Dossier d’œuvre objet IM02005327 | Réalisé par
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Plouvier Martine
Plouvier Martine

Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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  • mobilier et objets religieux, la cathédrale de Soissons
Verrière légendaire (vitrail archéologique, verrière hagiographique) : scènes de l'histoire de saint Laurent, scènes de l'histoire de saint Gervais et saint Protais (baie 11)
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Ministère de la culture - Inventaire général
  • (c) Département de l'Aisne
  • (c) AGIR-Pic

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Grand Soissons Agglomération - Soissons-Sud
  • Commune Soissons
  • Adresse Cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais , place Cardinal-Binet
  • Emplacement dans l'édifice première chapelle nord du déambulatoire, dite chapelle Saint-Rufin (baie 11)
  • Dénominations
    verrière
  • Titres
    • Scènes de l'histoire de saint Laurent
    • Scènes de l'histoire de saint Gervais et saint Protais
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Sacré en 1890, Monseigneur Jean-Baptiste Duval forme le dessein d'orner la cathédrale de verrières, et tout particulièrement les chapelles du déambulatoire. Ces travaux sont confiés au peintre-verrier Félix Gaudin, installé, depuis 1890, 6 rue de la Grande-Chaumière à Paris, et qui vient de restaurer trois des grandes verrières de l'abside. Après avoir doté vers 1891-1892 les chapelles Saint-Paul et Saint-Pierre de deux ensembles consacrés aux saints soissonnais Crépin et Crépinien, puis Gervais et Protais, Félix Gaudin esquisse un projet de verrières pour les trois baies de la chapelle Saint-Valère. Enfin, un devis est dressé par l'architecte diocésain Paul Gout, en 1894, pour les verrières de la dernière chapelle absidale à vitrer ou chapelle Saint-Rufin.

Si l'on en croit ce devis estimatif conservé aux Archives nationales, les trois baies de la chapelle Saint-Rufin, murées dans leur partie inférieure, conservent des médaillons anciens. Ils se rapporteraient dans la fenêtre centrale, à l'histoire de saint Laurent, et dans les deux baies latérales, à la légende de deux saints évêques. Il s'agit alors de remettre en plomb les éléments subsistants et de refaire les parties manquantes.

L'existence de verrières anciennes dans cette chapelle à cette époque est particulièrement surprenante car, vers le milieu du 19e siècle, le baron de Guilhermy spécifie sans ambiguïté que seules les trois chapelles du fond de l'abside sont ornées de verrières. La chapelle Saint-Rufin en est donc alors totalement dépourvue. La présence de panneaux peints, quelques décennies plus tard, doit résulter du déplacement d'éléments excédentaires provenant des fenêtres hautes du chœur ou de la chapelle Saint-Pierre, après leur dépose en 1882.

Quoi qu'il en soit, les travaux de vitrerie de cette chapelle sont réalisés en 1895, avec la participation financière de l'évêque de Soissons. La fenêtre centrale (baie 11), qui retrouve sa taille d'origine, reçoit une verrière constituée de huit quadrilobes superposés, associant chacun deux scènes de la vie de saint Laurent. Néanmoins, les archives de l'atelier Gaudin attribuent le dessin de la totalité des scènes au cartonnier Émile Delalande. Cet artiste est le cartonnier exclusif du peintre-verrier Félix Gaudin, après l'installation de ce dernier à Paris en 1890. Il est en outre spécialisé dans un dessin s'inspirant de l'art médiéval. La verrière semble donc avoir été entièrement refaite, et ne renfermer aucun élément médiéval.

Seule la moitié inférieure du vitrail subsiste aujourd'hui, mais le "Registre des petits cartons", conservé à l'atelier Gaudin, permet de connaître approximativement les sujets des quadrilobes qui ont été détruits pendant la Première Guerre mondiale. La moitié supérieure de la verrière était occupée par les huit scènes suivantes. Une scène montrait un ange pansant les blessures de saint Laurent. Deux scènes se rapportaient au martyre de saint Laurent, étendu sur un chevalet ou sur un gril, puis brûlé. Ensuite le corps du martyr était transporté dans un champ, au bord de la voie Tiburtine, pour être inhumé. L'empereur Constantin faisait construire une église (Saint-Laurent-hors-les-Murs) sur le site de la tombe du martyr. Les trois dernières scènes (14e, 15e et 16e scènes) se rapportaient à l'arrivée des reliques à Laon. Le sujet de la quatorzième scène (Une châsse est rapportée par un religieux au couvent de Labret) est difficile à identifier. L'histoire légendaire des reliques de saint Laurent raconte qu'un religieux de l'abbaye prémontrée Saint-Martin de Laon, ayant eu en songe une vision de saint Laurent, se rend en Hongrie à l'abbaye Sainte-Croix de Lehses ou Lelesz où se trouve une relique de saint Laurent (un bras), peu honorée. Avec l'aide céleste du saint martyr, il s'empare de la relique, dans le but de la rapporter à Laon. Il est donc vraisemblable que la 14e scène était consacrée à cet épisode. Sur la 15e scène, les prémontrés de Laon allaient au devant de la relique, jusqu'à Diona, abbaye de Norbertines située près de Rethel. Enfin, l'évêque de Laon, Anselme (1215-1238), accueillait la relique rapportée par les prémontrés, avant qu'elle fût déposée à l'abbaye Saint-Martin.

Monseigneur Péchenard, présent pendant la Grande Guerre, rapporte que le 12 février 1915, une bombe détruit la moitié supérieure de ce vitrail, en frappant un contrefort du chevet. Les verrières des chapelles absidales sont déposées la même année. Après la fin du conflit, le chœur, moins atteint que la nef, est rapidement rendu au culte. Puis après restauration, les vitraux des chapelles du déambulatoire peuvent reprendre leur place vers 1925 (d'après les archives des Monuments historiques). Dans la chapelle Saint-Rufin, la baie centrale ne peut recevoir que la demi-verrière épargnée en 1915 et reste donc partiellement bouchée.

La verrière est complétée en 1970-1971, par quatre scènes consacrées à la vie de saint Gervais et saint Protais, œuvres de Jacques Le Chevallier (atelier de Fontenay-aux-Roses). Selon l'étude de Jean Ancien, les parties complémentaires de la verrière ont été posées le 27 mars 1971.

La verrière prend place dans une baie en forme de lancette, qui s'achève en arc brisé à sa partie supérieure. Elle est composée de dix panneaux superposés. Les scènes figurées occupent huit quadrilobes, superposés sur l'axe vertical de la verrière. Cette dernière est formée d'un assemblage de pièces de "verre antique" rehaussées de grisaille, parmi lesquelles se remarquent des pièces de verre rouge hétérogène.

  • Catégories
    vitrail
  • Structures
    • baie libre, rectangulaire vertical, en arc brisé
  • Matériaux
    • verre transparent, soufflé, taillé, peint, grisaille sur verre
    • plomb, réseau
  • Précision dimensions

    Mesures approximatives : h = 780 ; la = 150.

  • Précision représentations

    La verrière comporte huit quadrilobes superposés, dont les quatre premiers associent chacun deux scènes. Ils se rapportent à la vie de saint Laurent, jusqu'à son martyre, puis à des scènes de la vie et du martyre de saint Gervais et saint Protais. Les histoires se déroulent de bas en haut.

    Description des scènes de l'histoire de saint Laurent, d'après la Légende dorée :

    - Premier quadrilobe, scène droite : le pape saint Sixte ordonne saint Laurent archidiacre de l'Eglise de Rome. Le pape porte la tiare sur la tête et tient la croix papale à la main gauche. Devant lui est agenouillé saint Laurent. Le geste du pape indique qu'il est en train de confier une mission. À cette époque, ce qui caractérise la fonction diaconale, c'est la responsabilité caritative envers les nécessiteux. De ce fait, les diacres gèrent la caisse de la communauté.

    - Premier quadrilobe, scène gauche : en cette période de persécution, le pape saint Sixte est arrêté. Alors qu'il est conduit à l'empereur Dèce, il annonce à saint Laurent leur futur martyre, puis il ordonne au diacre de distribuer les trésors de l'Église aux églises et aux pauvres. Saint Sixte debout et captif est entraîné par un soldat armé d'une lance et l'air mécontent. Le pape bénit saint Laurent qui est agenouillé mains jointes devant lui.

    - Deuxième quadrilobe, scène droite : saint Laurent recherche les chrétiens. Il se rend à la maison d'une veuve qu'il guérit de maux de tête. Saint Laurent, debout et de profil, impose les mains à une femme malade, couchée dans un lit. Le geste d'émerveillement de la femme traduit la guérison miraculeuse qui vient de se produire.

    - Deuxième quadrilobe, scène gauche : saint Laurent lave les pieds des pauvres et leur donne l'aumône. Deux hommes sont assis. Saint Laurent est agenouillé devant eux et lave ou essuie un pied de l'un des hommes. À côté de lui, se trouvent un bassin et une aiguière. À l'arrière-plan, une femme admirative assiste à la scène.

    - Troisième quadrilobe, scène droite : ayant appris que saint Laurent gardait les trésors de l'Église et les dépensait, des soldats s'emparent de lui et le livrent à Dèce. Saint Laurent, debout et de trois-quarts a les mains liées. Il est entraîné par un soldat. Un autre soldat le suit, armé d'une lance.

    - Troisième quadrilobe, scène gauche : saint Laurent est gardé par un officié nommé Hippolyte. Il convertit cet officier et le baptise avec toute sa famille. Saint Laurent, debout et de trois-quarts, verse l'eau du baptême sur Hippolyte, agenouillé de face et les mains jointes. À côté de lui, les membres de sa famille, dont sa femme et un enfant, tous agenouillés, attendent d'être baptisés.

    - Quatrième quadrilobe, scène droite : saint Laurent a obtenu un délai de trois jours pour apporter les trésors de l'Église à Dèce. Il réunit les pauvres et les infirmes, et les présente à Dèce comme les véritables trésors de l'Église. Le vitrail montre un roi, assis de trois-quarts, l'air fâché. Saint Laurent, debout et de trois-quarts, lui présente un infirme, à demi-nu. Il est suivi d'un groupe de pauvres.

    - Quatrième quadrilobe, scène gauche : saint Laurent ayant refusé de sacrifier aux dieux, l'empereur le fait fouetter avec des fouets garnis de plomb. Saint Laurent est représenté debout et de face, le torse nu et les poignets liés. Il est encadré par deux bourreaux au visage caricatural, dont l'un brandit un fouet à lanières terminées par des boules de plomb, et l'autre tient des verges.

    Description des scènes de l'histoire de saint Gervais et saint Protais :

    - Cinquième quadrilobe : saint Gervais et saint Protais aident saint Nazaire à construire une église. Un des personnages est debout et les deux autres semblent agenouillés. Ils paraissent porter des pierres et peut-être une poutre. L'arrière-plan est occupé par une église.

    - Sixième quadrilobe : saint Gervais et saint Protais baptisent une jeune fille et son père. Saint Protais est debout et de face, un cierge allumé à la main, près de fonts baptismaux. Saint Gervais est debout et de trois-quarts, tenant un récipient. La jeune fille et son père sont agenouillés mains jointes devant lui.

    - Septième quadrilobe : saint Gervais est frappé du fouet, saint Protais a la tête tranchée. Les deux saints sont agenouillés de trois-quarts, en prière et le torse nu. Deux soldats romains, portant la cuirasse et le casque, se dressent derrière eux. L'un brandit un fouet à lanières, et l'autre tient un glaive.

    - Huitième quadrilobe : saint Gervais et saint Protais apparaissent à saint Ambroise. Saint Ambroise est assis devant une table, de trois-quarts dos. Derrière lui, se voit une église. Devant lui, apparaissent les deux jeunes saints, dans un halo lumineux. Il y a là une adaptation de la légende puisque l'apparition est réputée avoir eu lieu, tandis que saint Ambroise priait dans l'église Saint-Nabor-et-Félix à Milan.

    Ces quadrilobes se détachent sur un fond ornemental d'écailles et de fleurettes, scandé par des demi-cercles occupés par des rosaces de feuilles d'acanthe. Une frise de feuillage borde la verrière.

  • Inscriptions & marques
    • inscription donnant l'identité du modèle, peint, sur l'oeuvre, latin
    • inscription concernant l'iconographie, peint, sur l'oeuvre
  • Précision inscriptions

    Sur la moitié inférieure de la verrière, réservée aux scènes de la vie de saint Laurent, la majeure partie des inscriptions latines se détachent en réserve sur un fond noir. Le nom des personnages représentés est inscrit dans un bandeau, soit contigu à leur représentation, soit placé sous leurs pieds. Sur la moitié supérieure de la verrière, où prennent place les scènes modernes de la vie de saint Gervais et saint Protais, les textes français se détachent également en blanc sur noir. Ils ne donnent pas uniquement le nom des personnages, mais le sujet des scènes représentées. Dans les deux cas, le déroulement de l'histoire s'effectue de bas en haut.

    Premier quadrilobe, scène droite : SIXTV[S] ; scène gauche : S XISTV.

    Deuxième quadrilobe : scène droite et scène gauche : LAVRENTIVS.

    Troisième quadrilobe : scène droite : LAVRENTIV[S] ; scène gauche : LAVRENTIVS, HIPOLYT[E].

    Quatrième quadrilobe : scène droite et scène gauche : LAVRENTIVS.

    Cinquième quadrilobe : ST GERVAIS / ET / ST PROTAIS / AIDENT / ST NAZAIRE / A CONSTRUIRE / UNE EGLISE.

    Sixième quadrilobe : SAINT / GERVAIS / ET SAINT / PROTAIS / BAPTISENT UNE / JEUNE FILLE / ET SON / PERE.

    Septième quadrilobe : ST GERVAIS / EST FRAPPE / DU FOUET / ST PROTAIS / A LA TETE / TRANCHEE.

    Huitième quadrilobe : SAINT GERVAIS / ET SAINT PROTAIS / APPARAISSENT A / ST AMBROISE.

  • État de conservation
    • oeuvre restaurée
    • plombs de casse
    • oeuvre complétée
    • grillage de protection
    • salissure
  • Précision état de conservation

    Le 12 février 1915, un projectile brise la moitié supérieure de la verrière, n'endommageant que quelques verres de la partie inférieure, comme en témoignent les photographies conservées à la Médiathèque du Patrimoine. Les registres inférieurs restaurés reprennent leur place après la Première Guerre mondiale. La verrière est complétée vers 1970 par une composition moderne à la tonalité un peu plus sombre. Cette création, qui respecte la composition générale de la verrière et l'échelle des personnages, s'est éloignée de l'histoire de saint Laurent pour s'attacher à celle des saints Gervais et Protais. La verrière est protégée par un grillage. Elle est très sale à l'extérieur, ce qui atténue sa translucidité.

  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat

Documents d'archives

  • AN. Série F ; Sous-série F 19 (Cultes) : F 19, carton 7891 (Travaux exécutés dans la cathédrale de Soissons au cours de la période concordataire ; 1894-1906).

    Devis estimatif des grosses réparations à exécuter sur les verrières du 13e siècle d'une des chapelles de l'abside (1894).
  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 196. Soissons, cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais, restaurations diverses, restauration de la nef et du déambulatoire (1924-1925).

    Travaux de 1924 : rapport de l'architecte Brunet du 11 juin 1924 et devis.
  • A Évêché Soissons. Série P (paroisses) : P Soissons-Cathédrale, 3 D. Travaux, aménagements liturgiques, mobilier de la cathédrale de Soissons.

    dossier vitraux : correspondance entre le peintre-verrier Jacques Le Chevallier et le chanoine Henri Doyen.
  • AP atelier Gaudin : Registre des petits cartons.

    N 01816-N 01831.
  • BnF (Cabinet des Manuscrits) : naf 6109 (collection Guilhermy, 16). Description des localités de la France (Soissons).

    Folio 257 r°.

Bibliographie

  • ANCIEN, Jean. Vitraux de la cathédrale de Soissons. Réédition du livre du 24 juillet 1980. Neuilly-Saint-Front : imprimerie Lévêque, 2006.

    p. 126-131.
  • FRANCE. Corpus Vitrearum Medii Aevi. Les vitraux de Paris, de la Région parisienne, de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais. Recensement des vitraux anciens de la France, vol. 1. Paris : éditions du CNRS, 1978.

    p. 171.
  • LUNEAU, Jean-François. Félix Gaudin, peintre-verrier et mosaïste (1851-1930). Collection Histoires croisées. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2006.

  • PÉCHENARD, Monseigneur Pierre-Louis. La grande guerre. Le Martyre de Soissons (Août 1914-Juillet 1918). Paris : Gabriel Beauchesne, 1918.

    p. 191.
Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2004
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Riboulleau Christiane
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Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

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Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

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