Dossier d’œuvre architecture IA60005411 | Réalisé par
Chamignon Lucile (Rédacteur)
Chamignon Lucile

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France (depuis 2020).

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  • inventaire topographique, Communauté de communes Oise Picarde
Le village de Villers-Vicomte
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes de l'Oise Picarde - Saint-Just-en-Chaussée
  • Commune Villers-Vicomte
  • Dénominations
    village
  • Parties constituantes non étudiées
    abreuvoir, mairie, école, presbytère, monument aux morts, magasin de commerce, croix de chemin

Il est possible de retracer l’origine de Villers-Vicomte en décomposant son toponyme : "Villers" fait référence à la présence d’un ou plusieurs gros domaines agricoles à l’époque gallo-romaine et "Vicomte" témoigne du rattachement du village au comté de Breteuil au cours du Moyen Âge.

En raison des guerres survenues à la fin du Moyen Âge, la population alors installée le long du chemin dit de Catheux se déplace un peu plus au sud dans le creux du vallon où elle se trouve toujours actuellement.

Population tournée principalement vers le tissage d’étoffes de laine, elle connaît une hausse démographique au cours du XIXe siècle grâce à l’implantation d’une fabrique de toiles à l’initiative de la famille Calongne. Touché par l’exode rural et la concurrence des usines voisines (notamment usines de phosphates à Hardivillers et Breteuil, entreprise d'articles d’éclairages à Esquennoy), le village connait cependant une baisse démographique forte et constante à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. La population passe alors de 523 habitants en 1836 à 127 en 1936. Elle connaît un léger sursaut dans les années 1980 et compte en 2021 138 habitants répartis dans 77 logements.

Origine

 

Plusieurs sites de peuplement ancien ont été repérés sur le territoire communal de Villers-Vicomte. Les prospections aériennes réalisées par Roger Agache et François Vasselle dans les années 1960 et 1970 ont mis au jour des vestiges de villas romaines (gros domaines agricoles) dans plusieurs lieux-dits (Le Travaillet, le Bois de la Tremblée, La Renardière, Les Vignes, Les Saules…). Lors de la construction de l’autoroute A16, une nécropole de l’époque de la Tène (second âge de fer, entre -450 et -25 av. J-C.) a été découverte et étudiée par G. Prilaux. En outre, les traces d’un habitat mérovingien ont été identifiées.

Le nom "Villers" provient directement du latin villa et serait un toponyme très fréquent pour les villages structurés vers le VIIIe siècle et qui ont pour origine l’implantation d’un gros domaine agricole à l’époque romaine (Lebègue, 1994) -, le nom "Villaris" est d’ailleurs cité dans un acte de 766 (Lambert, 1987). Le composé "- vicomte" est plus tard accolé en raison de la dépendance du village au comté de Breteuil. Son nom latin est ainsi Villare Comitis ("domaine du comte") en 1225 dans le cartulaire de cartulaire de l’abbaye de Froidmont (Lambert, 1987).  

D’après Louis Graves (1843), c’est toutefois sur le chemin dit "de Catheux" que le village se structure dans un premier temps. Cet ancien axe de circulation reliant Breteuil à Grandvillers a été pratiqué dès l’époque médiévale. C’est aujourd’hui un sentier parallèle à la rue Martin et situé juste au nord. Les destructions subies à plusieurs reprises au cours des Guerres de Cent Ans du XVe siècle ont poussé la population à se déplacer dans le creux du vallon, caché par les bois, à l’emplacement actuel.

Après la Révolution, l’installation d’une fabrique de toiles de coton, soie et laine par la famille Calongne dans le second quart du XIXe siècle a fourni du travail à une grande partie des habitants.

 

Évolution de la morphologie et du parcellaire

 

Implanté dans le creux d’une vallée sèche, Villers-Vicomte se compose de deux rues principales (rue Fournier et rue Martin) qui s’étirent depuis l’ouest le long du versant et fusionnent au centre du village, au niveau de l’église. La voie s’étend alors jusqu’à la sortie est du village (rue Poncelet). Dans la zone ouest, les deux branches du Y sont reliées par la ruelle Mény.

Installée dans le creux de la fourche formée par les deux rues, l’église occupe le centre du village. D’après le cadastre dit napoléonien établi dans le premier quart du XIXe siècle, un important domaine agricole (un large terrain est nommé "La Ferme" sur le plan) semblait exister sous l’Ancien Régime en face de l'entrée occidentale de l’église. Il a pu appartenir à l’abbaye de Breteuil qui détenait la plupart des terres de Villers-Vicomte avant la Révolution, il semble avoir été détruit après (un seul bâtiment paraît encore en place sur le cadastre du début du XIXe siècle).

La mairie-école, construite plus tardivement dans le XIXe siècle, se trouve juste à l’est, à l’entrée de la rue du Poncelet. La rue Fournier est en outre ramifiée par les rues du Bois Baudouin et d’Hardivillers. Entre ces deux voies se trouvait probablement un ancien terrain de jeu de paume (voir la carte de l’état-major dressée au milieu du XIXe siècle) qui est aujourd’hui un terrain de tennis. Juste au sud se trouve le cimetière.

Au début du XIXe siècle, hormis la ruelle Mény qui compte peu de maisons, les rues sont loties d’un habitat dense réparti de manière régulière. Le parcellaire en lanières juxtaposées (ou "trinquettes" en picard) est alors généralisé. Il reste toujours visible dans certaines zones comme dans la rue Fournier (n°8 à 12) ou dans la rue Poncelet (par exemple aux n°3 à 7 et aux n°15 à 21).

Le nombre de maisons a cependant diminué de manière régulière à partir de 1872 (128 maisons en 1856 puis 106 en 1876 et 46 en 1936). Le tissu urbain a donc compté de plus en plus de dents creuses à mesure que les maisons ont été abandonnées puis détruites. Cette chute démographique a résulté de l’exode rural (la fermeture de l’usine de tissage dans les années 1890 a supprimé de nombreux emplois) et de la Première Guerre mondiale (221 habitants en 1911 et 184 en 1921).

La commune compte aujourd’hui 77 logements. Plusieurs pavillons ont été construits après les années 1960 à la faveur d’un léger sursaut démographique. Ils sont établis sur d’anciennes parcelles, souvent remembrées ou bien sur de nouveaux terrains aux sorties du village (rue de Breteuil, rue Martin).  

 

Lieux partagés et structurants

 

               Les limites du village : tour de ville et croix de chemin

 

                              Les sentiers du tour de ville : le Chemin de Catheux et le Chemin de la Procession

 

Les villages du plateau picard, surtout les villages-rues, étaient bordés d’une ceinture de sentiers séparant la zone habitée de la zone cultivée. C’est sur ces sentiers que les troupeaux étaient menés ou les attelages conduits pour les travaux des champs. Ces sentiers sont parallèles à l’axe principal du village.

La forme allongée de Villers-Vicomte se prête à ce type d’aménagement paysager. Toutefois, seule la section sud du village, dit "Chemin de la Procession" peut être qualifiée de tour de ville. Le nom qu’il porte indique en outre un usage liturgique : les paroissiens l’empruntaient lors de processions religieuses liées aux funérailles (le sentier passe près du cimetière), aux mariages ou aux fêtes patronales.

D’après le cadastre du début du XIXe siècle, il y avait une parcelle de pâture, verger ou de culture entre chacune des maisons et ce Chemin de la Procession, là où, dans la plupart des villages-rues l’accès se faisait directement depuis un portillon aménagé dans la clôture du jardin de la maison.

Côté nord, de l’autre côté de l’axe principal (rue Poncelet-rue Martin), c’est l’ancien "Chemin de Catheux", le long duquel le premier chef-lieu s’est développé qui fait office de tour de ville bien qu’il n’en soit pas un à l’origine. Il a fini par acquérir cet usage car il est situé juste derrière l’axe principal. Comme pour le Chemin de la Procession, il y a souvent une parcelle (verger, pâture, culture) entre l’habitation et le sentier.

 

                              Les croix de chemin

 

Villers-Vicomte compte quatre croix de chemin, traditionnellement nommées "calvaires". Ces ouvrages faisaient le plus souvent office de bornes afin de marquer les intersections et les sorties des villages. Elles constituaient également des stations processionnelles lors de cérémonies religieuses. Rendre hommage à un parent, montrer sa piété ou marquer le lieu d’un événement sont les principales raisons pour lesquelles elles ont été érigées.

L’Association pour la Connaissance et la Conservation des Croix et Calvaires du Beauvaisis les a localisées et a fait des recherches sur l’origine de chacune. La première est implantée près de l’église, au centre du village. Elle matérialise certainement le premier emplacement du cimetière avant qu’il ne soit déplacé à l’écart des habitations au début du XIXe siècle. À l’origine, le piédestal était plus haut, mais sa dégradation dans les années 1960-1970 a entraîné sa restauration par monsieur Douillet.

Les autres croix signalent les trois sorties du village. La première est implantée à la sortie ouest, au bout de la rue Martin. Une croix est déjà figurée sur le cadastre du début du XIXe siècle ce qui indique son ancienneté. Celle qui est aujourd’hui visible aurait été érigée par un couple avant leur mariage. Son socle porte la date de 1868.

La croix à la sortie sud est implantée à l’intersection de la route vers Hardivillers et d’une route menant au sentier rejoignant le chemin du Moulin Brûlé. D’après l’inscription sur son socle, elle a été érigée en mémoire d’Armand Calongne, mort de maladie en 1878. Il était le fils d’Augustin-Jean-Baptiste Calongne, fabricant de draps à Villers-Vicomte.

Enfin, la croix installée à la sortie orientale du village se trouve à l’intersection des routes de Breteuil et d’Esquennoy. Deux dates sont inscrites sur son socle : 1863 et 1899. La première correspondrait à son érection et la seconde à sa restauration.

 

               Gérer et partager l’eau : puits et mares

 

La nature sèche et poreuse des sols du plateau picard explique pourquoi l’eau est un véritable enjeu pour les habitants de ce territoire. La Notice Descriptive et Statistique du département de l’Oise recense en 1902 quatre puits et quatre mares à Villers-Vicomte. Plus aucun puits n’est aujourd’hui conservé.

Une seule mare est toujours en place aujourd’hui, à côté de l’église. Elle existait déjà au début du XIXe siècle car elle apparaît sur le cadastre napoléonien. Les mares servaient de réserve en cas d’incendie et de lieu d’abreuvage pour les troupeaux. Lové dans une cuvette, le village doit en effet faire face à l’accumulation des eaux de pluie en cas de forte averse.

Enfin, un fossé qui permet de désencombrer la rue du Poncelet en cas d’intempéries a été creusé entre les n°26 et 28. Il aboutit au chemin de la Procession, derrière les parcelles.

 

               Équipements communaux

La série O des Archives Départementales de l’Oise éclaire l’histoire des constructions et des travaux réalisés sur les bâtiments communaux : école, mairie et presbytère.

 

                              Mairie et école

 

En 1821, une école existe puisqu’un instituteur occupe une maison que la commune loue. Une affaire survient lorsqu’il fait faire des travaux urgents sans prévenir la mairie. Dix ans plus tard, le mauvais état de son habitation ainsi que la nécessité d’ouvrir une nouvelle école poussent le conseil municipal à formuler un projet de classe avec logement pour l’instituteur. À cette fin, la commune achète en 1835 une propriété dans la rue Poncelet à Denis Dubucois (voir ill.). C’est une petite ferme picarde comprenant un logis en fond de cour et un bâtiment sur la rue, le tout en pans de bois. La classe est installée dans la grange sur la rue tandis que le logement de l’instituteur est aménagé dans le logis. Les travaux d’appropriation réalisés par l’entrepreneur Jean-Marie Decormeilles (demeurant à Villers-Vicomte) sont terminés en 1836.

En 1838, un four est construit dans l’un des bâtiments de la propriété afin que l’instituteur puisse faire son pain lui-même. En 1853, un mur en brique de Breteuil est élevé autour de son logement.

Toutefois, en 1872, le mauvais état de l’école est signalé par l’inspecteur de l’académie. Le préfet enjoint la mairie de faire le nécessaire pour agrandir la classe et rénover le logement de l’instituteur. Le conseil municipal répond cependant que la commune n’a pas les ressources requises pour réaliser ces travaux. En 1878, il décide toutefois d’acquérir la maison contiguë à l’école afin de reconstruire le logement de l’instituteur et d’agrandir l’école (voir ill.). Cependant, les travaux n’ont toujours pas commencé en 1881 en raison du manque de moyens de la commune. Les pères de familles rédigent alors une lettre au préfet pour signaler la situation : l’instituteur renvoie des enfants chez eux car la salle de classe est trop petite pour le nombre d’élèves.

D’après les documents disponibles, la situation de l’école ne semble pourtant pas évoluer. En 1913 une salle de mairie est aménagée dans un vieux local appartenant à la commune, situé dans le même bâtiment que l’école ; une cheminée commune chauffe les deux espaces. Les travaux de la salle de mairie sont menés par l’entrepreneur Martin à Breteuil : les pans de bois des façades sont détruits et les murs sont reconstruits en brique de Gannes. Ce bâtiment existe toujours, aligné sur la rue. En revanche, l’ancienne école qui lui était contiguë a été détruite. Une nouvelle école a pris place dans l’ancien logis de l’instituteur en fond de cour.

Une bibliothèque communale est également instituée. Après la Première Guerre mondiale, elle est reconstituée.

Une nouvelle mairie a été bâtie plus récemment sur la parcelle adjacente.

 

                              Le presbytère

 

Au début du XIXe siècle, la commune dispose d’un presbytère car il est restauré en 1822 à la suite d’un devis réalisé par monsieur Godde, maçon à Hardvilliers : la couverture est réparée, ainsi que le fournil, le mur de clôture et la cave. De nouvelles réparations sont menées en 1857 : le pignon en brique, la cheminée, les solins, la charpente et les plafonds sont refaits par Arsène Baticle, entrepreneur à Breteuil.

Il n’y a pas ou plus ensuite de documents conservés, antérieurs à 1907 aux Archives Départementales. La délibération du conseil municipal disponible pour cette date indique que le presbytère n’est plus habité depuis environ trente ans. Le bâtiment est dans un très mauvais état mais les travaux pour le réparer étant trop coûteux, la mairie décide de ne pas les mener. En 1923, il tombe en ruine. La commune souhaite vendre le terrain, récupérer les briques et construire une nouvelle maison au titre des indemnités des dommages de guerre.

Les plans du nouveau presbytère sont dressés par l’architecte Émile Léget en 1929. Il est réceptionné l’année suivante. En 1936, la commune loue toujours "la maison dite le presbytère". Elle se trouve encore aujourd'hui en place contre l'élévation nord de l'église, entourée du mur de clôture du jardin.

  • Période(s)
    • Principale : Moyen Age
    • Principale : Temps modernes
    • Principale : Epoque contemporaine
  • Typologies
    vallée sèche

Documents d'archives

  • AD Oise. Série J ; sous-série 49 J : 49 Jp 13. Villers-Vicomte. Inventaire des croix et calvaires. Archives de l'association pour la connaissance et la conservation des calvaires et croix du Beauvaisis, 2007.

  • AD Oise. Série M ; sous-série 6 M : 6 Mp 753. Villers-Vicomte. Recensements de population (1806 à 1936).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 25705. Villers-Vicomte. Dossier commun à plusieurs bâtiments (1828-1892).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 25706. Villers-Vicomte. Mairie et école (1821-1931).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 25710. Villers-Vicomte. Presbytère (1821-1938).

  • AD Oise. Série O ; sous-série 2 O : 2 O 25720. Villers-Vicomte. Dommages de guerre (1926-1932).

Bibliographie

  • DELATTRE, Daniel. Le canton de Saint-Just-en-Chaussée : 84 communes, 84 lieux incontournables. Grandvilliers : éditions Delattre, 2020.

    p. 573-576.
  • LAMBERT, Émile. Dictionnaire topographique du département de l'Oise. Amiens (Musée de Picardie) : Société de linguistique picarde, 1982 (tome 23).

    p. 607.
  • LEBÈGUE, Maurice. Les noms des communes du département de l'Oise. Amiens : Musée de Picardie, 1994.

    p. 221.
  • Notice descriptive et statistique sur le département de l'Oise. Paris : Imprimerie du du service géographique, 1902.

    p. 233.

Périodiques

  • GRAVES, Louis. Précis statistique sur le canton de Breteuil, arrondissement de Clermont (Oise). Annuaire de l'Oise. Beauvais : Achille Desjardins, 1843.

    p. 92-93.

Documents figurés

  • Villers-Vicomte. Cadastre napoléonien, [premier quart du XIXe siècle] (AD Oise ; Pp 4983).

  • Villers-Vicomte. Cadastre rénové, 1934 (AD Oise ; 1964 W 173).

Annexes

  • Les activités anciennes des habitants de Villers-Vicomte
Date(s) d'enquête : 2024; Date(s) de rédaction : 2024
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Chamignon Lucile
Chamignon Lucile

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France (depuis 2020).

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