AC Condé-sur-l'Escaut : J 7.

"Procès-verbal d'estimation du théâtre de Condé et du mobilier qui en dépend" dressé par MM. Huré, conducteur des Ponts et Chaussés, Louis Beaumont, entrepreneur des travaux publics, et Louis Brunelat, conducteur des travaux de dessèchement des vallées de l'Escaut." 20 mai 1867.

Brunelat donne à la même date une élévation et un "plan coupé au niveau des loges" qui figurent l'état après travaux.

Ce texte remarquable permet une visite virtuelle de l'édifice.

"Le théâtre de Condé est une ancienne construction qui faisait partie d'un couvent de religieuses ; aussi ce bâtiment est-il dans des conditions de solidité qu'on n'exigerait plus aujourd'hui.

Les principaux murs ont près d'un mètre d'épaisseur ; au rez-de-chaussée, ce sont des voûtes en maçonnerie, hautes de trois mètres soixante-dix centimètres, qui semblent faites pour défier l'action du temps ; sous le sol, d'autres voûtes forment les caves.

Au-dessus, ou au premier étage, est la salle proprement dite et la scène.

La salle mesure intérieurement 11 m 80 cm sur 9 m 10 cm de largeur ; dans le bas ont été établis l'orchestre, le parquet, les premières, les secondes et troisièmes places ; à la hauteur voulue règne une galerie divisée en loges, le plafond est élevé en dôme.

Intérieurement la scène a 10 m 30 cm de longueur sur 11 m 65 de largeur. Derrière sont des cabinets pour les acteurs, les actrices, des magasins, etc...

Comme ce bâtiment était en retraite de près de 3 m sur l'alignement, on a construit une façade à front de rue, et entre les deux murs, on a établi les escaliers et des corridors.

Cette façade, qui est longue de 22 m 25 cm, a un aspect monumental. Elle se compose d'un avant-corps et de deux ailes ; le soubassement est en pierres de taille et le reste de la construction est en briques, couvertes d'un plâtrage au ciment avec moulures et ornements d'architecture d'un bon goût.

L'avant-corps présente au rez-de-chaussée trois fenêtres cintrées ; au premier étage trois grandes arcades le long desquelles règne un balcon, à hauteur du deuxième étage, des fenêtres et petits balcons.

De chaque côté, une grande porte et deux fenêtres cintrées au rez-de-chaussée, des balcons, des fenêtres au dessus.

En entrant par la porte de gauche, on monte à la salle par deux escaliers et on arrive à un large corridor sur lequel ouvrent les portes qui donnent accès à la scène, à l'orchestre, au parquet, et aux premières, deuxièmes et troisièmes places, une autre escalier conduit aux loges.

À la grande porte de droite, on trouve encore un autre escalier qui conduit également au corridor ci-dessus et aux loges et qui n'est utilisé qu'au moment de la sortie, après le spectacle.

[...]

Les salles voûtées du rez-de-chaussée forment des habitations saines et commodes, que l'on pourra donner en location.

Il est bon de faire observer que si le théâtre est aujourd'hui dans d'aussi bonnes conditions, sous tous les rapports, c'est grâce aux travaux qu'on vient d'y exécuter. La façade est entièrement neuve ; l'escalier près de la porte de droite n'existait pas non plus. La salle proprement dite, les loges ainsi que la scène et ses dépendances ont reçu de nouvelles dispositions et des améliorations qui ont été une transformation complète et qui ne laissent plus rien à désirer.

Il va sans dire que le théâtre, dans toutes ses parties, a été peint, tapissé et décoré à nouveau, le devant des loges, le dôme, le rideau sont enrichis de peintures et de sujets parfaitement appropriés et imaginés. La décoration a un cachet artistique, elle est remarquable sous ce rapport. Les décors ont été rajustés pour la scène, qui avait été agrandie.

L'éclairage par le gaz est installé dans toutes les parties.

Il serait assez difficile d'assigner un prix à cet immeuble, le mobilier étant laissé de côté.

Un théâtre comme le nôtre, s'il devait être construit aujourd'hui, coûterait bien cher. Mais abstraction faite des circonstances toutes particulières qui se sont rencontrées, on peut sans crainte de grande erreur, donner à cet immeuble une valeur minimale de 35 à 36 000 F. [...]."

Le mobilier est ensuite détaillé, meuble par meuble, dessinant une image précise de l'équipement et de la disposition des loges et de la salle. Ainsi  :

"Intérieur de la salle : 3 chaises à l'orchestre ; au parquet, 4 rangs de stalles avec dossier, rembourrés ; aux premières, 4 rangs de banquettes, rembourrées ; aux secondes, 6 rangs de banquettes non rembourrées ; au parterre, 3 rangs de banquettes non rembourrées. En haut, aux loges : les bancs qu'ils garnissent tout autour ; ils sont rembourrés et recouverts de velours cramoisi ; 40 chaises garnies. A la galerie : une banquette au fond recouverte de velours cramoisi ; 5 autres banquettes pareilles mais plus petites ; le lustre (pour mémoire) : nota : il a été donné par M. le Maire. Scène : le rideau ; le manteau d'arlequin ; le palais ; le salon vert ; le salon rouge ; le salon jaune, la forêt ; la place publique (par Caulier) ; nota : quelques uns de ces décors sont peints à l'envers pour représenter d'autres sujets [...]".

ROSSY, Louis, peintre. Valenciennes, 1817 - Condé-sur-l'Escaut, 1890.

Formation :

- Valenciennes (Académies) : élève de Momal, puis de Julien Potier (cours de dessin et peinture) et de Bernard (cours d'architecture).

- Paris (Ecole des beaux-arts, à partir de 1840) : élève de l'atelier Séchan, Despléchin, Detierle, Fauchère, chargés des décors de l'opéra de Paris, puis élève d'Alexandre Denis Abel de Pujol (peinture), d'Henri Labrouste (architecture).

Carrière :

- Peintre décorateur attaché au théâtre de Mons (Belgique - 1843),

- De retour à Valenciennes, commis chez les architectes Grimault puis Dutouquet, puis, "devenu le protégé du marquis de Montaigu, ancien élève d'Ingres, il collabore à ses travaux de peinture (Saint Paul prêchant, autrefois à l'église Saint-Nicolas), il illustre quatre fables de La Fontaine, pour la maison de Jean-Baptiste Foucart, en 1850" (Poinsignon, d'après Fromentin). Reçu à l'Académie en 1877.

- Expose au Salon de Paris en 1846.

- A Condé-sur-l'Escaut, professeur de dessin au collège (à partir de 1854) et fondateur d'un cours gratuit de dessin destiné à la classe ouvrière ; auteur de vues de Condé citées par Fromentin (La Maison de Clairon, L'Hôtel de ville, Le Canal de Mons (toutes trois des aquarelles), La Porte de Valenciennes (peinture à l'huile, morceau de réception à l'Académie de Valenciennes).

- Peinture de chevalet (musée de Valenciennes), préférentiellement à l'aquarelle, et peinture de décoration : à ce titre, décor du théâtre de Condé (à titre gracieux, 1865-66), de maisons particulières et de châteaux. Il réalisa aussi des illustrations, en particulier pour des fables de La Fontaine. Il s'exerça aussi à la poésie.

- Ami des peintres Bruno Chérier, Gustave Housez, Henri Harpignies et du sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux qui réalisa son portrait en 1860 (localisation actuelle inconnue - renseignements communiqués par Catherine Guillot, conservateur du patrimoine au service régional de l'Inventaire général), dont une copie par Gellez est conservée au musée de Valenciennes.

D'après :

- BENEZIT, Emmanuel. Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs. Paris : Gründ, 1999 (nouvelle éd.), 14 vol.

- FROMENTIN, Edouard Désiré. Rossy Louis-Joseph, peintre valenciennois 1817-1890. L'Ecole valenciennoise, 1901, T. 2, p. 347-352, Ms, Bibliothèque de Valenciennes (communiqué par M. Poinsignon).

- POINSIGNON, Jean-Claude. En marge de l'exposition du musée : Louis-Joseph Rossy : peintre, architecte et décorateur. La Voix du Nord, 3-4 janvier 1988.