Dossier d’œuvre objet IM02002769 | Réalisé par
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Plouvier Martine
Plouvier Martine

Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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  • mobilier et objets religieux, la cathédrale de Soissons
Verrière légendaire : scènes de l'histoire de Judith (baie 0)
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Ministère de la culture - Inventaire général
  • (c) Département de l'Aisne
  • (c) AGIR-Pic

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Grand Soissons Agglomération - Soissons-Sud
  • Commune Soissons
  • Adresse Cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais , place Cardinal-Binet
  • Emplacement dans l'édifice chapelle axiale du déambulatoire, dite chapelle de la Vierge (baie 0)
  • Dénominations
    verrière
  • Titres
    • Scènes de l'histoire de Judith
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Les verrières originales, à partir desquelles ce vitrail a été créé, ont été conçues vers 1250. Elles sont vraisemblablement l'œuvre d'un atelier ayant également travaillé à la Sainte-Chapelle de Paris (commencée en 1241 ou peu après, et achevée en 1248), comme le révèlent les étroits rapports stylistiques et iconographiques qui existent entre les deux verrières médiévales de la chapelle axiale de la cathédrale de Soissons et certains vitraux du monument parisien. Les rapports avec la Sainte-Chapelle ont d'ailleurs été observés dès le 16e siècle au moins. En effet, un procès-verbal, dressé devant notaires le 28 avril 1568 par plusieurs bourgeois de la ville, après le sac de la cathédrale par les protestants, signale parmi les dommages ceux dont souffrent les verrières qui étaient " de grande valleur et de la fasson et semblables à celles de la Sainte-Chapelle de Paris".

Les verrières originales ornaient des fenêtres de "la nef" jusqu'au 18e siècle, ce dont témoigne le chanoine Cabaret. Et d'après Carl Barnes, qui se fonde sur la progression de la construction de la cathédrale et sur le style des scènes représentées, elles auraient peut-être clos des fenêtres hautes de l'extrémité occidentale de la nef. Il est néanmoins bien difficile de l'affirmer, d'autant que les fenêtres hautes de la nef semblent avoir été fermées par des grisailles médiévales jusqu'au début du 19e siècle. Ces verrières légendaires ornaient plus vraisemblablement les collatéraux de la nef ou le massif de façade. L'étude de Dany Sandron place l'achèvement de la construction de la nef vers 1240 (façade exceptée), époque qui correspond approximativement à la date de réalisation des vitraux.

Pendant plusieurs siècles, la documentation est muette sur la parure vitrée de l'édifice, ne mentionnant que les dégâts causés par les guerres et surtout par les protestants lors de la prise et de l'occupation de Soissons en 1567-1568.

C'est à l'occasion des grands travaux de restauration de la cathédrale menés par le chapitre à partir de 1767 que des verrières de la nef sont déposées, réduites en largeur, adaptées, puis remontées en 1772 dans la chapelle axiale, pour la distinguer des autres chapelles absidales. L'adaptation se remarque par la présence dans de nombreuses scènes d'un plomb vertical, qui témoigne d'une coupure dans la scène originale, puis d'un réassemblage qui peut parfois associer des éléments étrangers et des personnages d'échelles différentes. Néanmoins, la plupart des scènes semblent provenir ici d'une verrière de l'histoire de Judith.

Ce vitrail, comme tous ceux de la cathédrale, souffre d'un défaut d'entretien pendant la Révolution. Mais, contrairement aux autres verrières du monument, il est épargné par l'explosion de la poudrière du 13 octobre 1815. En effet, le rapport de Louis Duroché, en date du 15 décembre 1815, précise qu'il n'y a rien à faire aux trois croisées de la chapelle de la Vierge. Alors que les archives nationales et diocésaines renferment de nombreuses informations sur la restauration complète du vitrage de la cathédrale dans la seconde moitié du 19e siècle, aucun document ne se rapporte clairement aux verrières de la chapelle de la Vierge. Certes, le 15 novembre 1879, un rapport de l'architecte diocésain insiste sur l'état de dislocation des vitraux des chapelles absidales, qui fait craindre leur ruine prochaine, et en 1880, ces verrières sont consolidées par des cloisons en planches. Néanmoins, il est fort possible que ces travaux aient concerné uniquement les verrières des chapelles Saint-Pierre et Saint-Paul, déposées en 1882 et refaites presque totalement par le peintre-verrier Félix Gaudin une décennie plus tard.

Un rapport de l"architecte en chef des Monuments historiques, Emile Brunet, daté du 12 octobre 1912, signale que les verrières de la chapelle de la Vierge sont en mauvais état. De nombreux panneaux ont perdu leurs attaches, sont creusés et cintrés. En outre, il existe quelques trous. Brunet préconise de remettre ces verrières en plomb, de réviser les armatures et de réparer les grillages de protection. Cette proposition, approuvée, est probablement réalisée en 1913.

Les vitraux de la chapelle de la Vierge, restés en place au début de la Première Guerre mondiale, sont déposés en 1915. Au retour de la paix, le chœur de la cathédrale, moins atteint que le reste de l'édifice, est rapidement restauré et rendu au culte. Les verrières de la baie 0 et de la baie 1 de cette chapelle (la verrière 2 n'a pas été retrouvée), alors conservées dans un dépôt à Paris, sont restaurées (sans doute par Emmanuel Daumont-Tournel ?) et remises en place en 1924 ou 1925. Déposées en 1939, devant l'imminence d'une nouvelle guerre, les deux verrières ont été reposées en 1946 par le peintre-verrier parisien Georges Bourgeot (d'après les archives des Monuments historiques).

  • Période(s)
    • Principale : milieu 13e siècle
  • Lieu d'exécution
    Commune : Soissons

La verrière prend place dans une baie en forme de lancette, qui s'achève en arc brisé à sa partie supérieure. Elle est composée de neuf registres superposés de panneaux. Elle est formée d'un assemblage de pièces de "verre antique" rehaussées de grisaille, parmi lesquelles se remarquent des pièces de verre rouge hétérogène.

  • Catégories
    vitrail
  • Structures
    • baie libre, rectangulaire vertical, en arc brisé
  • Matériaux
    • verre transparent, soufflé, taillé, peint, grisaille sur verre
    • plomb, réseau
  • Précision dimensions

    Dimensions totales : h = 550 ; la = 150.

  • Précision représentations

    La majeure partie des scènes illustrent le Livre de Judith, dans l'Ancien Testament.

    Le déroulement de l'histoire se lit de haut en bas.

    Premier compartiment en forme d'amande

    - A gauche, représentation d'un combat, avec des soldats, l'épée à la main, et peut-être un homme à terre. L'emplacement de la scène plaide en faveur d'une représentation de l'armée assyrienne. Mais, par comparaison avec les vitraux de la Sainte-Chapelle, il pourrait tout autant s'agir des Juifs qui exterminent les Assyriens après la mort d'Holopherne.

    Premier quadrilobe

    - Les remparts de Béthulie, avec des sentinelles.

    - En dessous, réunion des chefs de Béthulie, dans la ville assiégée. Plusieurs hommes assis conversent, vêtus d'une tunique et d'un manteau et un bonnet sur la tête. A droite de cette scène, Judith vient ranimer leur courage.

    Second compartiment en forme d'amande

    - Judith et sa servante sont accueillies par Holopherne. A droite, deux soldats en armes, dont l'un s'appuie sur un écu armorié.

    Médaillon circulaire

    - Le registre supérieur est occupé par des soldats de tailles différentes, dont l'un tient un écu armorié. Judith est au milieu d'eux. Cette composition est peut-être une évocation de Judith circulant dans le camp d'Holopherne. Toutefois le personnage de Judith est très proche d'un médaillon de la Sainte-Chapelle, où la servante tend un manteau à Judith qui s'apprête à se rendre au camp assyrien.

    - Judith est débout devant un soldat et d'autres hommes. Il pourrait s'agir de son accueil au camp d'Holopherne. A droite, se trouve une scène difficile à identifier, avec un soldat assis tenant son épée. Peut-être provient-il d'une scène où les soldats assyriens gardent les fontaines pour assoiffer Béthulie.

    Second quadrilobe

    - Au niveau supérieur, Jean Ancien propose de reconnaître Judith rentrant à Béthulie, accompagnée de sa servante qui porte le sac contenant la tête d'Holopherne. A droite, des gardes debout semblent accueillir les deux femmes. L'un d'eux désigne quelque chose de la main. Un écu armorié est représenté. La scène peut également représenter Judith et sa servante se rendant au camp d'Holopherne.

    - le festin d'Holopherne : Judith et Holopherne sont assis de face derrière une table de banquet, sous une tente. Judith tend une coupe à Holopherne.

    - A droite, Judith décapite Holopherne. Ce dernier est endormi sous sa tente. Judith, qui tient une épée, se penche et lui tranche la tête.

    Ces compartiments se détachent sur une mosaïque ornementale composée de fleurs de lys et de châteaux de Castille. La verrière est bordée d'une frise de feuillage.

  • Inscriptions & marques
    • armoiries, peint, sur l'oeuvre (non identifié)
  • Précision inscriptions

    Le fond décoratif de la verrière est parsemé des armes de France et de Castille. Certains soldats dans les scènes, portent des écus armoriés ; mais il s'agit probablement d'armoiries fictives et décoratives. L'un des écus se lit : de gueules au chevron d'or, accompagné de trois fleurs de même. Un autre se lit : de gueules à la bande d'or, accostée de deux étoiles de sable.

  • État de conservation
    • changement de format
    • oeuvre restaurée
    • macédoine
    • plombs de casse
    • grillage de protection
  • Précision état de conservation

    La verrière, qui provient d'une fenêtre de la nef, a été déplacée en 1772 dans cette baie de la chapelle de la Vierge et a donc dû être diminuée en largeur. Les fenêtres de la nef sont en effet plus larges que celles des chapelles absidales. La partie supérieure de la verrière, immédiatement sous l'ogive, est occupée par une macédoine. La verrière a été restaurée à plusieurs reprises comme en témoignent des plombs de casse.

  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler
  • Protections
    classé au titre immeuble, 1862
  • Référence MH

La cathédrale ayant été classée par liste de 1862, les objets qui, comme les verrières médiévales, étaient incorporés à l'édifice à cette date, profitent de la même protection.

Documents d'archives

  • AD Aisne. Sous-série 4 J : 4 J 2 (copie des "Mémoires pour servir à l'histoire de Soissons et du Soissonnais" d'Antoine-Pierre Cabaret, seconde partie).

    p. 328-329.
  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 194. Soissons, cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais, restaurations diverses (1908-1922).

    rapport de l'architecte Brunet, daté du 12 octobre 1912.
  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 196. Soissons, cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais, restaurations diverses, restauration de la nef et du déambulatoire (1924-1925).

    travaux de 1924 (rapport de l'architecte Brunet, daté du 11 juin 1924), travaux de 1925 (rapport de l'architecte Brunet, daté du 30 juin 1925).
  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 205. Soissons, cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais, dommages de guerre (1945-1950) ; travaux (1953-1979).

    travaux de 1945-1950 (Mémoire des travaux de pose de vitraux anciens, exécutés par M. Bourgeot, peintre-verrier à Paris).
  • A. Evêché Soissons. Série L (temporel) ; Sous-série 6 L : 6 L Soissons 1815-1818 (travaux de la cathédrale, à la suite de l'explosion).

    2e chemise : détail des reconstructions et réparations urgentes à faire [...], par Louis Duroché, 15 décembre 1815.
  • BnF (Cabinet des Manuscrits) : naf 6109 (collection Guilhermy, 16). Description des localités de la France (Soissons).

    folio 257 v°.

Bibliographie

  • ANCIEN, Jean. Les vicissitudes des vitraux du style "Sainte Chapelle" de la cathédrale de Soissons. Revue archéologique de Picardie, 1982, n° 2, p. 15-21.

  • ANCIEN, Jean. Vitraux de la cathédrale de Soissons. Réédition du livre du 24 juillet 1980. Neuilly-Saint-Front : imprimerie Lévêque, 2006.

    p. 136-153.
  • BARNES, Carl F. Jr. The Location of the "Sainte-Chapelle" Stained Glass in the Cathedral of Soissons. The Art Bulletin, décembre 1971, p. 459-460.

  • FRANCE. Corpus Vitrearum Medii Aevi. Les vitraux de Paris, de la Région parisienne, de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais. Recensement des vitraux anciens de la France, vol. 1. Paris : éditions du CNRS, 1978.

    p. 170.
  • GRODECKI, Louis, BRISAC, Catherine. Le vitrail gothique au XIIIe siècle. Fribourg : Office du Livre, 1984.

    p. 104.
  • SUIN, Auguste. Procès-verbal devant notaires, du 28 avril 1568, constatant le sac de la cathédrale par les huguenots. Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons, t. 12, 1858, 5e séance, lundi 3 mai 1858, p. 66-70.

Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2012
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Riboulleau Christiane
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Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Plouvier Martine
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Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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