Dossier d’œuvre architecture IA60003138 | Réalisé par
Chamignon Lucile (Rédacteur)
Chamignon Lucile

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France (depuis 2020).

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  • inventaire topographique, Communauté de communes Oise Picarde
Le village de Troussencourt
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes de l'Oise Picarde - Saint-Just-en-Chaussée
  • Commune Troussencourt
  • Dénominations
    village
  • Parties constituantes non étudiées
    place, presbytère, mairie, école, croix de chemin, monument aux morts, magasin de commerce, café

Le village est implanté au fond d’un vallon sec, au milieu d’un paysage vallonné et de grandes cultures. Sur le versant nord du vallon (bois du Blanc Mont) et sud-ouest (bois Yvon dans la vallée Yvon), des rideaux végétaux formant de fines bandes arbustives sont encore visibles. Ils sont typiques des plateaux crayeux cultivés et soulignent les variations de reliefs.

D’après les données de l’INSEE (2020), le territoire communal s’étend sur une superficie de 5,3 km². Au dernier recensement de 2021, 319 habitants y résident, dans 139 logements ; 90,7% sont des résidences principales.

Le village a un rôle de carrefour, à l’intersection d’un réseau secondaire (Troussencourt est traversé par la D61 reliant Hardivillers à Saint-André-Farivillers) et communale (menant au nord à Breteuil et au sud à Maisoncelle-Tuilerie).

Les hameaux de Quèvremont et de Chouquoy sont rattachés au territoire communal lors de la création des communes à la Révolution.

L’activité économique du village au cours du XIXe siècle est soutenue par l’installation de fabriques de boutons de nacre. En 1902, elles emploient 148 habitants. Comme dans les autres communes rurales, la démographie baisse de manière soutenue et régulière tout au long du XXe siècle. Après les reconstructions qui font suite aux bombardements de 1940, la démographie est au plus bas (environ 230 habitants en 1960 contre 700 un siècle plus tôt (vers 1840)). Une reprise a toutefois lieu à partir des années 1990 : de nouveaux habitants s’installent dans des pavillons fraîchement construits.

Origines

Composé du latin curtis ("domaine"), associé au nom germanique "Truzo" (Lebègue, 1994), ce village serait issu d’une concentration de l’habitat autour d’un domaine agricole (appartenant à un certain "Truzo"). Le village se serait établi durant la période de christianisation de la région, entre les VIe et IXe siècles (FOSSIER, 1968). 

Dans son Histoire de Breteuil, l’abbé Baticle signale que l’abbaye Notre-Dame de Breteuil possédait de nombreux biens à Troussencourt. En 1187, Jean Dumont cède son fief de "Sorens" à l’abbaye de Breteuil (GRAVES, 1843). Une bulle du pape Alexandre IV confirme en 1259 les dîmes et redevances que les moines de l’abbaye prélèvent à Troussencourt (BATICLE, 1891). L’abbé de Breteuil avait le patronage de la cure de Troussencourt, sous l’invocation de saint Lucien.

Malgré les nombreux biens et revenus de l’abbaye de Breteuil, des seigneurs laïcs résident à Troussencourt et tiennent leur fief du seigneur de Breteuil. En 1233, le sire de Troussencourt devait ainsi lui prêter hommage pour ses terres. À partir du XVIIIe siècle, et jusqu’à la Révolution, la famille de Guillebon, détentrice de nombreux fiefs dans la région, entre en possession de celui de Troussencourt. Elle construit la demeure aujourd’hui visible rue Roger Mention en 1815. L’édifice comprenait alors un logis flanqué de deux pavillons. Celui de gauche est ensuite abattu afin d’agrandir l’habitation. Cette extension est cependant bombardée en 1940 (SEYDOUX, 2010). Le village est touché en plusieurs endroits du centre (notamment le carrefour au croisement des rues Roger-Mention, de l’École et de la Grande Rue).

 

Évolution de la morphologie et du parcellaire

 

Dans un premier temps, au cours du Moyen Âge, les habitations se sont implantées autour du noyau "église-château", au cœur du village. Le cimetière, avant d’être déplacé au sud-est du village au cours du XIXe siècle, devait se trouver au chevet de l’église. D’après la manière dont les parcelles en lanière sont orientées sur le cadastre napoléonien (1828), les premières rues à avoir été tracées sont la Grande Rue, la rue d’En Haut et la rue Roger-Mention (anciennement Rue de la Mare). C’est le long de ces trois rues que le bâti est aujourd’hui le plus dense. Ces trois rues se croisent au niveau de la place de l’église, l’endroit le plus creux du vallon dans lequel le village est implanté. La forme actuelle du village est sensiblement la même que celle du cadastre napoléonien. On note toutefois que la place communale est percée entre la Petite Rue et la Grande Rue entre 1833 et 1933.

Le parcellaire se développe perpendiculairement aux rues, en fines lanières juxtaposées nommées "trinquettes" en picard. Cette forme héritée de l’Ancien Régime est typique des villages des environs. Elle explique la nature agglomérée du bâti. De petites fermes de type picard y sont implantées.

 

Lieux partagés et structurants

 

                 Limites du village : croix de chemin et tour de ville

 

                              Un tour de ville bien conservé

 

Dans les villages du plateau picard, la frontière entre la zone habitée et la zone cultivée est strictement marquée par le tour de ville, ceinture de chemins arborés, ouvrant d’un côté sur les champs cultivés et de l’autre sur les potagers et vergers des habitants, situés en fond de parcelle. L’étude du cadastre napoléonien permet d’observer l’existence d’un tel aménagement, structuré au cours de l’Ancien Régime. Il se compose d’un premier tracé derrière la rue Roger-Mention et d’un second derrière la partie sud de la Grande Rue. Ces chemins sont encore ouverts et empruntables aujourd’hui.

 

                               Les croix de chemin

 

Les croix de chemin matérialisent les limites du village et sont le plus souvent d’anciennes stations de procession placées aux extrémités des rues et du tour de ville. Elles ont été érigées par des familles en mémoire d’un parent décédé ou en signe de piété.

L’Association pour la Connaissance et la Conservation des Croix et Calvaires du Beauvaisis (ACCCCB) a étudié les croix de Troussencourt. Celle qui se trouve près de l’élévation nord de l’église serait l’ancienne croix du cimetière, lequel se situait autour de l’édifice avant d’être déplacé où il se trouve actuellement. Si le piédestal semble d’origine, la croix en fonte daterait de 1919 et aurait été restaurée en 1988.

Les autres croix relevées sont toutes placées à des intersections de routes ou de sentiers. Ainsi, une croix se trouve dans la rue Roger-Mention, au croisement avec le sentier menant au cimetière. Les autres se trouvent aux sorties du village. La première, au bord de la route vers Caply, marque la sortie est. Deux croix, toutes les deux signées "LUPART" à Amiens signalent les sorties à l’ouest du village : la première est implantée à l’extrémité ouest de la Grande Rue, tandis que la seconde est placée au bout de la rue d’Hardivillers. Enfin, la dernière se trouve un peu plus à l’écart des habitations, au bord de la route vers Breteuil et marque la sortie nord.

La croix qui se trouvait au croisement des rues principales (Grande Rue, Roger Mention, de l’École) a été détruite par le bombardement en 1940 qui a également anéanti le café qui s’y trouvait.

 

                 Puits et mares

 

Situé en fond de vallon, le village doit faire face à l’accumulation des eaux de pluie que Louis Graves signale déjà dans son Précis Statistique en 1843. Pour canaliser le déversement des eaux de pluies et profiter de points d’eau, les habitants ont creusé des mares et constitué un réseau de fossés. Ces derniers sont toujours observables au cœur du village, notamment dans la rue de l’École et dans la rue Roger-Mention. En ce qui concerne les mares, sur les quatre citées en 1902, plus aucune n’existe aujourd’hui. Le cadastre de 1933 permet de les localiser. L’une se trouvait sur la place publique, une seconde près de l’élévation sud de l’église au bord de la rue, une autre dans la Grande Rue et la quatrième dans la rue de l’École, en face de la mairie-école. Le tracé de cette dernière est toujours reconnaissable et la parcelle sert aujourd’hui de parking.

Si la Notice descriptive et statistique sur le département de l’Oise (1902) mentionne vingt-cinq puits (communaux et privés), un seul, propriété privée, a pu être repéré depuis l'espace public, dans la Petite Rue.

 

                Les équipements de la commune

 

Les dossiers de la série O des Archives Départementales de l’Oise éclairent l’histoire de la construction et de l’aménagement des équipements communaux des villages.

 

                               La place publique

 

Établie entre la Grande et la Petite Rue, elle est postérieure à 1828 car elle ne se trouve pas sur le cadastre à cette date. En revanche, elle est bien représentée sur le cadastre de 1933 et une mare, aujourd’hui disparue, se trouvait dans son angle nord-ouest. Elle est plantée de tilleuls.

 

                               Les écoles et la mairie

 

Une école existe au début du XIXe siècle à l’emplacement de la mairie-école actuelle. En 1834, des travaux sont prévus pour l’agrandir et la réparer. La salle de classe est prolongée par un bâtiment en pans de bois côté jardin. Il comprend une cave voûtée en "pierres de la carrière de Troussencourt" et repose sur un solin de "pierres de la carrière de Blimont". Un logement est construit pour l’instituteur. Le devis est rédigé par monsieur Godde, entrepreneur de bâtiments à Hardivillers et les travaux sont réalisés par monsieur Frémont.

En 1842, la mairie prévoit de monter la salle de classe d’un étage et d’en profiter pour supprimer son toit en chaume. La préfecture souhaite toutefois qu’une salle de classe neuve soit construite et que l’instituteur puisse être logé dans l’ancienne salle car son logement est en mauvais état.

Le projet de construction d’une école mixte avec salle de mairie date de 1860. Les plans sont dressés par l’architecte Dercheu. Narcisse Gueudet, entrepreneur à Troussencourt, réalise les travaux. Ceux-ci sont achevés en 1863. La mairie y est aujourd'hui installée, dans la partie où se trouvait le logement de l'instituteur. Au début du XXe siècle, l'école comprenait deux salles de classe, la première au rez-de-chaussée, la seconde à l'étage. Cette dernière est actuellement la salle d'archives de la mairie. Les anciennes bibliothèques ainsi que le meuble à plans du cadastre y sont conservés (ill.).

Après la loi Duruy de 1867 qui impose aux communes la création d’une école de filles au-delà d’une population de 500 habitants, le conseil municipal de Troussencourt doit construire ce nouvel équipement dans la commune en 1874 (elle compte alors 561 habitants). Une maison nouvellement construite en brique est achetée à monsieur de Guillebon dans la rue de la Mare (actuel n°9 de la rue Roger-Mention) pour servir d’école. Quelques travaux ont lieu en 1892 pour créer un couloir entre cour et jardin et un nouvel escalier. Ils sont supervisés par monsieur Montier, architecte à Noyers-Saint-Martin.

L’année suivante, l’école de garçons est agrandie : la commune achète une maison aux époux Gueudet-Darras (plan dressé en 1893 en ill.) afin de prolonger la cour et de construire un bâtiment de décharge et un préau couvert (détruit aujourd'hui).

En 1897 l’école de filles ferme. Elle est vendue et les élèves rassemblés dans la mairie-école. Monsieur Roulleau s’en porte acquéreur.    

 

                               Le presbytère

 

Il semble que le presbytère se soit toujours trouvé à son emplacement actuel, en face de l’élévation nord de l’église, au n°3 de la rue Roger-Mention. Des réparations importantes ont lieu dans les années 1820 sur le bâtiment existant, alors en pans de bois et torchis avec pignon en pierre. Conduits par l’entrepreneur monsieur Fléchelle, ils sont réceptionnés en 1828 : reconstruction de la porte cochère, remplacement de la toiture en chaume par des pannes, construction d’une écurie côté ouest, création d’un puits, réparation de la charpente, de la cave et pose de fenêtres neuves.

Le presbytère est reconstruit en brique entre 1868 et 1872 par Germer Dubois, entrepreneur à Hédencourt. Les plans sont établis par monsieur Dercheu, architecte de la mairie-école.

La commune le loue au curé Jolly, à partir de 1907. Qualifié d' "ancien presbytère" dans le bail de 1936, le curé n’y réside déjà plus à cette époque.

  • Typologies
    vallée sèche ; type poche

Documents d'archives

  • AD Oise. Série J ; sous-série 49 J : 49 Jp 13. Troussencourt. Inventaire des croix et calvaires. Archives de l'association pour la connaissance et la conservation des calvaires et croix du Beauvaisis, 2007.

  • AD Oise. Série M ; sous-série 6 M : 6 Mp 712. Troussencourt. Recensements de population (1820 à 1936).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 24545. Troussencourt. Dossiers communs à plusieurs bâtiments (1837-1873).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 24546. Troussencourt Mairie et écoles (1834-1901).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 24549. Troussencourt. Presbytère (1819-1936).

Bibliographie

  • BATICLE, C.-A. (abbé). Nouvelle histoire de Breteuil en Beauvaisis et de ses antiques relations avec les villages environnants. Paris : Res Universalis, 1989. Réédition du livre de 1891.

  • BAYARD, Aline, BAYARD, Raymond. Les maisons paysannes de l'Oise. Eyrolles, 2000, 240 p.

  • FOSSIER, Robert. La terre et les hommes en Picardie jusqu'à la fin du XIIIe siècle. Paris : Béatrice-Nauwelaerts, 1968.

  • LEBÈGUE, Maurice. Les noms des communes du département de l'Oise. Amiens : Musée de Picardie, 1994.

  • Notice descriptive et statistique sur le département de l'Oise. Paris : Imprimerie du du service géographique, 1902.

  • SEYDOUX, Philippe. Châteaux et gentilhommières en pays de l'Oise. Tome 1 : Beauvaisis, Vexin, pays de Bray, Plateau picard et pays de Clermont. Paris : La Morande, 2010.

Périodiques

  • GRAVES, Louis. Précis statistique sur le canton de Breteuil, arrondissement de Clermont (Oise). Annuaire de l'Oise. Beauvais : Achille Desjardins, 1843.

  • [Anonyme]. Essai sur les anciennes familles nobles existant actuellement dans le département de la Somme. Le cabinet historique de l'Artois et de la Picardie, 1899, T14, 410 p.

Documents figurés

  • Troussencourt (Oise). Église, carte postale, éd. A. Bouteille, [premier quart du XXe siècle] (coll. part.).

  • Troussencourt (Oise). Rue de l'Église, carte postale, [éd. inconnu], [premier quart du XXe siècle] (coll. part.).

  • Troussencourt (Oise). Le Château, carte postale, éd. A. Bouteille, [premier quart du XXe siècle] (coll. part.).

  • Troussencourt. Cadastre dit napoléonien, section A du Village, 1828 (coll. communale).

  • Troussencourt. Cadastre rénové, section A, feuille 1, 1933 [en ligne] (AD Oise ; 1964 W 168).

Annexes

  • Les anciennes activités des habitants et habitantes de Troussencourt
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2020, 2023
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Chamignon Lucile
Chamignon Lucile

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France (depuis 2020).

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