Les orgues avant la première Guerre mondiale
Dégardin apporte quelques informations sur l'histoire des orgues de l'église (mais hélas sans préciser ses sources) : elles existaient déjà avant 1543, puisqu'à cette date, elles font l'objet d'une réparation par un facteur d'orgues de Douai chez qui elles sont envoyées. Elles sont replacées dans l'église, dix ans plus tard. Elles sont de nouveau réparées en 1640 et le buffet est reconstruit en 1718. Ces orgues anciennes ont peut-être été détruites pendant la révolution ou étaient trop abîmées pour être restaurées, et c'est donc un nouvel orgue qui est commandé par le conseil de fabrique au milieu du XIXe siècle et installés dans la chapelle sainte Marguerite située à côté de la chapelle Notre Dame de Piété (Dégardin, p.94).
Ce sont ces orgues qui font l'objet d'une description par Bidard dans le descriptif de l'état de l'église avant-guerre, qu'il rédige pour argumenter le montant des indemnités à demander dans le dossier de dommages de guerre (lequel s'appuie sur un inventaire du mobilier de l'église établi en 1906) : "composés de deux buffets d'orgues très ouvragés, en chêne, pédaliers, soufflerie avec deux réservoirs neufs de 5 000 litres d'air chacun. Claviers de 54 notes chaque. Ces orgues étaient modernes, les buffet du style du 16e siècle ont été exécutés sur les plans de Monsieur Grigny, architecte à Arras et ont été déplacés en 1857 pour leur emplacement actuel [dans la dixième chapelle, entre la sacristie et la chapelle Notre Dame de Pitié)]. Une tribune en chêne très ouvragée avec petit escalier d'accès. Ces orgues contenaient 30 jeux reconnus lors de la réception officielle du 11 mai 1862 par le conseil de fabrique de l'église Saint-Nicolas. Les orgues ont été restaurées en 1905 par Monsieur Van den Branck (sic !) facteur d'orgues à Amiens". Dégardin précise que ces orgues avaient été inaugurées en 1852 et qu'elles avaient trois claviers à main de 54 notes et un clavier à pied de 25 notes, "ce qui les faisaient prendre rang immédiatement après celles d'Arras, de Saint-Omer et d'Aire-sur-la-Lys, les plus importantes du diocèse".
Les cartes postales anciennes montrent effectivement un orgue de belle taille, enserré dans un buffet ouvragé.
La première étape de la reconstruction : la construction de la tribune
La reconstruction des orgues débute en 1932. Les séries des Archives départementales 2O 609.6 pour la tribune et 10R21.52 pour l'orgue proprement dit, conservent de nombreux documents relatifs à cette reconstruction : édification de la tribune, réalisation du buffet, des tuyaux, de la mécanique (claviers et soufflerie) et montage.
L'étape préliminaire est la construction de la tribune, qui commence en novembre 1932. Celle-ci est confiée à un entrepreneur d'Arras, monsieur Desmartin, pour un montant de 28 000 francs, d'après les plans dressés par Eugène Bidard. Le devis descriptif précise que la tribune repose sur les deux premiers piliers de la nef et deux petits poteaux en fer qui s'appuieront sur le mur de façade "dont le vide intérieur sera rempli en ciment (...) et seront habillés de chêne apparent, formant pilastres à quatre colonnettes avec bases et chapiteaux". Le plancher est composé d'une armature en fer, de fourrures en sapin et d'un revêtement en chêne "de bon choix". La tribune doit recevoir une balustrade "en chêne composée de poteaux d'angle et de balustres carrées moulurées", posée sur un bandeau mouluré. La sous-face du plancher "portera une décoration en caisson formée par les solives en sapin dont la partie inférieure sera moulurée et apparente". L'escalier "à noyau central menant à la tribune est en tôle, avec marches en chêne" et cloisons en sapin. Le tambour d'entrée, en sapin, réutilise les portes existantes : la grande porte à deux vantaux donnant sur la nef et les deux petites latérales à un vantail. Toutes les parties en chêne sont "teintées et encaustiquées" et celles en sapin sont peintes "à l'huile, avec décor façon chêne verni". la construction, qui s'est déroulée "sans perturber les offices et la vie religieuse", est achevée en avril 1934 ainsi que l'atteste le PV de réception définitive des travaux.
La construction du nouvel orgue
C'est à partir de 1934 que débute la réalisation de l'orgue. Le conseil municipal du 19 novembre 1934 choisit de faire appel à la société Van den Brande d'Amiens, car son "projet à 95 000 francs est le plus complet et répond le mieux aux aspirations de l’organiste. Les autres projets proposés par cinq concurrents, quoique du même prix, ne semblent pas donner les même garanties. (...) La dépense est couverte par les dommages de guerre délégués à la coopérative diocésaine." Le marché de gré à gré passé avec le facteur d'orgues, pour "un grand orgue de 25 jeux dont 16 placés, avec buffet et tuyaux de montre" est approuvé en préfecture en février 1935 puisque "De l'examen des propositions des concurrents il résulte que le projet Van den Brande serait le meilleur tant du point de vue musical qu'architectural". Les travaux débutent sans attendre... mais s'arrêtent en novembre 1936 à cause d'une suspension de paiement due à la faillite du Groupement des sinistrés du Nord et de l'Aisne, délégataire de celle du diocèse d'Arras pour les travaux sur l'orgue, alors que l'orgue est achevé à 90% selon le rapport fourni par le facteur d'orgues (sommiers et grand orgue, soufflerie, console, claviers, tuyaux de bois, boites d'appel des jeux, pédalier et banc).
Le buffet est commandé à l'atelier Camille Lenclos en avril 1935 (courrier de Van den Brande de novembre 1936) pour un montant de 15 000 francs et une livraison en août de la même année. Les tuyaux, dont la réalisation s'étale de septembre 1935 à août 1938, est confiée par le facteur d'orgues à la maisons E.G. Léau, à Paris, pour un montant de 17 000 francs. En novembre 1936, L'atelier Lenclos n'ayant toujours pas été payé par Van den Brande pour le travail déjà effectué, l'achèvement du buffet est suspendu, ce dont se plaint M. Léau (courrier de novembre 1936) qui ne peut pas livrer les tuyaux tant que cette partie du travail n'est pas faite.
Les travaux ne reprennent qu'en décembre 1938, après que la maison Van den Brande se soit vue accorder une augmentation de 8 000 francs afin de couvrir une partie de l'augmentation du coût des tuyaux métalliques, que le buffet ait été achevé et les tuyaux (enfin, et seulement pour partie) livrés. Dans un courrier adressé au directeur de la Diocésaine, Félix Van den Brande se plaint cependant que "cet orgue une fois terminé ne me laissera pas le plus petit bénéfice mais un déficit. La commune aura payé 103 000 francs un orgue qui en vaut aujourd'hui 165 000." A cette date, presque toutes les pièces sont dans l'église et l'orgue est en cours de montage. Fin janvier 1939, seuls sept nouveaux jeux ont été montés. En mars, l'alimentation est installée, les membranes réglées ainsi que le débit d'air. En avril, les quatre derniers jeux de tuyaux sont enfin montés.
La réception défective, qui a lieu le 28 mai 1939, se fait conformément aux vœux du préfet "avec le concours d'un expert technicien, musicien qualifié", en l’occurrence l'organiste de la cathédrale d'Arras.
Les modifications ultérieures
L'orgue ne subit pas de dégradations pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un premier relevage est effectué par Jean Decroix de Marles-les-Mines (62) en 1962. Quelques travaux d'entretien ont été réalisés en 1974-75 par L. Bertrand de Noyon (02) pour le compte de la Maison J.Crépin de Cambrai (59).
Lors de l'inventaire des orgues du Pas de Calais menée en 1995, il n'était plus jouable. Il est relevé une nouvelle fois en 2017 par Daniel Decavel, facteur d'orgues à Berlaimont. Son baptême a eu lieu le 22 octobre 2017.
Photographe au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.