Entièrement détruit durant la Première Guerre mondiale, le village de Fargniers est reconstruit grâce à la dotation de la fondation Carnegie. Une ville nouvelle s'élève à l'est de l'ancien village. dans laquelle sont déplacée la mairie, les écoles et les services.
La commission, créée pour dresser les plans de reconstruction et en conduire la réalisation, est composée de MM. d'Estournelles de Constant, sénateur, président du Centre européen, Justin Godart, député, vice-président du Centre européen, Henri-Paul Nénot, architecte, Membre de l'Institut, Paul Bigot, architecte, Prix de Rome, Paul Landowski, sculpteur, Prix de Rome, Pol Neveux, Inspecteur général des bibliothèques, Honnorat, sénateur, ancien Ministre de l'Instruction publique, Léon L'Hérondelle, maire de Fargniers, Charles Roche, maire de Reims.
La présentation qui en est faite en 1922, dans la revue Conciliation internationale, indique : "après maints remaniements, [le plan] se présente comme un carrefour où, dans les jardins et la verdure, seront édifiés hôtel-de-ville, écoles, pouponnière, bibliothèque, maisons populaires d'études et de jeux, services d'hygiène, bains, etc. Dans un cadre agréable et avec des moyens pratiques, modernes se développeront la vie municipale et la vie sociale de la commune. Comme le désir des Trustees de la Dotation était de voir rapidement exécuter leur décision du 21 avril 1922, afin qu'un modèle de reconstitution fut à la disposition des communes dévastées, le Centre européen pressa les choses et, dès le 9 juillet 1922, la première pierre de la place Carnegie pouvait être posée" (p. 9-10).
Le maire de Fargniers, Léon L'Hérondelle, s'exprime par ces mots : "Notre cité va renaître plus belle, plus prospère qu'autrefois. Les anciennes rues, tortueuses, étroites, incommodes, dangereuses, disparaîtront. Les nouvelles voies plus directes et plus larges permettront une circulation facile aux véhicules et aux piétons. Déjà les grandes lignes du nouveau plan de reconstruction sont esquissées sur le sol : la future route nationale est tracée, le pourtour de la place Carnegie est déterminé, les plans des bâtiments communaux sont achevés et bientôt les chantiers seront en pleine activité, au coeur de notre future cité" (p. 18).
"Fargniers, qui n'était qu'un faubourg de Tergnier avant la guerre, devient, grâce à la Dotation Carnegie, une petite ville indépendante qui sera fière de ses voies larges, de ses groupes scolaires, de sa piscine, de son cinéma, de son école en plein air, de ses jardins d'enfants, de sa bibliothèque, de sa mairie moderne derrière laquelle on a prévu l'emplacement pour le tir à l'arc, si fort en honneur chez les enfants du Valois et de la Thiérache, et le jeu de boules aimé des vieillards. Ce sera une belle cité saine et gaie qui sortira de la terre labourée par les canons à côté des ruines que le temps lentement a nivelées." p. 32.
L'article publié en 1927 dans La technique sanitaire décrit l'avancement des réalisations (annexe). Le plan de la nouvelle ville, publié dans la revue Conciliation internationale (1922), montre un dispositif de voies rayonnantes depuis une place circulaire réunissant tous les équipements publics, entre l'église (reconstruite à son emplacement) et le cimetière (conservé à son emplacement). Le plan montre également la connexion à la trame de l'ancien village.
Les vues aériennes (IGN) permettent également de mesurer l'avancement de l'aménagement urbain de la nouvelle ville qui se développe à l'est du village, jusqu'au cimetière. En 1931, la rue Marceau (actuelle rue Jean-Baptiste-Jourdan), au sud de la place, et les rues projetées au nord de la place ne sont pas encore ouvertes. Le tracé des rues Marceau (Jean-Baptiste-Jourdan) et Lafayette est cependant visible. Au sud de la rue Gambetta, s'étend une cité desservie par six impasses aboutissant à la voie ferrée. La maternité est construite rue Faidherbe, au nord du village.
La connexion avec la trame ancienne conservée se traduit par la rectification du tracé de la rue Jean-Jaurès, au niveau du carrefour de l'église, par l'ouverture de la rue Carnot et la création d'un rond-point auquel aboutissent voies anciennes et voies nouvelles. Le cimetière communal est intégré au plan de la ville nouvelle.
Le projet est partiellement réalisé. Au nord de la place, plusieurs rues prévues ne seront pas ouvertes (rue Hoche et chemin de Saint-Quentin). La rue du 8 mai-1945, aménagée en 1973 pour desservir un lotissement, reprend le tracé de l'avenue de Quessy. La rue Lafayette, tracée en 1931, est achevée en 1944 ; les maisons y sont construites vers 1958 (rive nord) et vers 1970 (rive sud). Au sud de la place, la rue Marceau (actuelle rue Jean-Baptiste-Jourdan), tracée en 1931, est achevée en 1949 jusqu'à la rue Marquette et non jusqu'au rond-point comme le prévoyait le plan. Seules sept maisons seront construites rue d'Estournelles-de-Constant (n° 4 à 12 et 3-5 et 7-9).
Un stade est aménagé entre la place et le cimetière, vers 1962. Au nord de la place, le tracé de la rue du Docteur-Marcel-Lefèvre, ouverte en 1973, ne s'inscrit pas dans le plan d'origine.
La commune de Fargniers fusionne avec celles de Vouel et de Tergnier, en 1974. Peu après cette date commence la destruction progressive des rues d'Italie, puis de Serbie, de Roumanie et de Montenegro, qui permet la construction d'un nouvel ensemble de logements achevés en 1980.
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.