Dossier d’œuvre architecture IA60005323 | Réalisé par
  • inventaire topographique, Communauté de communes Oise Picarde
Le village d'Abbeville-Saint-Lucien
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes de l'Oise Picarde - Saint-Just-en-Chaussée
  • Commune Abbeville-Saint-Lucien
  • Dénominations
    village
  • Parties constituantes non étudiées
    abreuvoir, place, presbytère, monument aux morts, croix de chemin, mairie, école, remise de matériel d'incendie, coopérative agricole

Implanté sur un plateau assez élevé, Abbeville-Saint-Lucien se situe à une dizaine de kilomètres de Beauvais, à 600 mètres au nord-ouest de la D1001 qui traverse l'écart de Bois-Saint-Martin dont une partie est rattachée à la commune.

Le village tient son origine et son nom à l'implantation d'un domaine agricole sur des terres appartenant à l'abbaye Saint-Lucien de Beauvais. D'après un plan terrier dressé dans la seconde moitié du 18e siècle, la ferme seigneuriale se situait juste au nord de l'église. Formant un village-rue, Abbeville-Saint-Lucien était traversé par la route reliant Breteuil à Beauvais, d'origine médiévale. Celle-ci est toutefois déplacée un peu plus au sud-est autour de 1800 pour devenir plus tard la départementale 1001.

Profitant de la proximité avec Beauvais, agriculture et artisanat ont été les activités principales des habitants. Des marchands fournissaient de la viande et des céréales à la population urbaine tandis que couvreurs, charpentiers ou maçons trouvaient de l'embauche dans la ville.

La marque de ces activités tournées essentiellement vers l'agriculture et l'artisanat se retrouvent dans les formes d'habitat anciennes encore visibles aujourd'hui : fermes picardes loties sur des parcelles en lanières ou ferme à cour sur des terrains plus grands sont majoritaires. Le village comptait également quelques commerces, disparus dans les années 1960. Grâce à sa proximité avec Beauvais, Abbeville-Saint-Lucien connait une reprise démographique à partir des années 1980 et une zone pavillonnaire se développe rue de Beauvais, proche de la route menant à cette agglomération. Ainsi, en 2019, le village compte 503 habitants répartis dans 215 logements, dont 93% de résidences principales (source : INSEE).

Origines

 

Le nom du village est directement lié à l’abbé du monastère Saint-Lucien de Beauvais qui était le seigneur des terres du lieu et détenait le droit de nomination du curé de la paroisse (L. Graves, 1832). Ainsi, « Abbatis villa », première occurrence du nom du village relevée dans un acte de 1157 signifie littéralement « le domaine de l’abbé » (É. Lambert, 1987). L’habitat se développe autour d’un domaine agricole détenu par les moines, construit juste derrière l’élévation nord de l’église (voir le plan terrier levé dans la seconde moitié du 18e siècle). Il a complètement disparu aujourd’hui.

De plus, l’emplacement du village est favorable : il se trouve sur une route tracée à l'époque médiévale reliant Breteuil à Beauvais, entre deux anciennes voies romaines menant d'Amiens à Beauvais. Avec l’augmentation de la population, une paroisse est créée et une église est construite.

 

Évolution de la morphologie et du parcellaire

 

Comme le figure le plan terrier de l’abbaye Saint-Lucien de Beauvais (seconde moitié du 18e siècle), le village se développe autour du domaine seigneurial des moines et de l’église le long de l'ancienne route reliant Breteuil à Beauvais, lui donnant la forme d’un village-rue. Il se termine au sud par une fourche au centre de laquelle s’étend la place publique. La partie nord du village forme un « T » : la rue principale est ainsi coupée par une route perpendiculaire. 

À la limite des 18e et 19e siècles, la route royale de Breteuil à Beauvais est légèrement déplacée au sud et devient l’actuelle départementale 1001. L’habitat croit alors le long de l’axe est-ouest (actuelle départementale 9 reliant Lafraye à Auchy-la-Montagne) et au sud du village, l’ancienne route de Breteuil à Beauvais (actuelle rue de Fontaine) est dévitalisée.

La forme du village et la densité de l’habitat restent stables jusqu’aux années 1980 quand de nouvelles zones sont loties de pavillons, à la faveur d’une reprise démographique. Ces sections sont situées à l’est du village, en direction de la D1001 : la rue des Vignes et la rue de Beauvais émergent alors. Cette dernière a été agrandie dans les années 1990 car dans le cadre de la construction de l'autoroute A16, les propriétaires riverains ont pu vendre des parcelles afin de construire ces pavillons (G. Davesne, 2020).

Le parcellaire est typique des villages-rues du plateau picard. Bien visible sur le plan terrier de la 2e moitié du 18e siècle, il est fait de « trinquettes », fines lanières qui relient la rue au tour de ville. Si cette forme de parcelle est toujours bien représentée aujourd’hui, les pavillons modernes s’implantent toutefois sur des terrains plus larges.

 

Lieux partagés et structurants

 

                Les limites du village : croix de chemin et tour de ville

 

                               Un tour de ville très bien conservé

 

Le tour de ville, aménagement commun aux villages du plateau picard, est le sentier qui sépare la zone agricole de la zone habitée. Il longe l’arrière des parcelles des habitations et permet d’accéder directement aux pâtures et champs par un portillon aménagé dans les clôtures des jardins. Le tour de ville d’Abbeville-Saint-Lucien est complet, excepté une partie de la section sud-est reliant le tour de ville à la rue de Fontaine.

Les sentiers sont parallèles à la rue principale et accessibles par des chemins perpendiculaires faisant se rejoindre tour de ville et rue. Ces derniers se trouvent aux extrémités du village et au centre de celui-ci (au niveau de l’église et de la mairie par exemple, la rue de Beauvais et la ruelle de l’école mènent au tour de ville ouest).

 

                               Croix de chemin existantes et disparues

 

L’étude du plan terrier de la 2e moitié du 18e siècle met en lumière l’existence de deux croix de chemin qui matérialisaient les limites nord et sud du village et qui ont aujourd’hui disparu. La première, au nord, se trouvait sur le carrefour de la rue des Frênes et de la Mairie. Elle aurait été remplacée en 1828 par Louis Dufeu et aurait définitivement disparu dans les années 1900 (archives de l’A4CB).

Au nord de la place publique, au creux de la fourche formée par les rues du Bois et de Fontaine se dressait une autre croix, également visible sur le plant terrier du 18e siècle. Représentée sur les cartes postales du début du 20e siècle (reproduites dans le livre de D. Delattre), elle disparaît au cours des décennies suivantes. Seul son socle était encore visible dans les années 1950.

Trois croix ont pu être relevées aujourd’hui. La première se trouve juste en face de l’église. Elle se trouvait dans l’enceinte de l’ancien cimetière et aurait été installée aux frais de Roch Tavernier, marchand de porc, et Germer Casimir Lasne, géomètre, en remerciement d’avoir été dispensés de la conscription en 1806. La croix a ensuite été réparée plusieurs fois, en 1838 d’abord, aux frais de M. Lasne, puis en 1978 après l’accrochage d’un engin. Enfin, elle a été restaurée en 2016 (archives de l’A4CB).

Les deux autres croix se trouvent en dehors de l'artère principale du village. La première est proche du cimetière. Elle a été bénie en 1886 et financée par la famille Tavernier-Potier (inscription sur le socle). Enfin, la dernière croix se situe à l’intersection du tour de ville et de la ruelle de l’école. Aucune information n’a pu être trouvée à son sujet.

 

                Gérer et partager l’eau : mares, puits et pompes

 

Dans son Précis Statistique (1832), Louis Graves note « Il n’y a pas d’eau courante. Une vaste mare, placée dans le voisinage de l’église, doit suppléer à l’absence de toute source ». L’implantation du village sur une plaine élevée contraint en effet les habitants à creuser des puits très profonds. Le plan terrier de la 2e moitié du 18e siècle figure plusieurs puits représentés sous la forme d’un petit cercle doté de deux manivelles. Il est ainsi possible d’en compter cinq (ou six) le long des rues de la Mairie et de la Place. L'un d'eux est encore visible à l'entrée de la rue des Frênes en venant du Bois-Saint-Martin.

Les mares sont donc des aménagements indispensables pour abreuver les animaux et disposer d’une réserve en cas d’incendie. Celle qu'évoque Louis Graves existe déjà sur le plan terrier de la seconde moitié du 18e siècle, à côté du domaine seigneurial de l’abbaye. Elle est toujours en place aujourd’hui. Une seconde mare est creusée en 1874, dans la partie nord de la rue de la Mairie (date portée sur le mur). Enfin, deux réserves d’eau visibles sur le cadastre de 1960 ont disparu aujourd’hui : la première se trouvait au bord de la place publique, juste derrière l’ancienne croix ; la seconde se situait juste un peu au nord, à la place du n°28 rue de la Place.

Bien qu'il n'existe plus aucun des puits visibles sur le plan terrier de la seconde moitié du 18e siècle, certains ont été remplacés par des pompes de la marque « Dragor », entreprise créée en 1919 par Henri Legou (D. Delattre, 2020). Deux se trouvent rue de la Place : une devant le n°14, l’autre devant le n°36. Une autre est installée à la place du puits situé devant le n°28 rue de la Mairie. Enfin, une dernière est exposée dans la cour de la mairie.

Le réseau de distribution de l'eau potable dans la commune est créé au début des années 1950 (G. Davesne).

 

Équipements publics : remise des pompes à incendie, mairie-école, presbytère

 

La remise de matériel d'incendie est édifiée en 1864, à côté de l’église et à proximité de la mare pour permettre une réaction rapide en cas d’incendie. Elle est agrandie en 1954.

Les dossiers de la série O conservés aux archives départementales permettent d’éclairer l’histoire des équipements des communes. Ainsi, un projet d’école est formulé par la commune d'Abbeville-Saint-Lucien en 1810. D’après Louis Graves, une maison d’école est donnée par M. Bouteille en 1824. Son emplacement est toujours le même aujourd’hui. Toutefois, dans les années 1840, l’école est en très mauvais état et il est projeté d’acquérir la propriété (gracieusement concédée par les époux Boudin) en face de la mare proche de l’église pour y installer une mairie-école avec logement de l’instituteur. Deux options sont alors envisagées : conserver l’emplacement actuel mais l’agrandir grâce à un don des époux Dubos afin d’améliorer les conditions d’enseignement ; ou accepter la propriété des époux Boudin.

Un litige naît alors entre la commune et l’inspecteur de l'enseignement primaire : alors que la première souhaite acquérir et transformer les bâtiments donnés par M. et Mme Boudin, le second défend la donation Dubos (voir en ill. le plan levé en 1850). La première propriété accumule en effet trop d’inconvénients (trop près de la mare communale, ancienne forge en mauvais état, absence de plancher au grenier etc). Alors que la commune a bien avancé dans son projet de mairie-école, l’inspecteur prononce l’acceptation d’office, obligeant le conseil municipal à recevoir la donation Dubos et à renoncer à son premier projet. En 1854, la commune cède et il est projeté de diviser la mairie-école envisagée en deux parties : la première comprend la salle de classe en rez-de-chaussée et la mairie au premier étage ; la seconde, de l’autre côté du couloir, est dédiée au logement de l’instituteur. Les travaux, menés par M. Rigault, entrepreneur en maçonnerie, sont terminés en 1862. Cet édifice est aujourd’hui la mairie, tandis qu’une nouvelle école a été construite dans la parcelle adjacente dans les années 1960 (G. Davesne, 2020).

L’ancien presbytère se trouve à l’angle des rues de Beauvais et de la Place. D’après les archives de la série O (AD Oise), il a été acheté aux époux Quesnoy par la commune en 1817. De nombreuses réparations sont nécessaires en 1838 et l’architecte d’arrondissement Bellanger programme des travaux. Pierre Demouchy les exécute. Il construit également un fournil et une porte cochère. Après la loi de séparation de l’Église et de l’État, le presbytère est loué par la commune en 1907 et finalement vendu en 1922. Les curés d’Abbeville-Saint-Lucien préfèrent alors habiter à Maulers.

  • Typologies
    plateau ; village-rue

Documents d'archives

  • AD Oise. Série J ; sous-série 49 J : 49 Jp 9. Abbeville-Saint-Lucien. Inventaire des croix et calvaires. Archives de l'association pour la connaissance et la conservation des calvaires et croix du Beauvaisis, 2007.

  • AD Oise. Série M ; sous-série 6 M : 6 Mp 3. Abbeville-Saint-Lucien. Recensements de population (1820 à 1936).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 26047. Abbeville-Saint-Lucien. Mairie-école (1810-1930).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 26051. Abbeville-Saint-Lucien. Presbytère (1816-1922).

Bibliographie

  • DAVESNE, Gérard. Abbeville-Saint-Lucien. Découvrir la commune d'hier et d'aujourd'hui. Abbeville-Saint-Lucien, 2020.

  • DELATTRE, Daniel. Le canton de Saint-Just-en-Chaussée : 84 communes, 84 lieux incontournables. Grandvilliers : éditions Delattre, 2020.

    p. 8-14.
  • GRAVES, Louis. Précis statistique sur le canton de Froissy, arrondissement de Clermont (Oise). Annuaire de l'Oise. Beauvais : Achille Desjardins, 1832.

    p. 25-26.
  • LAMBERT, Émile. Dictionnaire topographique du département de l'Oise. Amiens (Musée de Picardie) : Société de linguistique picarde, 1982 (tome 23).

    p. 3.
  • Notice descriptive et statistique sur le département de l'Oise. Paris : Imprimerie du du service géographique, 1902.

    p. 239.

Documents figurés

  • Abbeville-Saint-Lucien. Plan des terres relevant de l'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais, [18e siècle] (AD Oise ; plan 727).

  • Abbeville-Saint-Lucien. Cadastre rénové, section C, feuille 3, 1939 (AD Oise ; 1964 W 1).

  • Abbeville-Saint-Lucien. Cadastre rénové, section C, feuille 3, 1960 (AD Oise ; 1964 W 1).

Annexes

  • Les activités anciennes des habitantes et habitants d'Abbeville-Saint-Lucien
Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général