 terrasse-solarium.

- 1 parking.

- 1 stand de tir et 1 salle de musculation (locaux annexés à la piscine).

- Superficie totale : 1350 m2.

- Dimensions de la couverture : 54 mètres, dont 36 mètres découvrable. Chaque élément mobile mesure 9,4 mètres. Portée maximum : 25 mètres.

La situation, le terrain

La piscine de Noyon, orientée Est-Ouest, est située au 84 avenue Jean-Bouin, dans un milieu urbain assez dense, non loin du centre ville. Toutefois, elle s'ouvre sur sa façade sud sur un vaste dégagement. Elle s'inscrit dans un ensemble sportif, comprenant notamment un gymnase et deux stades de football. Le pignon Est jouxte une Maison des Jeunes et de la Culture (aujourd'hui centre culturel Yves-Guyon), inaugurée en 1969. Un local servant de stand de tir est accolé en contrebas de la façade sud de la piscine. Enfin, une salle de musculation en béton brut est annexée sur la façade Nord, au-dessus des locaux techniques.

La piscine est implantée sur un terrain marécageux, ce qui justifie que les bassins soient surélevés par rapport au sol, et surtout l'aménagement de fondations spéciales. Cette surélévation est toutefois courante depuis les années 1920 car elle permet d'aménager une galerie technique sous les bassins.

Plan et aménagement de la piscine

Le plan de la piscine, rectangulaire, est très simple et vise à une circulation efficace des baigneurs.

L’entrée se fait par le pignon ouest, où une volée de marches, abritées par un porche, conduit à un hall d’entrée vitré, donnant vue sur le bassin. Dans ce hall se trouve le guichet-caisse (qui a été changé de place suite à un incendie de la caisse en 1987). Il dessert ensuite l'infirmerie, le bureau des maîtres-nageurs, et enfin les vestiaires. Ils étaient à l'origine constitués de deux groupes (séparés hommes/femmes) de 46 cabines individuelles chacun avec, au centre, un dépôt de 300 porte-habits, et de deux vestiaires collectifs. Les vestiaires et les sanitaires ont été entièrement refaits à neufs. Ils sont désormais mixtes ; les zones pieds-nus / pieds-chaussés sont clairement délimités ; les porte-habits ont été remplacés par des casiers à clefs. Le parcours conduit ensuite aux W.C. et aux douches. Les baigneurs passent enfin par un pédiluve avant d’arriver aux plages des bassins (côté est, vers le petit bain). L’ensemble cabines-vestiaires ainsi que tous les sanitaires sont entièrement logés sous les gradins de la piscine.

Les deux bassins de la piscine sont séparés par une plage. Le bassin sportif est doté à son extrémité ouest de cinq tremplins et d’un plongeoir de 3 mètres, d'où la profondeur importante (3,5 mètres) du grand bassin. Un escalier permet de descendre dans le bassin école, tandis que l’accès au grand bassin se fait par des échelles.

Derrière le plongeoir, les bassins sont surplombés par une tribune (située au-dessus du hall d'accueil), accessible par un escalier en colimaçon depuis l'entrée, et par les gradins. Ces derniers s'alignent sur tout le long des bassins, côté nord.

Les plages côté sud donnent accès à une terrasse-solarium et des escaliers permettent de descendre vers la pelouse et les aires de jeux. Des châssis ouvrants sont aménagés dans la façade sud, permettant un accès à l'extérieur sans avoir besoin d'ouvrir entièrement la structure.

En sous-sol, une galerie technique permet de vérifier l’état des bassins (notamment l'étanchéité du béton armé). Elle abrite également les moteurs permettant l'ouverture de la structure, la chaufferie, les machineries d’épuration et de renouvellement d’eau (pas d'origine).

Un escalier de secours, en colimaçon, situé sur l'extérieur du pignon Est, est accessible depuis une plateforme intérieure, desservie par les gradins.

Matériaux

Le gros œuvre de la piscine est en béton armé. Elle est fondée sur 145 pieux forés. Les cuves des bassins sont en béton armé, recouvert de résine époxy. Les goulottes et les escaliers menant au petit bain étaient auparavant en grès émaillé, aujourd'hui remplacé par du carrelage, anti-déparant au niveau des escaliers. Les plages sont gradins et les locaux annexes (sauf anti-dérapant, tandis que les gradins et les locaux annexes (sauf les vestiaires-sanitaires, refaits) sont couverts de micro-mosaïque en nuances de bleu et de blanc. L’ossature de la structure mobile est en acier protégée par une peinture à base de caoutchouc isomérisé. Le remplissage se fait par un complexe multicouche acieroïd. Les façades du rez-de-chaussée (soubassement) sont en litho-granit avec incorporation de joints plastiques, traité en bossage. Les pignons, sur lesquels s'emboîtent la structure mobile métallique, sont en briques apparentes.

Éclairage

Sur le côté sud, la structure est largement vitré par des glaces sécurisées transparentes, tandis que le côté nord, qui reçoit les gradins, s'ouvre par un bandeau de vitres translucides. Une série de skydomes centraux permet un éclairage zénithal. Cet éclairage naturel est complété par des projecteurs, montés sur trois lampadaires placés dans les gradins.

Le fonctionnement de la structure mobile télescopique "Magrodome"

La structure mobile est composée de quatre éléments mobiles, encadrés à chaque extrémité d’un élément fixe appuyé sur un mur pignon épousant la forme de la structure.

Chaque élément mobile est constitué de deux fermes cadres à béquilles dénivelées, reliées entre elles par panne et traverses et reposant sur des sommiers servant d'entretoise.

La structure s’ouvre en une dizaine de minutes, grâce à une commande effectuée à distance, dans le bureau du moniteur (maître-nageur), qui donne sur les bassins. Les éléments mobiles, par groupe de deux, sont tractés de chaque côté par des chaînes motorisées qui glissent sur des rails et s’encastrent en gigogne sur les parties fixes, découvrant ainsi totalement les bassins. La manœuvre de chaque groupe de deux éléments mobiles est indépendante, mais peut-être effectuée simultanément.

  • Murs
    • brique
    • granite
    • béton
  • Toits
    acier en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée surélevé
  • Couvrements
    • charpente métallique apparente
  • Couvertures
  • Énergies
  • Jardins
    pelouse
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler